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     T-1520-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 SEPTEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

Entre :


NU-PHARM INC.,

APOTEX INC.

et BRANTFORD CHEMICALS INC.,

     requérantes,


-et-


ABBOTT LABORATORIES, LIMITED

et ABBOTT LABORATORIES,

     intimées.

     ORDONNANCE

     Vu la requête datée du 6 août 1997 et présentée pour le compte des requérantes en vue d"obtenir ce qui suit :


  1. )      Une injonction interlocutoire interdisant aux intimées de soumettre à la présente Cour une autre requête, en vertu des dispositions du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), en vue d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer à la requérante, Nu-Pharm Inc., en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pris en vertu de la Loi sur les brevets, un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de térazosine dihydraté préparé ou produit à l"aide des méthodes ou procédés de fabrication visés par l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997, et ce, jusqu"à l"audition ou autre règlement de la présente requête introductive d"instance.
  2. )      Une injonction interlocutoire interdisant aux intimées de soumettre à la présente Cour une requête, en vertu des dispositions du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), en vue d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer à la requérante, Apotex Inc., en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pris en vertu de la Loi sur les brevets, un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de térazosine dihydraté préparé ou produit à l"aide des méthodes ou procédés de fabrication visés par l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997, et ce, jusqu"à l"audition ou autre règlement de la présente requête introductive d"instance.
  3. )      Subsidiairement à la mesure de redressement interlocutoire sollicitée au paragraphe 1) des présentes, une injonction provisoire interdisant aux intimées de soumettre à la présente Cour une autre requête, en vertu des dispositions du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), en vue d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer à la requérante, Nu-Pharm Inc., en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pris en vertu de la Loi sur les brevets, un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de térazosine dihydraté préparé ou produit à l"aide des méthodes ou procédés de fabrication visés par l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997, et ce, jusqu"à l"audition ou autre règlement concernant la requête en injonction interlocutoire sollicitée au paragraphe 1) des présentes.
  4. )      Subsidiairement à la mesure de redressement interlocutoire sollicitée au paragraphe 2) des présentes, une injonction provisoire interdisant aux intimées de soumettre à la présente Cour une requête, en vertu des dispositions du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), en vue d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer à la requérante, Apotex Inc., en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) pris en vertu de la Loi sur les brevets, un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de térazosine dihydraté préparé ou produit à l"aide des méthodes ou procédés de fabrication visés par l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997, et ce, jusqu"à l"audition ou autre règlement de l"ordonnance interlocutoire sollicitée au paragraphe 2 des présentes.
  5. )      Ou, subsidiairement, une ordonnance en vertu de la Règle 327.1 pour que soit avancée la tenue de l"audition des instances provisoires ou interlocutoires susmentionnées non accordées au moment de leur présentation, et l"audition de la requête par voie d"avis de requête introductive d"instance, y compris une ordonnance :
     a)      portant que l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997 et, en particulier, la conclusion selon laquelle le procédé de Nu-Pharm est un équivalent chimique évident des revendications des lettres patentes canadiennes n 1,081,229 expirées depuis lors, est une chose jugée entre les intimées et l"appelante Nu-Pharm Inc. et que les intimées sont empêchées de contredire ladite conclusion du juge Lutfy (préclusion pour question déjà tranchée) entre elles-mêmes et les requérantes, Apotex Inc. ou Brantford Chemicals Inc. et que, pour les besoins de l"audition ou des auditions qui précèdent, lesdits faits ou lesdites conclusions ne sont pas contestées;

    

     b)      prévoyant un échéancier pour la présentation des éléments de preuve par voie d"affidavit pour le compte des intimées et de toute preuve par affidavit en réponse à ceux-ci pour le compte des requérantes;

    

     c)      prévoyant un échéancier pour le contre-interrogatoire sur la preuve par affidavit versée au dossier;

    

     d)      prévoyant un échéancier pour le dépôt du dossier de la requérante et celui de l"intimée ainsi qu"il est prévu à la Règle 321.1;

    

     e)      subsidiairement, prévoyant qu"une conférence préparatoire au procès soit tenue à une date et en un lieu que déterminera la présente Cour, auquel moment l"une quelconque des ordonnances visées par la Règle 327.1 pourra être rendue.

  1. )      Subsidiairement, une injonction mandatoire enjoignant aux requérantes collectivement et individuellement de retirer immédiatement les avis de requête introductive d"instance déposés auprès de la présente Cour le 31 juin 1997 dans chacun des dossiers portant les numéros de greffe T-1652-97 et T-1653-97 respectivement, au motif que ceux-ci constituent un abus des procédures de la présente Cour ou, subsidiairement, une déclaration portant que les avis de requête introductive d"instance susmentionnés sont nuls, invalides et sans effet depuis le début et que ladite mesure de redressement peut être octroyée de plein droit ou, subsidiairement, que lesdits actes de procédure soient radiés.
  2. )      Et, subsidiairement, dans la mesure où cela est nécessaire, une ordonnance modifiant l"avis de requête introductive d"instance aux présentes pour demander la mesure de redressement mentionnée au paragraphe b) ci-dessus.

