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Date : 20040406

Dossier : IMM-3913-03

Référence : 2004 CF 536

Calgary (Alberta), le 6 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                     HECTOR ABRAHAM CESAR

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                M. Hector Cesar est citoyen cubain et un géologue formé par les Soviétiques. Il prétend que l'esprit de la « perestroïka » qu'il a vécu en U.R.S.S. l'a amené à s'opposer au régime cubain et qu'il a cherché refuge aux États-Unis, puis récemment au Canada. Son arrivée au Canada a été précipitée par la diminution, si ce n'est l'élimination, de la possibilité de devenir résident permanent aux États-Unis en raison d'une déclaration de culpabilité reliée à du passage de clandestins. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.

LES FAITS

[2]                Le demandeur est entré illégalement aux États-Unis, à Miami, en juillet 1996, et il a par la suite présenté une demande de résidence permanente aux États-Unis suivant la « Cuban Adjustment Act » . En avril 2002, il a appris que sa demande avait été refusée parce qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction criminelle ([TRADUCTION] « complicité après le fait » ) pour le rôle qu'il avait joué dans le transport d'immigrants illégaux du Mexique aux États-Unis en avril 1998. Ce rôle, selon la preuve, consistait à transporter les immigrants d'un lieu à un autre en Arizona près de la frontière. Il a en outre eu des problèmes à l'égard de sa demande parce qu'il avait traversé la frontière pour se rendre au Mexique en contravention des conditions de son statut de résident aux États-Unis.

[3]                Le demandeur est entré au Canada le 12 novembre 2002 et il a présenté le même jour sa demande de statut de réfugié au sens de la Convention. Le demandeur n'a pas révélé le fait qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction en avril 1998 à son arrivée au point d'entrée ni dans le premier Formulaire sur les renseignements personnels (FRP) qu'il a présenté. Un FRP modifié contenant les renseignements à l'égard de la déclaration de culpabilité a été présenté après que le demandeur eut obtenu un avis juridique quelques mois plus tard.


[4]                M. Cesar est retourné à Cuba en 1990 après cinq ans d'études supérieures au Kazakhstan. Le demandeur affirme qu'il voulait qu'il y ait à Cuba des réformes similaires à celles qui, selon ce qu'il avait vu, étaient survenues dans l'ancienne Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Il prétend que ses problèmes à Cuba ont commencé lorsqu'il a refusé d'assister à une réunion de son comité local de la défense de la révolution (CDR). De telles réunions étaient obligatoires et le CDR était apparemment une façon pour l'État de donner à des personnes des renseignements à l'égard d'autres personnes de leur voisinage. Il a été convoqué au poste de police et on l'a avisé de ne pas exprimer ses opinions en public.

[5]                Le demandeur affirme qu'il a commencé à poser des affiches et à écrire des messages d'opposition au gouvernement sur les murs des édifices la nuit. En février 1991, on l'a interrogé à son lieu de travail à l'égard de ses opinions politiques et, en 1992, il a été congédié en raison des opinions d'opposition au gouvernement qui lui étaient imputées. Il affirme que, en mars 1994, un fonctionnaire de la police l'a avisé de quitter le pays et il a songé à le faire étant donné qu'il y avait un exode de Cuba à ce moment. Cependant, il prétend qu'il n'est pas parti en raison de l'état de santé de sa mère.


[6]                Le demandeur prétend que le 3 avril 1996 il a été surpris en train de poser des affiches d'opposition au gouvernement et que les policiers l'ont arrêté. Il a été détenu pendant 15 jours, au cours desquels il a subi des agressions physiques et verbales. Il a été libéré et on lui a par la suite dit qu'il devait rester à la Havane et se présenter au poste de police une fois par semaine. Le demandeur à ce moment a décidé qu'il devait quitter le pays. Il a rencontré un homme qui avait un bateau qui pouvait le conduire aux États-Unis et il a quitté Cuba en juillet 1996.

[7]                En 1997, alors que le demandeur vivait aux États-Unis, il a présenté une demande de passeport cubain. Il a également présenté deux demandes de renouvellement de ce passeport en 1999 et 2001. De tels renouvellements lui auraient permis d'entrer à Cuba. Il a mis son passeport à jour dans l'espoir qu'à un certain moment, plus tard, il pourrait retourner à Cuba pour rendre visite à sa fille. Le demandeur prétend qu'il n'avait pas peur de présenter une demande de passeport alors qu'il vivait aux États-Unis parce qu'il se sentait en sécurité aux États-Unis et qu'il croyait que les autorités cubaines ne pouvaient pas lui faire de mal dans ce pays.

