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Date : 20020509

Dossier : IMM-5465-00

Référence neutre : 2002 CFPI 536

OTTAWA (ONTARIO), le jeudi 9 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                                       VISHNU DEV

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 Une agente des visas a examiné la demande de résidence permanente présentée par M. Dev dans la catégorie de travailleur autonome dans la profession souhaitée de prêtre, NOC 4154, et elle lui a attribué 65 points d'appréciation. Étant donné que M. Dev a obtenu 5 points de moins que les 70 points exigés par le sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), sa demande a été rejetée. M. Dev affirme que l'agente des visas a commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'elle a effectué cette évaluation, parce qu'elle ne lui a accordé qu'un seul point pour le facteur-qualités personnelles.

[2]                 Il convient de relater brièvement les faits pertinents ainsi que la décision de l'agente des visas pour examiner cet argument.

CONTEXTE

[3]                 M. Dev est un citoyen de l'Inde qui est arrivé au Canada en 1998 pour voir sa fille, une citoyenne canadienne. À partir du mois de novembre 1998, il s'est porté volontaire pour officier à titre de prêtre pour la Jai Durga Hindu Society de Scarborough (Ontario). En juillet 1999, on lui a offert un poste permanent au temple avec un salaire de 1 250 $ par mois, plus un logement gratuit. Le 23 septembre 1999, M. Dev a présenté une demande de résidence permanente au Canada.

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[4]                 L'agente a noté ce qui suit dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) :


[Traduction] Il affirme [après avoir été informé du fait qu'il n'avait pas obtenu le nombre de points exigés] qu'il a dépensé beaucoup d'argent pour sa demande d'immigration. Il affirme que sa femme et son fils peuvent travailler. Je fais remarquer que, selon sa demande, sa femme n'est pas instruite, qu'elle ne parle probablement pas l'anglais et qu'elle a 60 ans. Par conséquent, ses chances de trouver un emploi lui permettant de contribuer au revenu familial sont très minces. J'ai signalé que le salaire offert est de 15 000 $ par an plus un logement. Ce revenu est inférieur au seuil de la pauvreté à Toronto. Il a cinq enfants. Le fils pourra subvenir aux besoins de la famille dès qu'il aura terminé ses études mais les deux filles n'ont que 12 et 9 ans; elles devront fréquenter l'école et il faudra subvenir à leurs besoins quotidiens pendant de nombreuses années. Il affirme aujourd'hui que le temple lui fournit également de la nourriture. Cela ne figure pas dans la lettre d'emploi. Il affirme posséder deux Lacs (équivalant à 6 521 $CAN) qu'il peut apporter au Canada et qu'il a des biens qu'il pourrait vendre (aucune preuve à ce sujet).

Même avec un travail qui l'attend, il ne possède pas suffisamment de fonds pour s'établir.

[5]                 Ces notes peuvent être considérées comme contenant les motifs de la décision de l'agente des visas. Voir, par exemple, Tajgardoon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 1 C.F. 591 (1 re inst.) et Chou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 299; [2001] A.C.F. no 1524.

[6]                 Pour ce qui est des qualités personnelles, l'agente des visas a déclaré ce qui suit sous serment dans son affidavit :

[Traduction] Il est loin d'être sûr que le demandeur possède la motivation, l'esprit d'initiative, la faculté d'adaptation et l'ingéniosité souhaitables. J'ai attribué au demandeur un point pour les qualités personnelles. J'estime que les points attribués reflètent avec exactitude sa capacité de s'établir avec succès au Canada, même avec l'offre d'emploi. L'offre est au salaire minimum, et il doit subvenir aux besoins de quatre personnes à charge dans la région métropolitaine de Toronto. Il a 62 ans, se trouve au Canada depuis deux ans et n'a pas prononcé un mot d'anglais au cours de l'entrevue. Le demandeur n'a rien fait pour améliorer ses connaissances linguistiques.

Dans son affidavit, le demandeur affirme qu'il a prouvé sa motivation, sa capacité d'initiative et d'adaptation ainsi que son ingéniosité parce qu'il a vécu et travaillé comme prêtre au Canada pendant deux ans. Je signale néanmoins qu'il vivait seul, sans personnes à charge, et gagnait 1 250 $ par mois. Il n'a pas eu à subvenir aux besoins de sa famille. À son arrivée, il serait le seul gagne-pain pour une femme qui n'est peut-être pas employable, un fils qui fait des études postsecondaires à plein temps (et doit donc payer des frais de scolarité) et deux petites-filles mineures. J'ai dû tenir compte des besoins de la famille pour déterminer sa capacité de s'établir avec succès au Canada.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]                 L'avocat de M. Dev conteste la décision de l'agente des visas pour les raisons suivantes :

i)           L'agente des visas a commis une erreur parce qu'elle a minimisé le fait que M. Dev avait été employé continuellement dans le même emploi depuis son arrivée au Canada en 1998, le fait qu'il avait administré avec succès le temple pendant ce temps et s'était vu offrir un poste à temps plein dans ce temple, ou a écarté ces faits. L'âge et la connaissance de l'anglais de M. Dev ne sont pas des éléments pertinents, parce qu'ils ne font pas partie de ses fonctions.

