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     Date: 19980216

     Dossier: T-2416-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 16 FÉVRIER 1998.

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE

     LE GOUVERNEUR ET LA COMPANY

     OF THE BANK OF SCOTLAND,

     demandeurs,

     et

     LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES

     AYANT UN INTÉRÊT DANS LE NAVIRE "NEL" ET

     OCEAN PROFILE MARITIME LIMITED,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     L'appel est rejeté avec dépens sans aucune adjudication des dépens.

        

        

             Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date: 19980216

     Dossier: T-2416-97

ENTRE

     LE GOUVERNEUR ET LA COMPANY

     OF THE BANK OF SCOTLAND,

     demandeurs,

     et

     LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES

     AYANT UN INTÉRÊT DANS LE NAVIRE "NEL" ET

     OCEAN PROFILE MARITIME LIMITED,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ :

[1]          L'appel qu'Alfa Bunkering Co. Ltd. (Alfa) a interjeté se rapporte à une ordonnance infirmant l'ordonnance ou la décision que le protonotaire avait rendue le 30 janvier 1998 et par laquelle la demande qu'Alfa avait présentée en vue de faire ajourner l'audition de la requête de la demanderesse pendant une semaine était rejetée.

[2]          Par son avis de requête du 14 janvier 1998, la demanderesse (la banque) a informé les autres créanciers de son intention de demander à la Cour de rendre une ordonnance en vue du paiement, à l'aide du produit de la vente du "Nel", de tout montant en sus du montant requis à titre de garantie à l'égard de toutes les autres demandes déjà déposées. L'audience avait été ajournée à deux reprises et le mardi, 27 janvier 1998, l'avocat de la demanderesse a envoyé par télécopie une lettre aux autres créanciers pour confirmer que la requête de la Banque devait être entendue le vendredi, 30 janvier 1998.

[3]          Toutefois, la lettre qui avait été envoyée par télécopieur la veille au soir par l'avocat de la demanderesse a uniquement été portée à l'attention de l'avocat d'Alfa le jour de l'audience. Le 30 janvier 1998, l'avocat d'Alfa a donc envoyé par télécopieur à la Cour fédérale du Canada une lettre dans laquelle il demandait à participer à l'audience au moyen d'une conférence téléphonique ou, subsidiairement, que la demande soit ajournée pour une semaine. Le protonotaire a rejeté la demande et a procédé à l'audience. L'ordonnance du protonotaire est libellée comme suit :

     [TRADUCTION]         
     1.      Un avis amplement suffisant du fond de la requête visant au paiement du produit a été signifié : les requérantes n'ont subi aucun préjudice apparent. La demande d'ajournement est rejetée;         
     2.      La Cour examine volontiers les requêtes par téléconférence, que ce soit en totalité ou en partie, en présence d'un avocat ou de plusieurs avocats, et elle encourage la chose dans les circonstances appropriées, mais à Vancouver, la Cour ne dispose d'aucune installation et il n'y a pas d'installations disponibles à bref délai où il serait possible d'examiner une requête par téléconférence dans le cadre d'une audience où serait également présents un grand nombre d'avocats : la demande visant à permettre à l'avocat des requérantes de participer à l'audience par téléconférence est rejetée.         

[4]          Le 5 février 1998, après que le présent avis d'appel d'Alfa eut été déposé mais avant l'audition, le protonotaire a rendu publics l'ordonnance et les motifs y afférents.

[5]          Les paragraphes pertinents des motifs sont ainsi libellés :

