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Date : 20000906


Dossier : T-176-00


Vancouver (Colombie-Britannique), le mercredi 6 septembre 2000

EN PRÉSENCE DE :      M. LE JUGE TEITELBAUM


ENTRE :



HENRY RAINE, JONATHAN BULL, JOSEPH C. DESCHAMPS

ET SIMON THREEFINGERS, ET

CHACUN D'ENTRE EUX EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS

DE LA TRIBU LOUIS BULL, EN LEUR PROPRE NOM ET

AU NOM DES MEMBRES DE LA TRIBU LOUIS BULL ET

LA TRIBU LOUIS BULL


DEMANDEURS

et


LE CONSEIL DE LA TRIBU LOUIS BULL,

HELEN BULL, CHEF DE LA TRIBU LOUIS BULL,

SOLOMON BULL, VIRGIL DESCHAMPS ET

ELAINE ROASTING


DÉFENDEURS



ORDONNANCE

    

     VU la requête des demandeurs pour l'obtention d'une ordonnance :

     a)      interdisant à toute personne, sauf ordonnance ultérieure de la Cour, d'agir ou de prétendre agir comme conseiller de la tribu Louis Bull, à l'exception de Helen Bull, Jonathan Bull, Solomon Bull, Joseph C. Deschamps, Virgil Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting, Elaine Roasting et Rusty Threefingers;
     b)      déclarant que la lettre de Helen Bull à Jonathan Bull, Joseph C. Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting et Rusty Threefingers, datée du 2 août 2000 et mettant fin à leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull est nulle et de nul effet;
     c)      déclarant que la lettre du chef Helen Bull à Mowbrey Gil Inc., datée du 30 juillet 2000 et mettant fin à l'entente de gestion entre la tribu Louis Bull, Mowbrey Gil Inc. et les Affaires indiennes et du Nord canadien est nulle et de nul effet;
     d)      interdisant, jusqu'à nouvelle ordonnance de la Cour, à Helen Bull, Solomon Bull, Virgil Deschamps et Elaine Roasting de contrarier ou entraver :
         i)      le gérant, Mowbrey Gil Inc., ou tout autre cabinet de comptables, dans l'exécution de leurs obligations en vertu de l'entente de gestion;
         ii)      les conseillers Jonathan Bull, Joseph C. Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting et Rusty Threefingers, dans l'exécution de leurs obligations en qualité de conseillers de la tribu Louis Bull; et
         iii)      les employés de la tribu Louis Bull et de ses entreprises, dans l'exécution de leurs obligations.
     e)      et accordant toute autre réparation que la Cour considère appropriée.

LA COUR ORDONNE que

     Pour les motifs énoncés dans les motifs de l'ordonnance, la lettre du chef Helen Bull datée du 2 août 2000, qui mettait fin aux fonctions des demandeurs en qualité de conseillers de la tribu Louis Bull est annulée et elle est de nul effet.

     Les résolutions du Conseil de Bande présentées par le chef Helen Bull et par le Conseil nommé dans la soirée du 2 août 2000 sont annulées.

     Les seules personnes aptes à agir au nom de la tribu Louis Bull sont les membres élus du Conseil de la tribu, savoir le chef Helen Bull, Jonathan Bull, Solomon Bull, Joseph C. Deschamps, Virgil Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting, Elaine Roasting et Rusty Threefingers.

     La lettre du chef Helen Bull à Mowbrey Gil Inc. et aux Affaires indiennes et du Nord canadien est nulle et de nul effet.

(signé) Max M. Teitelbaum

Juge

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




Date : 20000906


Dossier : T-176-00


ENTRE :


HENRY RAINE, JONATHAN BULL, JOSEPH C. DESCHAMPS

ET SIMON THREEFINGERS, ET

CHACUN D'ENTRE EUX EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS

DE LA TRIBU LOUIS BULL, EN LEUR PROPRE NOM ET

AU NOM DES MEMBRES DE LA TRIBU LOUIS BULL et

LA TRIBU LOUIS BULL


demandeurs

ET


LE CONSEIL DE LA TRIBU LOUIS BULL,

HELEN BULL, CHEF DE LA TRIBU LOUIS BULL,

SOLOMON BULL, VIRGIL DESCHAMPS et ELAINE ROASTING


défendeurs

     La transcription certifiée de mes motifs de l'ordonnance, prononcés à l'audience à Calgary (Alberta) le 24 août 2000, ci-jointe, est déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.


