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Date : 20000906


Dossier : T-1866-98

Entre :         


MICHEL GAUTHIER

demandeur


-et-


Me DIANE FORTIER


défenderesse


-et-


LA BANQUE DU CANADA

défenderesse


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX


INTRODUCTION



[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale et ce, à l'encontre d'une sentence arbitrale rendue par Me Diane Fortier, arbitre et défenderesse aux présentes, le 19 août 1998 suite au dépôt par le demandeur d'une plainte pour congédiement injuste faite en vertu des articles 240 et suivants du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (ci-après: le Code).

FAITS


[2]      La Banque du Canada (ci-après: la Banque) avait embauché, le 31 août 1992, le demandeur à titre d'agent de sécurité à sa succursale de Montréal située à l'île-des-Soeurs.


[3]      En avril 1993, un poste de chef des services de protection de la succursale fut ouvert. Le demandeur posa sa candidature à ce poste et obtint ce dernier le 17 mai 1993. Comme tâche principale, le demandeur avait comme mandat de gérer les opérations reliées à la sécurité et de superviser seize (16) agents de sécurité.


[4]      Suite à cette nomination, la Banque observa certaines lacunes dans la méthode de gestion du demandeur. En effet, le supérieur immédiat du demandeur, M. Dorian Leon Lynch, responsable des services de protection pour toutes les succursales de la Banque au Canada, rapporta dans son témoignage lors de l'audience devant l'arbitre, Me Fortier, que les ennuis débutèrent en automne 1994 où il commença à répertorier diverses situations problématiques impliquant le demandeur. En effet, M. Lynch rapporta divers conflits entre le demandeur et d'autres membres du personnel de la Banque tel le gérant de l'immeuble, Monsieur Ron Richard et un spécialiste des systèmes de protection, Monsieur Murphy.


[5]      Après avoir observé la gestion du demandeur, Monsieur Lynch prépara un rapport sur l'évaluation du rendement du demandeur pour la période située entre le mois d'août 1992 et le mois d'octobre 1995 qui se lit comme suit:

Rapport sur l'évaluation du rendement et sur le perfectionnement
J.H.M.B. Gauthier
Pour la période allant du mois d'août 1992 au mois d'octobre 1995
L'évaluation de M. Gauthier concerne à la fois son poste d'agent de sécurité (du 3 mai 1992 au 17 mai 1993) et celui de chef des opérations de protection au COAM (du 17 mai 1993 jusqu'à aujourd'hui).
À titre d'agent de sécurité du COAM, M. Gauthier a démontré qu'il possédait une bonne compréhension des notions essentielles de la sécurité industrielle. Il a souvent fait des suggestions à son chef de service à ce sujet et était toujours prêt à se porter volontaire pour tout travail additionnel. Son rendement au cours de cette période a été « entièrement satisfaisant » .
Lorsque le poste de chef des opérations de protection au COAM est devenu vacant, M. Gauthier a postulé et obtenu le poste. C'est surtout sa connaissance et son expérience de la sécurité industrielle qui lui a valu d'être sélectionné. Ainsi, lorsque Michel a accédé à ce poste, le COAM n'avait pas eu de chef des opérations de protection à plein temps depuis assez longtemps, et il a fallu à Michel accomplir une somme de travail considérable afin d'assurer un déroulement normal des opérations. Au cours de cette période, Michel a travaillé très fort et a fait beaucoup d'heures supplémentaires.
Sous la direction générale du chef de service - Opérations, M. Gauthier s'occupe des opérations ayant trait à la sécurité au COAM et gère un personnel de 16 agents de sécurité. Il assume, de concert avec le technicien spécialisé en sécurité, les fonctions de représentant de la Section des services de protection pour tout ce qui a trait à la sécurité. Il fournit à tout le personnel de la Banque travaillant au COAM les conseils et l'encadrement nécessaires en matière de protection des lieux, des personnes et des renseignements. Il est responsable de l'élaboration de procédures et de directives se rapportant à l'ensemble des fonctions et systèmes de sécurité au sein du COAM .
M. Gauthier a un grand souci du détail et étudie à fond tout projet lié à la sécurité qui l'intéresse. Toute demande de renseignements qu'il reçoit se traduit par une masse de correspondance, d'articles et de recommandations. Il faut souligner à juste titre son immense capacité de travail et sa recherche de la perfection. Il doit toutefois veiller à ne pas trop s'impliquer dans un aspect particulier de son travail, ce qui peut l'amener à y consacrer beaucoup trop de temps au détriment de ses tâches de gestionnaire. M. Gauthier doit éviter d'en entreprendre trop pour ses moyens et veiller à bien gérer son temps de façon à ce que les priorités qu'il a fixées conjointement avec le siège puissent être respectées. Michel pourrait ainsi disposer de plus de temps pour les tâches de gestion. Il pourrait de cette façon contribuer de beaucoup à dissiper l'impression qu'ont ses employés qu'il est distant et peu enclin à entretenir de bonnes relations interpersonnelles.
À l'instar de bien des bourreaux de travail, M. Gauthier donne l'impression d'être une personne solitaire, qui semble préférer tout faire lui-même, afin que chaque chose soit exécutée conformément à ses normes personnelles qui sont très élevées. Il n'associe pas souvent son personnel à ses projets ni ne recherche volontiers avis ou sa participation. Ainsi comme ses employés croient qu'il n'a que peu ou même aucune confiance en eux, le moral des agents de sécurité est très bas. Ils se sentent isolés et ne lui reconnaissent guère de qualités de chef. C'est inquiétant parce que, dans une situation de crise, il devront justement compter sur les qualités de chef de Michel et peut-être même s'en remettre, pour leur sécurité et leur vie même, à la sûreté de son jugement.
La capacité de Michel à entretenir de bons rapports avec autrui, à communiquer et à assumer des tâches de gestion s'est révélée faible. Sa façon de se comporter avec ses collègues a entraîné beaucoup de frictions tant à Montréal qu'à Ottawa. Michel a été invité à suivre le cours Leadership situationnel à Ottawa dans l'espoir qu'il surmonterait ses faiblesses. Malheureusement, Michel a jugé que ce cours n'avait aucune valeur et il a démontré depuis qu'il n'en a presque rien retiré. Michel est convaincu que sa façon de faire est la seule valable, ce qui constituera toujours un obstacle pour le développement de ces capacités de gestionnaire.
Au début de sa carrière à la Banque, Michel a montré qu'il était disposé à rompre avec le statu quo. Ses supérieurs y ont d'abord vu une très belle qualité, qu'ils se devaient d'encourager. Mais ils se sont rendu compte peu à peu que cette qualité était en fait une faiblesse en raison de l'approche de Michel. Il y a une bonne et une mauvaise façon d'apporter des changements dans une organisation. Michel est toujours prompt à critiquer une politique ou une procédure de la Banque, que ce soit en matière de sécurité, de formation, de ressources humaines et même de comptabilité. Ce qui est désespérant, c'est que dans la plupart des cas ses critiques ne se justifient pas vraiment et, même après qu'on lui a expliqué la politique ou la procédure, Michel va poursuivre inlassablement la mission qu'il s'est fixé de convaincre ses interlocuteurs que la Banque a tort et qu'il a raison.
La direction de la Section a passé bien des heures à essayer de « persuader » Michel que sa façon de procéder n'était ni souhaitable ni acceptable, et ce tant pour la Section que pour la Banque. Ce qui est pénible en fait, c'est que Michel considère toute critique visant ses suggestions comme une attaque personnelle dirigée contre lui. Même lorsqu'il se montre d'accord sur un point, il profite de la première occasion qui se présente pour remettre ce point sur le tapis en présence d'une autre personne afin d'amener celle-ci à abonder dans son sens. Cette façon de faire, qui consiste à diviser pour mieux régner, est devenue plutôt assommante, et nous lui avons signalé qu'il n'avait pas à faire cela et que c'était bien mal employer son temps de gestionnaire.
Michel comprend mal le rôle et les responsabilités qui lui incombent et tant que chef des opérations de protection au COAM. Il semble croire que le respect des politiques et des procédures est facultatif et qu'il peut adapter celles-ci à ses propres besoins. Nous lui avons fait remarquer à maintes reprises qu'il est notre représentant auprès du COAM et non un agent autonome. Il modifie continuellement les procédures ou encore ne tient pas compte des politiques en matière de sécurité sous prétexte qu'il sait mieux de quoi il retourne.
Enfin, étant donné les dangers et les risques toujours présents, la façon dont Michel fait observer la sécurité industrielle et les solutions qu'il propose se sont révélées trop draconiennes pour la Banque. Michel doit tenir compte du degré de probabilité que les événements appréhendés surviendront et ne pas toujours se préparer en vue de la pire éventualité. La Banque est un établissement où la sécurité et les besoins opérationnels doivent être évalués selon leurs mérites respectifs. Aucun programme de sécurité n'éliminera jamais complètement le risque de la perte d'un bien, et c'est à nous qu'il incombe d'évaluer les dangers et les risques et de déterminer quelle est la sécurité optimale à observer.
En somme, même si on ne peut mettre en doute l'intégrité de Michel ou sa volonté de protéger les biens de la Banque, il doit se montrer prêt à accepter et à suivre continuellement les politiques et procédures de la Section ainsi que celles de la Banque. En outre, Michel doit passer plus de temps avec son personnel pour les diriger, les encadrer, les former et leur faire connaître son point de vue. Il doit cesser d'être un gestionnaire rivé à son bateau, qui communique avec son personnel au moyen de notes de service.
Au cours de la période couverte par la présente évaluation, Michel n'a pas satisfait aux principales exigences de son poste, ce qui lui vaut la cote "moins que satisfaisant". Il est à espérer que Michel tiendra compte de ces observations et qu'avec l'aide de son supérieur, il fera des efforts pour améliorer son rendement au cours de la prochaine période d'évaluation.      [mes soulignés]

