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Date : 20000323


Dossier : T-1724-99


ENTRE :



ANGELO DEL ZOTTO

demandeur

- et -


LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et JOHN EDWARD THOMPSON

défendeurs


- et -



Dossier : T-1755-99


ENTRE :


HERBERT NOBLE

demandeur

- et -


LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

et JOHN EDWARD THOMPSON

défendeurs



MOTIFS DE L"ORDONNANCE

(Prononcés oralement à l"audience à Ottawa, le 22 mars 2000)



Le juge Hugessen

[1]      Il s"agit de deux requêtes présentées en vertu de la règle 3991 des Règles de la Cour fédérale (1998) en vue d"obtenir le réexamen d"un jugement statuant sur une demande de contrôle judiciaire entendue et tranchée le 3 décembre 1999 par un juge de la Section de première instance.

[2]      Les demandeurs sont respectivement l"objet et le témoin principal d"une enquête tenue en vertu de l"article 231.4 de la Loi de l"impôt sur le revenu. Cette enquête se déroule actuellement, bien qu"elle ait été retardée pendant plusieurs années, soit depuis 1993, par les demandeurs qui avaient introduit une instance à la Cour pour attaquer la constitutionnalité de l"enquête elle-même. Cette instance, et d"autres instances afférentes se sont retrouvées au moins deux fois devant la Cour d"appel fédérale et une fois devant la Cour suprême du Canada, et ont finalement été infructueuses. Dans toutes ou presque toutes ces instances, les demandeurs étaient représentés par le cabinet connu sous le nom de Osler"s, qui a cessé de les représenter en janvier 1999, et c"est alors que les avocats au présent dossier ont commencé à représenter les demandeurs.

[3]      Le juge qui a entendu et rejeté la demande de contrôle judiciaire, le 3 décembre 1999, soit le jugement que je dois réexaminer, avait été, avant d"être nommé juge à la Cour en janvier 1999, un associé du cabinet Osler"s. Il s"était aussi impliqué d"une façon très secondaire dans le dossier du demandeur lui-même en 1993, mais je ne pense pas que cela ait vraiment de l"importance pour statuer sur la présente affaire, bien que d"autres puissent être d"un autre avis.

[4]      Les demandeurs soutiennent dans la présente requête que l"implication antérieure du juge avec Osler"s et avec eux dans leur litige, et plus particulièrement dans leur attaque fondée sur la Constitution de l"enquête, n"a été portée à leur connaissance que peu de temps après le jugement du 3 décembre 1999, et ils soutiennent que ces faits ont soulevé chez eux une crainte raisonnable de partialité qui rend la décision qu"ils cherchent à faire réexaminer nulle.

[5]      Les deux demandeurs ont porté en appel le jugement du 3 décembre 1999, et ces appels sont pendants. Ils allèguent tous les deux, comme moyen d"appel dans leur avis d"appel, que les faits que je viens juste de résumer donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part du juge, et que par conséquent ils disposent d"un bon moyen d"appel.

[6]      J"ai conclu que je devrais rejeter ces requêtes, mais seulement pour des motifs procéduraux et je devrais, pour des raisons qui me paraissent évidentes, m"abstenir d"exprimer une opinion sur le bien-fondé de ces deux requêtes.

[7]      Ma décision se fonde sur l"arrêt Etienne2 de la Cour d"appel (suivi plus tard par le Juge en chef actuel de la Cour, qui était alors membre de la Section de première instance dans l"affaire Zeneca ). Dans cette affaire, la Cour d"appel a conclu que l"instance présentée en vertu de l"ancienne règle équivalant à la règle 399 ne devait pas aller de l"avant en même temps qu"un appel, car la Cour d"appel pouvait admettre en preuve les faits nouvellement découverts et aussi rendre jugement sur ces faits nouveaux en vertu de ses propres pouvoirs indépendants.

[8]      Il est donné à entendre qu"il y a deux raisons pour lesquelles l"affaire Etienne devrait faire l"objet de distinctions par rapport aux circonstances de l"espèce. La première est que dans l"affaire Etienne le juge à qui la demande de réexamen a été présentée était le même juge qui avait rendu le jugement pour lequel un nouvel examen avait été demandé3.

