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Date : 20040831

Dossier : IMM-7645-03

Référence : 2004 CF 1194

Toronto (Ontario), le 31 août 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON                               

ENTRE :

                                                            GURTEJ SINGH GILL

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Gill est un citoyen de l'Inde d'origine sikh, âgé de 27 ans. Il prétend avoir une crainte fondée de persécution en raison de ses opinions politiques. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SPR) a établi qu'il n'est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens de l'article 97 de Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 (LIPR). Il me demande d'annuler la décision de la Commission. Sa demande ne sera pas accueille.


[2]                M. Gill a prétendu avoir été la cible d'extrémistes sikhs qui voulaient l'enrôler comme conscrit. Il a dit que ses opinions politiques étaient modérées et qu'il préférait le statu quo, alors il a refusé de se joindre à eux. Il a prétendu avoir été enlevé et détenu pendant dix jours au motif que le groupe tentait de le forcer à se joindre à eux. Il s'est enfui ou on lui a permis de quitter la région (au cours de l'audience, M. Gill n'arrivait pas à décider de quel cas il s'agissait) et il a prétendument été obligé d'entrer dans la clandestinité.

[3]                À l'origine, M. Gill est venu au Canada en tant que membre parrainé de la catégorie des parents. Toutefois, il est venu ici sous un nom d'emprunt (Sharanjit Singh Rangi) et il n'était pas membre de la famille qui l'avait parrainé, même s'il appert qu'il a subséquemment épousé un membre de cette famille. La méprise est venue au jour lorsqu'il a tenté de parrainer sa nouvelle épouse. Lorsque la fausse déclaration a été découverte, il s'est vu révoquer son statut de résident permanent et il a demandé l'asile. Entre le moment où il est entré au Canada comme résident permanent et le moment où il a demandé l'asile, M. Gill s'est rendu trois fois en Inde; lors d'au moins deux de ces voyages, il a séjourné dans la région où il prétendait craindre la persécution.


[4]                Pour la SPR, la question déterminante était la crédibilité. Les motifs de sa décision comptent 20 pages et font état de nombreuses préoccupations sur la crédibilité. La Commission a conclu que des éléments clés du récit, y compris la question des dates entourant les études de M. Gill et les menaces proférées contre lui, étaient incompatibles et qu'il y avait de nombreuses incompatibilités entre le FRP et le témoignage de vive voix; en effet, certains éléments du témoignage sont devenus encore plus confus lorsqu'on a demandé à M. Gill de fournir des éclaircissements. Elle a également conclu à des enjolivements importants et a décidé que trop de questions suggestives étaient nécessaires pour faire ressortir l'exposé des faits. La preuve documentaire n'a pas été utile à M. Gill parce qu'elle montre, en premier lieu, que le militantisme sikh était plutôt chose du passé au moment où M. Gill prétend avoir été persécuté et, en second lieu, qu'il n'y a jamais eu dans son village d'incidents impliquant des terroristes ou des militants.

[5]                Le fait que la demande de parrainage frauduleuse ait été présentée pour M. Gill en 1996, alors que selon son témoignage il n'avait même pas été abordé par les militants avant 1997, pose problème aux yeux de la Commission. Elle a également conclu que le fait qu'il était retourné en Inde trois fois et qu'il y avait passé treize mois sur une période de trente-six mois n'était pas compatible avec une crainte fondée de persécution. Enfin, la Commission a constaté que lorsqu'on lui a demandé pourquoi il craignait de rentrer en Inde, sa réponse, à prime abord, a été qu'il ne pouvait subvenir à ses besoins là-bas.

[6]                Les observations écrites de M. Gill font état de plusieurs moyens pour lesquels la décision de la Commission serait erronnée. Lors de l'audience, son avocat a abandonné tous les moyens à l'exception d'un seul -- il prétend que la décision est entachée par une crainte raisonnable de partialité. Je n'ai réussi à trouver aucun élément de preuve - que ce soit dans la transcription ou dans les motifs - qui montre un élément de partialité de la part de la Commission.

[7]                Le critère fréquemment cité applicable à la partialité est énoncé dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

[L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires àce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste àse demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décisionnaire], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » .

[8]              Les motifs de crainte raisonnable de partialité doivent être « sérieux » : Committee for Justice and Liberty, précité.

