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Date : 20190710


Dossier : IMM-5497-18

Référence : 2019 CF 912

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2019

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MOHAMMAD RAFIQUL ISLAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], à l’égard d’une décision rendue le 19 octobre 2018 par laquelle la Section de l’immigration a conclu que le demandeur est interdit de territoire au Canada en vertu des alinéas 34(1)f) et 34(1)c) de la Loi, qui sont ainsi libellés :

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

[…]

c) se livrer au terrorisme;

(c) engaging in terrorism;

[…]

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b), b.1) ou c).

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b), (b.1) or (c).

[2]  La seule question soulevée en l’espèce consiste à savoir si l’appartenance du demandeur à un parti politique d’opposition au Bangladesh est suffisante pour déclencher l’application des alinéas 34(1)c) et 34(1)f).

[3]  Nul ne conteste que le demandeur est membre du Parti nationaliste du Bangladesh (le PNB) appelé Bangladesh Jatiyotabadi Dal. Le débat tourne plutôt autour de la question de savoir si le PNB peut être qualifié, aux termes de l’alinéa 34(1)f), d’organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme.

[4]  Pour les motifs qui suivent, j’en suis arrivé à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

I.  Les faits

[5]  Les faits en l’espèce ne sont pas contestés. Le demandeur a déclaré qu’il est membre du PNB, qui est un parti politique reconnu au Bangladesh et l’un des principaux partis politiques du pays. Il n’y a pas le moindre élément de preuve démontrant que ce parti est en quelque sorte une organisation clandestine.

[6]  Le mieux que l’on puisse dire en ce qui concerne la nature de l’appartenance du demandeur à ce parti est qu’elle était [traduction] « minimale ». Le demandeur n’exerçait aucune fonction et n’avait aucun pouvoir au sein du parti (il a en effet été membre du parti de novembre 2008 à janvier 2016). Lorsqu’on l’a interrogé au sujet de ses activités au sein du parti, le demandeur a affirmé qu’il était membre en bonne et due forme (DCT, à la p. 689), mais rien ne semble indiquer qu’il ait joué un rôle officiel, ni même qu’il ait été un agent du parti. Le demandeur a également déclaré qu’il a participé à des manifestations (dont une manifestation en 2011) ainsi qu’à trois hartals durant lesquels il a dû fermer son magasin. Essentiellement, il n’est pas contesté que le rôle du demandeur se limitait à distribuer des tracts lorsqu’il y avait des rassemblements et à brandir des banderoles dans la rue, mais le demandeur ne jouait pas de rôle officiel au sein du parti.

[7]  Néanmoins, on soutient que l’appartenance du demandeur au parti serait suffisante pour l’interdire de territoire si l’on soupçonne que cette organisation se livre au terrorisme. En participant aux activités du parti politique auquel il appartenait, lequel faisait des appels aux hartals dans l’ensemble du pays (le Bangladesh comptant 168 millions d’habitants), le demandeur se serait livré au terrorisme. Au cours de ces hartals, des actes de violence ont été commis, tout particulièrement, mais pas exclusivement, lors de l’exécution des ordres de grève.

[8]  Selon la preuve dont disposait la Section de l’immigration, les hartals sont un phénomène politique au Bangladesh. Il s’agit essentiellement de blocus économiques qui consistent à « fermer les boutiques » ou « verrouiller les portes ». Les hartals sont des grèves générales et nationales qui comprennent l’arrêt de la circulation et la fermeture des marchés, des magasins et des bureaux pendant un certain temps; il s’agit d’un acte de protestation à la suite de doléances soulevées par des parties ou groupes politiques à l’encontre des actions du gouvernement. Tous les secteurs du pays doivent respecter l’arrêt total d’exploitation. Des mesures d’exécution des ordres sont alors prises et, dans certains cas, il en résulte des actes de violence d’une ampleur considérable. De fait, les manifestations de masse, l’agitation et le désordre peuvent dégénérer en violence. Un rapport de Human Rights Watch, déposé en preuve à l’audience, semble décrire la nature des hartals. Le résumé suivant est tiré des pages 7 et 8 de la décision de la Section de l’immigration (la SI) :

[traduction]

