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     Date : 19980520

     Dossier : T-2525-97

Ottawa (Ontario), le mercredi 20 mai 1998

En présence de Monsieur le juge Muldoon


Entre :

     LA FIDUCIE FAMILIALE MCNABB,

     requérante,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


     ORDONNANCE


     LA COUR,

     Vu le recours en contrôle judiciaire exercé par la requérante contre la décision en date du 9 février 1996 par laquelle le ministre du Revenu national lui a refusé la prorogation du délai de déclaration du choix en cause, lequel recours a été entendu à Toronto le 1er mai 1998 en présence des avocats des deux parties, après quoi la Cour a pris l'affaire en délibéré,

     Déboute la requérante de son recours.


     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,


Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19980520

     Dossier : T-2525-97


Entre :

     LA FIDUCIE FAMILIALE MCNABB,

     requérante,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


Le juge MULDOON


[1]      Il y a en l'espèce recours contesté contre la décision datée du 9 février 1996 et confirmée verbalement le 4 avril 1996, par laquelle le ministre du Revenu national a rejeté la demande, faite par la requérante, de prorogation du délai de déclaration de son choix de bénéficiaire privilégié pour son année d'imposition 1994.

[2]      Les faits de la cause ne sont pas contestés. La requérante est une fiducie entre vifs, et son année d'imposition en question se clôtura le 31 décembre 1994. Elle était tenue de déposer sa déclaration d'impôt sur le revenu relative à l'année 1994 dans les 90 jours qui suivirent la fin de la même année. Le dernier délai de dépôt de la déclaration d'impôt pour 1994 était donc le 31 mars 1995.

[3]      Sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, une fiducie et un bénéficiaire privilégié peuvent choisir conjointement d'inclure dans le calcul du revenu de ce dernier tout ou partie de sa part du revenu de l'année de la fiducie. Pour que ce choix soit valide, le bénéficiaire privilégié doit déclarer ce choix en application du paragraphe 104(14) de la Loi dans les 90 jours qui suivent la clôture de l'année d'imposition de la fiducie, donc au 31 mars 1995 en l'occurrence.

[4]      Le 29 mars 1995, le comptable de la requérante, M. Ball, a remis la déclaration d'impôt sur le revenu de cette dernière pour 1994 au fiduciaire Gary McNabb, pour que celui-ci la signe et l'envoie par la poste au ministère du Revenu national, au 31 mars 1995 au plus tard.

[5]      Le 30 mars 1995, M. McNabb a signé la déclaration d'impôt puis l'a remise avec les documents joints à Roxanne Armstrong avec instructions de les envoyer par la poste au ministère. Par avis de cotisation daté du 17 juillet 1995, le ministère du Revenu national a établi l'impôt à payer par la fiducie après avoir jugé que le choix de bénéficiaire privilégié était invalide en ce qu'il n'avait pas été fait dans le délai imparti.

[6]      Par lettre en date du 26 juillet 1995, M. Ball a demandé au ministère de lui dire à quelle date la déclaration d'impôt avait été reçue et quelle était la date d'oblitération postale sur l'enveloppe. Le 13 septembre 1995, il a été informé que l'enveloppe était oblitérée le 10 avril 1995, soit dix jours après l'expiration du délai prévu par la Loi.

[7]      Le paragraphe 220(3.2) de la Loi habilite le ministre, saisi d'une demande du contribuable à cet effet, à proroger le délai de déclaration du choix de bénéficiaire privilégié, comme suit :

     Sur demande d'un contribuable ou d'une société de personnes, le ministre peut :
         a) lorsque le contribuable ou la société de personnes n'a pas fait, dans le délai imparti, un choix prévu par une disposition de la présente loi ou une disposition réglementaire, visée par règlement, proroger le délai pour faire le choix; "

[8]      Par lettre en date du 15 décembre 1995, M. McNabb a demandé à bénéficier de la prorogation prévue au paragraphe 220(3.2) pour la déclaration tardive du choix de bénéficiaire privilégié. À l'appui de cette demande, il a fait valoir ce qui suit (page 40 du dossier de la requérante) :

     [TRADUCTION]

     Les déclarations sont parvenues à mon bureau le 29 mars 1995 pour signature et envoi par la poste. Je me rappelle que je les ai signées puis les ai données au personnel pour les mettre à la poste.
     Nos déclarations n'avaient jamais été tardives, et par le passé, nous nous sommes toujours efforcés de faire raisonnablement diligence pour les déposer dans les délais.

