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Date : 19990823

Dossier : T-1527-98

Ottawa (Ontario), le 23 août 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                         demandeur,

                                                                             et

                                                    MANISH PHUPENDRA VED,

                                                                                                                                          défendeur.

                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE et ORDONNANCE

[1]         M. Ved a présenté sa demande de citoyenneté canadienne le 21 avril 1997. On lui a octroyé la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté a présenté sa demande de façon très positive :

                [traduction]

Malgré qu'il lui manque 345 jours de résidence, le demandeur a établi de façon crédible dans les faits et dans l'esprit, ainsi que par la présentation d'une documentation irréfutable, qu'il a établi et maintenu de bonne foi un mode de vie centralisé au Canada au sens du CADRE D'ANALYSE THURLOW. Durant la période pertinente entre l'ENTRÉE et la PREMIÈRE ABSENCE, les marques habituelles ont été mises en place : domicile, NAS, assurance santé, compte bancaire, fin des études universitaires au Canada, établissement d'une famille et emploi au Canada.

[2]         Le ministre de la Citoyenneté était plus réticent, étant donné qu'il ne s'était écoulé que trois jours entre l'ENTRÉE et la PREMIÈRE ABSENCE. Il semble que M. Ved soit arrivé au Canada et y ait reçu le droit d'établissement le 26 février 1994. Il a quitté le Canada pour se rendre au Royaume-Uni, où il est demeuré jusqu'au 1er mars 1994, soit pendant 179 jours. Le ministre a fait appel de la décision du juge de la citoyenneté.

[3]         M. Ved a reçu signification de l'avis d'appel et il a répondu par lettre en disant qu'il se conformerait à la décision du ministère de l'Immigration que sa demande était prématurée. Il s'est présenté à l'audition de son appel, se représentant lui-même, et il a répété la même chose. On lui a indiqué qu'il pouvait s'opposer à l'appel du ministre, et qu'on ferait le nécessaire pour l'aider si tel était son désir. Il a répété qu'il respecterait le résultat de l'appel et qu'il représenterait sa demande lorsqu'il satisferait aux critères.

[4]         Le juge de la citoyenneté a déclaré appliquer le cadre d'analyse Thurlow (ce sont ses mots) à l'exigence en matière de résidence. Cette appellation renvoie à la décision du juge du même nom dans l'affaire Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), où la résidence a été définie de manière à ce qu'elle puisse inclure des périodes d'absence du pays. Le juge Muldoon a critiqué cette approche, étant d'avis que l'intention du Parlement était clairement que la résidence soit liée à la présence physique. Depuis, la Cour est divisée sur cette question.

[5]         Le cadre d'analyse Thurlow a deux parties : l'établissement de la résidence, ce que tous acceptent comme voulant dire la centralisation du mode de vie au Canada, et le maintien de la résidence, qui fait que « l'horloge de résidence » ne s'arrête pas en cas d'absence. Si on n'établit pas la résidence, on ne peut la maintenir; l'horloge ne peut se mettre en marche. En l'instance, la question porte sur l'établissement de la résidence.

[6]         M. Ved est arrivé au pays et y a reçu le droit d'établissement le 26 février 1994. Après un séjour de trois jours, il s'est absenté pendant six mois environ. Bien que cela puisse se produire lorsqu'un étudiant à charge quitte le pays pour continuer ses études, il est très rare qu'un demandeur adulte indépendant, comme M. Ved, soit dans cette situation.

[7]         Le dossier révèle que certains engagements formels ont été pris, comme l'ouverture d'un compte en banque, etc. Toutefois, une personne adulte indépendante ne peut, en l'absence de circonstances particulières, prétendre avoir centralisé son mode de vie au Canada lors d'un séjour de trois jours immédiatement suivi d'une absence de six mois. Rien dans la preuve ne démontre qu'il existe des circonstances particulières en l'instance. Les quelques éléments de preuve existants font état d'un court séjour ayant permis à M. Ved de procéder à certaines formalités, suivi d'une longue absence. Son adresse au Canada à l'époque était celle de la résidence de son oncle.

[8]         Ce n'est donc que le 29 août 1994, lors de son retour au Canada, que M. Ved aurait pu y établir sa résidence. Il est demeuré au Canada jusqu'en août 1995, puis il s'est absenté à nouveau pour une période de six mois.

[9]         Une fois que la résidence est établie en vertu du cadre d'analyse Thurlow, elle continue, à moins qu'on démontre qu'elle a été abandonnée, même si le demandeur n'est pas physiquement présent au Canada.

[10]       À supposer qu'août 1995 soit le premier moment où la résidence pouvait être établie, les jours de résidence se seraient accumulés jusqu'à la date de la demande le 21 avril 1997. Il n'y a pas 1 095 jours entre le 29 août 1994 et le 21 avril 1997, ce qui veut dire qu'il était impossible que M. Ved accumule 1 095 jours de résidence durant cette période. En conséquence, sa demande était prématurée.

[11]       En définitive, même si le juge de la citoyenneté avait appliqué le cadre d'analyse Thurlow à partir de la première date à laquelle la résidence pouvait être établie, l'appel serait encore accueilli.

[12]       Par conséquent, l'appel est accueilli.


                                                           O R D O N N A N C E

            L'appel est accueilli.

                                                                                                                               J.D. Denis Pelletier              

                                                                                                                                                     Juge                     

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-1527-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Manish Bhupendra Ved

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    Le 19 août 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE PELLETIER

EN DATE DU :                                     23 août 1999

ONT COMPARU :

M. Brian Frimeth                                                           POUR LE DEMANDEUR

M. Manish Bhupendra Ved                                POUR LE DÉFENDEUR EN SON PROPRE NOM

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

M. Manish Bhupendra Ved                                            POUR LE DÉFENDEUR

Richmond Hill (Ontario)

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