Pièce C‑28 Human Rights Watch. Democracy in the Crossfire. Opposition Violence and Government Abuses in the 2014 Pre‑ and Post‑ Election Period in Bangladesh [la démocratie entre deux feux. Violence de l’opposition et abus du gouvernement avant et après la période électorale de 2014 au Bangladesh], 2014, p. 224 à 232 : Le 25 octobre, la dirigeante du PNB, Khaleda Zia, a annoncé une série de grèves générales (connues au Bangladesh sous l’appellation de hartals), de manifestations et de barrages routiers (ou abarudh) en vue de bloquer les liaisons de transport vers la capitale, Dacca. Les grèves et les barrages routiers ont eu des répercussions importantes sur l’économie. L’opposition a réussi à empêcher la presque totalité des déplacements à l’extérieur des villes principales au cours de cette période, ce qui a nui au revenu de nombreuses personnes et à l’économie nationale. Les écoles sont demeurées fermées. Les agriculteurs ont été contraints à jeter du lait et d’autres produits frais, car ils ne pouvaient pas les transporter vers les villes. Les préjudices économiques sont évalués à des milliards de dollars.

Lors de nombreux incidents, les travailleurs des partis d’opposition s’en sont pris aux personnes qui n’ont pas écouté l’appel en lançant sans avertissement des cocktails Molotov et des grenades artisanales, y compris des grenades improvisées, dans des rues achalandées. Comme il est expliqué de façon détaillée ci‑dessous, dans certains cas, les membres des groupes d’opposition ont recruté des enfants de la rue pour qu’ils mènent les attaques.

[9]  Les éléments de preuve ne démontrent pas clairement si la violence, qui pouvait être extrême, avait été ordonnée par le PNB ou était plutôt une conséquence indirecte des hartals. La SI a fait expressément référence à la pièce C‑10 déposée par le ministre :

[traduction]

Pièce C‑I0 M. Moniruzzaman. Party Politics and Political Violence in Bangladesh: Issues, Manifestation and Consequences [la politique des partis et la violence politique au Bangladesh : enjeux, manifestations et conséquences]. South Asian Survey, mars 2009, p. 141 à 144 : Une troisième conséquence de la violence politique est l’institutionnalisation de la violence en tant que méthode légitime de présentation de demandes politiques. Le hartal violent est devenu une façon peu coûteuse d’attirer l’attention du gouvernement. Les fronts étudiants et les fronts syndicaux des partis politiques traditionnels ont recours à la violence massive sur les campus universitaires, dans les complexes industriels et dans l’espace public pour que les autorités pertinentes répondent à leurs demandes. La violence est devenue un comportement politique normal plutôt qu’une expression extrême dans des contextes extrêmes.

[Non souligné dans l’original.]

II.  Les arguments

[10]  Le ministre fait valoir qu’il existe un lien suffisamment étroit entre les actes de violence et les appels aux hartals du PNB pour conclure que ce parti se livre au terrorisme. L’un des objectifs du PNB était de contraindre le parti au pouvoir à rétablir le système du gouvernement intérimaire qui était en place avant 2014 afin de tenir des élections, mais les hartals ont donné lieu à des actes de violence. Selon le ministre, la présidente du PNB n’a pas dénoncé avec assez de véhémence ces actes de violence lorsqu’elle a affirmé que son parti n’y avait pas pris part. En effet, le fait qu’elle ait dénoncé « vaguement » la violence n’est pas suffisant.

[11]  Le demandeur soutient que pour satisfaire aux exigences de la Loi, il faut démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le PNB se livre, s’est livré ou se livrera au terrorisme. Il est nécessaire d’établir que le PNB, peut‑être par l’intermédiaire de ses dirigeants, avait l’intention de blesser ou de tuer des gens en déclenchant des actes de désobéissance civile, comme des manifestations, des grèves ou des hartals généraux. L’élément d’intention est requis, et ce, que l’on s’appuie sur la définition d’« activité terroriste » figurant à l’article 83.01 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, ou sur la définition de « terrorisme » énoncée dans l’arrêt Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 RCS. 3 [Suresh]. En effet, sans cet élément d’intention, on ne peut dire qu’une organisation se livre au terrorisme. La simple coïncidence entre des actes de violence et les hartals n’est pas suffisante. De plus, le PNB ne peut être considéré comme un « groupe terroriste » au sens de l’article 83.01, car conformément à cette disposition, un « groupe terroriste » désigne une entité dont « l’un des objets ou l’une des activités est de se livrer à des activités terroristes ou de les faciliter ». Le PNB est un parti politique légitime et reconnu.

