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     Date : 19980703

     Dossier : IMM-2597-97

OTTAWA (Ontario), le 3 juillet 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

                 AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'immigration de 1976, modifiée, L.C. 1989, ch. 35;
                 ET une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié concernant la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par JALAL UDDIN SARKER.

ENTRE

     JALAL UDDIN SARKER,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

         VU la demande, présentée par le demandeur, de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision en date du 28 mai 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention;

         Après avoir entendu les avocats des parties à Toronto, le 5 mai 1998, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard, et après avoir examiné les arguments invoqués;

     ORDONNANCE

         LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

                         W. Andrew MacKay

                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19980703

     Dossier : IMM-2597-97

                 AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur l'immigration de 1976, modifiée, L.C. 1989, ch. 35;
                 ET une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié concernant la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par JALAL UDDIN SARKER.

ENTRE

     JALAL UDDIN SARKER,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision en date du 28 mai 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

Les faits

[2]          Le demandeur est né le 10 décembre 1943 et est citoyen du Bangladesh. En décembre 1991, il s'est joint à un parti politique, le BNP; il a participé à des défilés et à des réunions, et il a fait des discours et distribué des tracts. Le 17 avril 1996, la police a arrêté et détenu le demandeur parce qu'il avait participé à un défilé organisé par le BNP. On l'a interrogé, l'a battu et l'a libéré deux jours plus tard après avoir pris sa photo et lui avoir conseillé de cesser ses activités politiques au sein du BNP. Aucune accusation officielle n'a été portée contre le demandeur, qui a reçu des soins médicaux pendant une semaine suivant sa mise en liberté.

[3]          Le 2 juin 1996, un autre défilé auquel le demandeur a participé a été attaqué par les partisans d'un parti politique rival, l'Awami League (AL). Bien qu'une plainte ait été déposée à la police concernant cette attaque, aucune protection n'a été donnée et l'affaire n'a pas été suivie par la police. Après qu'il eut fait un discours le 3 juin 1996 à une réunion du BNP pour dénoncer l'attaque du jour précédent, la maison du demandeur a été attaquée et saccagée par des partisans de l'AL. Sa femme et ses enfants ont été battus, et des menaces pour sa vie ont été communiquées à sa femme. Après que le demandeur eut signalé l'attaque à la police le jour suivant, celle-ci n'a pas fait enquête. Il est alors allé se réfugier chez un voisin.

[4]          Le 7 juin 1996, la femme du demandeur lui a dit que la police l'avait recherché chez lui avec un mandat d'arrestation. Trois autres membres du BNP ont également été recherchés et tous les autres ont en fin de compte été arrêtés et battus par la police et, à compter de juillet 1997, sont demeurés en détention. Le demandeur a quitté sa ville pour échapper à la police, et il est en fin de compte arrivé au Canada le 7 juillet 1996, date à laquelle il a présenté une revendication du statut de réfugié. Après son arrivée au Canada, le demandeur a appris de sa famille qu'il avait été accusé d'avoir attaqué un défilé organisé par l'AL, et de s'être livré à des activités [TRADUCTION] "antigouvernementales", accusations dont il est allégué qu'elles sont erronées. Il est dit que la police a continué de visiter la maison du demandeur jusqu'au moment de l'audition en matière de réfugié le 22 mai 1997, tout comme l'ont fait les [TRADUCTION] "hommes de main" de l'AL et d'un second parti, le Jayiya Party. Pas plus tard que la première semaine de mai 1997, la police a, allègue-t-on, menacé de faire du mal à la femme du demandeur si elle ne révélait pas les endroits où il se trouvait.

La décision du tribunal

[5]          Le tribunal n'était pas convaincu qu'il existait des chances pour que le revendicateur soit persécuté pour des motifs énumérés dans la Convention, dans l'éventualité de son retour au pays d'origine. Bien que le tribunal ait accepté l'identité du revendicateur à titre de citoyen bengalais, d'homme d'affaires, de membre et de partisan du BNP, il a jugé invraisemblables et déraisonnables ces aspects du témoignage qui étaient essentiels à la revendication, particulièrement l'intérêt actuel que la police et le parti rival avaient pour lui.