     Par ces motifs,

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      La requête en injonction interlocutoire est rejetée.
2.      L"avis de requête introductive d"instance est rejeté.

     Marshall Rothstein

     Juge

Traduction certifiée conforme :         
                                 Martine Guay, LL.L.

     T-1520-97

ENTRE :


NU-PHARM INC.,

APOTEX INC.

et BRANTFORD CHEMICALS INC.,

     requérantes,


-et-


ABBOTT LABORATORIES, LIMITED

et ABBOTT LABORATORIES,

     intimées.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     Les requérantes soumettent une requête en injonction interlocutoire dans le but d"empêcher les intimées, en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , DORS/93-133, de chercher à interdire au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer aux requérantes des avis de conformité pour du chlorhydrate de térazosine dihydraté1 (CTD). Les faits donnant lieu à la requête sont les suivants : par ordonnance datée du 9 juin 1997, le juge Lutfy a interdit au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm pour le CTD jusqu"à l"expiration du brevet d"Abbott n 1081229. Ce brevet a expiré le 8 juillet 1997. Nu-Pharm et Apotex prétendent qu"à compter du 8 juillet 1997, le ministre pouvait leur délivrer des avis de conformité pour le CTD.

     Toutefois, le 3 juin 1997, trois nouveaux brevets concernant du chlorhydrate de térazosine dihydraté ont été octroyés à Abbott. Le 9 juin 1997, Abbott a soumis ces brevets au ministre en vertu du paragraphe 4(5) du Règlement pour modifier sa liste de brevets existante. Les 4 et 7 juillet 1997, respectivement, Apotex et Nu-Pharm ont chacune délivré un avis d"allégation en vertu du sous-alinéa 5(1)b )(iv) du Règlement alléguant qu"aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l"utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant la fabrication, la construction, l"utilisation ou la vente par elles du CTD. Le 31 juillet 1997, Abbott a répondu aux avis d"allégation en déposant des avis de requête introductive d"instance auprès de la présente Cour en vue d"obtenir des ordonnances interdisant au ministre de délivrer à Apotex et à Nu-Pharm des avis de conformité fondés sur les trois nouveaux brevets ajoutés à sa liste de brevets et auxquels Apotex et Nu-Pharm comparaient leur CTD projeté.

     Les requérantes prétendent que les trois brevets ajoutés à la liste de brevets d"Abbott concernent des médicaments qui ne sont pas pertinents au CTD ou que, s"ils le sont, les brevets visent des procédés ou des intermédiaires qui n"ont aucune valeur thérapeutique et ne peuvent être qualifiés de " revendication pour le médicament en soi " ainsi que l"exige le Règlement (voir Deprenyl Research Ltd. c. Apotex Inc., (1994) 55 C.P.R. (3d) 171, aux pages 175 et 176, confirmé par (1995) 60 C.P.R. (3d) 501 (C.A.F.), et Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc., (1995) 63 C.P.R. (3d) 245, à la page 250, confirmé par (1996) 68 C.P.R. (3d) 126 (C.A.F.)).

     De plus, les requérantes disent que la question de savoir si un avis de conformité peut maintenant leur être délivré est une chose jugée étant donné que l"ordonnance du juge Lutfy datée du 9 juin 1997 prévoyait qu"il était interdit au ministre de délivrer des avis de conformité jusqu"à l"expiration du brevet d"Abbott n 1081229, lequel a en effet expiré le 8 juillet 1997. Elles ajoutent que selon une juste interprétation de cette ordonnance, il n"est plus interdit au ministre de leur délivrer un avis de conformité pour le CTD et que la question est maintenant une chose jugée.

     De plus, les requérantes disent que, dans une revendication présentée dans le cadre d"un nouveau brevet, Abbott ne peut chercher à protéger un vieux produit, soit le CTD, qui n"est plus visé par un brevet.

     Les requérantes soutiennent que les demandes d"interdiction d"Abbott constituent un emploi abusif des procédures. La Cour aurait une compétence inhérente pour contrôler ces procédures et empêcher les abus et, en l"espèce, une injonction permettrait d"empêcher un tel abus.

     Bien qu"à première vue, les requérantes aient soutenu de manière valable qu"elles ne devraient pas être tenues d"engager une instance en interdiction en vertu du Règlement et risquer d"être empêchées de commercialiser leur produit pendant une autre période de 30 mois, elles ne m"ont pas convaincu qu"il s"agissait d"un cas d"abus des procédures, non plus que la Cour était saisie à bon droit de cette requête.

