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Date : 19990330


Dossier : IMM-956-98

Ottawa (Ontario), le 30 mars 1999.

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SHARLOW

ENTRE :


MIECZYSLAW KOWALIK,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande d'examen au titre du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration présentée par le demandeur est renvoyée pour qu"un autre agent procède à un nouvel examen.

                                     Karen R. Sharlow

                                     _________________

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990330


Dossier : IMM-956-98

ENTRE :


MIECZYSLAW KOWALIK,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SHARLOW

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent d'immigration prise aux termes du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration. L'agent a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs d'ordre humanitaire pour traiter la demande de résidence permanente que le demandeur a présentée sans quitter le Canada.

[2]      Le demandeur est un citoyen de la Pologne. Il est arrivé au Canada en 1982 pour rendre visite à ses soeurs, Loekodia Dabrowski et Kye Malachoski, qui sont citoyennes canadiennes. Après son arrivée, il a appris que le gouvernement du Canada permettait aux visiteurs de la Pologne de séjourner au Canada en raison de la situation qui régnait en Pologne à l'époque. Il a demandé et obtenu un permis du ministre, et il vit au Canada depuis ce temps.

[3]      Le permis ministériel a été renouvelé régulièrement jusqu'en 1988. Par la suite, il y a eu très peu de suivi de la part du demandeur et du ministre quant au statut du demandeur. Celui-ci était âgé de 58 ans à son arrivée au Canada et il avait 65 ans au moment de l'expiration du dernier permis du ministériel. Il avait atteint l'âge de 74 ans au moment où a été prise la décision faisant l"objet du présent contrôle et il est maintenant âgé de 75 ans.

[4]      Il ressort d"une étude du dossier du demandeur que celui-ci a connu des difficultés pendant l'occupation allemande en Pologne. Il a joint les rangs de l'armée polonaise, mais a déserté et s'est enfui en Italie en 1945. À son retour en Pologne en 1948, il a été emprisonné pendant environ un an. Une fois libéré, il s'est marié et a eu deux fils. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il travaillait comme tailleur. Vers le milieu des années soixante, alors que ses fils étaient âgés de 14 et 15 ans, ce fut la rupture du mariage et son épouse obtint le divorce avec la garde de leurs deux fils. Depuis lors, il communique avec ses fils à l'occasion, mais n'entretient pas de liens étroits avec eux. Les prétentions à l'appui de sa demande indiquent qu'il n'a [TRADUCTION] "aucun ami ni aucune famille en Pologne qu'il pourrait contacter et à qui il pourrait demander de l'aide ".

[5]      Le demandeur a habité chez sa soeur Loekodia depuis son arrivée en 1982 jusqu'au début des années 90, lorsqu'elle a vendu sa maison à Toronto pour déménager à St. Catharines. Elle est décédée en 1994. Il a gardé le contact avec son autre soeur Kye, mais il ne vit pas avec elle. Il vit seul à Toronto dans un appartement loué et il est membre de la paroisse St. Casimir's Polish Catholic Church, de Toronto.

[6]      Le demandeur n"a occupé un emploi rémunérateur au Canada que pendant une brève période. Au début, il était désavantagé par son inaptitude à apprendre l'anglais et par son statut incertain d'immigrant. Plus tard, son âge avancé et ses problèmes de santé l'ont empêché de trouver un emploi. Pendant la plus grande partie de son séjour au Canada, il a été bénéficiaire de l'aide sociale et l'est toujours. Le dossier du demandeur contient des éléments de preuve établissant qu'il souffre de divers problèmes de santé pour lesquels il se peut qu"un traitement adéquat ne soit pas disponible en Pologne, de même qu"un avis médical portant que son retour forcé en Pologne pourrait lui faire du tort sur les plans physique et psychologique.

[7]      Les motifs de la décision défavorable de l'agent d'immigration sont résumés sur un formulaire sous la rubrique réservée à la recommandation de l'agent et aux motifs connexes :