[12]  La présence d’actes de violence pendant les hartals ne permet pas d’établir que le PNB avait l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves durant les grèves ou les barrages, ce qui pourrait être décrit comme du terrorisme ou une activité terroriste. Comme l’a réitéré l’avocat du demandeur devant la Cour, les actes terroristes sont tous criminels, mais les actes criminels ou de violence ne peuvent pas tous être décrits comme des actes terroristes. La SI décrit bien l’argumentation qui lui a été présentée et qui a été présentée à la Cour lorsqu’elle écrit ce qui suit au paragraphe 41 de sa décision :

[41] En résumé, la conseil de l’intéressé déclare que le ministre n’a pas démontré l’existence de l’élément requis d’intention d’utiliser la violence pour parvenir à des fins politiques. Elle ajoute que les tentatives du PNB de contraindre l’AL [la Ligue Awani, le parti au pouvoir] à apporter des changements en lançant des appels à des manifestations de masse en vue de l’atteinte d’objectifs politiques légitimes, comme la tenue d’une élection libre et démocratique, ne signifient pas qu’il donne à la population l’ordre de se livrer à des actes terroristes même si des actes de violence surviennent au cours de ces manifestations.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[13]  Puisque le demandeur a reconnu son appartenance au PNB, la seule question à examiner consiste à savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que le parti est une organisation qui se livre, s’est livrée ou se livrera au terrorisme.

[14]  La Section de l’immigration conclut que de tels motifs raisonnables existent. La première question à trancher est celle de la définition du « terrorisme » pour l’application de la Loi, puisque ce terme n’est pas défini dans la législation. Ayant reconnu l’orientation donnée par la Cour dans des affaires comme Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 182, Kamal c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 480 et Alam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 922, la SI conclut que deux définitions de droit doivent être prises en considération, soit celle figurant à l’article 83.01 du Code criminel et celle figurant dans l’arrêt Suresh. En fait, la SI a cité le passage suivant de la décision de la Cour dans l’affaire Ali qui porte sur les définitions de deux termes : « les limites de chacun se chevauchent au point que toute distinction entre les deux, à mon humble avis, n’a aucune signification importante. Je les considère comme interchangeables. » (au par. 42).

[15]  L’une de ces définitions a été adoptée par le Parlement après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York. Les passages suivants de cette définition sont pertinents en l’espèce :

Définitions

Definitions

83.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

83.01 (1) The following definitions apply in this Part.

[…]

activité terroriste

terrorist activity means

[…]

b) soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger :

(b) an act or omission, in or outside Canada,

(i) d’une part, commis à la fois :

(i) that is committed

(A) au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique,

(A) in whole or in part for a political, religious or ideological purpose, objective or cause, and

(B) en vue — exclusivement ou non — d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada,

(B) in whole or in part with the intention of intimidating the public, or a segment of the public, with regard to its security, including its economic security, or compelling a person, a government or a domestic or an international organization to do or to refrain from doing any act, whether the public or the person, government or organization is inside or outside Canada, and

(ii) d’autre part, qui intentionnellement, selon le cas :

(ii) that intentionally

(A) cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci, par l’usage de la violence,

(A) causes death or serious bodily harm to a person by the use of violence,

(B) met en danger la vie d’une personne,

(B) endangers a person’s life,

(C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population,

(C) causes a serious risk to the health or safety of the public or any segment of the public,

(D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C) en résultera,

(D) causes substantial property damage, whether to public or private property, if causing such damage is likely to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), or

(E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systèmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) à (C).

(E) causes serious interference with or serious disruption of an essential service, facility or system, whether public or private, other than as a result of advocacy, protest, dissent or stoppage of work that is not intended to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C),

[…]

L’autre définition est tirée de l’arrêt Suresh :

98  À notre avis, on peut conclure sans risque d’erreur, suivant la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, que le terme « terrorisme » employé à l’art. 19 de la Loi inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Cette définition traduit bien ce que l’on entend essentiellement par « terrorisme » à l’échelle internationale. Des situations particulières, à la limite de l’activité terroriste, susciteront inévitablement des désaccords. Le législateur peut toujours adopter une définition différente ou plus détaillée du terrorisme. La question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si le terme utilisé dans la Loi sur l’immigration a un sens suffisamment certain pour être pratique, raisonnable et constitutionnel. Nous estimons que c’est le cas.