Max M. Teitelbaum

J.C.F.C.

Vancouver (C.-B.)

Le 6 septembre 2000




Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

                                 Dossier no T-176-00

COUR FÉDÉRALE DU CANADA


SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

ENTRE :

HENRY RAINE, JONATHAN BULL, JOSEPH C. DESCHAMPS,

CLYDE ROASTING et RUSTY THREEFINGERS,

et CHACUN D'ENTRE EUX EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS

DE LA TRIBU LOUIS BULL, EN LEUR PROPRE NOM ET

AU NOM DES MEMBRES DE LA TRIBU LOUIS BULL et

LA TRIBU LOUIS BULL

                                         demandeurs


et


LE CONSEIL DE LA TRIBU LOUIS BULL,

HELEN BULL, CHEF DE LA TRIBU LOUIS BULL,

SOLOMON BULL, VIRGIL DESCHAMPS et ELAINE ROASTING

                                         défendeurs







M O T I F S DE J U G E M E N T










                     Calgary (Alberta)

                     Le 24 août 2000


Transcription des procédures tenues à la Cour fédérale du Canada, 635-8e avenue sud-ouest, 4e étage, Calgary (Alberta)



Le 24 août 2000

M. le juge M. Teitelbaum              Cour fédérale du Canada

M. R.T. McKall                  pour les demandeurs

M. J. Braiden                      pour le chef Helen Bull et

                         le Conseil nommé de la

                         tribu Louis Bull

MM. J. Thorlakson et              pour le Conseil élu de

G. Petel                      la tribu Louis Bull

M. R.A. Cairns, c.r.                  pour Solomon Bull, Virgil

                         Deschamps et Elaine Roasting

Mme J. Bury                      pour le Procureur général du Canada

G. Ikert, CSR (A)                  sténographe judiciaire officiel



La Cour :      Je vais vous lire ma décision.

     Voici mes courts motifs à l'appui des conclusions que j'ai tirées après avoir lu les documents qui m'ont été soumis et entendu les plaidoiries des avocats des parties. Je procède de cette façon, en prononçant mes motifs à l'audience, étant donné l'urgence de la question qui m'est soumise.

     Je vais d'abord traiter de la question de procédure.

     Les demandeurs ont lancé les procédures dans ce dossier, no T-176-00, avec une déclaration datée du 1er février 2000. En bref, les demandeurs soutiennent dans cette déclaration que certaines des actions des défendeurs ont fait tort à la réputation de la tribu Louis Bull.

     Le 10 août 2000, les demandeurs ont déposé un avis de requête dans ce dossier, no T-176-00, pour audition le 14 août 2000. La requête devait être présentée à Vancouver. Dans l'avis de requête devant être présenté à Vancouver, les demandeurs sollicitent une ordonnance empêchant toute personne, à l'exception de certaines personnes nommées, d'agir comme conseillers de la tribu Louis Bull, et portant que certaines lettres de cessation de fonctions sont nulles et de nul effet, et interdisant qu'on entrave le travail des employés de la tribu Louis Bull ou des cogérants de la tribu, ou des conseillers élus.

     Le 14 août 2000, M. le juge Pelletier a ordonné un ajournement de la demande à certaines conditions qui ont reçu le consentement des avocats des parties.

     L'audition de la demande s'est tenue à Calgary, les 22 et 24 août 2000.

