Date : 20030224
Dossier : IMM-1017-02
Référence neutre : 2003 CFPI 233
Ottawa (Ontario), le 24 février 2003
En présence de Madame la juge Danièle Tremblay-Lamer
ENTRE :
DURMUS GULER
HULYA GULER
ENES GULER
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 31 janvier 2002, dans laquelle la Commission a statué que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.
[2] Les demandeurs, M. Durmus Guler (le demandeur), son épouse Mme Hulya Guler (la demanderesse) et leur fils Enes Guler (le demandeur mineur) sont tous ressortissants turcs. Le demandeur, un Kurde de religion alevi, affirme craindre avec raison d'être persécuté du fait de sa race et de sa religion. La demanderesse et son fils fondent leurs revendications sur leur appartenance à un groupe social, celui de la famille du demandeur. La demanderesse fait valoir qu'elle serait détenue parce que son mari a un cassier judiciaire.
[3] Le demandeur prétend que les incidents suivants se sont produit :
[4] Il a été arrêté la première fois en mai 1996, pendant la parade May Day, alors qu'il faisait partie du contingent du HADEP. On lui a demandé s'il avait participé de quelque façon aux activités du parti travailliste kurde (PKK) ou HADEP. Il a également été battu à coups de trique et a subi le falaka (coups assenés à la plante des pieds). Il a été libéré trois jours plus tard.
[5] En août 1997, un mois avant son mariage, il a été enlevé et battu par des membres du MHP qui avaient été informés par la famille de la demanderesse qu'elle mariait un Turc de religion alevi. Le couple s'est enfui à Istanbul.
[6] En mars 1999, le demandeur a été arrêté une deuxième fois pendant une célébration du nouvel an (Newroz). Il a été accusé d'être séparatiste et partisan du PKK et on lui a infligé la pendaison palestinienne et le falaka et appliqué des jets d'eau froide à haute pression. Il a été libéré quatre jours plus tard, mais il devait se présenter régulièrement à la police locale pendant un an. C'est ce qu'il a fait pendant trois mois à Istanbul et pendant deux autres mois à Kocaeli.
[7] En août 1999, un tremblement de terre a détruit la maison dans laquelle il vivait avec sa famille. En octobre 1999, il a été arrêté et il a dû recommencer à se présenter à la police.
[8] En janvier 2000, il a participé à une démonstration liée au tremblement de terre, à la distribution de l'aide et aux soins offerts aux victimes. Il se tenait avec le groupe HADEP, a été arrêté et suspendu au plafond par les poignets. On lui a demandé s'il voulait devenir informateur de police et donner des renseignements sur les activités du PKK et du HADEP. Il a soudoyé deux agents de police avec les 500 $US qu'il avait sur lui et a été libéré.
[9] À deux reprises en janvier 2000, les agents de police sont venus chez lui en son absence. Ils ont réveillé le bébé, bousculé la demanderesse et menacéde l'incarcérer si elle ne révélait pas où se trouvait son mari. Les agents de police ont promis de revenir et ils sont sortis.
[10] Au début de février 2000, le demandeur a amené sa famille chez un parent. Il est allé à Istanbul. Il a eu recours aux services d'un agent de voyage pour faire certaines réservations, mais a constaté qu'il n'avait pas besoin de tels services. Il a obtenu qu'un cousin du Canada invite sa famille et il s'est présenté l'ambassade du Canada pour une entrevue. Il s'est servi du tremblement de terre comme d'un prétexte pour obtenir un visa canadien de visiteur.
[11] Les demandeurs sont arrivés au Canada le 31 mars 2000.
[12] La Commission a jugé que les demandeurs n'étaient pas des témoins dignes de foi. Elle n'a pas cru que le demandeur a été détenu et torturé comme il le prétend. La Commission a plutôt cru que les demandeurs ont profité du tremblement de terre pour réaliser leur rêve et venir au Canada, projet que le demandeur envisageait, selon les éléments de preuve, depuis 1993.
[13] Il est de droit constant que la Cour hésite à s'immiscer dans une décision de la Commission relative à la crédibilité d'un témoin, puisque la Commission a pu évaluer la déposition orale que le témoin a faite devant elle. (Ankrah c. Canada (Ministère de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 385 (Q.L.)). Si la Commission estime qu'un demandeur n'est pas crédible par suite de conclusions qu'il lui est loisible de tirer en se fondant sur des éléments de preuve qu'elle considère peu vraisemblables, la Cour ne modifiera pas la décision de la Commission à moins que celle-ci ait commis une erreur manifeste (Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 106).
[14] Dans la présente instance, la Commission a fourni des motifs détaillés et relevé de nombreuses contradictions, incohérences et improbabilités dans la preuve concernant des aspects prépondérants de la revendication du demandeur. En dépit de ses arguments soignés, l'avocat des demandeurs n'a pas réussi à me convaincre que la décision de la Commission relative à la crédibilité était déraisonnable ou arbitraire.
[15] Les demandeurs ont également fait valoir que la Commission avait erré en droit parce que, même si elle a accepté que le demandeur a souffert de discrimination, elle ne s'est pas demandé si l'effet cumulatif de ces incidents de discrimination pouvait donner lieu à une crainte raisonnable de persécution (Bobrik v. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1364 (Q.L.)). Je ne partage pas l'avis des demandeurs.
[16] Il est évident dans les motifs invoqués par la Commission que celle-ci a admis que les demandeurs avaient souffert de discrimination. Plus particulièrement, la Commission a reconnu que le demandeur avait souffert de discrimination parce qu'il est citoyen kurde de religion alevi et qu'il est marié à une Turque de religion sunnite. Cependant, la Commission n'a pas cru les allégations de persécution subie aux mains des autorités turques. Dans sa décision, la Commission a déclaré qu'après avoir examiné tous les éléments de preuve, elle a conclu que les demandeurs ne faisaient pas face à une possibilité sérieuse de persécution. Cette décision était raisonnable et basée sur les éléments de preuve.
[17] En conclusion, les demandeurs n'ont pas réussi à prouver que la Commission avait erré en droit ou que sa décision était arbitraire ou abusive, ou rendue sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.
[18] Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
« Danièle Tremblay-Lamer »
Juge
Traduction certifiée conforme
Josette Noreau, B.Tra.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1017-02
INTITULÉ : DURMUS GULER ET AL.
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE
L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE L'AUDIENCE : LE 19 FÉVRIER 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER
DATE DES MOTIFS : LE 24 FÉVRIER 2003
COMPARUTIONS :
M. D. Clifford Luyt pour le demandeur
Mme Patricia MacPhee pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. D. Clifford Luyt
Waldman & Associates
Avocats et conseillers juridiques
281, avenue Eglinton Est
Toronto (Ontario)
M4P 1L3
pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
pour le défendeur