[6]      Le demandeur eut connaissance de ce rapport d'évaluation le 11 octobre 1995 lors d'une rencontre avec Messieurs Aiken et Lynch. Par la suite, en réponse à cette évaluation de rendement, Monsieur Gauthier a fait parvenir une lettre à Monsieur Lynch, datée du 17 octobre, visant à contester ladite évaluation. Le 25 octobre 1995, Monsieur Aiken fit parvenir une lettre en réponse à la contestation du demandeur.

[7]      Toujours en octobre 1995, il appert de la preuve que dix des seize agents de sécurité travaillant sous la supervision du demandeur ont demandé à rencontrer Monsieur Lynch afin de discuter des problèmes qu'ils éprouvaient sous la gestion du demandeur.

[8]      En réponse à cette demande faite par les agents de sécurité, Monsieur Lynch organisa une rencontre en novembre 1995, en compagnie d'une représentante des Ressources Humaines, Madame Séguin. Lors de cette rencontre, effectuée sur une base volontaire, les huit agents de sécurité présents remplirent un questionnaire visant à déterminer leur degré de satisfaction à l'égard de leur environnement de travail, des évaluations de rendement effectuées par le demandeur et quant au moral des employés. Somme toute, les commentaires faits quant à la gestion du demandeur sont plutôt négatifs, les plus sérieux ont été déposés lors de l'audition devant l'arbitre:

"... When Mr. Gauthier is around there is a lot of undue pressure. In such a state, officers could be pushed or trapped into making wrong moves when reacting to a situation. This could prove to be very dangerous."
"... I don't know who we are working for, I am not sure if it is for Brendan (MURPHY - T.S.S.), or Michel. There is a lot of bickering between Michel and Brendan. Brendan appears to be responsable for the matrix system and whenever there is an action (change on it???), Michel fights it all the way. The security officers are caught between Michel and Brendan!"
"...I agree that the working environment is problematic. Michel's leadership tends to put everyone against each other. It seems that Michel feels if the officers are against each other they will be more open and the comments will get back to him." (Sounds like the divide and rule principle to me! -DLL)
"...He (Michel) has made it clear that he does not like ex-policemen or military and as such does not listen to my ideas".
"...I don't appreciate some of the comments Mr. Gauthier makes, (ie), we would train monkeys on the console. I don't believe I should be compared to a monkey".
"...the group of twelve officers that form the other camp get along well with each other and work primarily with little or no supervision"
"...he (Michel) is not receptive of advice, no matter what is asked he will do the opposite. If we want something now we will give him the wrong answer or advice, and he will then give us the opposite or what we wanted in the first place".
"...here at MAOC the Manager is not respected as an individual. A lot of this may stem from the fact he does not have a police or military background".
"...I believe Michel has the will to do a lot of stuff, but I also think that he is stalled by Head Office".
"...there sometimes appears to be too many chiefs and not enough Indians...[my note: -indication that everyone wants to run the show and it is difficult for Michel to achieve results under these conditions]."

