Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990312

     Dossier : IMM-1572-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 12 MARS 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE EVANS

ENTRE

     BALDEV SINGH SIHOTA,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen par une formation différente de la section du statut de réfugié.

     John M. Evans

     ________________________________

     J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     Date : 19990312

     Dossier : IMM-1572-98

ENTRE

     BALDEV SINGH SIHOTA,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 [dans sa forme modifiée] dans laquelle Baldev Singh Sihota (le demandeur) demande à la Cour d'examiner et d'infirmer la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la section du statut) a rejeté le 17 mars 1998 la revendication qu'il avait présentée.

[2]      Le demandeur, qui est citoyen indien, est un sikh du Panjab qui allègue avoir été détenu et torturé par la police du Panjab à la fin de 1995 et au début de 1996 à la suite de visites que deux présumés terroristes sikhs avaient effectuées chez lui. Lors d'une de ces visites, les terroristes avaient laissé un sac chez lui, ce qui a attiré l'attention de la police. Le demandeur est arrivé au Canada en 1996 et il a revendiqué le statut de réfugié en alléguant craindre avec raison d'être persécuté entre les mains de la police du Panjab à cause de sa présumée association avec les militants sikhs.

[3]      La section du statut a rejeté la revendication en se fondant principalement sur le fait qu'elle ne croyait pas que le demandeur avait été battu et torturé comme il alléguait l'avoir été, et elle a conclu que le demandeur n'avait donc pas raison de craindre d'être persécuté. La section du statut a également conclu que, de toute façon, il existait une possibilité de refuge intérieur à New Delhi.

[4]      Dans leurs observations, les avocats ont mis l'accent sur les conclusions que la section du statut avait tirées au sujet de la crédibilité. Il est de droit constant que cette cour hésite fort à infirmer la décision d'un tribunal administratif lorsqu'elle est fondée sur des conclusions tirées au sujet de la crédibilité, et ce, que ces conclusions découlent du comportement du témoin ou d'éléments de preuve incohérents ou invraisemblables. Néanmoins, si je suis convaincu qu'il n'était pas raisonnablement loisible à la section du statut de tirer, à l'égard de la crédibilité, les conclusions qu'elle a tirées dans ce cas-ci compte tenu de la preuve dont elle disposait, je peux infirmer la décision pour le motif qu'elle est entachée d'une erreur de droit ou qu'elle a été prise d'une façon abusive ou arbitraire ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont la section du statut disposait.

[5]      La section du statut s'est fondée sur cinq exemples particuliers en ce qui concerne la conclusion selon laquelle la preuve présentée par le demandeur était incohérente ou invraisemblable. Elle a déclaré que cette liste n'était pas nécessairement exhaustive. Toutefois, si je conclus que les conclusions particulières que la section du statut a tirées ne sont pas fondées, je ne suis pas prêt à éplucher la transcription pour trouver d'autres cas possibles d'incohérence ou d'invraisemblance permettant à la section du statut de conclure que le demandeur n'était pas un témoin digne de foi.

[6]      En premier lieu, la section du statut s'est fondée sur des contradictions entre le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) du demandeur et le témoignage oral que celui-ci a présenté au sujet des circonstances dans lesquelles des agents de police l'avaient amené, pendant qu'il était sans connaissance, après l'avoir battu devant sa famille. Dans son FRP, le demandeur n'a pas mentionné qu'on l'avait amené dans une jeep, ou qu'on l'avait jeté dans la jeep pendant qu'il était sans connaissance. Toutefois, je suis d'accord avec l'avocat du demandeur, Me Waldman, pour dire que cela n'est pas un exemple d'incohérence, mais plutôt un détail supplémentaire ajouté au compte rendu de l'événement tel qu'il figurait dans le FRP. On ne peut pas dire que les détails additionnels sont intéressés ou qu'ils étayent l'histoire du demandeur.

[7]      Deuxièmement, la section du statut a jugé invraisemblable la preuve que le demandeur avait présentée, à savoir que pendant qu'il était à l'hôpital après avoir été battu par les agents de police, on a pansé les blessures qu'il avait à la tête et au nez, mais qu'on l'a par ailleurs laissé dans ses vêtements pleins de sang, en se contentant de le recouvrir d'un drap propre. Ici encore, étant donné que ces événements se sont produits dans un hôpital d'une région rurale de l'Inde, la conclusion tirée par la section du statut, à savoir qu'il était invraisemblable que le demandeur ait ainsi été traité à l'hôpital, me semble suspecte au point d'être déraisonnable.

[8]      Troisièmement, la section du statut a rejeté pour le motif qu'elle était invraisemblable la preuve du demandeur selon laquelle, pendant qu'ils le battaient et le torturaient, les agents de police lui avaient à maintes reprises posé des questions au sujet d'un sac que les présumés terroristes avaient laissé chez lui. La section du statut a conclu qu'il était invraisemblable que l'on insiste sur ce point sans demander à M. Sihota s'il connaissait les hommes qui avaient laissé le sac chez lui. Toutefois, comme le montre la transcription, le demandeur a également témoigné que les agents de police lui avaient posé des questions au sujet des deux hommes qui étaient allés chez lui, de sorte que la section du statut a fondé sa conclusion au sujet de la crédibilité sur une interprétation erronée de la preuve.

[9]      En outre, le demandeur a témoigné que, lorsqu'il avait été arrêté, l'un des présumés militants était déjà dans la jeep et avait dit que le sac était dans la maison. Compte tenu des activités terroristes qui se sont déroulées par le passé au Panjab et du fait que la police connaissait l'un des présumés militants, il ne semble pas du tout surprenant que les agents de police aient porté une attention particulière à un sac qui contenait peut-être des armes ou des explosifs. La preuve dont disposait la section du statut ne permet pas de tirer pareille conclusion.

[10]      Quatrièmement, la section du statut a également jugé invraisemblable le fait que la conjointe et les enfants du demandeur ne savaient pas comment communiquer avec l'un de ses amis, un agent de police supérieur stationné à Amritsar, qui est situé à 100 kilomètres du village où ils habitaient, afin de lui demander de l'aide puisqu'ils craignaient que les agents de police eussent tué le demandeur. Encore une fois, compte tenu de la preuve dont disposait la section du statut, cette conclusion était loin d'être invraisemblable au point de justifier une conclusion de non-crédibilité.

[11]      D'autre part, je suis d'accord pour dire qu'il était loisible à la section du statut de conclure que le témoignage que le demandeur avait présenté au sujet du moment où sa soeur avait appris qu'il venait au Canada était incohérent.

[12]      Compte tenu des quatre conclusions fortement contestables qui ont été tirées à l'égard des invraisemblances ou des incohérences, j'ai conclu qu'il n'était pas raisonnablement loisible à la section du statut de conclure à l'absence de crédibilité en se fondant sur la preuve dont elle disposait. Il ne suffit pas que le tribunal ait peut-être eu des motifs plus solides à l'égard d'un autre élément de preuve incohérent, qui n'avait rien à voir avec le fondement de la revendication.

[13]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen par une formation différente de la section du statut.

     John M. Evans

     ________________________________

     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 12 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-1572-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :              BALDEV SINGH SIHOTA c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 25 février 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Evans en date du 12 mars 1999

ONT COMPARU :

Lorne Waldman                  POUR LE DEMANDEUR
Godwin Friday                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman et associés          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.