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                                                                                                                   T-321-95

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 JUILLET 1997.

 

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOYAL

 

 

ENTRE

 

 

                                         ALBERT D. FRIEDBERG,

 

                                                                                                               demandeur,

 

 

ET

 

 

                                          SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                            défenderesse.

 

 

 

                                                  J U G E M E N T

 

          Vu la règle 432 des Règles de la Cour fédérale, la demande en jugement sommaire présentée par la défenderesse est accueillie. La Couronne aura droit aux dépens, si elle les réclame.

 

 

     L-Marcel Joyal  

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme :                                     

 

F. Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

                                                                                                                   T-321-95

 

 

ENTRE

 

 

                                         ALBERT D. FRIEDBERG,

 

                                                                                                               demandeur,

 

 

ET

 

 

                                          SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                                                                            défenderesse.

 

 

 

                                          MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE JOYAL :

 

          Il s'agit d'une demande en jugement sommaire présentée par la Couronne défenderesse contre le demandeur. La demande est fondée sur la règle 432 des Règles de la Cour fédérale. J'ai conclu que la demande devrait être accueillie et que l'action du demandeur contre la Couronne devrait être rejetée.

 

          Le litige naît d'une erreur malencontreuse qui a été commise dans un avis de nouvelle cotisation (l'« avis »), en date du 3 mars 1989, qui a été délivré par la défenderesse au demandeur concernant l'année d'imposition 1987. L'avis mentionnait le montant établi pour l'impôt fédéral et le montant établi pour l'impôt provincial. Il mentionnait également un montant d'arrérages d'intérêt, ce qui faisait une cotisation totale de 1,3 millions de dollars. Cependant, un peu plus loin dans l'avis, à l’endroit où se trouvent la case intitulée « Solde impayé » et celle intitulée « Remboursement », le montant global de 1,3 millions de dollars était indiqué dans la case « Remboursement ».

 

          Le formulaire comporte aussi une explication des changements faisant état d’une augmentation de la cotisation pour l'année et du rajustement des intérêts; au bas du formulaire, à la rubrique intitulée « Résultat de la cotisation », le montant de 1,3 millions de dollars est marqué « CR ». Le formulaire comporte également, placé en regard, le texte suivant :

 

[TRADUCTION] Votre solde payable comprend les arriérés d’intérêt calculés à compter de la date d’exigibilité de votre solde jusqu’à la date du présent avis.

 

Le montant de l’intérêt indiqué comprend un recouvrement des intérêts qui vous ont été versés antérieurement au titre d’un remboursement maintenant jugé injustifié. Ce montant peut être déduit dans le calcul de votre revenu imposable pour l’année en cours.

 

Votre déclaration a été rajustée afin de rectifier votre réclamation au titre des « pertes autres qu’en capital d’autres années » jusqu’à concurrence du maximum admissible de 2 479 578 $. L’impôt minimum a été appliqué et votre report d’impôt à l’année 1988 est de 789 186,16 $.

 

          L'action du demandeur vise à recouvrer la somme de 1,3 millions de dollars qu'il a payée, majorée des intérêts courus. Il prétend qu'il a été induit en erreur par les renseignements erronés figurant dans l'avis et que ce n'est que vers avril 1994 que la Couronne, par l'intermédiaire de son ministre, a exigé le paiement.

 

          Le demandeur mentionne en particulier les nombreuses interventions entre les parties, les nombreux rajustements qui ont été faits à différents moments à son obligation fiscale, les avis d'opposition déposés et les avis de confirmation reçus. Il mentionne aussi un avis d'appel à la Cour canadienne de l'impôt, déposé en mai 1990, concernant l'année d'imposition 1987, qui ne soulevait que des questions ayant trait à la récupération d'une déduction pour amortissement. D'autres documents comprennent une série de relevés de compte fiscaux accompagnés de crédits comptables pour les postes établis à l'égard desquels des avis d'opposition ou des avis d'appel avaient été déposés et qui demeuraient impayés.

 

          La lecture rapide des 53 pièces déposées par le demandeur et des 23 pièces déposées par la défenderesse atteste une relation continue entre les parties à propos des obligations fiscales, des cotisations et des nouvelles cotisations sur une période d'une douzaine d'années d'imposition. Tout au long de cette période, les chiffres étaient assez élevés et la participation de vérificateurs-fiscalistes est évidente partout. Par exemple, en 1990, les parties débattaient encore des formules d’imposition fixées en 1982. Il est également évident que le demandeur est un entrepreneur aux activités variées ainsi qu'un grand bienfaiteur du Musée royal de l'Ontario. Les connotations fiscales de ces activités ont fait l'objet d'un contrôle judiciaire devant la Section de première instance et la Cour d'appel fédérale ainsi que devant la Cour suprême (voir 89 D.T.C. 5115; 92 D.T.C. 6031; [1993] 4 R.C.S. 285).