[9]      Le 3 janvier 1996, Monsieur Lynch, Gérant du service de protection de la Banque ainsi que Monsieur Brian Aiken, Chef du service de protection de la Banque pour tous les édifices au Canada, rencontrèrent le demandeur afin de vérifier s'il y avait eu amélioration dans l'accomplissement de ses tâches suite à l'évaluation de rendement dont il avait été sujet.

[10]      Or, la preuve est à l'effet que lors de cette rencontre du 3 janvier 1996, le demandeur refusa d'admettre les lacunes rapportées lors de son évaluation de rendement et rétorqua que se sont plutôt eux (Messieurs Lynch et Aiken) qui avaient tort de douter de ses qualités de gestionnaire.

[11]      Suite à cette rencontre, Monsieur Aiken fit parvenir, le 4 janvier 1996, une lettre à son supérieur immédiat, Monsieur Stephenson afin de recommander le congédiement du demandeur pour des motifs de compétence, d'attitude et de compréhension d'un gestionnaire.

[12]      Le 9 janvier 1996, Monsieur Aiken avisa le demandeur de la cessation de son emploi à la Banque et lui remis en mains propres, une lettre de congédiement. Une indemnité de séparation fut offerte au demandeur qui décida de la refuser.

[13]      Le 22 février 1996, le demandeur déposa une plainte en vertu de l'article 240 du Code, pour congédiement injuste.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[14]      Les articles pertinents du Code sont les suivants:

240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si_:

a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis par une convention collective.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du congédiement.

(3) Le ministre peut proroger le délai fixé au paragraphe (2) dans les cas où il est convaincu que l'intéressé a déposé sa plainte à temps mais auprès d'un fonctionnaire qu'il croyait, à tort, habilité à la recevoir.

241. (1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l'employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l'employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

(2) Dès réception de la plainte, l'inspecteur s'efforce de concilier les parties ou confie cette tâche à un autre inspecteur.

(3) Si la conciliation n'aboutit pas dans un délai qu'il estime raisonnable en l'occurrence, l'inspecteur, sur demande écrite du plaignant à l'effet de saisir un arbitre du cas_:

a) fait rapport au ministre de l'échec de son intervention;

b) transmet au ministre la plainte, l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement et tous autres déclarations ou documents relatifs à la plainte.

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement.

(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre_:

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre_:

a) décide si le congédiement était injuste;

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.

(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants_:

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste;

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur_:

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.


243. (1) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire -- notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto -- visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de l'article 242.


244. (1) La personne intéressée par l'ordonnance d'un arbitre visée au paragraphe 242(4), ou le ministre, sur demande de celle-ci, peut, après l'expiration d'un délai de quatorze jours suivant la date de l'ordonnance ou la date d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure, déposer à la Cour fédérale une copie du dispositif de l'ordonnance.

(2) Dès le dépôt de l'ordonnance de l'arbitre, la Cour fédérale procède à l'enregistrement de celle-ci; l'enregistrement confère à l'ordonnance valeur de jugement de ce tribunal et, dès lors, toutes les procédures d'exécution applicables à un tel jugement peuvent être engagées à son égard.


245. Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser, pour l'application de la présente section, les cas d'absence qui n'ont pas pour effet d'interrompre le service chez l'employeur.


246. (1) Les articles 240 à 245 n'ont pas pour effet de suspendre ou de modifier le recours civil que l'employé peut exercer contre son employeur.

(2) L'article 189 s'applique dans le cadre de la présente section.

[mes soulignés]

240. (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

(2) Subject to subsection (3), a complaint under subsection (1) shall be made within ninety days from the date on which the person making the complaint was dismissed.

(3) The Minister may extend the period of time referred to in subsection (2) where the Minister is satisfied that a complaint was made in that period to a government official who had no authority to deal with the complaint but that the person making the complaint believed the official had that authority.

241. (1) Where an employer dismisses a person described in subsection 240(1), the person who was dismissed or any inspector may make a request in writing to the employer to provide a written statement giving the reasons for the dismissal, and any employer who receives such a request shall provide the person who made the request with such a statement within fifteen days after the request is made.

(2) On receipt of a complaint made under subsection 240(1), an inspector shall endeavour to assist the parties to the complaint to settle the complaint or cause another inspector to do so.

(3) Where a complaint is not settled under subsection (2) within such period as the inspector endeavouring to assist the parties pursuant to that subsection considers to be reasonable in the circumstances, the inspector shall, on the written request of the person who made the complaint that the complaint be referred to an adjudicator under subsection 242(1),

(a) report to the Minister that the endeavour to assist the parties to settle the complaint has not succeeded; and

(b) deliver to the Minister the complaint made under subsection 240(1), any written statement giving the reasons for the dismissal provided pursuant to subsection (1) and any other statements or documents the inspector has that relate to the complaint.

242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

(b) reinstate the person in his employ; and

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

244. (1) Any person affected by an order of an adjudicator under subsection 242(4), or the Minister on the request of any such person, may, after fourteen days from the date on which the order is made, or from the date provided in it for compliance, whichever is the later date, file in the Federal Court a copy of the order, exclusive of the reasons therefor.

(2) On filing in the Federal Court under subsection (1), an order of an adjudicator shall be registered in the Court and, when registered, has the same force and effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the order were a judgment obtained in that Court.


245. The Governor in Council may make regulations for the purposes of this Division defining the absences from employment that shall be deemed not to have interrupted continuity of employment.

246. (1) No civil remedy of an employee against his employer is suspended or affected by sections 240 to 245.

(2) Section 189 applies for the purposes of this Division.