[6]          Certes, le tribunal a reconnu que la preuve documentaire indiquait clairement la nature omniprésente de la violence dans la vie politique au Bangladesh, particulièrement dans des affrontements dans les rues lorsqu'il y avait une manifestation; mais le tribunal n'était pas convaincu qu'un individu discret tel le revendicateur fût l'objet d'un intérêt continu de la part d'hommes de main d'autres partis, qui continueraient de visiter la maison du revendicateur. De même, bien que la police ait noté que la preuve documentaire étayait le point de vue selon lequel les services de sécurité avaient réagi de façon disproportionnée aux actes de violence de rue commis par l'opposition, la preuve n'indique pas que les membres ordinaires, discrets et pacifiques des partis politiques connaissent de mauvais traitements de la part de la police. Le tribunal a jugé qu'il était très peu probable que le demandeur soit nommé dans un mandat d'arrestation et soit accusé d'activités antigouvernementales. Le présumé mandat en cours de la police constituait le fondement de sa prétendue crainte de persécution. Le tribunal ne disposait pas de la preuve que ce mandat existait, à l'exception du récit du demandeur.

[7]          Essentiellement, le tribunal n'a pas cru le témoignage du demandeur. Selon la prépondérance des probabilités, il a jugé invraisemblable le témoignage du demandeur sur les épreuves que les opposants politiques et la police qu'il prétend craindre lui avaient fait subir. Il n'existait donc aucun élément de preuve qui étayait sa prétendue crainte de persécution dans l'éventualité de son renvoi au Bangladesh.

Les points litigieux

[8]          À l'audition de l'espèce, l'avocat du demandeur a insisté sur deux questions principales. En premier lieu, il est allégué que le tribunal n'a pas éveillé l'attention du demandeur, tout comme il est allégué qu'en toute justice, il aurait dû le faire, sur ses doutes sur les invraisemblances qu'il a trouvées dans le témoignage rendu par le demandeur. En second lieu, il est dit que le tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant ou en mal interprétant les éléments de preuve dont il disposait, particulièrement la preuve documentaire qui étayait le témoignage du demandeur.

Les arguments du demandeur

[9]          Le demandeur fait valoir que la Commission a violé les principes de justice naturelle en ne faisant pas connaître ses préoccupations quant à la vraisemblance du témoignage du demandeur avant de rendre sa décision. La question de la crédibilité n'avait pas été soulevée comme sujet de préoccupation dans la conférence préalable à l'audition du demandeur, et n'avait donc pas été abordée par l'avocat du demandeur à l'audition. De plus, la Commission n'a soulevé à l'audition aucune préoccupation concernant la vraisemblance du récit du demandeur et, en fait, l'audition a été très brève.

[10]          Le demandeur fait valoir que la Commission ne peut juger son témoignage invraisemblable sans soulever au préalable ses préoccupations avec lui, comme c'est le cas lorsqu'il trouve des inconsistances dans son témoignage. De plus, il est allégué que la Commission n'a pas douté de la vraisemblance des événements d'avril et de juin, lesquels événements doivent être considérés comme ayant été acceptés en conséquence. La Commission n'a pas déterminé si, compte tenu des éléments de preuve jugés dignes de foi, le demandeur était un réfugié au sens de la Convention.

[11]          Le demandeur soutient que la Commission n'a pas, de façon appropriée, tenu compte de la preuve documentaire, en particulier de l'élément de preuve qui étayait le fait que les membres de rang inférieur des partis politiques d'opposition sont harcelés par les hommes de main du parti au pouvoir et la police. Il est dit que la Commission a eu tort de n'avoir pas tenu compte de la preuve documentaire dont il disposait et qui étayait la revendication du demandeur.

