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Date : 19990506


Dossier : IMM-3029-98

ENTRE :

     ALFREDO BARAJAS COTA


Demandeur

ET :


MINISTRE

Défendeur

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié en date du 27 mai 1998 concluant que le demandeur n"est pas réfugié au sens de la Convention. Le demandeur demande à cette Cour d"annuler la décision, de déclarer que la procédure adoptée lors de l"audience contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte), et d"ordonner la tenue d"une nouvelle audience devant une autre formation.

FAITS

[2]      Les faits qui suivent sont tirés de la décision de la Section du statut de réfugié ainsi que du formulaire de renseignements personnels du demandeur. Le demandeur, citoyen du Mexique, allègue avoir une crainte de persécution en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.

[3]      Le demandeur est professeur en climatisation et possède aussi une compagnie de réfrigération et de climatisation dans la ville de Mexico. En février 1997, après avoir suggéré à la direction de l"école de changer les gaz utilisés dans l"équipement de réfrigération qui détruisent la couche d"ozone, soit le R11 et le R12, il découvre qu"il y a fraude et en parle à un collègue qui fait partie du syndicat dissident du Syndicat National des Travailleurs de l"État (S.N.T.E.). Il se joint au syndicat. Le 2 juin 1997, le demandeur est convoqué par le Directeur et reconnaît le commandant de la police judiciaire. Le Directeur lui offre un pourcentage des commandes qu"il refuse. Il dit avoir recueilli des preuves de la double facturation et les remet au représentant du mouvement "Coorinara", un mouvement réfractaire au Parti Révolutionnaire Institutionnel (P.R.I.). Il reçoit ensuite des menaces par téléphone et est agressé lors d"un enlèvement le 21 juillet 1997. Il dit qu"on lui a placé un sac de plastique sur la tête et qu"il a reçu des coups aux côtes et au ventre. Il dit aussi avoir été contraint de signer de fausses déclarations par la police judiciaire.

[4]      Le demandeur affirme ne pas avoir porté plainte aux autorités mexicaines puisqu"elles sont responsables des menaces de mort qu"il a reçues. Il a quitté le Mexique le 9 août 1997.

Décision de la Section du statut de réfugié

[5]      L"analyse de la Section du statut ne comporte que quelques passages reproduits ci-dessous :

             Le demandeur n"a pas démontré d"une façon crédible et digne de foi une crainte raisonnable de persécution.                 
             Quand on lui demande qui il craint, il parle du système judiciaire sans pouvoir préciser davantage. Nous ne croyons pas que le demandeur, même s"il avait effectivement été témoin de corruption, ait constitué une menace pour les autorités. Il n"a jamais dénoncé les fraudes si ce n"est à un collègue qui en savait aussi long que lui. Il a pu travailler pendant quelques mois sans problème. Nous trouvons donc invraisemblable que le directeur décide, tout à coup, sans qu"il y ait du nouveau dans le dossier, de lui offrir une participation à la fraude. Ce serait comme d"avouer sa culpabilité sans que rien ne l"y oblige.                 
             Bref, le témoignage du demandeur ne nous apparaît pas crédible.                 

QUESTIONS EN LITIGE

[6]      Le demandeur soulève principalement deux questions:

     1) la Section du statut a-t-elle commis une erreur révisable dans l"appréciation de la crédibilité du demandeur en négligeant de prendre en considération ou de faire référence à la preuve documentaire au dossier concernant la violation des droits de la personne au Mexique;         
     3) la Section du statut a-t-elle enfreint les dispositions de la Charte, soit les articles 7, 12 et 15, en rendant une décision arbitraire, en permettant à l"agent d"audience d"interroger le demandeur avant que ne l"interroge son propre avocat et en prévoyant plusieurs audiences de revendicateurs mexicains dans un même après-midi.         

REPRÉSENTATIONS

Représentations du demandeur

[7]      Le demandeur soutient que la Section du statut a erré en rejetant arbitrairement la crédibilité du demandeur sans donner de motifs valables, en se basant sur des éléments secondaires, ainsi qu"en négligeant de tenir compte de la preuve documentaire au dossier concernant la violation des droits de la personne au Mexique.