     [1]    Le 3 décembre 1997, le vraquier et porte-conteneurs Nel a été vendu, sur ordonnance judiciaire, pour la somme de 5 000 000,00 $ US. Cette vente était organisée par la créancière hypothécaire du Nel, savoir la demanderesse en l'espèce, The Governor and Company of the Bank of Scotland (la Bank of Scotland), qui en a acquitté les divers coûts, dont les frais de vente et les salaires de l'équipage. Cette vente avait fait l'objet d'une publicité en bonne et due forme, à la suite de laquelle 15 créanciers privilégiés s'étaient manifestés, avec des créances totalisant 1 718 325,60 $ US, sans compter celle de la demanderesse, qui s'élevait à 12 047 788,08 $ US.         
     [...]         
     [4] Cette requête avait été initialement inscrite au rôle pour le 19 janvier 1988 [sic], mais a été ajournée deux fois pour être finalement entendue le 30 janvier 1988. Ces ajournements avaient pour objet de faciliter les pourparlers entre l'avocat de la Bank of Scotland et celui de l'un des créanciers privilégiés, Shell Canada Limited (Shell), pourparlers à l'issue desquels la réclamation de cette dernière contre le Nel a été réduite de quelque 1 350 000,00 $ US.         
     [5] Les avocats d'Alfa Bunkering Co. Ltd. et de HBI International Ltd., qui avaient manifestement reçu signification de la requête en temps voulu, n'ont reçu que peu de temps avant l'audition de cette dernière, l'état révisé des créances privilégiées, d'où ressort la réduction substantielle de la réclamation de Shell. Ces deux avocats, dont les clients réclamaient quelque 500 000,00 $ US, n'avaient apparemment pas reçu au 30 janvier toutes les instructions de ces derniers. C'est pourquoi, ils ont demandé, par la voix d'un avocat agissant à titre de mandataire, un ajournement à l'ouverture de l'audience du 30 janvier 1997. Subsidiairement, Alfa Bunkering Co. Ltd. concluait à ordonnance portant audition de la requête par téléconférence. Ces requêtes ont été faites de vive voix, sans aucune pièce à l'appui.         
     [6] J'ai rejeté la demande d'ajournement. Outre que cette demande a été introduite à la dernière minute, le fait de poursuivre l'audition de la requête ne causerait aucun préjudice à Alfa Bunkering Co. Ltd. ou à HBI International Ltd.         
     [7] Bien qu'une téléconférence eût été conforme à la tendance de la Cour fédérale à en encourager l'utilisation parce qu'elle représente un moyen économique de participer à l'audition des requêtes, la Cour ne dispose ici à Vancouver ni du matériel ni des installations nécessaires pour permettre la participation par téléconférence à une audience où sont aussi présents un grand nombre d'avocats, au point qu'il a fallu la tenir dans une grande salle. Nos moyens de téléconférence consistent en un appareil de téléphone à fonctionnement mains libres et une petite salle de conférence. Ils sont insuffisants lorsqu'un grand nombre d'avocats sont présents et tiennent à présenter leurs arguments. J'ai donc rejeté la demande de téléconférence, faite de vive voix par l'avocat d'Alfa Bunkering Ltd.         
     [...]         
     [11] Les créanciers privilégiés, dont certains sont titulaires de privilèges maritimes et d'autres de privilèges d'avitailleur, ont des créances totalisant, comme noté supra, 1 718 325,60 $ US, avec intérêts en sus. Dans le cas d'Alfa Bunkering Co. Ltd., qui réclame 168 174,53 $ US, l'intérêt serait de l'ordre de 24 %. Empire International, entreprise d'aconage qui réclame 5 846,56 $ US, demande un intérêt de 18 %, tout comme Tymac Launch Services Ltd., qui a une créance de 522,44 $ US. D'autres créanciers se contenteraient du taux d'intérêt que la Cour pourrait accorder selon l'usage.         
     [...]         
     [27] Sur les 5 000 000,00 $ US qui proviennent de la vente et les intérêts courus, la somme à retenir dans le compte fiduciaire producteur d'intérêts pour garantir les créanciers privilégiés, sera arrondie à 2 220 000,00 $ US. La Bank of Scotland pourra retirer le solde du produit de vente ainsi que les intérêts y afférents à ce jour dès qu'elle dépose auprès de la Cour son engagement non garanti, avec stipulations adéquates, de restituer à la Cour toute fraction du montant retiré, qui serait nécessaire pour couvrir les droits et priorités reconnus le moment venu par la Cour.         

[6]          Toutes les personnes qui allègent détenir un privilège sont sans doute maintenant protégées, y compris Alfa. Même si l'avocat d'Alfa avait été présent à l'audience à Vancouver, il n'aurait pas réussi à obtenir un meilleur résultat. Cependant, au moment où il a déposé son avis d'appel contre la décision du protonotaire de ne pas accorder d'ajournement ou de conférence téléphonique, l'avocat d'Alfa s'est senti frustré. Maintenant qu'il a été mis au courant des motifs de l'ordonnance du protonotaire, il cherche simplement à faire suspendre cette ordonnance tant qu'il n'aura pas eu la possibilité de consulter sa cliente en Grèce en vue de savoir si cette dernière veut en appeler de l'ordonnance du protonotaire. Il n'est pas facile de comprendre pourquoi sa cliente voudrait interjeter appel contre une décision aussi favorable.