[9]      Un agent du Centre de l'impôt de Sudbury a, après examen du dossier de la requérante, recommandé le rejet de la demande de prorogation. Cette recommandation a été approuvée par M. Rutkowski, coordonnateur du traitement des déclarations des successions.

[10]      Le 7 février 1996, le directeur adjoint du traitement des déclarations d'individus et de successions, M. Savage, a, au vu de cette recommandation, décidé de ne pas excuser le dépôt tardif.

[11]      Par lettre en date du 9 février 1996, M. Savage a informé M. McNabb du rejet de sa demande de prorogation de délai, notamment par ce motif (page 42 du dossier de la requérante) :

     [TRADUCTION]

     Je conclus de l'examen de vos explications que rien ne vous empêchait de déposer dans le délai imparti le choix de bénéficiaire privilégié, et en conséquence qu'il n'y a pas lieu de permettre la déclaration tardive de ce choix.

[12]      Par lettre en date du 5 mars 1996 à M. Baronette, directeur du Centre de l'impôt de Sudbury, M. Ball a demandé le réexamen de la décision pour permettre le dépôt tardif. M. Savage a soumis à M. Baronnette une note de service pour l'assister dans son réexamen et sa décision, réitérant la position prise lors du premier rejet.

[13]      Le 1er avril 1996, M. Baronette a pris en compte cette note de service pour décider de ne pas autoriser le dépôt tardif. Le 4 avril 1996, M. Rutkowski a communiqué cette décision par téléphone à M. Ball. Selon l'affidavit établi sous serment par M. Savage, le refus tenait à ce que " les circonstances de la cause ne sont pas celles que prévoient les lignes directrices de traitement équitable ". Ces lignes directrices sont juste des lignes directrices, c'est-à-dire un guide interne à l'usage des fonctionnaires du ministère du Revenu national; elles n'ont pas force de loi.

[14]      Les lignes directrices dont s'agit (IC-92-1) portent ce qui suit :

     9. Le Ministère jugera chaque demande en fonction des faits qui lui sont propres.
     10. Le Ministère peut accepter une demande dans les situations suivantes :
         a) Lorsqu'une situation a entraîné des conséquences fiscales non voulues par le contribuable et qu'il peut être prouvé que le contribuable a pris des mesures raisonnables pour se conformer à la loi. Tel est notamment le cas lorsque le contribuable a, de bonne foi, obtenu pour un bien une évaluation qui, après examen par le Ministère, s'est révélée inexacte.
         b) Lorsque la demande est attribuable à une situation qui est manifestement indépendante de la volonté du contribuable. Les situations extraordinaires peuvent comprendre les calamités naturelles ou les catastrophes provoquées par l'homme comme une inondation ou un incendie; les troubles civils ou les interruptions de services comme une grève des postes; les maladies ou les accidents graves; les troubles émotifs sérieux ou les souffrances morales graves comme le décès d'un membre de la famille immédiate.

[15]      Les notes explicatives concernant le paragraphe 220(3.2) portent :

     Ce paragraphe confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d'autoriser un contribuable ou une société de personnes à faire un choix après le délai imparti s'ils peuvent prouver qu'ils ont laissé expirer le délai par inadvertance ou qu'ils auraient fait le choix dans ce délai s'ils avaient su qu'il existait. Le ministre pourra également proroger le délai s'il est convaincu que le retard est dû à des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable ou de la société de personnes.

Les notes explicatives n'ont pas force de loi puisque le législateur ne les a incorporées dans le texte de la loi.