[8]      Le demandeur soutient aussi qu"en permettant à l"agent d"audience de procéder à l"interrogatoire du demandeur avant que son propre avocat ne l"ait interrogé, qu"en tolérant que l"agent bombarde le demandeur de questions pendant son interrogatoire et qu"en prévoyant la tenue de plusieurs audiences dans un même après-midi, la Section du statut a donné lieu à une crainte raisonnable d"impartialité et enfreint ainsi les principes de justice fondamentale de l"article 7.

[9]      Le demandeur soutient en outre que la Section discrimine contre les revendicateurs mexicains en prévoyant plusieurs audiences dans un même après-midi et enfreint ainsi l"article 15 de la Charte. Par ailleurs, le demandeur soutient que la décision de la Section du statut enfreint l"article 12 de la Charte en refusant d"accorder l"asile politique à une victime d"abus graves car cela constitue en soi un traitement cruel et inusité.

Représentations du défendeur

[10]      Le défendeur soumet qu"il était loisible à la Section du statut de conclure à l"invraisemblance du récit du demandeur en se fondant sur la logique et le bon sens. Il appartient au demandeur de démontrer que la conclusion de la Section du statut est tirée de façon déraisonnable.

[11]      Le défendeur soumet également que la Section n"est pas tenue de mentionner tous les éléments de la preuve au dossier, et qu"elle est présumée avoir considéré l"ensemble de la preuve avant de rendre sa décision. Le demandeur n"a soumis aucun élément de preuve contredisant la conclusion de la Section du statut quant à l"invraisemblance de son récit et ne saurait prétendre que la Section a ignoré la preuve déposée. Le défendeur invoque l"affaire Sheikh c. Canada (M.E.I.) , [1990] 3 C.F. 238, (C.A.F.) précisant que la crédibilité des éléments de preuve et la crédibilité du demandeur sont deux choses distinctes et que la perception du tribunal que le demandeur n"est pas un témoin crédible équivaut à la conclusion qu"il n"existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second pallier d"audience pour faire droit à la demande.

[12]      En outre, le défendeur soumet que la Section du statut a clairement exprimé les motifs pour lesquels le récit du demandeur n"a pas été jugé crédible. Ces motifs sont suffisants, bien que brefs, puisqu"ils permettent au demandeur de savoir pourquoi sa revendication a été rejetée et d"examiner la possibilité de contester la décision en contrôle judiciaire conformément au paragraphe 69.1(11) de la Loi sur l"immigration.

[13]      Quant aux arguments concernant le manque d"impartialité de la Section, le défendeur réfère la Cour aux commentaires du juge Dubé dans l"affaire Del Moral c. Canada (M.C.I.) , (C.F. 1re instance) (IMM-2062-97, 4 juin 1998) qui a rejeté des arguments pratiquement identiques.

[14]      Le défendeur soumet également que les arguments fondés sur la Charte n"ont aucune application aux faits en l"espèce puisque la Section a jugé que le demandeur ne risquait pas d"être persécuté s"il devait retourner au Mexique, et sont prématurés puisque la Section ne détermine que la question de savoir si une personne est réfugiée au sens de la Convention et non pas son expulsion.

ANALYSE

Crainte raisonnable de persécution non fondée

[15]      Le demandeur allègue que la Section a erré en concluant arbitrairement qu"il n"était pas crédible.

[16]      Dans une affaire récente, Antonippillai c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.F. 1re instance) (IMM-2724-98, 22 mars 1999), j"ai eu l"occasion de résumer certains principes de droit applicables à l"évaluation de la crédibilité par la Section du statut, aux paragraphes 9 et 10:

         Il ne fait aucun doute que la Commission du statut de réfugié a toute la discrétion nécessaire pour évaluer la crédibilité du témoignage des personnes qui revendiquent le statut de réfugié et qu'elle peut tenir compte d'une multitude de facteurs pour ce faire. La Commission peut fonder ses conclusions sur des contradictions internes, des incohérences et des déclarations évasives qui sont le "fondement même du pouvoir discrétionnaire du juge des faits", ainsi que sur d'autres éléments extrinsèques tels que la raison, le sens commun et la connaissance d'office, mais ces conclusions ne doivent pas être tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont dispose la Commission: Sbitty c. Canada (M.C.I.), (IMM-4668-96, 12 décembre 1997), Shahamati c. M.E.I., (C.A.F.) (A-388-92, 24 mars 1994).                 