[Non souligné dans l’original.]

[16]  La plus grande difficulté consiste à appliquer les faits soumis en preuve aux règles de droit établies. Ainsi, la SI conclut que le PNB est un parti légitime et reconnu au Bangladesh. Néanmoins, les objectifs légitimes ne sont pas pris en compte si l’organisation se livre ou s’est livrée au terrorisme (Kanagendran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 384). De même, le fait que le PNB n’est pas une entité terroriste inscrite n’est d’aucune importance puisqu’il n’est pas nécessaire que l’organisation soit inscrite.

[17]  La SI reconnaît que la question en litige consiste à savoir si le PNB était l’auteur d’actes de violence et avait « l’intention de causer la violence, des décès ou des blessures graves en lançant des appels aux hartals » (décision de la SI, au par. 71). Elle conclut ensuite que le simple fait de lancer des appels aux hartals satisfait à l’exigence selon laquelle il doit être démontré que le PNB (et d’ailleurs l’AL) se livre au terrorisme.

[18]  Ici Citant divers documents rédigés au fil des ans, la SI a insisté sur le fait que « les hartals déclenchés par le parti pendant la période allant de 2012 à 2014 ont entraîné des décès et des blessures corporelles graves telles que des brûlures graves, comme le décrivent les extraits ci‑dessous, que le tribunal juge pertinents » (décision de la SI, au par. 77). Dans l’ensemble, le tribunal a seulement conclu que les hartals donnent lieu à des actes de violence qui causent la mort et des lésions corporelles graves. Bien que la chef du PNB ait exhorté les membres du parti à ne pas s’en prendre aux personnes innocentes et aux gens ordinaires et qu’elle ait aussi condamné les attaques perpétrées contre la population hindouiste, cela n’a pas convaincu la SI, car la chef du parti « a omis de faire des déclarations publiques claires et fermes visant à dénoncer la violence à caractère politique » (décision de la SI, au par. 78). Aucune autre explication n’est fournie. En fait, il semble que le PNB soit coupable d’avoir commandé et organisé des hartals qui créent le chaos :

[80] Il ressort clairement des éléments de preuve documentaire que les hartals sont organisés et préparés. Des individus sont embauchés pour imposer l’arrêt d’exploitation. Les civils sont contraints, par la force, de respecter l’arrêt d’exploitation, et ceux qui ne le font pas sont souvent victimes d’attaques; des cocktails Molotov ou des grenades artisanales peuvent être lancés contre eux. Les éléments de preuve documentaire démontrent qu’au cours des dernières années, les hartals ont été synonymes de violence. Il est bien établi que les hartals ont créé le chaos et du grabuge, ce qui a entraîné la violence dans les rues. Les éléments de preuve révèlent que la violence a entraîné un nombre plus élevé de hartals, qui eux, ont causé une violence accrue. Les décès et les blessures graves qui se sont produits lors des hartals déclenchés par le BNP n’étaient pas des incidents isolés, et en lançant des appels pour qu’il y ait d’autres hartals, les dirigeants du BNP pouvaient raisonnablement s’attendre à ce qu’il y ait d’autres décès ou blessures graves.

[81] Étant donné que les hartals déclenchés par le BNP lors des élections générales de 2014 et par la suite étaient étroitement liés à un niveau de violence ayant provoqué des décès et des blessures graves, comme des brûlures graves, que les décès et les blessures graves n’étaient pas isolés ou ne se sont pas produits lors d’un seul hartal, et que les hartals sont imposés et que les personnes ne respectant pas l’arrêt d’exploitation font face à des conséquences, le tribunal conclut qu’en faisant des appels aux hartals, les dirigeants du BNP savaient qu’il en découlerait des décès et des blessures graves ou, au mieux, qu’ils ont délibérément ignoré ce fait.

Compte tenu de l’avis exprimé en l’espèce, il suffit que les hartals aient été commandés par un parti politique pour que ce dernier se livre au terrorisme tel que cette notion est décrite dans le droit canadien.