     La requête qui m'est présentée par les demandeurs, selon l'avis de requête, sollicite les réparations suivantes (je vais lire une partie de l'avis de requête) :

     [traduction]

     « a) interdisant à toute personne, sauf ordonnance ultérieure de la Cour, d'agir ou de prétendre agir comme conseiller de la tribu Louis Bull, à l'exception de Helen Bull, Jonathan Bull, Solomon Bull, Joseph C. Deschamps, Virgil Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting, Elaine Roasting et Rusty Threefingers;
     b) déclarant que la lettre de Helen Bull à Jonathan Bull, Joseph C. Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting et Rusty Threefingers, datée du 2 août 2000 et mettant fin à leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull est nulle et de nul effet;
     c) déclarant que la lettre du chef Helen Bull à Mowbrey Gil Inc., datée du 30 juillet 2000 et mettant fin à l'entente de gestion entre la tribu Louis Bull, Mowbrey Gil Inc. et les Affaires indiennes et du Nord canadien est nulle et de nul effet;
     d) interdisant, jusqu'à nouvelle ordonnance de la Cour, à Helen Bull, Solomon Bull, Virgil Deschamps et Elaine Roasting de contrarier ou entraver :
         i) le gérant, Mowbrey Gil Inc., ou tout autre cabinet de comptables, dans l'exécution de leurs obligations en vertu de l'entente de gestion;
         ii) les conseillers Jonathan Bull, Joseph C. Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting et Rusty Threefingers, dans l'exécution de leurs obligations en qualité de conseillers de la tribu Louis Bull; et
         iii) les employés de la tribu Louis Bull et de ses entreprises, dans l'exécution de leurs obligations.

     Au début de l'audition, les défendeurs ont soulevé la question de la compétence. Tel que je la comprends, la question soulevée porte que les demandeurs ne pouvaient procéder par avis de requête comme ils l'avaient fait. Les défendeurs soutiennent que les demandeurs auraient dû procéder par la voie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Helen Bull, datée du 2 août 2000, par laquelle le chef a unilatéralement privé les demandeurs de leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull.

     Conformément à l'article 57 des Règles de la Cour fédérale, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de transformer un acte introductif d'instance fautif afin d'éviter le rejet de l'acte introductif d'instance pour des motifs de procédure.

     Nonobstant l'objection présentée par les défendeurs au début de l'audience, je suis convaincu que je ne dois pas refuser d'entendre la présente demande.

     Comme je l'ai dit, l'article 57 des Règles de la Cour fédérale m'accorde le pouvoir discrétionnaire de transformer un acte de procédure pour qu'il soit conforme aux règles de procédure. De plus, dans une requête attaquant une irrégularité dans la procédure, c'est à la partie présentant la requête « qu'incombe le fardeau de prouver qu'elle a été présentée le plus tôt possible après avoir pris connaissance de l'irrégularité » . (Voir Agawa c. Hewson, T-764-98, le 18 juin 1998, C.F. 1re Inst.)

     En l'instance, la question aurait dû être portée à l'attention de la Cour au plus tard lorsque les parties au présent litige ont comparu devant M. le juge Pelletier à Vancouver, le 14 août 2000. Rien de tel ne s'est produit.

     Je partage l'avis des défendeurs que la procédure à utiliser pour contester la décision du chef Helen Bull du 2 août 2000, privant les demandeurs de leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull, était une demande de contrôle judiciaire.

     Par conséquent, j'utilise mon pouvoir discrétionnaire pour convertir l'action des demandeurs en une demande de contrôle judiciaire. Si suite à cette décision les défendeurs sont d'avis que certaines des allégations contenues dans la déclaration originale sont invalides, ils peuvent s'adresser à la Cour pour obtenir une réparation.

     Si les demandeurs jugent qu'il est nécessaire de modifier leur présentation, ils peuvent le faire au cours d'une période de 15 jours à compter d'aujourd'hui.

     La question la plus urgente que je dois maintenant décider porte sur la validité de la décision du 2 août 2000 du chef Helen Bull, par laquelle elle a privé les demandeurs de leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull, nonobstant le fait qu'ils ont été légalement élus.

     Comme les parties en conviennent, toutes les autres questions importantes seront liées à ma décision sur cette question de fond.

