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Date : 20000815


Dossier : IMM-3246-99


Toronto (Ontario), le mardi 15 août 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON


ENTRE

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


ABIDULLAH MOHSEN


défendeur




ORDONNANCE


     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.



                                 « Frederick E. Gibson »

                                         J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.




Date : 20000815


Dossier : IMM-3246-99


ENTRE

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


demandeur


et


ABIDULLAH MOHSEN


défendeur




MOTIFS D'ORDONNANCE


LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire d'une décision, datée du 14 juin 1999, dans laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le défendeur était un réfugié au sens de la Convention au sens que le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1 confère à cette expression.

[2]      Le défendeur est un citoyen de l'Afghanistan. Il soutient qu'il a une crainte fondée d'être persécuté s'il retournait en Afghanistan en raison d'opinions politiques qui lui sont imputées et de ses origines ethniques.

[3]      Le contexte de la revendication du défendeur n'a pas essentiellement été contesté devant la SSR. La SSR a conclu que le témoignage du revendicateur, tant écrit qu'oral, [TRADUCTION] « ... n'a pas été contredit, il était détaillé et franc, et il ne contenait pas de divergences » . La SSR a résumé le contexte factuel de la façon suivante :

[TRADUCTION]
Le revendicateur a été conscrit de force par l'armée afghane en 1987. Il a déserté son poste un an plus tard parce qu'il ne voulait pas tuer ses compatriotes ou se faire tuer par l'un de ceux-ci; à l'époque, l'armée faisait la guerre à divers groupes de moudjahiddin. Il est retourné à sa ville natale, Mazar-I-Sharif, pour s'y cacher. Il a songé à quitter le pays, mais a rejeté cette idée vu qu'il était le fils aîné et qu'il se sentait responsable de sa famille au cas où quelque chose arriverait à son père. Six mois plus tard, il a rencontré un ami qui lui a suggéré de venir travailler avec lui au ministère de la Sécurité publique, à Kaboul, au lieu de rester cacher et d'éventuellement se faire arrêter pour avoir déserté l'armée; son ami lui a dit qu'il l'aiderait à se trouver un emploi au département de la logistique, qu'il a décrit comme étant plutôt de la nature d'un département d'approvisionnement. Le ministère de la Sécurité publique était également connu sous le nom de KhAD...
Le revendicateur a accepté l'offre de son ami, car c'était le seul moyen pour lui d'éviter d'être puni pour avoir déserté l'armée et de demeurer au pays afin de remplir ses obligations familiales. Il a d'abord obtenu un poste de 3e lieutenant et, deux ans plus tard, il a automatiquement été promu au rang de 2e lieutenant. Il exerçait les fonctions d'un commis d'approvisionnement chargé d'acheter de la nourriture pour les départements qui lui avaient été assignés. Il a travaillé au 7e département à Kaboul pendant une année, puis il a été transféré à Kandahar, où il est demeuré jusqu'à la chute du gouvernement marxiste en avril 1992.
Une milice de moudjahiddin l'a arrêté en compagnie de plusieurs autres personnes peu après la chute du gouvernement. Il a été emprisonné et durement interrogé au sujet de l'emploi qu'il avait occupé au sein du ministère de la Sécurité publique. Trois mois plus tard, il a comparu devant un juge moudjahiddin qui l'a condamné à mort en raison de ses liens avec le gouvernement marxiste. Il a réussi à s'échapper avec l'aide de l'un des fournisseurs du marché Kandahar avec qui il s'était lié d'amitié quelques années auparavant. Il est rentré à Mazar-I-Sharif et a commencé à travailler au magasin de son oncle, craignant cependant toujours d'être arrêté. Deux mois plus tard, son père l'a prévenu de quitter le pays immédiatement car il avait vu son nom sur une liste de personnes recherchées. Le revendicateur s'est enfui en Russie, où il a des parents, et il a tenté en vain d'y obtenir le statut de réfugié. Avant de revendiquer le statut de réfugié au Canada, il s'était d'abord rendu aux États-Unis d'Amérique, où sa revendication du statut de réfugié a également été rejetée.