IV.  La norme de contrôle

[19]  Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Najafi c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2014 CAF 262, [2015] 4 RCF 162; A.K. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 236 [A.K.]; Alam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 922; Rana c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1080) [Rana]. Une décision sera raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables; toutefois, la cour de révision doit également s’intéresser « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au par. 47). Ainsi, l’issue d’une affaire est importante, mais la justification de la décision rendue l’est tout autant.

V.  L’analyse

[20]  En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer si la définition de « terrorisme » doit être fondée sur la définition qui est donnée à ce terme dans l’arrêt Suresh, comme il a été proposé dans la décision A.K., car ce n’est pas là que réside la difficulté. Je constate que dans d’autres décisions de la Cour, il a été conclu que les agents d’immigration peuvent s’appuyer sur la définition d’« activité terroriste » du Code criminel [le Code] ainsi que sur la définition établie dans l’arrêt Suresh (voir la décision Ali et les décisions qui l’ont suivie). Par ailleurs, dans certaines autres décisions, des réserves ont été exprimées (A.K.) et il a simplement été conclu que la définition du Code criminel sert d’autres fins et ne « s’appliqu[e] pas en tandem » dans le cadre d’un seul régime réglementaire (Rana, au par. 47).

[21]  Toutefois, les deux définitions concordent dans la mesure où elles exigent toutes deux que le terrorisme ou l’activité terroriste soit intentionnel; l’intention est elle‑même spécifique puisque le Code parle d’un « acte — action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger […] qui intentionnellement […] cause des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci, par l’usage de la violence, met en danger la vie d’une personne, compromet gravement la santé ou la sécurité […] de la population […] », alors que, selon l’arrêt Suresh, le terrorisme inclut tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé […] » (au par. 98). Cette définition n’est pas exhaustive, mais, comme l’a dit la Cour dans l’arrêt Suresh, « [elle] traduit bien ce que l’on entend essentiellement par “terrorisme” à l’échelle internationale » (au par. 98).

[22]  L’élément commun entre les définitions énoncées dans le Code et l’arrêt Suresh est évidemment l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves par un acte ou une omission. Il s’agit là de l’élément essentiel de ces deux définitions. Par conséquent, la SI devait avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y avait une intention de causer préjudice. Ni la coïncidence ni la corrélation n’ont d’importance dans ce cas. L’auteur de l’acte ou de l’omission doit avoir l’intention de causer ce préjudice. Dans la décision Rana, mon collègue le juge Norris a déclaré ce qui suit, et je suis d’accord avec lui :

[66]  Cependant, la commissaire a conclu en l’espèce que les hartals et barrages étaient visés par la définition d’« activité terroriste » du simple fait de l’existence d’un lien de causalité entre ces activités et des actes de violence. Elle semble aussi avoir été disposée à conclure qu’ils constituent une activité terroriste au seul motif qu’ils ont causé un préjudice économique pour faire pression sur le gouvernement. Même en supposant que les hartals et les barrages pourraient satisfaire aux éléments constitutifs du but ultérieur et de l’intention qui se trouvent dans la définition d’« activité terroriste » (comme l’a conclu la commissaire), la commissaire aurait dû reconnaître que ces actes constituent des formes de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail, et que, par conséquent, ils ne constituaient des activités terroristes que si le PNB avait appelé à la commission de ces actes pour intentionnellement causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci, par l’usage de la violence, mettre en danger la vie d’une personne, ou compromettre gravement la santé ou la sécurité de la population. Même si les hartals et les barrages auxquels a appelé le PNB ont mené à ces résultats, cet état de fait ne suffit pas. L’intention de causer ce type de préjudice est un élément essentiel de la définition prévue par le Code criminel. En effet, cela rend partiellement compte de ce qu’a défini la Cour suprême du Canada dans Suresh comme étant « ce que l’on entend essentiellement » par « terrorisme » à l’échelle internationale. La commissaire a commis une grave erreur en omettant de tenir compte de cet élément. Elle a décidé de se référer à la définition d’« activité terroriste » prévue par le Code criminel; elle avait donc l’obligation de l’appliquer correctement. En l’absence d’une conclusion expresse selon laquelle les hartals et les barrages auxquels le PNB a appelé avaient pour but de causer des blessures graves à une personne ou la mort de celle‑ci par l’usage de la violence, de mettre en danger la vie d’une personne, ou de compromettre gravement la santé ou la sécurité de la population, la conclusion selon laquelle ces actes constituaient une activité terroriste et, par conséquent, le fait de se livrer au terrorisme au sens de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR, ne saurait être maintenu. De ce fait, cet élément de la conclusion selon laquelle l’appartenance du demandeur au PNB le rend interdit de territoire aux termes de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR ne peut subsister.