         [TRADUCTION]         
         Bien que M. Kowalik soit au Canada depuis 15 ans et que son avocat ait indiqué dans ses observations que M. Kowalik est bien établi et qu"il subvient à ses propres besoins, cela ne semble pas être manifeste ici.         
         M. Kowalik dépend " activement " des prestations d'aide sociale; il continue de toucher chaque mois la somme de 930 $ plus une indemnité pour médicaments, et il a reçu jusqu'à ce jour plus de 90 000 $!         
         Le recyclage de ses connaissances et aptitudes au Canada consiste en un cours d'anglais de cinq mois qu'il a suivi en 1982, et ses économies ou actifs sont manifestement négligeables (solde de 12,20 $ le 21 novembre 1996).         
         Depuis le décès de sa soeur l'an dernier, il ne semble pas avoir de liens familiaux étroits au Canada. Il a deux fils en Pologne qui pourraient théoriquement prendre soin de lui.         
         Il est noté que M. Kowalki est âgé de 73 ans et qu'il pourrait éprouver des difficultés financières s'il retournait en Pologne. Toutefois, ces raisons ne sont pas suffisantes pour justifier l'acceptation de sa demande.         

[8]      L'objectif du paragraphe 114(2) vise à accorder une dispense équitable de certaines exigences de la Loi que devrait normalement remplir la personne qui demande la résidence permanente. Une telle dispense relève de la discrétion du ministre et personne ne peut la revendiquer de plein droit. Toutefois, la personne qui cherche à se prévaloir de cette disposition a droit à un examen juste des éléments de preuve qu"elle a fournis et à l'application convenable des principes de droit pertinents. Après examen du dossier, de la décision et du rapport susmentionné, je conclus que le demandeur a été privé de ce droit.

[9]      Il ressort des raisons exposées par l'agent susmentionnées que la décision faisant l"objet du présent contrôle est fondée principalement sur le fait que le demandeur n'a pas réussi à accéder à l'indépendance financière au Canada et a dû en conséquence recourir à l'aide sociale. Dans les circonstances de la présente affaire, cela constitue un fondement déraisonnable d"une décision défavorable au titre du paragraphe 114(2). Il est contraire à la raison de suggérer que le fait, pour une personne âgée de 73 ans qui souffre possiblement de problèmes de santé, de ne pas avoir accédé à l'indépendance financière puisse servir de justification pour lui refuser l'examen pour des motifs d'ordre humanitaire.

[10]      Cela ne signifie pas pour autant qu"il faille faire entièrement abstraction de l'indépendance financière lors de l'étude d'une demande présentée au titre du paragraphe 114(2). L'indépendance financière est un facteur pertinent. Cependant, l'agent a eu tort de la traiter comme facteur déterminant en l'espèce. Même si celui-ci avait noté l'âge du demandeur, il a omis d'évaluer dans quelle mesure cet âge influait sur sa capacité de trouver un emploi. De plus, il semble avoir fait abstraction de tous les éléments de preuve concernant la santé du demandeur, bien qu"il s"agisse d"un facteur pertinent en ce qui concerne tant sa capacité de travailler et que les risques potentiels que présente son retour en Pologne à ce moment-ci.

[11]      L'agent a également commis d'autres erreurs. En effet, il a affirmé que le demandeur pourrait peut-être demander de l'aide à ses fils en Pologne, bien qu"aucune preuve n"étaye cette affirmation et que la seule preuve se rapportant à la relation avec ses fils semblerait indiquer le contraire. L'agent a également soutenu que le demandeur [TRADUCTION]" ne semble pas avoir de liens familiaux étroits au Canada ", démontrant ainsi qu'il ignorait qu"une autre soeur du demandeur vivait au Canada.

[12]      J'ai aussi noté que l'agent n'a tenu compte ni de la durée de la période de résidence du demandeur au Canada, ni de la possibilité qu'une certaine partie du temps écoulé jusqu'à maintenant soit attribuable à des retards qui ne sont pas la faute de celui-ci. Il se peut que cela ne soit pas un facteur pertinent dans bon nombre de cas, voire dans la plupart des cas. Cependant, je suis d"avis que, compte tenu de l"âge du demandeur, de l"âge qu"il avait à son arrivée au Canada, et de l'âge qu'il avait à l'expiration du dernier permis ministériel, ce facteur aurait dû être considéré comme pertinent en l"espèce.

[13] La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande au titre du paragraphe 114(2) présentée par le demandeur est renvoyée pour qu"un autre agent procède à un nouvel examen.

[14]      Je conclus que la présente affaire ne soulève pas de question grave de portée générale.


Karen R. Sharlow

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-956-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MIECZYSLAW KOWALIK
                     - c.-
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 3 mars 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE SHARLOW

EN DATE DU :              30 MARS 1999

ONT COMPARU :

Mme Geraldine Sadoway                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Marissa Bielski                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parkdale Community Legal Services                  POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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