 

          De toute façon, l'idée générale que l'on peut retenir de tous ces documents est que, sur une période de plusieurs années, très peu de questions d'obligation fiscale ont été réglées rapidement. Les cotisations et les nouvelles cotisations étaient généralement suivies de contestations. Les communications entre le demandeur et la défenderesse se faisaient d'ordinaire par l'intermédiaire de vérificateurs-fiscalistes experts retenus par le demandeur. Il ne fait aucun doute que certaines de ses activités commerciales faisaient l'objet d'obligations fiscales assez controversées, ce qui se comprend puisque les montants en jeu étaient toujours très élevés.

 

          Je dois maintenant revenir à l'erreur commise dans l'avis daté du 3 mars 1989. Dans ce document, le chiffre de 1,3 millions de dollars est indiqué comme crédit. Un relevé comptable du 29 décembre 1989 exclut expressément cette somme des calculs parce qu'un appel avait été déposé. Il en était de même pour d'autres relevés comptables, qui soulignaient que les soldes dans les cotisations pertinentes avaient été exclus des calculs en raison d'une contestation déposée à leur sujet.

 

          Le 16 février 1990, la défenderesse a remis au demandeur un relevé comptable indiquant un débit de 1 473 000  dollars en impôts, montant qui faisait alors l'objet d'un appel.

 

          Les mesures de recouvrement n'ont été entreprises qu'en 1994. Cependant, il est à noter qu'aux termes de la « politique d'équité », la défenderesse ne pouvait prendre aucune mesure tant que le montant intégral faisait l'objet d'un appel. L'appel est resté en instance jusqu'au 22 juin 1992, date à laquelle il a été abandonné. À compter de cette date, le solde impayé exigible pour l'année d'imposition 1987 devenait recouvrable.

 

          Le 7 juin 1994, les vérificateurs du demandeur ont déclaré qu'ils n'étaient pas au courant de ce solde impayé. En ce qui les concernait, le seul avis de nouvelle cotisation pour l'année 1987 indiquait « erronément » un « remboursement » et un crédit au lieu d'un « solde dû » et un débit. Par principe d'équité, il a été demandé à la défenderesse d'annuler les frais d'intérêt qui s'étaient accumulés. Le comité d'équité a rejeté la demande et, le 22 juillet 1994, le demandeur en a été avisé.

 

          Il se pourrait très bien que le demandeur ou ses vérificateurs n'étaient pas au courant du montant impayé et qu'ils croyaient que l'unique mention de ce montant se trouvait dans l'avis de nouvelle cotisation de 1987. Le 16 février 1990, un état de compte détaillé a été fourni au demandeur; il indiquait également une obligation fiscale de 1,3 millions de dollars pour l'année 1987. Par ailleurs, un avis de cotisation pour l'année 1988, en date du 29 décembre 1989, indique clairement un montant impayé de 1,47 millions de dollars (intérêts compris), à l'égard duquel un avis d'opposition a été déposé. Il faut reconnaître que cette obligation fiscale en particulier n'était pas expressément définie ou soulignée dans certaines des communications que se sont échangés la Couronne et le demandeur. Évidemment, la raison donnée est que la politique du ministère est d'exclure toute obligation établie si la cotisation a été contestée par voie d'avis d'opposition ou d'appel à la Cour canadienne de l'impôt. Cependant, ce qui me préoccupe de façon particulière est que l'avis d'opposition avait trait au désir du demandeur d'affecter les pertes autres qu'en capital d'années antérieures en vue de réduire le revenu imposable à un montant négatif. La position de la Couronne était, bien sûr, que, pour les fins de l'impôt minimum de remplacement, les pertes autres qu'en capital d'années antérieures ne pouvaient ramener le revenu imposable qu’à zéro. De même, le demandeur a indiqué dans son avis d'appel à la Cour de l'impôt le 18 mai 1990 que la nouvelle cotisation de 1987 réduisait l'affectation des pertes autres qu'en capital et, de plus, a calculé l'impôt minimum. Cependant, les questions soulevées semblent n'être reliées qu'à des questions de gains en capital provenant d'une société en commandite et à la récupération de déductions pour amortissement. Les arguments qui auraient été avancés devant la Cour de l'impôt dans le cadre de cet appel ne seront évidemment jamais connus, car le demandeur a abandonné l'appel le 22 juin 1992.

 

          Il n'existe, il me semble, aucune question réelle ou importante concernant la prétention du demandeur. Certains éléments de la prétention peuvent attirer un peu l'attention, mais, dans l'ensemble, je dois conclure que les communications entre les parties n'étaient pas des communications entre antagonistes qui étaient l'un pour l'autre des étrangers, mais plutôt entre des gens avertis qui s'affrontaient régulièrement. En d'autres termes, cet affrontement donne tout lieu de croire qu'il s'est déroulé entre des parties jouant selon les mêmes règles.