     Les procédures dont les requérantes se plaignent sont les requêtes en interdiction d"Abbott dans les dossiers nos T-1652-97 et T-1653-97. La façon dont elles décrivent la mesure de redressement qu"elles recherchent est d"interdire à Abbott [traduction ] " de soumettre à la présente Cour une autre requête, en vertu des dispositions du Règlement... en vue d"obtenir une ordonnance interdisant au ministre... de délivrer un avis de conformité... " à Nu-Pharm et Apotex. Toutefois, les requêtes en interdiction ont déjà été déposées. Une ordonnance interdisant à Abbott de soumettre d"autres requêtes en vertu du Règlement ne serait donc d"aucun secours pour les requérantes. La seule mesure de redressement qui pourrait les aider serait une injonction mandatoire enjoignant à Abbott de retirer les requêtes en interdiction déjà déposées, et elles ont en fait sollicité cette mesure de redressement. Toutefois, hormis le fait qu"une injonction est une forme de redressement extrêmement rare (voir Sharpe, Injunctions and Specific Reforms , 1983, paragr. 190), je ne suis pas convaincu que la requête en interdiction d"Abbott constitue un abus des procédures. Les requérantes ont délivré des avis d"allégation, et les requêtes en interdiction constituent la réponse à ces avis. Le Règlement traite des requêtes en interdiction. En fait, un délai est prévu pour déposer de telles requêtes. Il se peut qu"elles soient sans fondement. Toutefois, pour ce qui est des requêtes en interdiction en soi, rien ne semble abusif.

     Il est possible que le motif réel de la plainte concerne le fait qu"Abbott a ajouté trois nouveaux brevets à sa liste de brevets. Toutefois, il s"agit d"une procédure qui concerne le ministre et non la Cour. Les requérantes ne m"ont pas convaincu qu"il s"agissait d"un cas d"abus des procédures de la Cour.

     La requête des requérantes soulève d"autres difficultés. Les présentes instances ont été introduites par voie de requêtes introductives d"instance. Toutefois, en vertu de la Règle 400, toutes les actions sont introduites par voie de dépôt d"une déclaration, à moins qu"une loi ou un règlement ne prévoie expressément le contraire. Aux termes de la Règle 2(1), un avis de requête introductive d"instance ne constitue pas une action. La Règle 321.1, sur laquelle les requérantes se fondent, ne peut juridiquement fonder l"introduction d"une instance par voie de requête introductive d"instance. Une loi du Parlement doit autoriser une telle requête, ce qui n"est pas le cas en l"espèce.

     Même en l"absence de ces difficultés de procédure, je ne suis pas convaincu qu"il existe des éléments de preuve de préjudice irréparable clairs et non conjecturaux. Les requérantes prétendent que chaque jour où elles sont empêchées de commercialiser le CTD, elles se voient privées d"importants revenus et censément de profits. Je présume que la position des requérantes est qu"il n"existe aucune façon pour elles d"être indemnisées si elles réussissent en fin de compte à prouver que les requêtes en interdiction d"Abbott sont sans fondement. Toutefois, il ne ressort pas clairement de la preuve que le ministre n"a pas délivré des avis de conformité aux requérantes uniquement en raison des requêtes en interdiction actuelles. Le ministre n"est peut-être pas sûr des mesures à prendre compte tenu de l"ajout des trois nouveaux brevets à la liste d"Abbott et des avis d"allégation des requérantes qui renvoient à celles-ci ainsi que des demandes d"interdiction qui en résultent, mais il serait présomptueux pour la Cour de présumer qu"il s"agit de l"unique raison pour laquelle le ministre n"a pas délivré les avis de conformité aux requérantes. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que les requérantes fait la preuve d"un préjudice irréparable attribuable aux agissements d"Abbott.

     En conséquence, la requête en injonction interlocutoire est rejetée. Étant donné qu"il n"existe aucun fondement légal à la requête introductive d"instance, toute la procédure est rejetée aussi. Avec le consentement d"Abbott, le rejet de la requête introductive d"instance et de l"avis de requête introductive d"instance se fait sous réserve des autres mesures que les requérantes peuvent prendre au sujet des procédures en interdiction d"Abbott. Pour faire suite à la demande des requérantes, le prononcé de la décision relative aux dépens est remise.

     Vu les circonstances inusitées de la présente affaire, la tenue de l"audience concernant les procédures en interdiction intentées par Abbott devrait être avancée et la Cour entendra les demandes des requérantes à cette occasion en vue d"engager l"audition sur le fond de la requête préliminaire qu"elles pourraient vouloir présenter au motif que les requêtes en interdiction ne sont pas justifiées en raison des arguments invoqués dans la présente requête en injonction interlocutoire qui est rejetée.


     Marshall Rothstein

     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

5 septembre 1997

Traduction certifiée conforme :         
                                 Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :                  T-1520-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Nu-Pharm Inc. et al.

                         c. Abbott Laboratories et al.

LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATES DE L"AUDIENCE :          3 et 4 septembre 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :                  5 septembre 1997

ONT COMPARU :

Me Alfred Schorr

Me Joseph Etigson                  POUR LES REQUÉRANTES

Me Ronald Dimock

Me Michelle Wassenaar              POUR LES INTIMÉES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Hugues, Etigson

Thornhill (Ontario)                  POUR LES REQUÉRANTES

Dimock, Stratton, Clarizio

Toronto (Ontario)                  POUR LES INTIMÉES

__________________

     Abbott vend du chlorhydrate de térazosine dihydraté sous la marque de commerce "hytrin". Le hytrin est un médicament contre l"hypertension et, selon une certaine posologie, l"hypertrophie prostatique bénigne.

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