[4]      La SSR a conclu que la crainte du défendeur d'être persécuté était fondée tant sur les plans subjectif qu'objectif. La principale question litigieuse que la SSR devait trancher, la seule question en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, était de savoir si le défendeur était exclu ou non du statut de réfugié au sens de la Convention en raison de l'article 1(F)a) de la Convention relative au statut des réfugiés et du protocole qui y est lié. Voici les parties pertinentes de l'article 1(F), telles qu'elles sont énoncées dans l'annexe de la Loi sur l'immigration :

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;


...

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

(a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;


...

[5]      La SSR s'est fondée sur l'arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)2 de la Cour d'appel fédérale et sur la décision que mon collègue M le juge McKeown a rendue dans Saridag c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)3 pour conclure que le défendeur n'était pas exclu du statut de réfugié. Je suis convaincu que la SSR avait raison de se fonder sur ces décisions et qu'elle n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle lorsqu'elle a pris sa décision. En particulier, je suis convaincu que la présente affaire peut être distinguée d'avec la décision que j'ai récemment rendue dans Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)4.

[6]      La SSR a conclu que le KhAD était une organisation [TRADUCTION] « ...dont l'objectif était brutal et limité » . Cela dit, elle a examiné la question de savoir si le défendeur avait fait preuve de [TRADUCTION] « ignorance volontaire » en acceptant un emploi au sein du KhAD, et elle a conclu que ce n'était pas le cas. Je suis convaincu que la SSR pouvait raisonnablement parvenir à une telle conclusion. Elle a déterminé que le défendeur n'avait qu'une connaissance très limitée du KhAD et des activités qu'il menait. Il est ressorti clairement de la preuve dont la SSR disposait que le défendeur ne souscrivait pas à l'objectif brutal et limité du KhAD. Au contraire, il avait couru un très grand risque en désertant son poste au sein de l'armée parce qu'il ne voulait pas tuer des civils afghans. Ayant déserté l'armée, très peu de solutions de rechange s'offraient à lui en Afghanistan s'il souhaitait remplir ses obligations familiales. C'est pourquoi il s'est joint à contrecoeur, bien que de son gré, au KhAD, où il n'a rempli que des tâches administratives. Ses tâches et les endroits où il travaillait étaient éloignés des lieux où le KhAD commettait ses actes brutaux. Enfin, bien qu'on ne puisse soutenir qu'il a quitté le KhAD dès la première occasion, il n'avait pas d'autres solutions de rechange tant et aussi longtemps qu'il souhaitait continuer de remplir son engagement à l'égard de sa famille et, partant, de demeurer en Afghanistan. Vu les considérations qui l'ont poussé à se joindre à l'organisation, le niveau de ses connaissances, et la nature de ses tâches, sa décision de ne pas quitter l'organisation jusqu'à ce que tombe le gouvernement dont elle faisait partie était raisonnable.

[7]      Compte tenu des considérations qui précèdent, je suis convaincu que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. J'ai informé les avocats du résultat à la fin de l'audition. Ni l'un ni l'autre avocat n'a proposé de question à certifier. En conséquence, aucune question ne le sera.


                                 « Frederick E. Gibson »

                                         J.C.F.C.


Toronto (Ontario)

Le 15 août 2000






Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats inscrits au dossier


NO DU GREFFE :              IMM-3246-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION


demandeur

                     - et -

                     ABIDULLAH MOHSEN

défendeur

DATE DE L'AUDIENCE :          LE LUNDI 14 AOÛT 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE JUGEMENT EXPOSÉS PAR M. LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              MARDI 15 AOÛT 2000


ONT COMPARU :         

M. James Todd

                             Pour le demandeur

M. Harvey Savage

                             Pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              Pour le demandeur

Harvey Savage

Barrister & Solicitor

393, avenue University

pièce 2000

Toronto (Ontario)

M5G 1E6

                             Pour le défendeur

__________________

1 L.R.C. (1985), ch. I-2.

2 [1992] 2 C.F. 306 (C.A.).

3 [1994] A.C.F. no 1516 (Q.L.) (C.F. 1re inst.).

4 [2000] A.C.F. no 1133 (Q.L.) (C.F. 1re inst.).

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