 

          Je n'ai pas besoin d'examiner longuement les considérations relatives à la validité de la nouvelle cotisation de 1987. Des décisions récentes à cet égard semblent avoir renforcé la protection qu'accordent les articles 152 et 166 de la Loi de l'impôt sur le revenu ( la « Loi ») aux cotisations qui sont incomplètes, défectueuses, incorrectes ou qui contiennent une erreur, un vice ou une omission. Je citerai l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Optical Recording Corp. c. R., (1987), 1 C.T.C. 417, ainsi que les décisions de la Section de première instance dans les affaires R. c. Riendeau (1991), 1 C.T.C. 141, et R. c. Leung (1993), 2 C.T.C. 284.

 

          Cela signifie qu'un contribuable n'a pas trop à gagner à contester la validité d'une cotisation. Néanmoins, on ne peut établir là-dessus aucune règle ferme. Il n'y a pas d'absolus. En l'espèce, y a-t-il lieu de croire que le demandeur a été induit en erreur, qu'il a été amené à agir de façon contraire à ses intérêts ou qu'il a omis jusqu'à ce qu'il soit trop tard de se prévaloir des dispositions remédiatives de la Loi?

 

          Ma réponse réfléchie à cette question, qui pourrait facilement être déduite de mes mentions des nombreux documents échangés entre les parties, est non. Il ne fait aucun doute que le montant indiqué dans l'avis de nouvelle cotisation était exact. Toute personne raisonnable peut facilement déceler l'erreur qui a été commise d'inscrire le montant dans la mauvaise case.

 

          Je pourrais ajouter que, sous le régime de la Loi, la relation entre le contribuable et le percepteur est essentiellement non adversative. La divulgation des données dans une déclaration de revenus est volontaire et ce n'est qu'un peu plus tard dans la procédure qu'une confrontation peut s'élever. Dans les circonstances, je ne crois pas qu'il soit loisible à un contribuable de feindre l'ignorance ou de ne rien dire lorsqu'une cotisation lui est imposée.

 

          Finalement, en l’espèce, pendant toute la période qui s'est écoulée entre l'avis de nouvelle cotisation du 3 mars 1989 et la demande de paiement après l'abandon de l'appel devant la Cour de l'impôt, l'obligation fiscale originale a été rappelée au demandeur à maintes reprises.

 

          Dans la présente action, le demandeur a aussi sollicité un recours subsidiaire, à savoir l'élimination de l'intérêt sur l'impôt impayé, montant qui est demeuré impayé pendant plusieurs années. Aucune raison ne justifie, à mon sens, un traitement aussi généreux. Les retards dans l'application de la procédure de perception n'ont pas été causés par la Couronne défenderesse, mais par la politique du gel qui s'applique lorsque les cotisations sont contestées. Je dois mentionner à ce sujet la lettre du 7 juin 1994 que les vérificateurs du demandeur ont envoyée à la défenderesse; elle disait [TRADUCTION ] « Nous n'avons aucune connaissance des impôts exigibles ». Peut-être l'auteur de la lettre n'avait-il pas été mis au courant, mais, de toute façon, c’est là verser dans le sophisme. Mon avis réfléchi à ce propos est que le contribuable savait ou, à tout le moins, aurait dû savoir.

 

          Reste la question des retards en 1993-1994 à procéder au recouvrement. Le comité d'équité de la défenderesse a conclu qu'aucun motif ne justifiait de recommander l'élimination de l'intérêt à payer. Puisque je conclus que le demandeur était au courant de cette obligation ou aurait dû l'être, rien ne justifie mon intervention.

 

          En conséquence, je suis d'avis d'accueillir la demande en jugement sommaire présentée par la Couronne défenderesse contre le demandeur. Elle aura droit aux dépens, si elle les réclame.

 

                                                                                                                                 

                                                                                _________________________

J U G E

 

O T T A W A (Ontario)

Le 4 juillet 1997.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme :                             

 

F. Blais, LL.L.


   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

 

 

Numéro du greffe :     T-321-96

 

 

Entre :

 

 

           ALBERT D. FRIEDBERG,

 

                                                   demandeur,

 

 

ET :

 

 

            SA MAJESTÉ LA REINE,

 

                                                défenderesse.

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE


                                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                   SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                   AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

NUMÉRO DU GREFFE :T-321-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :ALBERT D. FRIEDBERG c. SA MAJESTÉ

LA REINE

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le lundi 16 juin 1997

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE JOYAL

 

EN DATE DU vendredi 4 juillet 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Cosimo Florenzapour le demandeur

 

 

Perter Vita, c.r.pour la défenderesse

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Brans, Lehun, Baldwin

Toronto (Ontario)pour le demandeur

 

 

George Thomson

Sous-procureur général

  du Canada

Ottawa (Ontario)pour la défenderesse

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