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Date : 19971124


Dossier : T-711-97



AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET un appel de la décision

du juge de la Citoyenneté


ET


Abdulhakim A. Salman,


appelant.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

[1]      Le présent appel a été entendu devant moi à Toronto (Ontario) le 5 novembre 1997. L'appelant interjette appel contre une décision par laquelle le juge de la citoyenneté a refusé, le 26 février 1997, de lui attribuer la citoyenneté pour le motif qu'il ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

[2]      Selon la preuve présentée devant le juge de la citoyenneté et devant moi, l'appelant est arrivé au Canada avec ses parents ainsi qu'avec ses frères et soeurs le 27 août 1988. Les membres de la famille ont tous obtenu le droit d'établissement ce jour-là. Depuis lors, les parents ainsi que les frères et soeurs de l'appelant sont tous devenus citoyens canadiens.

[3]      L'appelant venait initialement de l'Éthiopie mais, avant d'arriver au Canada, il n'avait pas mis les pieds en Éthiopie depuis une vingtaine d'années. Immédiatement avant d'arriver au Canada, il étudiait à Bucarest, en Roumanie, où il avait terminé une année d'études prémédicales et sa première année à la faculté de médecine.

[4]      En arrivant au Canada, l'appelant a tenté de s'inscrire dans des facultés de médecine canadiennes, mais il a appris qu'il devrait effectuer environ quatre années d'études prémédicales au Canada afin d'être admissible. L'appelant est resté au Canada jusqu'en septembre 1989. Pendant l'année qui a suivi celle où il a obtenu le droit d'établissement, il a travaillé dur pour s'intégrer à la société canadienne. Il a trouvé un emploi de vendeur de chaussures. Il allait régulièrement à la mosquée où il participait, dans la mesure où il en avait le temps, à des activités sociales. Il prenait part à des activités sportives communautaires; il jouait notamment au soccer dans sa collectivité et s'entraînait régulièrement dans un gymnase local. Il a pris des dispositions en vue d'obtenir un prêt étudiant du gouvernement du Canada de façon à pouvoir retourner à Bucarest pour reprendre ses études médicales.

[5]      En septembre 1989, l'appelant est retourné à Bucarest pour poursuivre ses études, qu'il a terminées avec succès en novembre 1996. Pendant qu'il poursuivait ses études, il revenait chaque été au Canada pour reprendre son travail de vendeur de chaussures. Chaque été, il a encore une fois travaillé dur pour s'intégrer à sa collectivité au Canada.

[6]      Depuis qu'il est revenu au Canada après avoir terminé ses études, l'appelant se prépare à passer des « examens de transfert » qui lui permettraient de pratiquer la médecine en Ontario. Il a encore une fois trouvé un emploi de vendeur de chaussures. Il a recommencé à participer aux activités communautaires. Il a commencé à rembourser son prêt étudiant.

[7]      Dans les motifs du jugement que j'ai rendu en matière de citoyenneté, dans les appels Chi Tai Wong et Chi Yuen Wong1, j'ai adopté le passage suivant de la décision Lee23 :

Je ne doute nullement que l'appelante serait une excellente citoyenne du Canada. Elle étudie en Angleterre depuis l'âge de seize ans, et elle achève actuellement des études médicales à l'Université of Cambridge. Elle est venue au Canada le 24 mai 1991 en même temps que ses parents et ses frères et soeurs. La famille tout entière a obtenu à cette date le statut d'immigrants ayant obtenu le droit d'établissement. L'appelante est partie deux jours plus tard pour retourner au Royaume-Uni afin d'y continuer ses études.

Elle a demandé la citoyenneté le 4 juillet 1994. Dans la période de quatre ans précédente, elle avait résidé au canada [sic] pendant 165 jours. Il lui manquait 930 jours pour avoir les 1095 jours de résidence requis par la Loi sur la citoyenneté. Même en faisant un gros effort d'imagination on ne peut dire qu'elle a satisfait aux conditions de résidence posées par la Loi.

Il est allégué que son mode d'existence centralisé se trouve au Canada parce que sa famille y est et parce qu'elle a résidé au Royaume-Uni seulement en tant qu'étudiante. Je ne saurais tirer une telle conclusion. Elle n'est pas mineure. Sa profession choisie est celle à l'égard de laquelle il est bien connu qu'il existe des obstacles considérables à l'admission au Canada pour les personnes qui ne sont pas formées au Canada. Elle est une étudiante au Royaume-Uni depuis maintenant bien des années. Peut-être un jour viendra-t-elle au canada [sic] et remplir les conditions de résidence. Dans ce cas, elle aura droit à la citoyenneté. J'espère sincèrement qu'elle le fera puisque, ainsi que je l'ai fait savoir, j'estime qu'elle constituerait un excellent enrichissement de l'ensemble de nos citoyens.

[8]      À coup sûr, les remarques précitées s'appliquent en bonne partie à la situation du présent appelant, comme elles s'appliquaient aux affaires Chi Tai Wong et Chi Yuen Wong. Toutefois, je conclus qu'il existe en l'espèce des facteurs distinctifs qui m'amènent à un résultat différent. En effet, l'appelant était au Canada depuis un an lorsqu'il est retourné à Bucarest pour poursuivre ses études. Comme il en a ci-dessus été fait mention, il a activement cherché cette année-là à s'intégrer à la collectivité canadienne. Je suis convaincu que, cette année-là, il a réellement établi sa résidence ici, au Canada. En outre, pendant tout le temps où il a étudié à Bucarest, il est revenu chaque été au Canada et il ne s'est pas simplement contenté de maintenir ses liens avec le Canada, mais il les a également accrus. Depuis qu'il est revenu au Canada après avoir terminé ses études, il a continué à accroître ces liens.

[9]      Compte tenu des faits de l'espèce, je suis convaincu que l'appelant remplit les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, compte tenu des principes énoncés dans les jugements Papadogiorgakis4 et Koo5.

[10]      Pour les motifs susmentionnés, par un jugement que j'ai rendu le 5 novembre 1997, j'ai accueilli l'appel et j'ai recommandé que la citoyenneté canadienne soit attribuée à l'appelant.


                                    Frederick E. Gibson          

                                 Juge


Traduction certifiée conforme

F. Blais LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DU DOSSIER



No DU GREFFE :      T-711-97

INTITULÉ DE LA CAUSE      AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     ET Abdulhakim A. Salman

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 5 novembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT du juge Gibson en date du 24 novembre 1997



ONT COMPARU :

Abdulhakim A. Salman      POUR SON PROPRE COMPTE

Peter K. Large      POUR L'AMICUS CURIAE



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter K. Large      POUR L'AMICUS CURIAE

Avocat

Toronto (Ontario)

__________________

1      [1997] F.C.J. no 1266 (QL)

2      [1996] F.C.J. no 33 (QL)

3

4      [1978] 2 C.F. 208 (C.F. 1re inst.)

5      [1993] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.)

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