     Le 2 août 2000, les demandeurs ont reçu une lettre du chef Helen Bull. Comme je l'ai dit, cette dernière est chef de la tribu Louis Bull. Cette lettre est rédigée comme suit :

     [traduction]

         Comme vous le savez, le chef de la tribu Louis Bull a convoqué trois réunions spéciales afin de déterminer la démarche nécessaire face à l'occupation des immeubles de l'administration Louis Bull. Ces réunions étaient prévues se tenir le vendredi 28 juillet, à 14 h, le lundi 31 juillet, à 14 h, et le mercredi 2 août, à 11 h.
         Vous ne vous êtes présentés à aucune de ces réunions.
         Conformément au paragraphe 3(2) des Règlements fixant la procédure pour les réunions du Conseil de Bande indien, qui est rédigé comme suit :
             Un membre du Conseil ne peut s'absenter des réunions du Conseil lors de trois réunions consécutives sans l'autorisation du chef de la Bande ou du surintendant, avec le consentement de la majorité des conseillers de la Bande.
         Compte tenu de ce texte, vous êtes informés que par suite de votre absence à trois (3) réunions spéciales vous n'êtes plus aptes à siéger comme membre du Conseil de la Bande Louis Bull.
         En conséquence, vous êtes informés que les effets personnels qui se trouvent dans votre bureau peuvent être ramassés, par vous-même ou par votre représentant, à la réception des bureaux de la Bande le jeudi 3 août 2000. »

     Les demandeurs cherchent à obtenir que la lettre du chef Helen Bull, par laquelle elle prétend mettre fin à leur statut de conseillers de la tribu Louis Bull, soit annulée et déclarée sans valeur et de nul effet.

     Les questions que je dois trancher en l'instance sont les suivantes : premièrement, le chef a-t-il procédé de façon régulière en mettant fin au mandat des cinq conseillers? Cette question comporte deux sous-questions, savoir si le chef a le pouvoir d'agir ainsi en vertu des Principes et Politiques tribales de la Bande, et si les conseillers ont été avisés de la tenue des trois réunions spéciales. La deuxième question porte sur le fait de savoir si le chef avait compétence pour nommer les trois conseillers qu'elle a nommés suite à sa décision portant que les demandeurs n'avaient plus le statut de conseillers. La troisième question consiste à savoir si la résolution du Conseil de Bande, adoptée par ce nouveau Conseil le 2 août 2000, et qui met fin aux services du cabinet de comptables Mowbrey Gil Inc., est valable. Comme je l'ai dit, la réponse aux deuxième et troisième questions suivra nécessairement celle qui sera apportée à la première question.

     Par conséquent, la première question consiste à déterminer si la lettre du chef mettant fin au mandat des conseillers est valable.

     Les élections et la procédure électorale du Conseil de Bande de la tribu Louis Bull sont régies par la coutume de la Bande. Ce fait est admis par toutes les parties. Les documents suivants régissent les procédures du Conseil de Bande : les Principes de la tribu Louis Bull, document qui porte la désignation alphanumérique LBT 439/#001 et que j'appellerai dorénavant les « Principes » ; les Politiques du Conseil de la tribu Louis Bull no 439, qui portent la désignation alphanumérique LBT 439/#002 et que j'appellerai dorénavant les « Politiques » ; et la déclaration portant sur la coutume régissant les élections au Conseil tribal de la tribu Louis Bull no 439. Les Principes et les Politiques ont été adoptés par le chef et le Conseil de la tribu Louis Bull le 7 mai 1990. La déclaration portant sur la coutume régissant les élections Conseil de la tribu a été adoptée le 28 janvier 1998. Toutefois, la déclaration n'est pas pertinente dans le cadre de cette demande et il n'en sera plus fait mention.

     Dans les Principes, on trouve une partie intitulée Code d'éthique et normes de conduite du Conseil. L'article 4 énonce les cas où un poste de conseiller peut être déclaré vacant. La partie pertinente aux fins de cette demande se trouve au paragraphe 4(f), qui porte qu'un poste de conseiller sera déclaré vacant si le conseiller [traduction] « s'absente, sans autorisation, de trois réunions consécutives du Conseil » .