[15]      Me Fortier fut nommée arbitre conformément aux dispositions du Code et procéda à l'audition de la plainte qui eut lieu à Montréal durant 11 jours. Le 19 août 1998, l'arbitre conclut au rejet de la plainte formulée par le demandeur pour des motifs qui seront explicités plus loin.

[16]      Le 25 septembre 1998, le demandeur déposa une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour.

DÉCISION DE L'ARBITRE

[17]      Lors de l'audition, seize témoins ont été entendus soit sept du côté du demandeur, alors plaignant et neuf du côté de la partie patronale, soit la Banque du Canada. Lisant la décision de l'arbitre, je constate que cette dernière a décrit de façon exhaustive lesdits témoignages entendus et après les avoir soupesés, elle conclut de la façon suivante:

Il m'apparaît clairement ici qu'il s'agit d'un congédiement administratif et non pas d'un congédiement disciplinaire. Même si le législateur ne fait pas de distinction entre les deux, il n'en demeure pas moins que l'arbitre abordera un cas de congédiement administratif différemment d'un congédiement disciplinaire. Je souscris aux propos de l'arbitre Me Charles Turmel, dans la décision déposée par l'employeur Services Techniques Informatiques S.T.I. Inc. et Bernard Tessier (1991) T.A. 188, lorsqu'il écrit ceci:
"Après avoir pris connaissance de l'ensemble de la preuve, j'en arrive aux conclusions suivantes:
1- Le congédiement du plaignant est un congédiement administratif. Les principaux motifs invoqués par l'employeur s'appuient sur les notions d'attitude et de rendement. En aucun cas, la preuve ne révèle une mesure disciplinaire prise par S.T.I. à l'endroit du plaignant.
En conséquence, l'employeur n'est pas soumis aux règles de l'incident culminant et de la gradation des sanctions. En matière de congédiement administratif, le fardeau de la preuve d'une cause juste et suffisante de congédiement repose toujours sur l'employeur. Il doit toujours, par prépondérance de preuve, convaincre l'arbitre qu'il possédait une cause juste et suffisante. Cependant, dans un tel cas, la jurisprudence est à l'effet que l'arbitre ne doit pas substituer son jugement à celui de l'employeur et ne doit intervenir que s'il vient à la conclusion que l'employeur a agi de façon déraisonnable, injuste ou discriminatoire. (Pages 195 et 196)
(...)
4- Je conçois donc que mon évaluation de la preuve doit se limiter à vérifier si l'employeur, en invoquant l'attitude et le rendement du plaignant comme cause juste et suffisante de son congédiement, n'a pas agi, en ce faisant, de façon déraisonnable injuste ou discriminatoire." (Page 196)


Essentiellement, le congédiement est motivé par le contenu de l'évaluation faite par Monsieur Lynch pour l'année 1994-1995 (P-3) et le résultat de la rencontre entre Monsieur Aiken et Monsieur Gauthier.
Je suis d'avis que la preuve a effectivement démontré que la présence de Monsieur Gauthier à la Banque du Canada n'était plus souhaitable. Ce dernier avait des problèmes avec plusieurs de ses employés, avec Monsieur Murphy, avec Monsieur Richard et avec la direction.
En toile de fond, j'ai le sentiment que le plaignant avait une vision d'un système de sécurité que plusieurs ne partageaient pas. Cette vision a créé des confrontation à tous les niveaux. Lorsque j'examine les notes journalières de Monsieur Lynch (P-5) et celles de Monsieur Gauthier (S-17), elles sont parsemées de conflits sur de multiples sujets.
Monsieur Gauthier exigeait que ses agents soient plus formés, exigeait que Monsieur Murphy porte uniforme et arme, exigeait que toute matière de sécurité soit sous son contrôle, exigeait que la direction le supporte dans sa façon de voir les choses. En soi, toutes ces exigences visaient l'intérêt de la Banque et peut-être que Monsieur Gauthier avait raison. Toutefois, je me dois de constater que l'insistance du plaignant et sa façon d'insister ont détérioré la situation à un point tel qu'il devait effectivement quitter la Banque. Il semble clair qu'il n'y avait plus d'équipe au service de sécurité lorsque j'examine les versions des dix agents de sécurité qui ont témoigné pour l'employeur et pour le plaignant. La preuve a démontré qu'il y avait deux clans. Un clan partageait l'approche de Monsieur Gauthier, alors que l'autre se sentait bousculé, insécurisé et stressé. Le procureur du plaignant trouve paradoxal que les témoins de l'employeur agents de sécurité, se plaignaient à la fois de l'absence de Monsieur Gauthier sur les lieux de leur travail et de la surveillance constante dont ils étaient l'objet. Ce que j'ai plutôt retenu de ces témoignages, c'est que tout en déplorant le manque de soutien de leur chef de service, ils se croyaient surveillés par le clan favorable à Monsieur Gauthier. Pour eux, cela se confirmait par la phrase: "J'ai entendu dire que".
Depuis le départ de Monsieur Gauthier et sous la direction d'un autre chef de service, tous les agents qui ont témoigné pour l'employeur ont indiqué que le climat de travail était maintenant normal. Ils ne sont plus témoins de litiges entre leur chef de service et Monsieur Richard ou Monsieur Murphy.
La structure organisationnelle n'a probablement pas aidé à la résolution des conflits entre Messieurs Gauthier, Richard et Murphy. Je n'ai pas à me prononcer sur cette organisation. Elle relève de la gérance de l'employeur. Cela étant dit, même si j'en venais à la conclusion que cette structure n'était pas adéquate, cela ne voudrait pas dire pour autant que l'employeur, dans sa décision de congédier Monsieur Gauthier, était de mauvaise foi.
Monsieur Gauthier ne se sentait pas appuyé par la direction et cela minait sa crédibilité et son autorité. Si la direction n'était pas d'accord avec les positions du plaignant et changeait ses décisions, cela entraînait évidemment une perte de crédibilité tant au niveau de ses collègues de travail, qu'à celui de ses subordonnés. Le procureur du plaignant souligne que la décision de retirer Monsieur Murphy sous les ordres de Monsieur Gauthier a attaqué sa crédibilité. Tout en admettant que ce geste de l'employeur n'était pas très diplomate, je suis obligée de considérer le contenu de la lettre S-34 que Monsieur Gauthier faisait parvenir à Monsieur Murphy la veille. Ce n'était certes pas la meilleure façon pour asseoir son autorité. De toute manière, je n'ai pas vu dans cette décision, une manifestation de mauvaise foi, mais plutôt un geste d'exaspération de l'employeur face à l'éternel conflit entre Monsieur Gauthier et Monsieur Murphy. Monsieur Aiken a beau dire que cette décision n'avait rien à voir avec ce conflit et qu'elle s'est appliquée simultanément à Montréal et à Toronto, il m'apparaît que la coincidence est énorme. En effet, cette décision est intervenue le lendemain de la lettre de Monsieur Gauthier (S-34) et le jour précédant cet envoi, la direction exhortait le plaignant de signifier ses attentes auprès de Monsieur Murphy. Généralement, il me semble qu'une décision relative à des changements d'autorités hiérarchiques ne se prend pas en quelques heures. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas eu la preuve que cette décision était empreinte de mauvaise foi, mais était plutôt motivée par une tentative de régler un conflit.
Le procureur du plaignant a longuement insisté sur le fait que Monsieur Gauthier n'avait pas été informé ou avisé formellement que son comportement n'était pas accepté par la direction. Il dit entre autre que 2 jours après son évaluation, Monsieur Gauthier a été congédié. D'abord, il ne s'agit pas ici d'un cas où la gradation des sanctions est la procédure appropriée. Monsieur Gauthier n'avait pas à être sanctionné, il ne posait pas de gestes d'inconduite. C'est sa capacité de gérer son personnel et de composer avec ses collègues et la direction qui a été mise en cause. Ensuite, je n'ai pas cette même compréhension de la preuve. Monsieur Gauthier avait reçu en octobre 1995 son évaluation et on peut constater dans sa lettre du 17 octobre (P-12), comment il a réagi.
Monsieur Aiken et Monsieur Lynch n'ont pas traité ce dossier comme un dossier disciplinaire. Ils ont tenté, particulièrement Monsieur Lynch, d'aider Monsieur Gauthier. Lorsque les plaintes ont commencé en 1994, Monsieur Lynch est intervenu auprès du plaignant. Il a également organisé la rencontre Richard/Gauthier en mai 1995. Il a demandé au plaignant de suivre un cours sur le leadership.
Monsieur Lynch a souvent souligné à Monsieur Gauthier qu'il devait lui-même régler ses problèmes. Ce qui a été constaté par Monsieur Lynch dans sa lettre du 24 novembre 1995 (P-8), c'est que Monsieur Gauthier était à un point de non-retour.
"I personnally feel Michel is at the point of no return. His problems are really character faults that would be difficult to overcome."