ii)          Les qualités personnelles de demandeur doivent s'apprécier en fonction de la capacité de celui-ci à s'établir avec succès au Canada compte tenu de son esprit d'initiative, de la faculté d'adaptation du demandeur, de sa motivation, de son ingéniosité et des autres qualités semblables. En l'espèce, l'âge et les connaissances linguistiques sont des facteurs non économiques qui ne concernent pas la faculté d'adaptation, la motivation, ni l'ingéniosité de M. Dev.

iii)          L'agente des visas a commis l'erreur de compter deux fois l'âge et les connaissances linguistiques du demandeur.


LA NORME DE CONTRÔLE

[8]                 La jurisprudence au sujet de la norme de contrôle applicable au pouvoir discrétionnaire d'un agent des visas n'est pas tout à fait fixée. Néanmoins, la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit dans Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 312; [2001] A.C.F. no 1575, au paragraphe 12 :

Les demandes d'admission au Canada à titre d'immigrant sont assujetties à la décision discrétionnaire d'un agent des visas qui doit tenir compte de certains critères prévus par la loi pour prendre sa décision. Lorsque ce pouvoir conféré par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle et que la décision n'a pas été fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères à l'objet de la législation, les tribunaux ne devraient pas intervenir (Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, pages 7 et 8; To c. Canada, [1996] A.C.F. no 696 (C.A.F.)).

[9]                 Il semble bien que la Cour suprême du Canada ait fait disparaître les doutes concernant la pertinence de l'arrêt Maple Lodge, supra, après l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, lorsqu'elle a prononcé l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, dans lequel elle a écrit au paragraphe 37 :

C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter les passages de Baker où il est question de l' « importance accordée » à certains facteurs (par. 68 et 73 à 75). Il n'incombait à personne d'autre qu'au ministre d'accorder l'importance voulue aux facteurs pertinents. Cet arrêt n'a pas pour effet d'autoriser les tribunaux siégeant en révision de décisions de nature discrétionnaire à utiliser un nouveau processus d'évaluation, mais il repose plutôt sur une jurisprudence établie concernant l'omission d'un délégataire du ministre de prendre en considération et d'évaluer des restrictions tacites ou des facteurs manifestement pertinents : voir Anisminic Ltd. c. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147 (Ch. des lords); Sheehan c. Ontario (Criminal Injuries Compensation Board) (1974), 52 D.L.R. (3d) 728 (C.A. Ont.); Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; Dagg, précité, aux par. 111 et 112, le juge La Forest (dissident pour d'autres motifs).


ANALYSE

[10]            Je ne suis pas convaincue que l'agente des visas a commis une erreur susceptible d'être révisée.

[11]            Pour ce qui est des préoccupations précises de M. Dev, l'agente des visas a tenu compte du fait que M. Dev avait travaillé comme bénévole au temple pendant deux ans et qu'on lui y avait offert un poste à temps plein et rémunéré.

[12]            L'âge et les connaissances linguistiques du demandeur peuvent influencer la capacité de celui-ci de réussir sur le marché du travail au Canada. L'âge relativement avancé de M. Dev ainsi que ses connaissances limitées de l'anglais sont pertinents en l'espèce parce qu'ils ont un effet sur sa capacité de se trouver un emploi à l'extérieur du temple et de s'établir avant de prendre sa retraite.

[13]            Il est vrai que l'âge et les capacités linguistiques font l'objet d'une évaluation à titre de facteurs distincts conformément au paragraphe 8(1) du Règlement, mais l'agente des visas ne compte pas deux fois ces facteurs lorsqu'elle évalue les qualités personnelles, si elle les utilise pour préciser la motivation, la faculté d'adaptation et l'esprit d'initiative ainsi que l'ingéniosité du candidat. Je suis convaincue que c'est dans ce but que l'agente des visas a considéré l'âge et les capacités linguistiques, lorsqu'elle a évalué les qualités personnelles du demandeur.


[14]            Pour ces motifs, je suis convaincue que la décision n'est pas manifestement déraisonnable, qu'elle est justifiée par les preuves présentées et qu'elle n'est pas viciée par l'omission de tenir compte de facteurs appropriés ou par la prise en compte de facteurs inappropriés. Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[15]            L'avocat n'a pas demandé qu'une question soit certifiée.

ORDONNANCE

[16]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                                « Eleanor R. Dawson »           

                                                                                                                                                                 Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-5465-00

INTITULÉ :                                                 Vishnu Dev et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                         Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                       Le 30 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                               Le 9 mai 2002

COMPARUTIONS :

M. Ravi Jain                                                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme Alexis Singer                                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Avocats

M. Morris Rosenberg                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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