[17]      En l"espèce, la Section du statut a conclu que le demandeur n"avait pas démontré de façon crédible et digne de foi une crainte raisonnable de persécution. Dans ses motifs, la Section précise que le demandeur ne peut préciser qui il craint et réfère simplement au système judiciaire. La Section constate aussi que le demandeur n"a jamais dénoncé les fraudes de la direction de l"école, et qu"il n"en a parlé qu"avec un collègue qui était déjà au courant, et qu"il a pu travailler pendant quelques mois sans problème. Se fondant sur ces observations, la Section a conclu que même si le demandeur avait été témoin de corruption au sein de l"école, il ne constituait pas une menace pour les autorités.

[18]      Il me semble que la Section a tiré une inférence à partir des faits au dossier que les craintes de persécution du demandeur n"étaient pas raisonnablement fondées. Cette inférence ne m"apparaît pas déraisonnable ou arbitraire à la lumière des éléments au dossier.

[19]      Le demandeur prétend aussi que la Section n"a pas tenu compte de la preuve documentaire concernant la violation des droits de la personne au Mexique et qu"elle a erré en ne faisant pas référence à ces documents dans sa décision.

[20]      Il existe une présomption que la Section a tenu compte dans l"évaluation de la revendication de tous les éléments de preuve au dossier, et le fardeau qui incombe à la Section de motiver ses conclusions en faisant référence aux éléments de preuve au dossier varie en fonction de l"importance de la preuve par rapport aux allégations du demandeur: Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"immigration) (C.F. 1re instance) (IMM-596-98, 6 octobre1998). Le juge Evans faisait les commentaires suivants à cet égard, aux paragraphes 6 et 7:

         On the other hand, the reasons given by administrative agencies are not to be read hypercritically by a court (Medina v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1990), 12 Imm. L.R. (2d) 33 (F.C.A.)), nor are agencies required to refer to every piece of evidence that they received that is contrary to their finding, and to explain how they dealt with it (see, for example, Hassan v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (F.C.A.). That would be far too onerous a burden to impose upon administrative decision-makers who may be struggling with a heavy case-load and inadequate resources. A statement by the agency in its reasons for decision that, in making its findings, it considered all the evidence before it, will often suffice to assure the parties, and a reviewing court, that the agency directed itself to the totality of the evidence when making its findings of fact.                 
         However, the more important the evidence that is not mentioned specifically and analyzed in the agency's reasons, the more willing a court may be to infer from the silence that the agency made an erroneous finding of fact "without regard to the evidence": Bains v. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 63 F.T.R. 312 (F.C.T.D.). In other words, the agency's burden of explanation increases with the relevance of the evidence in question to the disputed facts. Thus, a blanket statement that the agency has considered all the evidence will not suffice when the evidence omitted from any discussion in the reasons appears squarely to contradict the agency's finding of fact. Moreover, when the agency refers in some detail to evidence supporting its finding, but is silent on evidence pointing to the opposite conclusion, it may be easier to infer that the agency overlooked the contradictory evidence when making its findings of fact.                 

[21]      Le demandeur réfère la Cour à quelques documents, dont le Rapport spécial du North American Project of the World Policy Institue, Democracy and Human Rights in Mexico, mai 1995, dans lequel on rapporte que des femmes et des enfants sont maltraités ou torturés par les forces de sécurité et la police judiciaire en vue de soutirer des aveux utilisés par les tribunaux, ainsi que le Rapport annuel d"Amnistie Internationale, 1996 rapportant que les arrestations arbitraires et la torture au Mexique sont endémiques. De plus, le demandeur réfère aussi la Cour au Courrier International dans lequel on rapportait qu"un évêque s"opposant aux violations des droits de la personne a été victime d"une agression armée par Paz y Justicia , un groupe proche du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI).

[22]      Le demandeur soutient que ces documents appuient ses prétentions voulant que ceux qui s"opposent à la corruption du PRI s"exposent à des menaces, à la torture et à la mort. Le demandeur soutient en outre que l"ensemble des circonstances au Mexique crée une présomption de possibilités de persécution pour les opposants au PRI. Aucune décision n"a été citée pour cette proposition.