La preuve que j'ai entendue correspond à ce qu'on peut lire dans l'évaluation de Monsieur Lynch (P-3) et dans sa lettre du 24 novembre 1995 (P-8). La crédibilité de Monsieur Lynch n'a jamais été mise en cause par le plaignant, encore moins son intégrité et son jugement. Le plaignant a lui-même dit qu'il entretenait d'excellentes relations avec Monsieur Lynch. Ce dernier a même suggéré que Monsieur Gauthier travaille pour lui à Ottawa. Il n'y avait pas de poste disponible. La décision de la Banque s'appuie sur l'évaluation de Monsieur Lynch. Je ne vois pas comment je pourrais substituer mon jugement au sien. Je ne peux le faire et je n'ai aucune raison de le faire. Je vois encore moins comment je pourrais estimer que l'évaluation qu'il a faite était malicieuse, discriminatoire ou faite de mauvaise foi.      [mes soulignés]

    

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[18]      Le demandeur soumet que la défenderesse a commis une erreur en décidant de diviser la notion de congédiement injuste en deux, soit le congédiement administratif et le congédiement disciplinaire, alors que cette distinction n'existe pas au Code.

[19]      Il est soumis que l'arbitre devait évaluer la justesse du rapport d'évaluation fait par Monsieur Lynch puisque c'est sur la base de ce dernier que l'employeur s'est fondé pour congédié le demandeur.

[20]      Le demandeur opine que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que le congédiement en question est un congédiement administratif car cette conclusion n'est nullement supportée par la preuve.

[21]      En effet, le demandeur souligne qu'il s'agit plutôt d'un congédiement disciplinaire car le congédiement résulte de l'insatisfaction de l'employeur quant à sa façon de gérer et quant à son attitude.

[22]      Il s'agit donc de faiblesses qui pourraient être améliorées et qui auraient dû faire l'objet de sanctions préalables. En outre, le demandeur souligne le fait qu'il n'a pas été informé assez rapidement de ses lacunes et qu'on ne lui a pas donné la possibilité d'y remédier.

[23]      Le demandeur soumet que l'arbitre a également commis une erreur manifestement déraisonnable en refusant de substituer son jugement à celui de la partie patronale quant à l'équité de la décision prise par cette dernière de le congédier.

[24]      Le demandeur souligne qu'il incombe à l'arbitre de s'assurer s'il n'y aurait pas eu lieu pour l'employeur de choisir une autre alternative moins drastique que celle de le congédier.

[25]      Finalement, le demandeur soumet que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en lui imposant de prouver la mauvaise foi de son employeur alors que les articles 240 et suivants du Code imposent à l'employeur le fardeau de justifier le congédiement du salarié ayant déposé une plainte pour congédiement injuste.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[26]      Eu égard aux arguments avancés par le demandeur, j'en conclus que trois questions se soulèvent dans le cadre du présent contrôle judiciaire:

     L'arbitre a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant qu'il s'agissait, dans le cadre du présent dossier, d'un congédiement administratif?
     Dans l'évaluation de la preuve, l'arbitre a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant les principes de droit afférents à la détermination de la justesse d'un congédiement?
     L'arbitre a-t-elle commis une erreur de droit en ce qu'elle aurait imposé au demandeur le fardeau de prouver la mauvaise foi de son employeur?