[9]                M. Gill identifie une portion des motifs au soutien de son allégation. Il prétend que les commentaires soulignés dans l'extrait reproduit ci-après montrent que la SPR s'était déjà formé une opinion sur l'affaire.

Voici les motifs de la décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés relativement à la demande d'asile de Gurtej Singh Gill. Le demandeur a 27 ans environ et est un citoyen de l'Inde. Il a été admis au Canada le 6 février 1998 sous le pseudonyme de Sharanjit Singh Rangi, né le 19 avril 1997. En mai 2000, Citoyennetéet Immigration Canada est informéque, d'après une enquête du Haut Commissariat canadien en Inde, Sharanjit Singh Rangi s'appelle en réalitéGurtej Singh Gill et qu'il a étéadmis en se faisant passer pour le fils de Gurdip Singh Rangi, qui lui-même avait fait passer l'intéressépour son fils devant le Haut Commissariat. Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention le 11 juin 2002. L'audition de la demande s'est tenue en vertu de l'article 170 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) le 7 janvier et le 3 avril 2003, àToronto (Ontario).

Pour déterminer si le demandeur a qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, j'ai pris en considération tous les éléments de preuve, y compris le formulaire de renseignements personnels (FRP) de l'intéressé, son témoignage de vive voix, la preuve documentaire présentée par son conseil et par l'agent de protection des réfugiés (APR), les observations des parties, la LIPR et la jurisprudence pertinente.

On n'a pas contesté le reste des motifs, lesquels, comme mentionné précédemment, comptent 20 pages.


[10]            M. Gill est loin de réussir à démontrer une crainte raisonnable de partialité sur cette base. La SPR relatait simplement le contenu de son dossier d'immigration avant de procéder à une analyse de sa demande. Je ne vois aucune faute dans cette façon de faire. La Commission a ensuite laborieusement énoncé les éléments de preuve, les incompatibilités et les omissions y comprises, les enjolivements et les difficultés à reconnaître ce que M. Gill prétendait craindre. Un examen de la transcription révèle que les motifs fournis constituent une représentation juste des éléments de preuve fournis à l'audience.

[11]            Pour ce qui est de l'allégation de M. Gill et sa préoccupation quant au temps passé par la Commission sur le fait qu'il avait utilisé deux noms dans le passé, la Commission a réglé la situation de façon appropriée. Elle a décidé, à juste titre selon moi, que l'équité l'emporte sur le sens pratique et qu'il y avait lieu d'offrir à M. Gill la possibilité raisonnable d'expliquer son besoin de protection, même si cela signifiait [traduction] « répéter ou revoir des éléments qui avaient déjà été examinés » .


[12]            De plus, dans son évaluation de la crédibilité, il était loisible à la SPR de prendre en compte les fausses déclarations antérieures faites aux fonctionnaires de CIC et de constater que M. Gill, pendant qu'il vivait au Canada, était retourné trois fois en Inde sans présenter de demande d'asile, même s'il prétendait craindre d'être persécuté s'il était renvoyé du Canada. Le problème n'était pas que la Commission s'était déjà formé une opinion sur l'affaire et refusait de se laisser persuader de la validité de la demande. Le problème était plutôt que la demande de M. Gill était fondamentalement incroyable et que M. Gill avait, dans le passé, fourni des renseignements qui n'étaient pas fiables et qui contredisaient sa demande.

[13]            Puisque cela suffit pour disposer de l'affaire, il n'est pas nécessaire que je m'arrête à l'argument subsidiaire du défendeur; selon ce dernier, il incombait à M. Gill de soulever l'allégation de crainte de partialité le plus tôt possible et, puisque aucune objection n'a été soulevée devant la SPR, il serait trop tard à présent pour le faire. Cela dit, la question que soulève M. Gill pour certification concernant la nécessité d'une « objection » au cours de l'audience ne sera pas certifiée au motif qu'elle ne serait pas déterminante pour un appel.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                             « Carolyn Layden-Stevenson »          

                                                                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-7645-03

INTITULÉ:                                                     GURTEJ SINGH GILL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 30 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                  LE 31 AOÛT 2004

COMPARUTIONS:

Frederick Wang                                             POUR LE DEMANDEUR

Marcel Larouche                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Bay Street Immigration Lawyers P.C.         POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)                                           

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada            


                      COUR FÉDÉRALE

Date : 20040831

Dossier : IMM-7645-03

ENTRE :

GURTEJ SINGH GILL

                                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                            défendeur

                                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                             


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