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Date : 19990730


Dossier : IMM-3766-98

ENTRE :

     SONG ZHAO,

     demandeur,

     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY :


[1]      Le demandeur est un citoyen de la Chine. En vertu d'un permis de travail, il est employé à Mississauga (Ontario) depuis 1996 par la filiale canadienne d'une compagnie chinoise. Les deux compagnies s'occupent de la promotion de biens immobiliers et du commerce international des produits agricoles. Le demandeur est le gestionnaire financier principal de la filiale canadienne, qui a été constituée en corporation à la fin de 1995. La compagnie mère, China Zhengshou Commodity Exchange, est l'actionnaire principal de la compagnie canadienne. Le demandeur y travaillait jusqu'en 1994, année où il a été muté au Canada.

[2]      En août 1997, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente en tant qu'immigrant indépendant, précisant qu'il avait l'intention d'occuper la profession de directeur financier (CNP 0111). Sa demande a été traitée au consulat du Canada à Buffalo (New York).

[3]      Dans une lettre de mars 1998, l'agent des visas faisait part au demandeur qu'il avait des doutes sérieux quant à savoir s'il possédait l'expérience requise d'un directeur financier. Le demandeur a soumis les documents additionnels suivants, comme on lui a demandé, savoir des lettres de référence additionnelles de son employeur canadien, de son ancien employeur en Chine, et d'un institut chinois où il avait enseigné.

[4]      Les notes CAIPS indiquent que l'agent des visas se posait des questions quant à la nature réelle du travail du demandeur, ainsi que quant à l'étendue réelle des activités de son employeur au Canada. Néanmoins, il a évalué la demande sous la profession de directeur financier (CNP 0111). Les parties admettent que le demandeur a reçu les 59 points qu'il méritait.

[5]      Toutefois, l'avocat du demandeur a concédé dès le début que le nombre de points d'appréciation ne refléterait pas les chances de son client de réussir son installation au Canada. En conséquence, il a demandé à l'agent des visas d'exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, notamment parce que le demandeur était employé au Canada dans la profession qu'il visait.

[6]      La lettre de refus de l'agent des visas est rédigée comme suit :

         [traduction]     

La lettre de référence que vous a fournie Weilai Canada Enterprises Ltd. décrit vos fonctions exactement comme la Classification canadienne des professions décrit les responsabilités et compétences d'un directeur financier, sans ajouter ou omettre quoi que ce soit. J'ai néanmoins décidé de vous donner le bénéfice du doute. Malgré cela, vous n'avez pas obtenu le nombre de points d'appréciation nécessaires pour vous qualifier comme immigrant au Canada.
...
J'ai aussi conclu qu'il n'y a pas lieu que j'invoque le paragraphe 11(3) du Règlement, puisqu'à mon avis les points d'appréciation que vous avez reçus sont un reflet correct de vos chances de réussir votre installation au Canada.

[7]      Dans son affidavit, l'agent des visas s'est expliqué plus longuement quant à son refus d'exercer en faveur du demandeur le pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 11(3) du Règlement :

[traduction]
Les questions de l'adresse personnelle, du numéro à domicile, et de la formulation de la lettre de référence n'ont pas eu un impact négatif sur la demande. Le nombre maximum de points d'appréciation a été accordé pour les études et l'expérience. Rien dans la demande ou dans la documentation y annexée n'était de nature à me convaincre qu'il y avait de " bonnes raisons " d'exercer mon pouvoir discrétionnaire au profit du demandeur. Je n'ai donc rien déclaré ou recommandé sous l'alinéa 11(3)a) du Règlement [sic]. [mon souligné]

[8]      Les notes CAIPS de l'agent des visas sont toutefois plus révélatrices. Malgré ses inquiétudes, il a évalué le demandeur en fonction de la profession de directeur financier. Toutefois, dans son analyse portant sur le paragraphe 11(3), il a réitéré ses réserves : [traduction] " J'ai quelques doutes quant aux fonctions du demandeur, comme mes notes l'indiquent plus haut ". Lesdites notes se rapportent aux incertitudes qui existaient quant aux tâches du demandeur et quant à l'étendue des opérations de son employeur au Canada.

[9]      À mon avis, l'agent des visas n'a pas fait une utilisation appropriée du pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 11(3) du Règlement. S'il avait des doutes qu'il ne pouvait régler rapidement en faveur du demandeur, il aurait dû poursuivre son analyse avant de décider de l'évaluer en tant que directeur financier. Une fois qu'il eût décidé de le faire, il reconnaissait l'expérience du demandeur dans cette profession, savoir deux ans en Chine et deux ans au Canada, auprès d'employeurs ayant des liens. Il a accordé le nombre maximum de points sous le facteur expérience dans cette profession, ainsi que pour les études et la formation du demandeur. Compte tenu de cette conclusion, il n'était pas du tout cohérent de remettre en question la possibilité que le demandeur réussisse son installation au Canada. Il avait un emploi au Canada au moment où l'agent des visas a pris sa décision et rien n'indiquait que cet emploi était sur le point de se terminer.

[10]      Dans Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1997] A.C.F. no 285 (QL) (1re Inst.), le juge Richard, tel qu'il était alors, déclare que :

...bien que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) soit de portée générale, il ne s'agit pas d'un pouvoir illimité permettant à l'agent des visas de rejeter ou d'accueillir, à sa guise, une demande de résidence permanente. Ce pouvoir doit être exercé de bonne foi et conformément à l'objectif pour lequel il a été conféré. Par ailleurs, la personne qui l'exerce ne peut se fonder sur des considérations non pertinentes ni omettre de tenir compte de considérations pertinentes. En l'espèce, la mauvaise foi n'a pas été alléguée. Cependant, l'agent des visas a manifestement rejeté l'offre d'emploi authentique que la requérante a reçue : il a même considéré qu'aucun poste n'était vraiment vacant. Il ne s'agissait pas d'attribuer du poids à l'offre d'emploi, mais ne pas en tenir compte revenait à méconnaître un facteur important.

Le même raisonnement s'applique ici.

[11]      En refusant d'accorder la résidence, l'agent des visas n'a pas tenu compte de l'emploi détenu par le demandeur au Canada. Il ne pouvait procéder ainsi après qu'il eût donné au demandeur " le bénéfice du doute " et qu'il eût reconnu que son emploi actuel était celui de directeur financier. Le refus d'accepter que le demandeur pouvait réussir son installation au Canada, même s'il n'avait pas tous les points d'appréciation requis, est une conclusion qui ne tient pas compte de la preuve disponible.

[12]      En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen par un autre agent des visas. Si les parties ne peuvent s'entendre et si elles doivent présenter leurs arguments quant à la certification d'une question grave ou quant aux dépens, elles devraient convenir d'un calendrier qui fera que leurs arguments seront produits au plus tard quinze jours après la date de ces motifs.

     Allan Lutfy

     J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 30 juillet 1999



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              IMM-3766-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :      SONG ZHAO c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO


DATE DE L'AUDIENCE :      LE 12 JUILLET 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE LUFTY

EN DATE DU :              30 JUILLET 1999


ONT COMPARU :

M. Benjamin J. Trister      POUR LE DEMANDEUR

Mme Catherine Bruce

Mme Andrea Horton      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bordon et Elliot                              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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