[7]          Les appels d'une décision rendue par le protonotaire sont régis par le paragraphe 336(5) des Règles de la Cour fédérale (les Règles). La norme en appel a été bien établie par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd.1. En résumé, les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient pas être modifiées en appel à moins d'être clairement erronées, en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire était fondé sur un principe erroné ou sur une mauvaise compréhension des faits, ou encore que pareilles ordonnances soulèvent des questions essentielles à l'issue finale de l'affaire.

[8]          En l'espèce, on ne saurait dire que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon telle que l'ordonnance doive être modifiée. Les motifs de l'ordonnance sont clairement énoncés et ils sont raisonnables. En outre, de toute évidence, l'ordonnance ne soulève pas de questions essentielles à l'issue finale de l'affaire : la question finale a été tranchée d'une façon favorable à toutes les personnes revendiquant un privilège, y compris Alfa. Tous les titulaires de privilèges sont pleinement protégés.

[9]          De toute évidence, le protonotaire n'aurait pas procédé à l'audience en l'absence d'Alfa s'il avait été possible que les intérêts de cette dernière ne soient pas protégés. Toutes les parties à l'instance étaient parfaitement au courant de la demande qu'Alfa avait déposée. L'audience visait simplement à permettre de déterminer le montant que la demanderesse pouvait retirer, une fois qu'une somme suffisante pour couvrir les autres demandes non réglées avait été versée en fiducie. En outre, dans un deuxième temps, le protonotaire a ordonné à la demanderesse de déposer un engagement non garanti de remettre à la Cour tout montant retiré qui serait nécessaire en vue de satisfaire aux droits privilégiés ou autres reconnus en temps et lieu par la Cour.

[10]          Enfin, en ce qui concerne les conférences téléphoniques, comme l'a mentionné le protonotaire, la Cour d'appel fédérale du Canada essaie le plus souvent possible de procéder à l'audience au moyen d'une conférence téléphonique lorsqu'il est opportun et pratique de le faire. Toutefois, il n'existe aucun droit absolu pour une partie d'être entendue au moyen d'une conférence téléphonique. L'expérience démontre qu'il est fort difficile de mener une conférence téléphonique avec plusieurs avocats présents à l'audience et un autre qui veut se faire entendre par téléphone. La solution pour ce dernier en pareil cas est de se faire représenter à l'audience par un agent local.

[11]          Par conséquent, l'appel est rejeté, mais compte des circonstances, il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

                                

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 16 février 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :      T-2416-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE GOUVERNEUR ET LA COMPANY OF THE BANK OF SCOTLAND c. LE NAVIRE "NEL" ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 9 FÉVRIER 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      DU JUGE DUBÉ

     EN DATE DU 16 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :

PETER BERNARD      POUR LA DEMANDERESSE

LOUIS BUTEAU      POUR LA RÉCLAMANTE ALPHA BUNKERING CO
ANDREA STERLING      POUR LA DÉFENDERESSE HBI INTERNATIONAL
DAVID McEWEN      POUR LES RÉCLAMANTES PETRO MARINE PRODUCTS, ASHLAND CHEMICAL, EMPIRE INTERNATIONAL STEVEDORES
JOHN BROMLEY      POUR LA RÉCLAMANTE CAMPOTEX SHIPPING
JAMES GOULDEN      POUR LA RÉCLAMANTE SHELL CANADA LTÉE
JONATHAN McLEAN      POUR LES RÉCLAMANTES AKTINA SA, BUREAU VERITAS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

CAMPNEY & MURPHY      POUR LA DEMANDERESSE

VANCOUVER (C.-B.)

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK      POUR LA RÉCLAMANTE ALPHA
MONTRÉAL (QUÉBEC)      BUNKERING CO

GOTTLIEB & PEARSON      POUR LA RÉCLAMANTE HBI

MONTRÉAL (QUÉBEC)      INTERNATIONAL

McEWEN, SCHMITT & CO.      POUR LES RÉCLAMANTES PETRO MARINE

VANCOUVER (C.-B.)      PRODUCTS, ASHLAND CHEMICAL, EMPIRE INTERNATIONAL STEVEDORES

CONNELL LIGHTBODY      POUR LA RÉCLAMANTE CAMPOTEX

VANCOUVER (C.-B.)      SHIPPING

BULL, HOUSSER, TUPPER      POUR LA RÉCLAMANTE SHELL CANADA

VANCOUVER (C.-B.)      LTD.

EDWARDS, KENNY & BRAY      POUR LES RÉCLAMANTES AKTINA SA,

VANCOUVER (C.-B.)      BUREAU VERITAS


__________________

     1      [1993] 2 C.F. 425, [1993] 1 C.T.C. 186, 93 D.T.C. 5080, 149 N.R. 273 (C.A.).

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