     La première partie des Politiques, intitulée Règles de conduite, porte que tous les membres du Conseil assisteront à toutes les réunions du Conseil, à moins d'obtenir l'autorisation écrite du chef de s'absenter. Le paragraphe 1(d) de cette partie porte que lorsqu'un conseiller s'absente des réunions ou de son travail sans permission, le chef prendra les mesures disciplinaires requises, déclaration qui est suivie par la mention suivante, entre parenthèses, [traduction] « conformément à la partie II » . Cette deuxième partie, qui est intitulée Réunions du Conseil, porte que les réunions régulières du Conseil se tiendront à 9 h 30 chaque lundi ou mardi, sauf la troisième semaine de chaque mois. Cet article porte aussi que le président ou le chef peuvent convoquer des réunions spéciales du Conseil en avisant les membres oralement.

     La partie VIII des Politiques s'intitule Mesures disciplinaires. On y trouve l'échelle des pénalités qui sanctionnent l'absentéisme à l'occasion des réunions du Conseil ou des ateliers du Conseil. Le défaut de participer à une réunion ou à un atelier du Conseil est sanctionné par la perte d'une journée de salaire. Le défaut de se présenter à la réunion régulière du Conseil suivante est sanctionné par une semaine de suspension, sans salaire. S'il s'agit du défaut de se présenter à une troisième réunion consécutive du Conseil, la sanction est une suspension d'un mois, sans salaire. À défaut d'amélioration dans les six mois, le conseiller peut être exclu du Conseil, mesure qui doit être ratifiée par les membres.

     Il est clair que les Politiques et les Principes n'ont pas la même approche quant aux mesures disciplinaires appropriées à prendre dans de telles circonstances. Ces incohérences sont encore plus marquées du fait que les deux documents en question ont été adoptés le même jour, soit le 7 mai 1990.

     Lorsqu'il y a conflit entre deux documents, je suis convaincu que c'est le plus récent qui doit avoir préséance. Lorsque deux mesures législatives entrent en vigueur le même jour, les tribunaux ont à l'occasion accepté que le plus récent était celui qui avait la numérotation la plus élevée et que c'est donc celui qui s'applique.

     En l'instance, je conclus que les Politiques du Conseil tribal Louis Bull constituent le document qui régit les mesures disciplinaires appropriées. Les Politiques traitent de façon plus spécifique que les Principes tribaux des conséquences rattachées à l'absentéisme. Par conséquent, la coutume de la tribu Louis Bull qui régit l'absentéisme se trouve dans les Politiques.

     Toutefois, ceci ne règle pas la question. Les Politiques du Conseil tribal portent que les réunions spéciales peuvent être convoquées par le chef, sous réserve d'un avis donné oralement. Par conséquent, je dois maintenant déterminer si les demandeurs en l'instance, les cinq conseillers, ont reçu avis oralement de la tenue des réunions spéciales que le chef prétend avoir convoquées et auxquelles ils ne se seraient pas présentés.

     Il est admis que les demandeurs en l'instance, les cinq conseillers, n'ont pas reçu d'avis écrit de la tenue des réunions en cause.

     La première réunion spéciale est supposée avoir eu lieu le 28 juillet 2000. À ce moment-là, le bâtiment administratif de la tribu, où se trouve la salle du Conseil de la Bande, était occupé par un groupe de jeunes gens qui s'étaient installés à la toute première heure le 27 juillet 2000.

     Je suis convaincu que rien dans la preuve qu'on m'a soumise indique qu'un avis de la tenue de cette réunion du 28 juillet 2000 a été communiqué aux cinq conseillers. Dans leurs affidavits, les conseillers Clyde Roasting, Jonathan Bull, Joseph C. Deschamps et Rusty Threefingers déclarent sous serment qu'ils n'ont reçu aucun avis de la tenue de la réunion du 28 juillet. Pour sa part, Henry Raine a déclaré lors du contre-interrogatoire sur son affidavit qu'il n'a eu aucune connaissance de la réunion du 28 juillet.