Analyse

[12]          Au commencement de l'audition relativement brève de la présente revendication, le président a effectivement noté que parmi les autres questions qui préoccupaient le tribunal se trouvait la crédibilité, excepté la preuve concernant l'identité du demandeur, son pays d'origine, ses antécédents en affaires et sa participation en tant que partisan du BNP. Toutes les autres questions de crédibilité du témoignage du demandeur demeuraient en litige, doivent être établies à l'occasion de l'examen par le tribunal de son témoignage, comme cela se fait pratiquement dans chaque cas.

[13]          Il est vrai que lorsque le tribunal a des préoccupations ou des doutes quant à la crédibilité découlant des contradictions ou des inconsistances dans les dépositions du demandeur, écrites ou orales, il est tenu, en toute justice, d'indiquer ces doutes ou préoccupations, et de donner au demandeur la chance de les dissiper, avant de s'appuyer sur des inconsistances pour ne pas croire le témoignage rendu (voir : Ta Wei Li c. M.E.I., (1996), 109 F.T.R. 178, et Gracielome c. Canada (MEI) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 237 (C.A.F.)).

[14]          En l'espèce, le tribunal ne s'est pas préoccupé des inconsistances dans le témoignage du demandeur. Il a plutôt jugé invraisemblables des aspects principaux du récit du demandeur étant donné sa compréhension générale, compte tenu de la preuve documentaire, de la situation au Bangladesh, et sa propre expérience. La conclusion que le témoignage est invraisemblable est une conclusion fondée sur l'examen de la véracité probable de ce témoignage dans toutes les circonstances. Cette conclusion peut être tirée seulement après que l'audition s'est achevée, que tous les éléments de preuve ont été produits et que le tribunal a eu la possibilité de les examiner.

[15]          À mon avis, le tribunal n'est nullement tenu de signaler ses conclusions sur l'invraisemblance ni sur la crédibilité générale du témoignage avant de rendre sa décision. Il incombe plutôt au demandeur d'établir, par des éléments de preuve dignes de foi, sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. Le tribunal n'a pas commis d'erreur ni n'a omis de s'assurer du respect de l'équité procédurale en concluant qu'il existait des invraisemblances dans le témoignage du demandeur sans avoir au préalable porté celles-ci à l'attention de ce dernier et sans lui avoir donné la possibilité d'y répondre.

[16]          La seconde question soulevée en l'espèce porte sur la conclusion du tribunal selon laquelle la preuve documentaire n'étayait pas la prétention du demandeur, savoir qu'il s'exposerait probablement à la persécution dans l'éventualité de son retour au Bangladesh. Le tribunal a conclu que quelqu'un qui se montre discret tel le demandeur ne continuerait probablement pas de faire l'objet de harcèlement de la part de la police, ni même de la part des hommes de main d'autres factions politiques à part les manifestations politiques. La preuve documentaire comprenait des rapports sur le harcèlement continu, mais d'autres rapports documentaires indiquent que cela ne fait que partie du problème du conflit politique en cours parmi les partis du pays, surtout dans les années d'élection comme ce fut le cas en l'espèce.

[17]          Bien que je puisse tirer une conclusion différente de celle formulée par le tribunal en l'espèce, compte tenu de la preuve documentaire dont il disposait, je ne peux dire que sa conclusion n'avait aucun appui dans les documents. Lorsque c'est le cas, la Cour ne peut intervenir car on ne saurait dire que le tribunal a tiré sa conclusion de façon abusive et arbitraire compte tenu des éléments de preuve dont il disposait.

[18]          Pour ces motifs, une ordonnance sera rendue pour rejeter la demande de contrôle judiciaire.

                                 W. Andrew MacKay

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 3 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-2597-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Jalal Uddin Sarker c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 5 mai 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge W. MacKAY

EN DATE DU                      3 juillet 1998

ONT COMPARU :

    Scott White                      pour le demandeur
    Bridget O'Leary                  pour le défendeur
                        

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Bush, White & Wong                  pour le demandeur
    Morris Rosenberg                  pour le défendeur
    Sous-procureur général du Canada
   
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