LE DROIT APPLICABLE

     La norme de contrôle

[27]      La Cour suprême du Canada a, à de nombreuses reprises, réitéré les principes gouvernant l'attitude que doivent prendre les tribunaux judiciaires lorsqu'il est question de réviser une décision rendue par un tribunal d'arbitrage en matière de relations de travail. Récemment, dans l'arrêt Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., District 15, [1997] 1 R.C.S. 487, le juge Cory s'exprimait ainsi:


35 L'arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941 (AFPC no 2), a fait ressortir qu'il est d'une importance capitale, dans le contexte des relations du travail, de faire preuve de retenue judiciaire dans les cas où la décision du tribunal, comme celle du conseil d'arbitrage en l'espèce, est protégée par une clause privative de large portée. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles il y a lieu de faire preuve de retenue judiciaire dans ces cas. Le domaine des relations de travail est délicat et explosif. Il est essentiel de disposer d'un moyen de pourvoir à la prise de décisions rapides, par des experts du domaine sensibles à la situation, décisions qui peuvent être considérées définitives par les deux parties.
[...]
37 C'est pour ces motifs que, dans l'arrêt AFPC no 2, il a été souligné que les décisions prises par les tribunaux administratifs en matière de relations de travail, dans les limites de leur compétence, ne peuvent être annulées que si elles sont manifestement déraisonnables. Il s'agit d'une norme qui est à juste titre extrêmement exigeante, et elle ne doit pas être atténuée. Le faire entraînerait des conflits de travail interminables, qui seraient source d'agitation et d'insatisfaction. De fait, le principe de la retenue judiciaire n'est rien d'autre que la reconnaissance, par les cours de justice, du fait que les législateurs ont décidé que les conflits de travail découlant d'une convention collective devraient être réglés par un conseil d'arbitrage formé de membres possédant de l'expérience et des connaissances spécialisées en la matière.

38 La décision concernant la question de savoir s'il existe une « cause juste » de prendre des mesures disciplinaires contre un employé relève de la compétence d'un conseil d'arbitrage et ne peut, en conséquence, être annulée que si elle est manifestement déraisonnable. Voir les motifs du juge Beetz (au nom de la majorité) ainsi que les motifs concordants du juge Lamer dans l'arrêt Blanchard, précité, aux pp. 479, 491 et 492.
[...]
41 Dans un certain nombre d'arrêts, notre Cour a examiné les circonstances qui amènent à conclure que la décision d'un organisme administratif est manifestement déraisonnable. Ce critère a été formulé quelque peu différemment selon qu'il s'agit de conclusions de fait ou de conclusions de droit.
42 Lorsqu'un tribunal interprète une disposition législative, le critère applicable est le suivant:
. . . l'interprétation de la Commission est-elle déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s'appuyer sur la législation pertinente et d'exiger une intervention judiciaire?

Voir Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, à la p. 237.
43 Le critère varie légèrement dans le cas des arbitres interprétant une convention collective. Dans de telles circonstances, une cour de justice n'interviendra pas « dans la mesure où les termes de celle-ci [la convention collective] n'ont pas été interprétés d'une façon inacceptable » : Bradco, précité, à la p. 341.
44 Il a été jugé qu'une conclusion ne reposant sur « aucune preuve » est manifestement déraisonnable. Cependant, il est clair que la cour ne devrait pas intervenir lorsque la preuve est simplement insuffisante. Comme l'a affirmé le juge Estey, dissident en partie, dans Douglas Aircraft Co. of Canada c. McConnell, [1980] 1 R.C.S. 245, à la p. 277:

. . . une décision qui ne serait étayée par aucune preuve pourrait être révisée parce qu'elle est arbitraire; cependant, l'insuffisance de la preuve au sens donné à cette expression en matière d'appel ne comporte pas un excès de compétence et, bien qu'à une certaine époque elle ait pu équivaloir à une erreur de droit apparente à la lecture du dossier, le droit et la pratique actuels considèrent qu'une telle erreur fait partie du domaine opérationnel d'un conseil établi en vertu d'une loi, ce que traduit l'énoncé sibyllin suivant lequel le conseil a le privilège de se tromper dans les limites de sa compétence, et son erreur n'est donc pas soumise au contrôle judiciaire.

45 Lorsqu'une cour de justice contrôle les conclusions de fait d'un tribunal administratif ou les inférences qu'il a tirées de la preuve, elle ne peut intervenir que « lorsque les éléments de preuve, perçus de façon raisonnable, ne peuvent étayer les conclusions de fait du tribunal » : Lester (W. W.) (1978) Ltd. c. Association unie des compagnons et apprentis de l'industrie de la plomberie et de la tuyauterie, section locale 740, [1990] 3 R.C.S. 644, à la p. 669, le juge McLachlin.
46 Tous ces critères sont stricts: voir Blanchard, précité, à la p. 481, le juge Beetz, et à la p. 493, le juge Lamer. Dans AFPC no 2, précité, la description suivante a été donnée aux pp. 963 et 964:

     Le sens de l'expression « manifestement déraisonnable » , fait-on valoir, est difficile à cerner. Ce qui est manifestement déraisonnable pour un juge peut paraître éminemment raisonnable pour un autre. Pourtant, pour définir un critère nous ne disposons que de mots, qui forment, eux, les éléments de base de tous les motifs. Le critère du caractère manifestement déraisonnable représente, de toute évidence, une norme de contrôle sévère. Dans le Grand Larousse de la langue française, l'adjectif manifeste est ainsi défini: « Se dit d'une chose que l'on ne peut contester, qui est tout à fait évidente » . On y trouve pour le terme déraisonnable la définition suivante: « Qui n'est pas conforme à la raison; qui est contraire au bon sens » . Eu égard donc à ces définitions des mots « manifeste » et « déraisonnable » , il appert que si la décision qu'a rendue la Commission, agissant dans le cadre de sa compétence, n'est pas clairement irrationnelle, c'est-à-dire, de toute évidence non conforme à la raison, on ne saurait prétendre qu'il y a eu perte de compétence. Visiblement, il s'agit là d'un critère très strict.