     Dans son affidavit, le chef Bull affirme sous serment que les avis de la tenue des réunions ont été transmis aux cinq conseillers par le service de police Louis Bull et elle déclare qu'une copie de cet avis est annexée comme pièce C à son affidavit. Toutefois, la pièce C est une lettre ne portant pas de date, écrite sur du papier en-tête du service de police Louis Bull par le sergent Nyback. On y trouve mention du fait que le 31 juillet, M. Clyde Rabbit, qui était le médiateur ou l'agent de liaison des occupants aux dires d'autres témoignages que j'ai entendus, est entré en rapport avec le sergent Nyback et lui a demandé d'aviser les cinq conseillers de la tenue d'une réunion le jour même, soit le 31 juillet 2000. Il n'y est aucunement fait mention d'une réunion le 28 juillet 2000.

     En vertu des Politiques tribales, les conseillers devaient être avisés oralement de la tenue d'une réunion spéciale. Ils déclarent qu'on ne les a pas informés de la tenue de la réunion spéciale du 28 juillet et rien dans la preuve ne vient les contredire à ce sujet.

     Au sujet de la réunion spéciale du 31 juillet 2000, le chef s'appuie à nouveau sur la pièce C annexée à son affidavit comme preuve que les conseillers ont été avisés oralement comme il se doit. J'ai déjà fait remarquer que la pièce C est une lettre du sergent Nyback. Elle est intitulée [traduction] « ATTENTION : Groupe du conseil des jeunes, avis de réunion » et elle est rédigée comme suit :

         [traduction]

         « La présente vous informe que le 31 juillet 2000, M. Clyde Rabbit est entré en rapport avec le signataire pour lui demander d'informer cinq (5) conseillers de la tenue d'une réunion à 14 h ce jour. M. Rabbit a communiqué son numéro de téléphone cellulaire et le signataire a informé M. Rabbit qu'il ferait des tentatives afin de l'aider à informer les conseillers susmentionnés.
         Le signataire est entré en rapport avec M. Clyde Roasting et l'a informé de la tenue de la réunion de 14 h, comme on lui avait demandé. Le signataire a aussi donné le numéro de téléphone de M. Roasting à M. Rabbit. De plus, le signataire a demandé à M. Roasting de transmettre les renseignements en question à d'autres conseillers. »

     Je dois faire remarquer que c'est Clyde Rabbit qui est entré en rapport avec le sergent Nyback au sujet de la réunion qui devait avoir lieu à 14 h le 31 juillet 2000.

     Cette lettre est présentée comme preuve que le chef aurait donné avis de la tenue de la réunion spéciale du 31 juillet 2000. Toutefois, rien dans la lettre n'indique que la réunion en cause est une réunion spéciale ou qu'elle est convoquée par le chef. À la lecture de cette lettre, on arrive à la conclusion que la réunion est convoquée par Clyde Rabbit. Or, il n'est pas membre du Conseil de Bande et n'est aucunement autorisé à convoquer des réunions du Conseil, qu'il s'agisse de réunions régulières ou spéciales. Bien que cette lettre puisse tenir lieu de convocation à une réunion et que Clyde Roasting semble l'avoir reçue, rien dans la preuve n'appuie la prétention que la réunion du 31 juillet 2000 aurait été une réunion spéciale convoquée par le chef, et que les cinq conseillers auraient été avisés oralement comme il se doit.

     Quant à la réunion du 2 août 2000, les cinq conseillers admettent qu'ils en ont été avisés. Ils ont toutefois préféré se rendre à Edmonton pour une rencontre avec des représentants des Affaires indiennes et du Nord canadien et de Mowbrey Gil Inc., afin de discuter les problèmes causés par l'occupation du bâtiment de l'administration tribale dans la prestation des services.