[23]      À mon avis, les documents auxquels fait référence le demandeur rapportent et démontrent qu"il existe au Mexique une violation endémique des droits de la personne. Il aurait été préférable que la Section discute de cette preuve documentaire puisque cela permet de déterminer avec plus de certitude si la Section en a tenu compte. Toutefois, je ne suis pas convaincu que les éléments de la preuve documentaire auxquels fait référence le demandeur étayent les allégations du demandeur qu"il risque d"être persécuté ou contredisent les conclusions de fait de la Section du statut. À mon avis, le défaut de mentionner ces éléments de preuve dans l"analyse de la Section du statut portant sur la crédibilité du demandeur ne constitue pas en l"espèce une erreur révisable et ne permet pas de conclure que la Section en a fait abstraction. La Section indique par ailleurs dans la décision que la preuve présentée se compose essentiellement du témoignage du demandeur et de documents portant sur la situation des droits de la personne au Mexique.

Crainte d"impartialité

[24]      Le demandeur allègue que la procédure adoptée par la Section a donné lieu à une crainte d"impartialité en permettant à l"agent d"audience de débuter l"interrogatoire du demandeur, en tolérant que l"agent d"audience pose au demandeur un grand nombre de questions, et en prévoyant la tenue de plusieurs audiences dans un même après-midi. Le demandeur soumet aussi que la procédure adoptée lors de l"audience viole le droit à la justice fondamentale que confère l"article 7 de la Charte canadienne des droits de la personne .

[25]      Comme le souligne le défendeur, ces questions ont déjà été examinées par la Cour fédérale dans l"affaire Del Moral c. Canada (M.C.I.) , (C.F. 1re instance) (IMM-2062-97, 4 juin 1998). Le juge Dubé rejetait les allégations de partialité comme suit :