La décision de la Commission

[8]                La Commission a conclu que le demandeur n'était pas une personne qui craignait avec raison d'être persécutée à Cuba parce qu'elle estimait que ses prétentions à l'égard d'arrestations et de harcèlement par les policiers cubains et le gouvernent n'étaient pas dignes de foi. La Commission a conclu que l'explication de M. Cesar quant aux raisons pour lesquelles il n'avait pas quitté Cuba avant juillet 1996 était déraisonnable et que le temps écoulé avant qu'il ait quitté Cuba minait la crédibilité de ses autres prétentions de persécution.


[9]                Deuxièmement, la Commission a conclu que le fait que le demandeur ait communiqué avec des fonctionnaires du gouvernement cubain afin d'obtenir des renouvellements de son passeport, après qu'il se fut enfui de Cuba, minait également sa crédibilité, comme le faisait son témoignage selon lequel il voulait retourner à Cuba à un certain moment afin de rendre visite à sa fille. La Commission, compte tenu du fait que le demandeur avait communiqué avec des fonctionnaires du gouvernement cubain pour obtenir des renouvellements de passeport, n'estimait pas dignes de foi sa prétention selon laquelle son nom se trouvait sur une liste de dissidents politiques recherchés par la police à Cuba et celle selon laquelle les policiers voulaient encore l'arrêter.

[10]            La Commission s'appuyait sur des éléments de preuve documentaire qui mentionnaient que les émigrants cubains qui ne sont pas considérés comme des dissidents et qui ne font pas l'objet de procédures en matière criminelle peuvent présenter une demande aux consulats de Cuba en vue d'obtenir des autorisations de voyage de 2 ans, renouvelables, pour séjours multiples. Compte tenu d'une telle preuve, la Commission estimait qu'il était invraisemblable que M. Cesar ait pu obtenir sans difficulté deux renouvellements de son passeport cubain si le gouvernement l'avait accusé d'avoir des activités politiques dissidentes et était au courant de son départ illégal de Cuba en 1996.

[11]            Troisièmement, la Commission estimait en outre invraisemblable que la soeur du demandeur ait obtenu deux visas de sortie pour se rendre de Cuba en Allemagne étant donné que la preuve documentaire mentionnait qu'il existait une politique du gouvernement cubain qui consistait à retarder les demandes de visas de sortie des parents proches de ceux qui avaient obtenu l'asile dans d'autres pays et de ceux qui avaient quitté Cuba illégalement.


[12]            Quatrièmement, la Commission estimait en outre que l'explication du demandeur quant aux raisons pour lesquelles il n'avait pas informé l'agent d'immigration à la frontière canadienne de sa déclaration de culpabilité aux États-Unis était déraisonnable étant donné qu'il était instruit et qu'il avait vécu et avait travaillé aux États-Unis pendant de nombreuses années. La Commission estimait qu'il était invraisemblable que M. Cesar ait cru que les fonctionnaires de l'immigration du Canada auraient pu l'empêcher d'entrer au Canada afin de présenter une demande d'asile s'il les avait informés de sa déclaration de culpabilité prononcée aux États-Unis. La Commission estimait de plus qu'il était déraisonnable que le demandeur n'ait pas révélé la déclaration de culpabilité prononcée contre lui aux États-Unis dans l'exposé narratif de son premier Formulaire sur les renseignements personnels (FRP), déposé le 16 décembre 2002, et que le fait qu'il n'ait pas révélé la déclaration de culpabilité prononcée contre lui avant [TRADUCTION] « 15 mois plus tard » , le 15 mars 2003, minait encore plus sa crédibilité.

[13]            En outre, la Commission a mentionné qu'elle estimait que la nature de l'infraction pour laquelle une déclaration de culpabilité avait été prononcée contre le demandeur était grave et que son omission d'avoir révélé cette déclaration avait un effet grave et défavorable sur sa crédibilité dans son ensemble.

LA QUESTION EN LITIGE

[14]            La Commission a-t-elle commis des erreurs susceptibles de contrôle lorsqu'elle a tiré ses conclusions défavorables quant à la crédibilité?