Néanmoins, les cours de justice ont également le devoir de protéger les parties contre une décision qui est manifestement déraisonnable. [mes soulignés]                             

[28]      Comme nous pouvons le constater, le législateur a effectivement prévu, pour ce qui est des décisions rendues par un arbitre dans le cadre d'une plainte déposée en vertu de l'article 240 du Code, une clause privative à l'article 243 du Code. Ainsi, il va de soi que notre Cour, dans le cadre du contrôle judiciaire de telles décisions, se doit d'agir avec beaucoup de circonspection et de retenue.

[29]      En outre, je partage l'avis de Monsieur le juge Heald dans Aziz v. Telesat Canada (1995), 104 F.T.R. 267 (C.F.), qui a bien résumé les normes de contrôle applicables dans le cas de décisions rendues par un arbitre et ce, après avoir analysé la jurisprudence pertinente:

[19]      To summarize, the relevant jurisprudence clearly establishes that the standard of review relating to errors of fact and law is the high or strict test of patent unreasonableness. It also establishes that the lower standard of correctness applies where the errors relate to provisions defining the jurisdiction of an adjudicator.      [mes soulignés]


ANALYSE

     La notion de congédiement injuste au Code canadien du Travail

[30]      La Cour fédérale d'appel a eu l'occasion de traiter de la notion de congédiement injuste au sens du Code. En effet, dans l'arrêt Bell Canada c. Hallé (1989), 99 N.R. 149, le juge Pratte rappelait l'obligation de l'arbitre lors de son l'analyse de la justesse d'un congédiement:

[10] ... La question qui se posait à lui était celle de savoir si l'intimée avait été injustement congédiée. Pour y répondre, il devait d'abord s'interroger sur la nature, la suffisance et le bien-fondé des motifs de congédiement. En l'espèce, l'arbitre aurait donc dû se demander si la requérante avait eu raison de se plaindre du rendement de l'intimée et s'il y avait là motif à congédiement. [Voir note 2]. Si l'arbitre avait répondu affirmativement à ces questions, il aurait dû ensuite se demander si la procédure suivant laquelle l'employée avait été congédiée était juste. [mes soulignés]

[31]      Dans ce même arrêt, Monsieur le juge Marceau fit une excellente analyse de la notion de congédiement telle que prévue au Code:

[17]      La distinction entre les deux grands types de licenciement qui peuvent donner lieu au recours de l'article 61.5 du Code canadien du travail (depuis la mise en vigueur des Lois révisées du Canada (1985) art. 242) ne crée évidemment aucune difficulté sur le plan des concepts. Personne n'a de peine à distinguer en théorie un congédiement imposé à cause de l'inconduite de l'employé et un licenciement résultant de l'incapacité de l'employé d'exécuter les fonctions de sa tâche avec l'habileté et la compétence requises. En pratique, cependant, la confusion entre ces deux types de licenciement, l'un dit administratif et l'autre disciplinaire, semble fort fréquente, ce qui peut être parfois très compréhensible, le défaut de l'employé de remplir sa tâche se rattachant souvent tout à la fois à des fautes de comportement et à des faiblesses d'aptitude, mais ce qui est, à mon sens, toujours regrettable. Regrettable, parce que la distinction entre les deux types de licenciement a, à mon avis, des conséquences importantes sur le rôle que l'arbitre est appelé à jouer dans la mise en oeuvre du recours de l'employé.
    
[18]      Il est banal de répéter que si ce nouveau recours de l'article 61.5 (aujourd'hui 242) a complètement modifié le droit de licenciement de l'employeur -- ce, en vue de contrer l'arbitraire dont ce dernier pourrait se rendre coupable et d'assurer une continuité de l'emploi -- il ne l'a pas aboli. Il reste à l'employeur un droit de licenciement "juste", ce qui veut dire sans doute, comme j'ai déjà eu l'occasion de dire, [Note 1: dans mes motifs sous l'arrêt Banque de Commerce Canadienne Impériale c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431, à la p. 441], "un licenciement qui se rattache à une cause objective, réelle et sérieuse, indépendante des incompatibilités d'humeur, des convenances ou des mésintelligences purement personnelles, et se présente comme une mesure prise exclusivement pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise". Dans tous les cas de plainte d'un employé licencié soumise en vertu de l'article 61.5, l'arbitre doit vérifier si l'employeur n'a agi que dans les limites de son "droit de licenciement juste", et c'est l'employeur qui doit l'en convaincre. Mais la preuve requise de l'employeur pour satisfaire l'arbitre ne saurait être de même nature ni avoir le même objet dans les deux types de licenciement.
    
[19]      Dans le cas de licenciement disciplinaire, l'arbitre ne peut se satisfaire sans la preuve que l'acte ou les actes d'inconduite reprochés ont bien été commis et que leur gravité était suffisante pour autoriser le bris du contrat d'engagement. Mais dans le cas de "licenciement administratif", la preuve ne saurait porter sur des faits positifs de même ordre ni être aussi stricte et précise. L'arbitre n'a ni la possibilité, ni l'aptitude souvent de se prononcer péremptoirement sur la compétence et la capacité de l'employé de satisfaire aux exigences de l'emploi. Ce que l'employeur doit prouver c'est, étant donné cette définition de licenciement juste que je suggérais, qu'il a agi en toute objectivité, de façon sérieuse, indépendante de ses humeurs passagères, sans discrimination, avec en vue uniquement le bon fonctionnement de son entreprise.
    
[20]      On a tenté de préciser mieux encore les éléments à prouver. Ainsi, dans Re Edith Cavell Private Hospital and Hospital Employees' Union Local 180 (1982), 6 L.A.C. (3d) 229 (B.C.), l'arbitre Hope exprime ce qui suit:
    
"...An employer who seeks to dismiss an employee for a nonculpable deficiency in job performance must meet certain criteria:
    
(a) The employer must define the level of job performance required.
    
(b) The employer must establish that the standard expected was communicated to the employees.
    
(c) The employer must show it gave reasonable supervision and instruction to the employee and afforded the employee a reasonable opportunity to meet the standard.
    
(d) The employer must establish an inability on the part of the employee to meet the requisite standard to an extent that renders her incapable of performing the job and that reasonable efforts were made to find alternate employment within the competence of the employee.
    
(e) The employer must disclose that reasonable warnings were given to the employee that a failure to meet the standard could result in dismissal.
    