         Le procureur représentant le requérant à l'audience de ce recours judiciaire attaque la décision du Tribunal au motif de son manque d'impartialité vis à vis le requérant en particulier et tous les requérants du Mexique en général. Il rappelle au Tribunal que l'audience n'a duré que de 30 à 45 minutes, une courte période au cours de laquelle le Tribunal ne s'est pas intéressé aux explications que les requérants tentaient de lui fournir sur la situation dangereuse au Mexique.                 
         Il prétend également que "la pratique courante" du Tribunal est de traiter le plus rapidement possible les causes de revendicateurs mexicains, "présumément des réfugiés économiques". Le Tribunal aurait entendu trois ou quatre autres demandes de Mexicains au cours du même après-midi. De plus, il a critiqué le fait que le Tribunal a ordonné que l'agente d'audience commence son interrogatoire en premier lieu, selon lui une procédure injuste pour en arriver à une réponse négative rapide. Il allègue que le Tribunal s'est fondé sur deux contradictions de peu d'importance et a totalement négligé la situation au Mexique en général et la crainte justifiée du requérant en particulier.                 
         Par ailleurs, le procureur du requérant ne s'est pas objecté à la procédure et n'a soulevé aucune crainte de partialité de la part des membres du Tribunal.                 
         Il est clairement établi qu'un Tribunal est maître de ses procédures, et n'est pas lié aux règles formelles de la Cour. Le requérant avait toute l'opportunité voulue pour faire valoir les mérites de sa cause. D'ailleurs, les paragraphes 68(2) et 68(3) de la Loi sur l'immigration ("la Loi") le stipulent très clairement:                 
             68. (2) Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, la section du statut fonctionne sans formalisme et avec célérité.                         
             (3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.                         
         La lecture de la transcription des témoignages à l'audience révèle que le membre audiencier a ouvert l'audience, a résumé les faits et a commencé à questionner le requérant. L'agent d'audience et le procureur du requérant ont également participé. Vers la fin de l'audience, le membre audiencier a donné la parole à ce dernier qui a fait valoir ses arguments.                 
         Il est clairement établi par la jurisprudence qu'une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité de la part d'un tribunal doit alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion [Voir Note 1 ci-dessous]:                 
         ----------------                 
         Note 1: In re Tribunal des droits de la personne et énergie atomique Can., [1986] 1 C.F. 103, aux pages 110 et 113.                 
         ----------------                 
             ...Corrélativement, le droit de celui qui craint que le tribunal devant lequel il se présente ne soit partial a toujours été, encore une fois selon mon interprétation de la jurisprudence, le droit de s'opposer à être jugé par le tribunal, mais un droit qui ne subsiste que jusqu'à ce qu'il se soumette à lui de manière expresse ou implicite. C'est seulement parce que M. MacBain a soulevé ses objections au début de l'affaire que sa contestation à l'égard des procédures pouvait réussir.                         
             ...                         
             Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable                         
             pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion.                         
             De plus, la Cour suprême a établi clairement qu'une crainte de partialité doit être raisonnable. Dans l'affaire Comm. for Justice c. L'Office Nat. de l'Énergie [Voir Note 2 ci-dessous], aux pages 394 et 395 le juge de Grandpré disait ce qui suit à la page 395:                         
         ----------------                 
         Note 2: [1978] 1 R.C.S. 369.                 
         ----------------                 
             Évidemment, le principe fondamental est le même: la justice naturelle doit être respectée. En pratique cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal. Comme le remarque Reid, Administrative Law and Practice, 1971, à la p. 220:                         
             [Traduction] . . . 'tribunal' est un mot fourre-tout qui désigne des organismes multiples et divers. On se rend vite compte que des normes applicables à l'un ne conviennent pas à un autre. Ainsi, des faits qui pourraient être des motifs de partialité dans un cas peuvent ne pas l'être dans un autre.                         
         En ce qui a trait à la participation du premier procureur du requérant devant le Tribunal, il n'y a sûrement pas lieu d'imposer au Tribunal l'obligation de venir en aide au requérant. Dans l'affaire Gholam-Nejad v. Minister of Employment and Immigration [Voir Note 3 ci-dessous], le juge Gibson de cette Cour déclarait qu'il ne voit rien au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale qui autorise l'intervention de cette Cour alors que le problème n'est pas dû à un manque de la part du Tribunal mais bien à une carence de la part du procureur du requérant. Le juge Gibson s'est référé à une décision du juge Mahoney, alors de la Cour d'appel fédérale, dans Paterno v. Minister of Employment and Immigration [Voir Note 4 ci-dessous] qui rejetait une demande d'autorisation en ces termes:         
         ----------------                 
         Note 3: 77 F.T.R. 44.                 
         Note 4: A-1770-92, 23 juin 1992 (non reporté).                 
         ----------------                 
             "Notwithstanding the consent of the respondent, this application for leave to appeal is dismissed. The incompetence of counsel chosen by a refugee claimant is not, of itself, a ground upon which it may be reasonably agreed that the refugee division erred."                         
             
         Évidemment, en l'espèce, je ne tire pas la conclusion que le premier procureur a été incompétent. Je me reporte tout simplement à l'argument présenté par le deuxième procureur. Je me permets également d'ajouter une remarque tout à fait appropriée prononcée par le juge Rothstein, de cette Cour, dans l'affaire Cam Hoa Huynh [Voir Note 5 ci-dessous]:                 
         ----------------                 
         Note 5: 92-T-1772, 24 juin 1993, aux pages 5 et 6.                 
         ----------------                 
             ...That the applicant's story was not told or did not come out clearly may have been a fault of counsel or it may have been that the applicant did not properly brief counsel. As I understand the circumstances, counsel was freely chosen by the applicant. If counsel did not adequately represent his client, that is a matter between client and counsel.                         

[26]      En l"espèce, l"avocat qui a représenté le demandeur lors de l"audience n"a pas invoqué de crainte d"impartialité à l"audience, ce qui constitue une renonciation implicite d"invoquer cet argument dans le cadre d"un contrôle judiciaire. De plus, le fait que l"agent ait débuté l"audience en interrogeant le demandeur ne crée pas en soit une crainte raisonnable d"impartialité. D"une part, la Section du statut est maîtresse de sa procédure; d"autre part, le processus de détermination des revendications de réfugié n"est pas basé sur un système de débat contradictoire.