POSITIONS DES PARTIES ET ANALYSE

[15]            Le demandeur soulève quatre points lorsqu'il prétend que la Commission a commis des erreurs susceptibles de contrôle, à savoir : 1) la conclusion selon laquelle il n'a pas fourni une explication raisonnable à l'égard du temps écoulé avant qu'il quitte Cuba était manifestement déraisonnable; 2) la conclusion tirée à l'égard des demandes et des obtentions de renouvellement de son passeport cubain contredisait la preuve documentaire; 3) les motifs de la Commission ne prennent pas en compte des éléments de preuve qui appuient sa demande; et 4) la Commission a commis une erreur de fait évidente à l'égard du temps écoulé avant qu'il présente un FRP modifié.


[16]            À l'égard du premier point, le demandeur affirme que la Commission n'a pas expliqué pourquoi elle avait utilisé la période de 1991 à 1992 comme période de référence à partir de laquelle tout [TRADUCTION] « retard » serait calculé, au lieu d'utiliser la date de l'incident le plus grave et préjudiciable, soit avril 1996, lorsqu'il a été arrêté et battu, comme la date à laquelle il était vraisemblable qu'il aurait essayé de quitter Cuba. Le demandeur affirme que lorsque cette date est évaluée comme la date qui a provoqué sa fuite de Cuba, ce n'est qu'une période de deux mois qui s'est écoulée avant son départ plutôt que la période de quatre ans mentionnée par la Commission. En outre, le demandeur prétend que la Commission n'a pas expliqué pourquoi son explication quant aux raisons pour lesquelles il n'avait pas quitté le pays plus tôt, soit le fait qu'il était préoccupé par l'état de santé de sa mère, n'était pas jugée comme une explication raisonnable ou digne de foi à l'égard de sa décision de ne pas avoir quitté Cuba en 1992 ou en 1994.

[17]            Le défendeur prétend que la Commission a examiné correctement la question du temps écoulé et qu'elle pouvait tirer les inférences qu'elle a tirées. Il doit être fait preuve d'une retenue importante à l'égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission et cette dernière a fourni une analyse claire et détaillée à l'égard des motifs de ses conclusions défavorables quant à la crédibilité.


[18]            Les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission doivent être examinées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable; voir la décision Horvath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 901 (1re inst.) (QL). Cependant, les motifs pour lesquels elle ne croit pas un demandeur doivent également être énoncés dans des termes clairs et explicites; voir l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.). Dans la présente affaire, les incidents qui ont porté atteinte à la liberté et à la sécurité du demandeur étaient son arrestation, sa détention et les mauvais traitements physiques subis en 1996. Les actions de l'État, selon ce qu'allègue M. Cesar, n'avaient pas atteint un tel niveau avant 1996. La Commission n'a pas reconnu ce fait lorsqu'elle a conclu que le temps écoulé avant que M. Cesar quitte Cuba minait sa crédibilité. En outre, la Commission a rejeté l'explication du demandeur selon laquelle il n'avait pas pu quitter le pays en 1994 en raison de l'état de santé de sa mère et elle a conclu que ce n'était pas une explication raisonnable sans fournir une explication à l'égard de cette conclusion. Bien que cette conclusion ait pu être une conclusion qu'elle pouvait tirer, la Commission a omis d'énoncer dans des termes clairs les raisons pour lesquelles elle estimait que l'explication du demandeur était [TRADUCTION] « déraisonnable » .

[19]            À l'égard de la conclusion de la Commission selon laquelle les communications du demandeur avec les fonctionnaires cubains faites afin de présenter deux demandes de renouvellement de son passeport minaient sa crédibilité, le demandeur prétend que ses actions à cet égard ne démontrent pas une absence de crainte des autorités cubaines étant donné qu'il ne craignait pas, selon ce qu'il a déclaré dans son témoignage, que les autorités cubaines puissent l'atteindre alors qu'il vivait aux États-Unis. Le demandeur affirme qu'il a témoigné qu'il n'avait pas l'intention de retourner à Cuba et que ses demandes de renouvellement avaient été faites sans qu'il ait pensé aux conséquences légales d'un tel acte.