[Non souligné dans l’original.]

[23]  En l’espèce, il est clair que la SI a eu de la difficulté à établir un lien entre l’appel aux hartals et l’exigence selon laquelle il doit y avoir une intention de causer préjudice. La SI semble plutôt convaincue qu’« en faisant appel aux hartals, les dirigeants du BNP savaient qu’il en découlerait des décès et des blessures graves ou, au mieux, qu’ils ont délibérément ignoré ce fait » (décision de la SI, au par. 81). En toute déférence, cela ne correspond pas à une intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves. En effet, l’intention de causer préjudice et la connaissance d’un fait sont deux choses différentes. Ce point a d’ailleurs été résumé succinctement par le professeur Stuart dans son ouvrage intitulé Canadian Criminal Law (The Carswell Company Ltd., 1987, 2e éd., à la p. 128) : [traduction] « L’“intention” semble avoir été interprétée dans un sens vague et familier de désir, fin, objectif, but ou dessein véritable, et la “connaissance”, comme la connaissance véritable, par exemple, du contenu du paquet possédé ». L’existence d’une « connaissance » est requise en ce qui concerne diverses infractions, ce qui se traduit souvent par l’utilisation du terme « sciemment ». Bien que l’existence d’une intention et d’une connaissance soit requise lorsque des infractions sont commises, ces deux concepts sont différents, tout comme le sont l’intention, l’insouciance et l’ignorance volontaire.

[24]  Comme l’a mentionné le professeur Granville Williams dans son ouvrage précurseur intitulé Criminal Law (Stevens & Son Limited, Londres, 1961), [traduction] « l’élément mental peut être soit l’intention d’accomplir l’acte immédiat ou de causer les conséquences qui y sont associées, soit (dans certains crimes) l’insouciance quant à cet acte ou ces conséquences. Dans un langage déférent et plus précis, la mens rea désigne l’intention ou l’insouciance quant aux éléments constituant l’actus reus » (no 14). Ultérieurement, le professeur Williams a ajouté dans son ouvrage intitulé Textbook of Criminal Law (Stevens & Son Limited, Londres, 1978) que [traduction] « [l]’intention est toutefois plus facile à définir comme notion philosophique. Dans le langage courant, une conséquence est intentionnelle si l’auteur d’un acte souhaite qu’une telle conséquence découle de sa conduite » (à la p. 51). Si l’intention et l’insouciance sont plus faciles à distinguer, l’insouciance et l’ignorance volontaire, qui n’est rien d’autre qu’un synonyme de connaissance réelle, sont souvent confondues.

[25]  Dans l’arrêt R c Briscoe, 2010 CSC 13, [2010] 1 RCS 411, la Cour suprême a réitéré que l’insouciance et l’ignorance volontaire ne doivent pas être confondues :

[21]  L’ignorance volontaire ne définit pas la mens rea requise d’infractions particulières. Au contraire, elle peut remplacer la connaissance réelle chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea. La doctrine de l’ignorance volontaire impute une connaissance à l’accusé qui a des doutes au point de vouloir se renseigner davantage, mais qui choisit délibérément de ne pas le faire. Voir Sansregret c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 570, et R. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55. Comme l’a dit succinctement le juge Sopinka dans Jorgensen (par. 103), « [p]our conclure à l’ignorance volontaire, il faut répondre par l’affirmative à la question suivante : L’accusé a‑t‑il fermé les yeux parce qu’il savait ou soupçonnait fortement que s’il regardait, il saurait? »

[22] Les tribunaux et les auteurs ont, je tiens à le rappeler, toujours insisté sur le fait que l’ignorance volontaire se distingue de l’insouciance. Comme l’a expliqué la Cour dans Sansregret (p. 584) :

. . . alors que l’insouciance comporte la connaissance d’un danger ou d’un risque et la persistance dans une conduite qui engendre le risque que le résultat prohibé se produise, l’ignorance volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité dans le cas d’insouciance se justifie par la prise de conscience du risque et par le fait d’agir malgré celui‑ci, alors que dans le cas de l’ignorance volontaire elle se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire.