[16]      La requérante cite plusieurs précédents à l'appui de son argument que le ministre a commis une erreur de droit faute d'avoir exercé son pouvoir discrétionnaire en la matière : Tic Toc Tours c. Le ministre du Revenu national (1982), 82 D.T.C. 6231 (C.F. 1re inst.), Brian Tweedie c. Le ministre du Revenu national (1983), 83 D.T.C. 668 (C.C.I.), Milan Hrovat et M & H Doors Ltd. c. Le ministre du Revenu national (1983), 83 D.T.C. 590 (C.C.I.), et Thody c. Le ministre du Revenu national (1983), 83 D.T.C. 641 (C.C.I.). Dans chacune de ces causes, le contribuable s'est vu accorder la prorogation du délai d'appel par ce motif qu'il s'était essentiellement conformé aux impératifs procéduraux de dépôt de l'appel, mais que par suite de l'inattention de son comptable, l'appel n'avait pas été déposé dans le délai prévu par la Loi. Selon la requérante, il ressort de ces précédents que la juridiction compétente accordera la prorogation du délai d'appel si le contribuable remplit les obligations prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu et que le défaut de déposer les documents nécessaires tienne à une erreur de la part de son mandataire. La requérante soutient ainsi qu'elle a respecté toutes les prescriptions de la Loi et que le défaut de déclarer le choix de bénéficiaire privilégié est imputable aux employés du fiduciaire, et non au fiduciaire lui-même. Il ne faut donc pas qu'elle soit tenue responsable des agissements de son mandataire.

[17]      Il se trouve cependant que dans toutes les causes citées par la requérante, il s'agissait de savoir s'il y avait lieu pour la juridiction compétente d'accorder la prorogation du délai de déposer l'avis d'opposition ou l'avis d'appel, et non pas d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire relevant du ministre seul. Les textes de loi régissant la prorogation du délai en question dans les causes citées par la requérante prévoient ce qui suit :

     167(1) Lorsque aucune opposition à une cotisation n'a été faite en vertu de l'article 165 ni aucun appel à la Cour canadienne de l'impôt n'a été interjeté en vertu de l'article 169 dans le délai imparti à cette fin par l'article 165 ou 169, selon le cas, une demande peut être faite à la Cour canadienne de l'impôt en vue d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un avis d'opposition peut être signifié ou un appel interjeté, et la Cour canadienne de l'impôt peut, si, à son avis, les circonstances du cas sont telles qu'il serait juste et équitable de le faire, rendre une ordonnance prolongeant le délai d'opposition ou d'appel et imposer les conditions qu'elles estime justes. [non souligné dans l'original]
     167(5) Aucune ordonnance ne peut être rendue en vertu du paragraphe (1) ou (4)

         "

         c) à moins que la Cour canadienne de l'impôt ou la Cour fédérale ne soit convaincue que,
             (i) sans les circonstances mentionnées au paragraphe (1) ou (4), selon le cas, une opposition aurait été faite ou un appel aurait été interjeté dans le délai par ailleurs imparti à cette fin par la présente loi, "

[18]      Aucune condition de ce genre ne s'attache à l'exercice par le ministre du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.2). Au contraire, l'observation suivante du juge McIntyre de la Cour suprême du Canada dans Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, pages 7 et 8, ne laisse aucun doute sur la norme de contrôle judiciaire à observer à l'égard de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire ministériel :

     C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[19]      Dans Sa Majesté la Reine c. Barron (1997), 97 D.T.C. 5121 (F.A.C.), le juge Pratte a conclu dans le même sens :

     " le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l'impôt sur le revenu confère un pouvoir discrétionnaire au ministre et ", à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision prise en vertu d'un tel pouvoir, le rôle de la cour de révision ne consiste pas à exercer ce pouvoir à la place de son titulaire. La cour pourra intervenir et annuler la décision visée seulement si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si l'instance décisionnelle a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit.

[20]      La requérante ne dit pas du tout que la décision en cause soit entachée de mauvaise foi.

[21]      Elle soutient que le ministre n'a pas pris en compte des faits pertinents, en particulier que le dépôt tardif est imputable à son mandataire, et non pas à elle-même comme c'est le cas des contribuables dans les causes citées supra. Celles-ci ne peuvent être invoquées pour limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre puisqu'elles sont de simples exemples de cas où, de l'avis de la Cour, les circonstances sont telles qu'il serait juste et équitable d'accorder la prorogation du délai et non pas de cas où, de l'avis du ministre, il y a lieu d'autoriser le dépôt tardif.