     Selon les Politiques du Conseil tribal, les conseillers devaient être avisés oralement de la tenue des réunions spéciales. Il est clair qu'ils n'ont pas reçu l'avis requis, du moins en ce qui concerne la réunion du 28 juillet, non plus qu'ils auraient reçu l'avis requis du chef pour la réunion du 31 juillet. Par conséquent, les cinq conseillers ne se sont pas absentés de trois réunions consécutives comme l'affirme le chef dans sa lettre mettant fin à leur mandat. Par conséquent, la lettre du chef qui prétend mettre fin à leur mandat de conseiller n'a aucune valeur. La décision du chef prise le 2 août 2000 de mettre fin au mandat de conseiller des demandeurs est donc annulée et elle est de nul effet.

     Les résolutions du Conseil de Bande adoptées par le chef et par le Conseil nommé dans la soirée du 2 août 2000 n'ont pas de valeur non plus et elles sont annulées. Les résolutions du Conseil de Bande en question sont annexées à l'affidavit souscrit par le chef Helen Bull le 14 août 2000 (pièce D).

     Les Politiques accordent des pouvoirs extraordinaires au chef, qui comprennent celui de nommer des personnes et de leur accorder les pouvoirs d'un conseiller régulièrement élu, dans le cas où un des conseillers ne peut participer à la discussion d'une question que le chef considère être urgente. Au vu de la preuve qui m'est présentée, le chef n'a fait aucun effort pour convoquer les cinq conseillers à la réunion tenue dans la soirée du 2 août 2000. Elle a nommé trois nouveaux conseillers sans leur confier la moindre tâche qui aurait été liée à la supposée situation d'urgence, et ils ont adopté une résolution du Conseil de Bande qui, au vu même du dossier, ne semble pas traiter de la situation d'urgence, savoir l'occupation du bâtiment de l'administration de la tribu.

     Il est donc clair que les gestes posés par le chef Helen Bull n'ont aucune valeur.

     En conséquence des motifs précités, les seules personnes qui sont aptes à agir au nom de la tribu Louis Bull sont les membres élus du Conseil de la tribu, savoir le chef Helen Bull, Jonathan Bull, Solomon Bull, Joseph C. Deschamps, Virgil Deschamps, Henry Raine, Clyde Roasting, Elaine Roasting et Rusty Threefingers. La lettre du chef Helen Bull à Mowbrey Gil Inc., datée du 30 juillet 2000, qui mettait fin à l'entente de gestion entre la tribu Louis Bull, Mowbrey Gil Inc. et les Affaires indiennes et du Nord canadien, est nulle et de nul effet, étant donné que la décision de mettre fin à l'entente n'a pas été prise par une résolution du Conseil de Bande en bonne et due forme.

     En ayant terminé avec cette partie de ma décision, je veux faire quelques commentaires au sujet des gestes posés par le chef.

     L'un des deux avocats des défendeurs a déclaré que toutes les parties ont une obligation fiduciaire envers la tribu et je veux insister sur ce point. Je suis d'accord avec cette déclaration. Les neuf personnes en cause, toutes ces personnes, ont une obligation fiduciaire envers la tribu. C'est pour cette raison qu'ils se sont présentés aux élections en qualité de chef et/ou de conseiller.

     Il m'est difficile de comprendre le geste posé par le chef Helen Bull lorsqu'elle a signé, avec l'accord d'un ou de trois conseillers, mais sans celui du Conseil, une entente de gestion dans laquelle elle s'engage à verser des dommages-intérêts de 10 000 $ en cas d'annulation du contrat. Je vous prie de m'excuser. J'ai dit 10 000 $. Je vous prie de m'excuser, la somme en cause est de 10 millions de dollars, une somme astronomique pour la gestion des affaires de la tribu Louis Bull pendant une période de cinq ans, qui devient exigible si le contrat est annulé avant la date prévue pour son expiration.

     Je trouve encore plus difficile de croire que le chef Helen Bull a signé une déclaration de règlement sans consulter qui que ce soit, sans parler à un seul avocat, alors qu'il y a plusieurs très bons avocats ici présents à qui elle aurait pu s'adresser, déclaration de règlement dans laquelle elle cède des droits de propriété d'une valeur de plus de 20 millions de dollars pour régler une réclamation en dommages-intérêts de 10 millions de dollars, sans l'aide de qui que ce soit et sans convoquer une réunion du Conseil de Bande.