[Souligné dans l’original et je souligne.]

[26]  En tirant sa conclusion, la SI a confondu l’intention avec la connaissance et l’ignorance volontaire. En effet, il faut se demander à quoi se rapporte la connaissance ou l’ignorance volontaire. Il se pourrait même que la SI ait insufflé un élément d’insouciance, voire de négligence dans sa conclusion. La SI a déclaré que le PNB savait que les hartals entraîneraient des décès ou des blessures graves ou que le parti a délibérément ignoré ce fait. Cela ne constitue pas une intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves. La SI était tenue de conclure, sur le fondement de la preuve produite devant elle, qu’il y avait non seulement une intention de causer préjudice, mais aussi qu’il y avait une connaissance du fait que des décès et des blessures graves découleraient des appels aux hartals. Il est donc nécessaire d’établir que le préjudice a été intentionnellement causé par l’auteur des hartals.

[27]  Dans la décision M.N. c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 796 [M.N], la SI a tiré une conclusion semblable à celle tirée en l’espèce. En effet, la SI a déclaré que le PNB se livrait au terrorisme parce qu’il avait organisé des hartals à plusieurs reprises, lesquels avaient souvent donné lieu à des éruptions de violence qui avaient parfois entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves. Dans cette affaire, la Cour n’a pas été convaincue que les appels aux hartals répondaient, à eux seuls, aux exigences de la loi. En fait, il semble que le raisonnement de la SI dans la décision M.N. soit essentiellement le même que celui de la SI en l’espèce. La conclusion essentielle de la SI est présentée au paragraphe 11 de la décision M.N. :

[11]  Cependant, la Section de l’immigration n’a pas clairement conclu que le BNP, en tant qu’organisation, avait une telle intention. Au lieu d’examiner précisément l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles, la Section de l’immigration a formulé ses conclusions en employant des termes larges qui confondent la « violence » en général avec « la mort ou des blessures graves », par exemple au paragraphe 57 de ses motifs où elle évoque une « intention de causer de la violence, la mort ou des blessures graves ». À défaut de tirer une conclusion d’intention au sens du droit pénal, soit l’intention de causer la conséquence prohibée, la Section de l’immigration semble avoir conclu à une forme de négligence attribuable à la direction du BNP, d’une part parce qu’elle avait organisé de nouveau des hartals alors que les précédents avaient fait des victimes et, d’autre part, parce qu’elle n’avait pas dénoncé la violence assez sévèrement. La Section de l’immigration a donc conclu ceci, aux paragraphes 65‑66 :

Les morts et les blessures graves qui ont eu lieu dans les hartals commandés par le BNP n’avaient rien d’isolé et, en tenant de nouveaux hartals, les dirigeants du BNP pouvaient raisonnablement s’attendre à ce qu’il y ait encore plus de décès et de blessures.

[…] en tenant [les hartals], les dirigeants du BNP savaient qu’ils se solderaient par des morts et des blessures graves ou [fermaient] les yeux sur ces conséquences.

[Non souligné dans l’original.]

[28]  Bien que je ne sois pas convaincu que la connaissance et l’ignorance volontaire puissent être assimilées à de la négligence, le point général le plus important est que la SI n’a pas été en mesure de conclure que l’élément requis d’intention était présent, probablement parce qu’aucun élément de preuve n’appuyait une telle conclusion.

[29]  J’ai déjà parlé de coïncidence, de corrélation et de causalité. Il me semble que, si une organisation utilise un « code » pour lancer des appels à la tenue de certaines activités de manière à ce qu’on puisse raisonnablement déduire de la preuve que ces activités causent intentionnellement la mort ou des blessures graves, une conclusion appropriée de terrorisme pourrait être envisagée. Or, une telle conclusion devrait être appuyée par des éléments de preuve.