[22]      Qui plus est, les moyens de la requérante sont affligés d'un gros défaut, d'une lacune. Elle ne produit aucun affidavit de la part de Roxanne Armstrong. Comment la Cour pourrait-elle juger s'il y a eu dépôt tardif par " inadvertance ", sans aucun témoignage à ce sujet de cette personne, dont la requérante invoque l'oubli pour demander l'indulgence du ministre? L'avocat de la requérante fait savoir que celle-ci ne pouvait pas obtenir la déposition de Mme Armstrong parce que cette dernière, pour le dire sans détours, n'était plus au service du fiduciaire. La Cour en conclut qu'elle n'a bénéficié d'aucune indulgence. Quoi qu'il en soit, elle était plus une employée qu'une mandataire.

[23]      La question de ce qu'aurait dit Roxanne Armstrong a été examinée avec l'avocat de la requérante à l'audience. Il a affirmé qu'" à l'évidence ", elle n'avait pas fait ce que le fiduciaire lui demandait de faire.

         SA SEIGNEURIE : A-t-elle donné des explications devant la Cour?
         M. STARKMAN : Non.
         SA SEIGNEURIE : Non? N'est-ce pas là une grave omission dans vos moyens? Elle pourrait nous dire pourquoi.
         M. STARKMAN : Je ne pense pas qu'elle soit au service de M. McNabb, mais en tout cas "
         SA SEIGNEURIE : Il était en colère contre elle, bien sûr.
         M. STARKMAN : Je pense qu'il n'était pas très content de ce qui s'est passé, Votre Honneur.
         SA SEIGNEURIE : Mais, vous savez "
         M. STARKMAN : Mais c'était visiblement une erreur involontaire ou d'inattention de sa part, mais ce genre de choses arrivent, et l'intimée n'a pas "
         SA SEIGNEURIE : Il s'agit d'une erreur inexpliquée de sa part. Ce que vous devez faire au premier chef, comme l'a posé le juge Pratte, ou comme l'a posé la Cour d'appel, c'est produire une explication circonstanciée du retard dans le dépôt de la déclaration, et si " vous n'avez aucun affidavit de Roxanne Armstrong, n'est-ce pas?
         M. STARKMAN : Non, monsieur le juge.
         SA SEIGNEURIE : Elle aurait pu avoir une explication qui aurait éclairé l'affaire. Après tout, les documents lui ont été confiés. C'est tout ce M. McNabb a pu nous dire, après quoi nous avons la date d'oblitération de la poste du 10 avril, mais il n'y a aucune explication pour ce qui s'est passé entre temps.
         M. STARKMAN : Non, monsieur le juge. Si nous avions pu obtenir cette information, nous l'aurions produite devant la Cour. Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'elle a reçu l'ordre " et c'est un fait constant, elle a reçu l'ordre de mettre ça à la poste. Or, si elle l'avait fait le 30 ou le 31, la déclaration aurait été réputée déposée selon le paragraphe 248(7) de la Loi.

                                                 (Transcription, pages 7 et 8)

[24]      L'affidavit, établi sous serment le 19 novembre 1997 (dossier de la requérante, document 2) par le fiduciaire de la requérante, Gary McNabb, est remarquable autant parce ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit. Le témoin dépose qu'à son avis, l'une des causes du retard est que " celui s'est probablement produit parce que la période fin mars-début avril était le moment où nous étions très occupés à préparer le saison de printemps " (paragraphe 13).

[25]      Au paragraphe 4, M. McNabb affirme ce qui suit :

     [TRADUCTION]

     J'ai signé la déclaration d'impôt 1994 de la fiducie et les choix de bénéficiaire privilégié le 30 mars 1995. J'ai donné la déclaration d'impôt 1994 de la fiducie à Roxann Armstrong qui était la responsable de l'envoi postal du courrier et lui a dit de l'envoyer par la poste à Revenu Canada. Ci-joint, marquée Pièce " A ", copie de la déclaration d'impôt 1994 de la fiducie et des choix de bénéficiaire privilégié, en date du 30 mars 1995.