     Bien sûr, je ne connais pas tous les faits et je ne peux porter un jugement sur cette question, sauf pour dire que si les neuf personnes en cause ont une obligation fiduciaire envers la tribu Louis Bull, je ne peux comprendre ce qui peut justifier le fait de céder des droits de propriété d'une valeur de plus de 20 millions de dollars pour régler une réclamation en dommages-intérêts de 10 millions de dollars.

     Les seules personnes qui vont souffrir de la dissension entre les membres du Conseil, savoir les membres élus du Conseil, sont les membres de la tribu qui n'ont pas les moyens de dépenser de telles sommes. Je ne sais pas quelles sont les ressources financières de la tribu Louis Bull. Quelles qu'elles soient, je ne peux comprendre qu'on gaspille des fonds qui pourraient être utilisés de façon plus utile en payant 20 millions de dollars de dommages-intérêts alors que la réclamation maximum ne pouvait être supérieure à 10 millions de dollars.

     J'encourage fortement les membres du Conseil à satisfaire à leurs obligations fiduciaires envers les membres de la Bande, à mettre de côté leurs divergences pour travailler ensemble pour le plus grand bien de la Bande, ce que je crois avoir été leur intention quand ils se sont présentés aux postes de chef et de conseillers. Je vous implore donc, s'il vous plaît, de vous rassembler et de régler vos problèmes à l'amiable et non devant un tribunal où le juge ne peut se fonder que sur la documentation et la preuve qu'on lui présente.

     Il y a en cette salle des avocats éminents qui ont présenté le point de vue de leurs clients de la meilleure façon possible. Il semble clair que les membres du Conseil, avec l'aide d'avocats aussi éminents, peuvent se rencontrer et régler leurs problèmes. S'ils n'y trouvent pas une satisfaction personnelle, du moins auront-ils agi dans le meilleur intérêt des membres de la tribu.


FIN DE L'AUDIENCE


     Certificat de transcription

Le soussigné certifie par la présente que les pages 1 à 17 sont une transcription conforme et fidèle des procédures prises en sténographie et transcrites à partir des notes sténographiques au meilleur de ses compétences. Souscrit dans la ville de Calgary, province de l'Alberta, le 30e jour d'août 2000.

                        

                         G. Ikert, CSR (A)

                         Sténographe judiciaire officiel

CAT - imprimé le 30 août 2000

Traduction certifiée conforme


Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              T-176-00
INTITULÉ DE LA CAUSE :      HENRY RAINE ET AUTRES c. CONSEIL DE LA TRIBU LOUIS BULL ET AUTRES


LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)

DATES DE L'AUDIENCE :      Les 22 et 24 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE TEITELBAUM

EN DATE DU :              6 septembre 2000



ONT COMPARU

M. Ramon T. McKall                          POUR LE DEMANDEUR

MM. James Thorlakson et                      POUR LE CONSEIL ÉLU DE LA

Alain Dubuc                              TRIBU LOUIS BULL


M. James D. Braiden                          POUR LE CHEF HELEN BULL

                                 ET LE CONSEIL NOMMÉ


M. Richard A. Cairns, c.r.                      POUR LES DÉFENDEURS SOLOMON BULL, VIRGIL DESCHAMPS ET ELAINE ROASTING
Mme Joanne Bury                          POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

HENNING BYRNE WHITEMORE & MCKALL              POUR LE DEMANDEUR

EDMONTON (ALBERTA)

MILLET THOMPSON                          POUR LE CONSEIL ÉLU

EDMONTON (ALBERTA)

WHITING PHIP MAR CASKENETTE BRAIDEN              POUR LE CONSEIL EDMONTON (ALBERTA)                          NOMMÉ ET LE CHEF HELEN BULL

RICHARD A. CAIRNS PROF. CROP.

CALGARY (ALBERTA)                          POUR LES DÉFENDEURS SOLOMON BULL, VIRGIL DESCHAMPS ET ELAINE ROASTING

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

EDMONTON (ALBERTA)                          POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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