[30]  Je partage l’avis exprimé au paragraphe 12 de la décision M.N. en ce qui concerne le caractère raisonnable d’une décision :

[12]    Je ne peux conclure que les motifs de la Section de l’immigration respectent les exigences du critère ayant trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 (voir aussi Rana, au paragraphe 66). Ces exigences sont particulièrement pertinentes en l’espèce, étant donné qu’un parti politique ayant participé à plusieurs élections et ayant formé le gouvernement pendant certaines périodes de l’histoire récente du Bangladesh est désigné comme une organisation qui se livre au terrorisme. Évidemment, je ne voudrais pas insinuer qu’une organisation terroriste cesse de l’être à partir du moment où elle présente des candidats dans le cadre d’élections démocratiques. Toutefois, le fait que de la violence meurtrière ait lieu lors de manifestations organisées par un parti politique ne mène pas nécessairement à la conclusion que celui‑ci s’est livré au terrorisme. Pour parvenir à une telle conclusion, le tribunal devrait tenir compte de plusieurs facteurs, notamment les circonstances dans lesquelles les actes de violence causant la mort ou des lésions corporelles graves ont été commis, la structure interne de l’organisation, le degré de contrôle exercé par la direction de l’organisation sur ses membres, la connaissance par la direction de l’organisation des actes de violence, ainsi que le fait que la direction de l’organisation ait publiquement dénoncé ou approuvé ces actes. Or, en l’espèce, il semble que la Section de l’immigration se soit penchée uniquement sur ce dernier facteur.

[Non souligné dans l’original.]

[31]  En ne tenant pas compte de l’exigence de la loi selon laquelle l’auteur d’un acte devait avoir l’intention de causer la mort et des lésions corporelles graves, et en substituant un élément différent (à savoir l’exigence qu’il y ait eu connaissance, ou même ignorance volontaire, que l’appel aux hartals entraînerait des morts et des blessures), la SI a rendu une décision déraisonnable, car « [p]our être raisonnable, […] une décision doit se rapporter à un objet relevant du pouvoir conféré par la loi au ministre et elle doit procéder de l’application des critères juridiques appropriés aux questions qui lui sont soumises » (Németh c Canada (Justice), 2010 CSC 56, [2010] 3 RCS 281, au par. 10). En fait, la SI a appliqué une norme moins élevée, soit une norme qui se rapproche sans doute de l’insouciance ou de la négligence quant à ce qui pourrait s’ensuivre et qui n’a rien à voir avec l’intention réelle de causer la mort et des blessures graves.

[32]  L’application des alinéas 34(1)c) et 34(1)f) proposée par la SI en l’espèce est particulièrement vaste. En effet, la portée donnée à ces dispositions est si large qu’elles s’appliquent en fait à toute personne qui est membre d’une organisation légitime qui se livre, s’est livrée ou se livrera au « terrorisme », sans que l’existence d’une intention spécifique soit démontrée. Dans le cas du Bangladesh, les hartals sont un moyen d’exprimer des opinions politiques. De fait, les deux principaux partis politiques du pays, le PNB et la Ligue Awami [l’AL], ont lancé des appels aux hartals dans le passé. Si le simple fait de lancer des appels aux hartals était suffisant, ces dispositions viseraient plusieurs millions de membres de partis dans un pays comptant 170 millions d’habitants. Je partage l’inquiétude exprimée dans la décision A.K., et confirmée dans la décision Rana (au par. 58). Dans la décision A.K., la Cour s’est intéressée à « la notion qu’un appel à la grève générale par un parti politique en vue d’inciter le parti au pouvoir à entreprendre des mesures comme proroger le Parlement ou convoquer des élections partielles s’inscrit dans le cadre de “ce que l’on entend essentiellement par ‘terrorisme’ à l’échelle internationale” » (au par. 41, citant le par. 98 de l’arrêt Suresh). Certes, la Cour a déclaré dans la décision Rana que « [s]i la conduite du PNB justifie l’étiquette de “terrorisme” en droit canadien, cela nécessite une meilleure explication que celle donnée par la commissaire pour que cette étiquette réponde aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité » (au par. 58). Je suis d’accord. L’élément requis d’intention doit effectivement être présent.

[33]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et l’affaire doit être renvoyée à la Section de l’immigration pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Les parties ont été consultées et n’ont proposé aucune question à certifier au titre de l’article 74 de la Loi.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5497‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de la Section de l’immigration est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

  3. Aucune question grave de portée générale n’est énoncée.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5497‑18

INTITULÉ :

MOHAMMAD RAFIQUL ISLAM et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 13 mai 2019

jugement et motifs :

le juge ROY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 10 juillet 2019

COMPARUTIONS :

Viken G. Artinian

POUR LE DEMANDEUR

Jocelyne Murphy

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allen & Associés

Avocats

Montréal (Québec)

pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

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