À noter que M. McNabb ne dit pas : " J'ai donné la déclaration d'impôt 1994 de la fiducie à Roxanne Armstrong qui était la responsable de l'envoi postal du courrier et lui a dit de l'envoyer par la poste à Revenu Canada le 30 mars, ou le 31 mars au plus tard ". Ce que le dossier ne dit pas non plus, c'est ce que Mme Armstrong se souvient de ce que lui a dit M. McNabb, si en fait il lui a dit quelque chose, au sujet d'une urgence quelconque. Personne ne peut donner une explication pour aucun des jours de retard. En 1995, le 30 mars était un jeudi, et le 31 mars, un vendredi. Il y avait et il y a toujours peut-être, bien que ce soit trop tard, une personne qui puisse corroborer ou réfuter la version donnée par le fiduciaire des événements cruciaux, mais du fait du fiduciaire, elle n'est pas disponible.

[26]      Le fiduciaire affirme qu'il a fait tout ce qu'il pouvait, en signant les documents et en les donnant à Mme Armstrong le 30 mars probablement avec ordre de les mettre à la poste avant la fermeture des bureaux le 31 mars. Ce n'est pas vrai. Aussi important que soit un fiduciaire, il n'a fait tout ce qu'il pouvait que s'il avait lui-même mis le document à la poste le 30 ou le 31 mars. Après tout, cela relève de sa responsabilité.

[27]      Le second argument de la requérante est que le ministre n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en rejetant la demande puisqu'il se conformait strictement aux lignes directrices au mépris des circonstances de la cause. Elle soutient que ces lignes directrices peuvent être prises en compte, mais ne sauraient être traitées comme ayant force de loi et ne sauraient exclure d'autres considérations. En l'espèce, dit-elle, le ministre a exigé qu'elle justifie de circonstances " extraordinaires " ou de " l'impossibilité " de déposer le document dans les délais. Elle cite à l'appui la cause Tic Toc Tours Ltd. c. Le ministre du Revenu national (1982), 82 D.T.C. 6231 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la Cour a accordé à la contribuable une prorogation du délai de dépôt de son avis d'opposition. La Commission de révision de l'impôt avait rejeté le recours de la requérante par ce motif que celle-ci n'avait pas prouvé qu'elle était dans l'impossibilité de signifier l'avis d'opposition dans le délai imparti. En faisant droit au recours en contrôle judiciaire, le juge Pratte a tiré la conclusion suivante en page 6231 :

     À mon avis, cette décision est entachée d'une erreur de droit et doit, pour cette raison, être infirmée. Les circonstances dans lesquelles la Commission est autorisée, sous réserve des conditions prévues au paragraphe 167(5), à exercer son pouvoir discrétionnaire afin de prolonger le délai dans lequel un avis d'opposition peut être signifié sont exposés au paragraphe 167(1). Or cette disposition n'exige pas qu'il ait été impossible pour le contribuable de signifier l'avis dans le délai imparti.

[28]      La décision susmentionnée se rapporte cependant à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour ou de la Commission de révision de l'impôt dans les cas expressément prévus par la loi. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

[29]      Les lignes directrices posent expressément que chaque demande sera jugée en fonction des faits qui lui sont propres, mais que le ministre peut (donc facultativement) faire droit à la demande lorsque le retard dans le dépôt tient à des circonstances indépendantes de la volonté de l'intéressé. En l'espèce, le ministre n'était pas convaincu qu'il y avait des circonstances indépendantes de la requérante, d'où la lettre de rejet. Rien ne prouve qu'il n'ait pas pris en compte toutes les circonstances de la cause ou qu'il ait insisté sur la preuve de l'impossibilité de déposer la déclaration dans les délais. Il n'y a donc aucune raison de toucher à sa décision.

[30]      Par ces motifs, la Cour déboute la requérante de son recours en contrôle judiciaire.

[31]      Un autre motif de rejet - qui n'a aucun rapport avec les motifs ci-dessus mais auquel il est facile d'obvier, bien qu'on ne l'ait jamais fait - est qu'il est possible d'agir contre la Couronne par voie d'action civile, mais non par voie de recours en contrôle judiciaire.

     Signé : F.C. Muldoon

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 20 mai 1998




Pour traduction conforme,



Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU GREFFE :          T-2525-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Fiducie familiale McNabb c. Sa Majesté la Reine


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :      1er mai 1998


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON


LE :                      20 mai 1998



ONT COMPARU :


M. Paul Starkman                  pour la requérante

Mme Judith Sheppard                  pour l'intimée



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Osler, Hoskin & Harcourt              pour la requérante

George Thomson                  pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada

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