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Date : 20041224

Dossier : IMM-6961-03

Référence : 2004 CF 1780

ENTRE :

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                        MARTIN RICHARD HYDE

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                  L'application de l'article 197, une disposition transitoire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), constitue l'élément principal qui permettra de trancher la présente demande de contrôle judiciaire introduite par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre). La disposition est ainsi libellée :



Sursis

197. Malgré l'article 192, l'intéressé qui fait l'objet d'un sursis au titre de l'ancienne loi et qui n'a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d'appel prévue par l'article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable. [Non souligné dans l'original.]

Stays


[2]         Le défendeur, Martin Hyde, un résident permanent du Canada, a fait l'objet, le 8 juin 1999, d'un sursis d'exécution de la mesure de renvoi qui avait été prise contre lui le 7 février 1999 et qu'il avait portée en appel devant la Section d'appel de l'immigration en invoquant la compétence en equity de ce tribunal conformément à l'article 70 de l'ancienne loi.

[3]                Lorsqu'elle a accordé le sursis, la Section d'appel de l'immigration (SAI) a imposé au défendeur plusieurs conditions dont celle de ne pas consommer ni vendre de drogues illicites et celle de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite.

[4]                Le 1er septembre 2000, au moment de l'examen du suris, la SAI en a renouvelé les conditions.

[5]                Après l'entrée en vigueur de la LIPR, le 28 juin 2002, Martin Hyde a plaidé coupable à l'accusation d'avoir commis des voies de fait le 2 août 2002, selon l'alinéa 266b) du Code criminel et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de huit jours et mis sous probation pour une période de douze mois. Le même jour, il a également plaidé coupable à une autre accusation, celle d'avoir commis un méfait, contrairement à l'alinéa 430(4)b) du Code criminel et il a été condamné à une peine d'emprisonnement additionnelle de huit jours et mis sous probation pour une même période de douze mois.

[6]                Dans la décision dont le ministre demande l'annulation, la SAI mentionne « qu'à son entrevue avec l'agent d'immigration [...] [M. Hyde] a reconnu avoir consommé de la drogue en août 2002 » .

[7]                Le ministre a demandé le contrôle judiciaire en l'espèce suivant la décision de la SAI du 6 août 2003 selon laquelle elle avait compétence pour examiner le sursis qui avait été accordé le 8 juin 1999.

[8]                Le ministre a soutenu devant la SAI que l'article 64 de la LIPR s'appliquait à M. Hyde en conformité avec la disposition transitoire de l'article 197 de la LIRP et que, par conséquent, la SAI n'avait pas compétence pour examiner le sursis d'exécution de la mesure de renvoi dont M. Hyde avait précédemment fait l'objet. Le ministre a demandé l'annulation du sursis et le rejet de l'appel de M. Hyde.

[9]                L'article 64 de la LIPR prévoit que le résident permanent, qui est interdit de territoire pour grande criminalité au sens du paragraphe 64(2) et pour les fins de l'article 64, ne peut interjeter appel s'il a commis une infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

[10]            Dans ses motifs écrits, la SAI a écarté la position du ministre. Selon la SAI, l'article 197 de la Loi ne renvoie pas uniquement à l'article 64 de la LIPR mais il renvoie expressément au paragraphe 68(4). Le paragraphe 68(4) est ainsi libellé :


Classement et annulation

(4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l'étranger est reconnu coupable d'une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l'appel étant dès lors classé.

Termination and cancellation

(4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.


[11]            Le dossier certifié du tribunal qui m'a été présenté ne contient aucune transcription des débats de la SAI du 3 avril 2003 sur la question de la compétence. Il semble que les observations sur la question de droit ont été faites par écrit.

[12]            Il ressort de sa décision du 6 août 2003 que la SAI n'a tiré aucune conclusion particulière selon laquelle M. Hyde n'avait pas respecté une ou plusieurs des conditions de son sursis. Mon examen du dossier me convainc que la question de savoir s'il a violé les conditions de son sursis est discutable.