Je crois pour ma part que les éléments à prouver varieront selon les cas mais ils devront toujours être établis en fonction de la définition de "licenciement juste", telle que je disais la comprendre, en fonction donc de ce qui est à vérifier, soit la raisonnabilité de l'évaluation de l'employeur relativement au manque de compétence de l'employé. [mes soulignés]

     Application des principes aux présentes

[32]      Ainsi, je constate qu'il était à propos que l'arbitre établisse quel était le type de congédiement en cause et ce, afin de pouvoir apprécier correctement les faits en cause tels qu'ils ressortent de l'ensemble de la preuve soumise. Cette exigence découle directement de l'arrêt Hallé, précité.

[33]      Par ailleurs, le demandeur reproche à l'arbitre d'avoir conclu en l'espèce qu'il s'agissait d'un congédiement administratif et non pas d'un congédiement disciplinaire.

[34]      Or, eu égard à la norme de contrôle applicable dans un pareil cas et après observation des documents au dossier, j'en viens à la conclusion que l'arbitre n'a pas commis d'erreur en interprétant la preuve devant elle et en concluant qu'il s'agissait d'un congédiement administratif.

[35]      Il s'agit ici de l'appréciation de témoignages entendus à l'audience et de la preuve documentaire déposée. Tel que je le disais précédemment, il est bien établi en droit que l'intervention de cette Cour ne doit se faire que lorsqu'il est manifeste que l'arbitre a commis une erreur dans l'interprétation des faits découlant de la preuve.

[36]      Or, je constate de la preuve déposée devant l'arbitre à l'audience, contenue dans la sentence arbitrale, que le demandeur prenait très à coeur l'emploi de chef de services de protection qui lui avait été confié mais qu'il semblait viscéralement incapable d'accomplir les tâches de gestion du personnel qui y sont rattachées. En outre, le rapport d'évaluation de rendement fait par Monsieur Lynch, supérieur immédiat du demandeur, reflète cet état de chose. Ainsi, suivant les propos du juge Cory dans l'arrêt Conseil de l'éducation de Toronto (Cité), précité, j'en conclus que je ne peux intervenir. En effet, les éléments de preuve, effectivement perçus de façon raisonnable par l'arbitre, peuvent étayer sa conclusion sur ce point.

[37]      Reprenant les principes ci-haut expliqués par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hallé, précité, il revient à l'employeur de prouver qu'il a agi en toute objectivité, de façon sérieuse, indépendante de ses humeurs passagères, sans discrimination, avec en vue uniquement le bon fonctionnement de son entreprise. L'arbitre se doit, quant à lui, d'observer la raisonnabilité de l'évaluation de l'employeur quant au manque de compétence de l'employé.

[38]      Toutefois et il est particulièrement important de le préciser, le juge Marceau souligne également dans Hallé, précité, les difficultés afférentes à l'évaluation de la preuve dans le cas d'un congédiement administratif lorsqu'il indique: "L'arbitre n'a ni la possibilité, ni l'aptitude souvent de se prononcer péremptoirement sur la compétence et la capacité de l'employé de satisfaire aux exigences de l'emploi."

[39]      Dans son argumentation, le demandeur reproche à l'arbitre d'avoir refusé de substituer son jugement à celui de l'employeur dans son évaluation de la justesse du congédiement.

[40]      Or, suivant le droit applicable en la matière, je ne peux souscrire à un tel argument. En effet, je constate que l'arbitre a bien évalué l'ampleur du rapport fait par Monsieur Lynch et a analysé la preuve qui fut présentée devant elle afin de pouvoir juger de la justesse de ce rapport. Ayant constaté que la preuve correspondait aux difficultés retracées dans ledit rapport, je conclus que c'est à bon droit que l'arbitre s'est refusée de substituer son jugement à celui de Monsieur Lynch. Au surplus, je crois en l'espèce que les propos de Monsieur le juge Marceau sont forts pertinents puisqu'il demeure que l'employeur est le mieux placé pour juger objectivement de la compétence d'un employé.

[41]      Ainsi, j'en conclus que l'arbitre n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable dans l'évaluation de la justesse du congédiement et en refusant d'intervenir. Au surplus, cette conclusion de l'arbitre correspond aux principes d'évaluation objective d'un congédiement établi par la Cour fédérale d'appel.

[42]      Par ailleurs, le demandeur soulève qu'il appartenait à l'arbitre d'évaluer l'ampleur de la décision prise par l'employeur à son égard et de s'assurer qu'il n'y avait aucune autre alternative possible que d'effectivement le congédier.

[43]      Sur ce point, je constate dans la décision de l'arbitre que l'employeur fit la preuve qu'aucune autre alternative n'était envisageable:

La décision de licencier Monsieur Gauthier a été prise par Monsieur Aiken. Le témoin a suggéré que Monsieur Gauthier soit transféré à Ottawa pour être son assistant. Toutefois, il n'existait pas de poste de cette nature. Pour lui, le plaignant ne pouvait plus rester à Montréal.

[44]      Je note que l'arbitre n'a tiré aucune conclusion quant à cet élément qui doit nécessairement être et ce, tel que le juge Marceau en faisant la remarque dans l'arrêt Hallé, précité en reprenant les commentaires de l'arbitre Hope. Toutefois, compte tenu de la preuve testimoniale, je n'y vois aucun motif d'intervention de la Cour puisque ceci ne change en rien le bien-fondé de la conclusion de l'arbitre.

[45]      Pour ce qui est de l'argument du demandeur à l'effet que l'arbitre lui aurait indûment imposé le fardeau de démontrer la mauvaise foi de son employeur, je n'y vois aucun mérite. En effet, à aucun endroit dans cette décision, l'arbitre fait référence à l'imposition d'un tel fardeau. Plutôt, je constate qu'elle tente de s'assurer que le congédiement se fonde sur une cause objective, réelle et sérieuse, indépendante des incompatibilités d'humeur, des convenances ou des mésintelligences purement personnelles, et se présente comme une mesure prise exclusivement pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise pour reprendre les termes du juge Marceau dans Hallé, précité.

CONCLUSION

[46]      Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

    

    

     J U D G E

OTTAWA, ONTARIO

le 6 septembre 2000

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