[20]            Le défendeur prétend que la Commission n'a pas commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le fait que le demandeur ait présenté des demandes de renouvellement de son passeport cubain minait sa crédibilité. Le défendeur mentionne une contradiction dans la preuve du demandeur, à savoir le fait qu'il prétendait dans son affidavit qu'il avait obtenu des renouvellements afin de retourner à Cuba pour voir sa fille à un certain moment plus tard, mais qu'il avait soutenu dans ses observations qu'il n'avait pas l'intention de retourner à Cuba.


[21]            La Commission, en fait, a mentionné que le demandeur avait témoigné qu'il avait une fille à Cuba et qu'il voulait aller la voir à un certain moment plus tard. Cependant, lorsqu'on l'a interrogé quant à la question de savoir s'il avait l'intention de retourner à Cuba, il a témoigné qu'il n'en avait pas l'intention. Bien qu'il puisse être jugé très naturel qu'un demandeur veuille aller rendre visite à ceux qu'il aime dans un pays duquel il s'est enfui parce qu'il prétend y avoir été persécuté, je ne peux pas dire que la Commission a tiré des conclusions de fait arbitraires sur cette question. Les conclusions quant à l'invraisemblance et quant à la crédibilité tirées par la Commission doivent faire l'objet d'une grande retenue et, à moins qu'il soit démontré que les inférences et les conclusions tirées par la Commission sont si déraisonnables qu'elles ne pouvaient pas être tirées ou que la Commission semble les avoir tirées sans avoir tenu compte de la preuve dont elle disposait, la Cour ne devrait pas intervenir, peu importe qu'elle approuve ou non ces inférences; voir l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), et la décision Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 106.     


[22]            Le demandeur prétend ensuite que la Commission a mal interprété la preuve documentaire, notamment un bulletin de Cuba de 2001, intitulé [TRADUCTION] « Visas de sortie et émigration légale » , sur lequel elle s'appuyait pour conclure qu'il n'était pas un dissident politique parce qu'il avait pu obtenir des renouvellements de son passeport. Le demandeur affirme que cette source documentaire indique en fait que les dissidents politiques peuvent obtenir des visas pour des séjours multiples et qu'une politique de 1999 contre la délivrance de tels visas ne semble pas avoir été mise en application. Le demandeur prétend en outre que la Commission a commis une erreur en omettant d'examiner de façon séparée la preuve documentaire qui mentionnait qu'il subirait un préjudice de la part des autorités cubaines parce qu'il avait quitté Cuba illégalement, même si la Commission ne reconnaissait pas le fait qu'il ait effectivement quitté Cuba illégalement. Une telle conclusion a été tirée sans que la Commission dispose de preuve démontrant qu'il avait quitté Cuba au moyen d'un visa de sortie obtenu légalement.

[23]            Le défendeur prétend qu'on doit tenir pour acquis que la Commission a apprécié et examiné toute la preuve dont elle disposait, à moins que le contraire soit démontré; voir l'arrêt Florea c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (QL), et l'arrêt Hassan c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.). Toutefois, lorsqu'il existe de la preuve probante qui contredit les propres conclusions de la Commission sur une question pertinente et importante à l'égard de la demande, et que la Commission ne mentionne pas cette preuve, un doute selon lequel la Commission a omis d'en tenir compte est soulevé.


[24]            À mon avis, il est évident, au vu du dossier, que les motifs de la Commission ne comportent pas une énumération complète et précise de la preuve documentaire. La Commission, lorsqu'elle a traité de cette question, a par conséquent tiré des conclusions de fait qui n'étaient pas fondées sur la preuve dont elle disposait. Le bulletin de Cuba, sur lequel la Commission s'est fondée à l'égard de cette question, mentionne à la section 2.29 que les autorités cubaines ont, depuis 1995, donné à des émigrants qui sont [TRADUCTION] « jugés être des dissidents politiques » , ou à ceux qui ont des dossiers en matière criminelle, la possibilité d'obtenir des visas d'entrée de deux ans, renouvelables, pour séjours multiples. Ce rapport énonce ensuite que bien qu'il y ait eu une déclaration en 1999 selon laquelle les émigrants illégaux de Cuba depuis 1994 devaient être considérés comme [TRADUCTION] « des déserteurs de Cuba » et comme ayant renoncé à leur citoyenneté cubaine, le Département d'État des États-Unis n'estimait pas que cette politique avait été mise en application par les autorités cubaines.