[13]            Je suis d'accord avec la récente décision du juge Pinard dans Psyrris c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1443, dans laquelle il a analysé l'importance de l'article 197 de la LIPR.

[14]            Le juge Pinard a dit, au paragraphe 9, de sa décision :


[9]           [...] L'application de l'article 197 de la LIRP dépend de deux conditions : premièrement, le demandeur doit avoir obtenu un sursis en vertu de l'ancienne loi et, deuxièmement, il doit avoir violé une condition du sursis.

[15]            Dans l'affaire dont il était saisi, le juge Pinard a relevé que la SAI avait conclu que le demandeur avait violé une condition de son sursis et que l'article 197 s'appliquait à son cas.

[16]            J'ajoute que, lors du contrôle judiciaire, le juge Pinard a dit que la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur avait violé une condition du sursis d'exécution de sa mesure de renvoi était raisonnable.

[17]            Les deux avocats ont reconnu que la SAI n'avait pas expressément conclu que M. Hyde avait violé une ou plusieurs conditions de son sursis et que l'affaire devait être renvoyée devant la SAI pour nouvelle décision sur cette condition préalable essentielle à l'application de l'article 197 de la LIPR.

[18]            C'est la raison pour laquelle l'avocat du ministre a demandé que la décision de la SAI soit annulée et qu'elle soit renvoyée à la SAI [traduction] « pour nouvelle décision, avec des directives, si nécessaire » .

[19]            Je fais remarquer que l'article 197 de la LIPR renvoie à l'article 64 et au paragraphe 68(4) de la Loi. La question de savoir si l'article 64 éclipse, pour ainsi dire, le paragraphe 68(4) a été pleinement débattue devant moi.


[20]            Dans les circonstances en l'espèce, la réparation la plus indiquée est d'annuler la décision de la SAI qui a omis de trancher la question de savoir si M. Hyde avait violé une ou plusieurs des conditions de son sursis. L'affaire sera renvoyée devant la SAI pour qu'elle prenne une décision à cet égard.

[21]            Il ne me semble pas opportun, pour l'instant, de trancher la question de savoir si l'article 64 de la LIPR à pour effet de dessaisir la SAI de sa compétence en l'espèce, mais puisque la question ayant été pleinement débattue devant moi, je suis convaincu que je devrais conserver ma compétence pour ce faire.

[22]            Je ne trancherais pas la question soulevée par l'article 64 pour l'instant parce que, suivant la conclusion de la SAI, ma décision sur ce point serait sans objet ou obiter dictum. Cependant, ce problème ne surviendra pas si la SAI décide que M. Hyde a effectivement violé une ou plusieurs des conditions de son sursis. Lorsque la SAI aura pris cette décision, la question sous-jacente qui est celle du lien entre l'article 64 et le paragraphe 68(4) de la LIPR, dans le contexte de l'article 197, pourra être tranchée.


[23]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SAI du 6 août 2003 sera annulée et l'affaire sera renvoyée devant le même tribunal de la SAI pour décision sur la seule question de savoir si M. Hyde a violé une ou plusieurs conditions du sursis d'exécution de sa mesure de renvoi. Dès qu'elle aura pris une décision, la SAI devra immédiatement aviser la Cour, qui conserve sa compétence pour juger, si nécessaire, si la SAI a compétence pour examiner le sursis accordé conformément à l'ancienne loi.

                                                                           _ François Lemieux _                    

                                                                                                     Juge                                 

Ottawa (Ontario)

Le 24 décembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6961-03

INTITULÉ :                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

MARTIN R. HYDE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 2 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                       LE 24 DÉCEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

François Joyal                                       POUR LE DEMANDEUR

Ian W.H. Bailey                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                  POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Ian W.H. Bailey                                     POUR LE DÉFENDEUR

Boîte postale 1850

141, rue Grafton

Charlottetown (Î.-P.-É.)

C1A 7K9

COMMISSION DE L'IMMIGRATION          LE TRIBUNAL

ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

102, boul. René-Lévesque Ouest, pièce 200

Tour Est

Montréal (Québec) H2Z 1X4


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