[27]      En ce qui a trait à l"article 7 que soulève le demandeur, la Cour suprême du Canada a reconnu que le processus de détermination des revendications de réfugié doit se dérouler en conformité avec les principes de justice fondamentale prévue à l"article 7 de la Charte: Singh c. Canada (M.E.I.) , (1985) 14 C.R.R. 13 (C.S.C.). Toutefois, les arguments que soulève le demandeur concernant le processus adopté par la Section ne démontrent pas qu"il y a eu violation des principes de justice fondamentale prévus à l"article 7 ou des principes de justice naturelle. À mon avis, le demandeur n"a pas démontré qu"il n"a pas eu droit à une audience juste et impartiale devant un tribunal impartial.

[28]      En ce qui a trait aux nombreuses questions que l"agent d"audience a posées au demandeur lors de l"audience, cela ne soulève pas en soi une crainte raisonnable d"impartialité, et se distingue du contre-interrogatoire agressif que la Cour d"appel fédérale a réprimé dans l"affaire Mahendren c. Canada (M.E.I.) (1991), 14 Imm. L.R.(2d) 30) (C.A.F.).

Violation de l"article 12 de la Charte

[29]      Le demandeur soutient que le refus d"accorder l"asile politique à une victime d"abus graves comme le demandeur constitue en soi un traitement cruel et inusité et viole l"article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés .

[30]      Cet argument est sans mérite. La Cour d"appel fédérale a déterminé dans l"affaire Barrera c. Canada (M.E.I.) , [1993] 2 C.F. 3 (C.A.F.) qu"il était prématuré de déterminer si la déportation du demandeur serait cruelle et inusité puisque le Ministre n"avait pas encore déterminé si le demandeur constituait un danger pour le public et le mettant en danger imminent de déportation. Il s"ensuit qu"il est tout aussi prématuré de déterminer si une décision refusant d"accorder le statut de réfugié au demandeur enfreint l"article 12 de la Charte.

[31]      C"est aussi ce que précisait le juge Heald dans l"affaire Kaberuka c. Canada (M.E.I.) , [1995] 3 C.F. 252 (C.F.1re instance), au paragraphe 13 :

         L'article 12 de la Charte n'est toutefois pas en cause. En effet, la disposition concernant la recevabilité de la revendication et la révision du renvoi du requérant ne soulèvent pas, séparément ni ensemble, la question des traitements ou peines cruels et inusités. Ce n'est qu'à l'étape de l'expulsion proprement dite du requérant que ces questions entrent en jeu. À cet égard, je m'appuie sur les remarques formulées par le juge MacGuigan, au nom de la Cour d'appel, dans l'arrêt Barrera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.) [aux pages 23 et 24]:                 
             Mais, quoi qu'il en soit, c'est seulement son retour au Chili qui mettrait présumément l'appelant en danger aux termes de l'article 12, et c'est seulement le ministre qui est doté du pouvoir légal de le mettre ainsi en danger. Le ministre ne peut même pas prendreune décision en ce qui concerne le pays de renvoi tant que la question de l'expulsion n'est pas réglée par la Commission.                                                                  
             Pour ce motif, j'estime que l'appelant ne peut pas réussir à renverser le paragraphe 27(2) ou l'article 32. Par conséquent, sa cause dépend d'une contestation de l'article 53, qui est la seule disposition susceptible de menacer les droits conférés à l'appelant par l'article 12, vu que c'est la seule qui permette de le renvoyer au Chili.                         

Violation de l"article 15 de la Charte

[32]      Le demandeur a aussi allégué que le fait d"entendre plusieurs audiences de réfugiés mexicains dans un même après-midi constitue une discrimination qui viole l"article 15 de la Charte.

[33]      Je dispose de cet argument rapidement puisque le demandeur n"a pas démontré que cette pratique de prévoir plusieurs audiences consécutives dans une même journée dénote une distinction fondée sur des caractéristiques personnelles ou sur un motif illicite analogue. Il n"y a aucune preuve au dossier que cette pratique ne vise que les revendicateurs mexicains. En outre, même s"il existait une pratique de prévoir plusieurs audiences de réfugiés mexicains dans un même après-midi, il n"y a toutefois aucune preuve que cette pratique affecte défavorablement les revendicateurs ou leur cause un préjudice quelconque. À mon avis, il n"y a pas eu atteinte à un droit garanti.

CONCLUSION

[34]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[35]      Aucune question à certifier n"a été soumise par les parties.

                             "Max M. Teitelbaum"

                        

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 6 mai 1999

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