[25]            Cet élément de preuve contredit directement les conclusions de la Commission aux pages 4 et 5 de ses motifs. En omettant de traiter de cette contradiction dans la preuve documentaire, qui touche un aspect central de la demande présentée par le demandeur, à savoir que le fait qu'il puisse obtenir des renouvellements pour des périodes de 2 ans pour son passeport n'est pas une preuve qu'il n'est pas un dissident politique à Cuba, un doute raisonnable selon lequel la Commission n'a pas pris en compte une telle preuve a été soulevé; voir la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35. La Commission en l'espèce semble s'être appuyée de façon sélective sur des éléments de ce rapport documentaire au soutien de son raisonnement. Cependant, le rapport dans sa forme complète soulève des doutes à l'égard de la décision définitive de la Commission sur cette question.     


[26]            La Commission a en outre commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la modification faite au FRP du demandeur avait été faite 15 mois après qu'elle eut reçu son premier FRP en décembre 2002. En fait, cette modification avait été faite en mars 2003, seulement trois mois plus tard. Le défendeur prétend que cette erreur de fait n'est pas une erreur de la sorte d'une erreur susceptible de contrôle étant donné qu'il s'agissait d'un facteur parmi de nombreux autres facteurs pour lesquels la Commission estimait que la crédibilité du demandeur était minée.

[27]            Je partage l'opinion du défendeur selon laquelle cette erreur doit être évaluée dans le contexte de la décision dans son ensemble et qu'une telle erreur ne justifierait pas, en soi, que la Cour intervienne à l'égard de la décision de la Commission. Cependant, compte tenu de mes conclusions, je crois que cette erreur associée aux deux autres problèmes précédemment mentionnés montre qu'une erreur « susceptible de contrôle » a été commise par la Commission.

[28]            Le demandeur a déposé cinq lettres écrites par des amis et des membres de sa famille qui donnaient des détails à l'égard de ses activités politiques et des problèmes qu'il avait vécus à Cuba et qui appuyaient son témoignage selon lequel il avait quitté Cuba illégalement. En s'appuyant sur la décision Cepeda-Gutierrez, précitée, le demandeur prétend que bien que la Commission ne soit pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve dans ses motifs, elle devrait y mentionner les éléments de preuve documentaire pertinents et importants qui contredisent ses propres conclusions et qui appuient les prétentions d'un demandeur et elle devrait fournir des explications pour le rejet de tels éléments.


[29]            Le défendeur prétend que le fait que la Commission n'ait pas mentionné expressément certains éléments de preuve n'amène pas à conclure que la Commission a omis de prendre en compte ces éléments. Les lettres écrites par les membres de la famille du demandeur sont des lettres intéressées et la Commission pouvait préférer la preuve documentaire indépendante dont elle disposait.

[30]            À mon avis, le demandeur n'a pas démontré que l'omission de la Commission d'avoir mentionné les lettres des membres de sa famille et d'amis, lettres qu'il avait déposées, amène à conclure qu'elle n'a pas pris en compte ces éléments de preuve. Ces lettres ne faisaient que répéter les prétentions du demandeur à l'égard de ses activités politiques et de son départ de Cuba et étaient, dans une certaine mesure, des lettres intéressées étant donné qu'elles provenaient d'amis et de membres de la famille. Les lettres n'offraient pas de preuve différente de celle déjà fournie par le demandeur et n'étaient pas si importantes à l'égard des propres conclusions de la Commission, ou contradictoires à celles-ci, pour que son omission d'en avoir traité dans ses motifs soulève un doute que la décision ait été fondée sur des conclusions de fait tirées sans qu'il ait été tenu compte de la preuve dont elle disposait; voir la décision Cepeda-Gutierrez, précitée.

[31]            Compte tenu de l'analyse précédemment effectuée, le présent contrôle judiciaire est accueilli. Aucune question n'est soulevée aux fins de la certification.

                                                                ORDONNANCE


LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué afin qu'elle soit examinée à nouveau conformément aux présents motifs. Aucune question n'est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-3913-03

INTITULÉ :                                       HECTOR ABRAHAM CESAR

c.

MCI                              

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 6 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                     LE 6 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Tina McKay                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Carrie Sharpe                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Tina McKay

Calgary (Alberta)                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                            POUR LE DÉFENDEUR


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