[9]      Deuxièmement, il est dit que dans les affaires Etienne et Zeneca il n"a pas été allégué qu"il existait une crainte raisonnable de partialité ou un autre motif de nullité du jugement pour lequel un nouvel examen était demandé, mais simplement qu"il y avait une nouvelle preuve qui aurait pu faire changer le résultat.

[10]      Bien que je sois d"accord pour dire que ces deux différences existent, je ne crois pas qu"elles soient pertinentes. À mon avis, le raisonnement dans l"affaire Etienne dit clairement qu"il n"est pas opportun que la même question, entre les mêmes parties et dans le même dossier, se retrouve simultanément devant deux sections de la Cour. Le fait de permettre que cela se produise ne ferait que créer de la confusion et serait susceptible de jeter le discrédit sur l"administration de la justice.

[11]      Si je puis me permettre, j"utiliserai un exemple hypothétique pour illustrer la présente affaire : si j"entendais la requête et que je rendais une décision au fond, que je l"accueille ou la rejette, le résultat ne pourrait que mettre la Cour d"appel dans l"embarras. Il a été demandé ou il sera demandé à la Cour d"appel d"exercer sa propre compétence pour admettre de nouveaux éléments de preuve. Que fera-t-elle du processus de recherche des faits que je pourrais avoir effectué en rapport avec la présente requête? Je présume qu"à l"égard d"un appel du jugement que je rendrai aujourd"hui, la Cour d"appel devra s"en remettre au processus de recherche des faits que j"aurai pu effectuer (et il est fort probable que je devrai effectuer un processus de recherche des faits dans le présent dossier). D"un autre côté, la Cour d"appel ne sera pas du tout contrainte pour ce qui est d"exercer sa propre compétence pour admettre une nouvelle preuve et pour décider si cela aura un effet sur le résultat de l"appel. Quelle règle suivront-ils si je rends une décision au fond sur la présente requête?

[12]      De plus, si j"accueillais la requête, il y aurait évidemment un autre problème quant à l"instance devant la Cour d"appel car, selon moi, la question de savoir quel jugement est porté en appel ne serait pas claire. Qu"adviendrait-il des appels qui sont présentement pendants si j"annulais les jugements dont ils font l"objet? Continueraient-ils? Pourraient-ils continuer? Je ne prétends pas connaître la réponse. Il s"agit selon moi du raisonnement qui sous-tend la décision dans l"affaire Etienne . Cela n"a pas pour effet, tel que le laisse entendre l"avocat, de rendre la règle 399 et l"ancienne règle équivalente lettre morte. Cette règle est une règle d"exception. Les jugements ne sont pas réexaminés et annulés à la légère; cela ne se produira que dans les circonstances spéciales prévues à la règle 399. Normalement, cela se produira après l"expiration du délai d"appel et souvent lorsqu"il n"y aura pas eu d"appel. La façon adéquate de procéder quand des faits nouveaux sont découverts et qu"il y a un appel pendant est de présenter à la Cour d"appel une demande d"autorisation de présenter cette nouvelle preuve. Les critères sont presque les mêmes et de cette façon, la Cour d"appel dispose de tous les éléments et peut statuer sur la question.

[13]      Cela suffit pour statuer sur les présentes requêtes.

[14]      J"hésite à aller plus loin, mais par souci d"équité envers les parties, je me dois d"ajouter les commentaires qui suivent. Si je devais me prononcer sur le fond des requêtes, je devrais me pencher sur la preuve présentée quant à la question décisive de la connaissance par les parties de l"implication du juge dans leur dossier. Il apparaît clairement que l"affidavit devant moi ne traite que de la connaissance de l"avocat, et même s"il n"est évidemment pas possible de supposer que les demandeurs connaissaient nécessairement les conséquences de leur propre connaissance de ce fait, il me semble qu"un pré-requis essentiel pour l"application de la règle 399, fondé sur la découverte d"une nouvelle preuve, est que les demandeurs doivent démontrer qu"ils ont eux-mêmes satisfait à la condition, c"est-à-dire qu"ils ne savaient pas que le juge devant lequel ils comparaissaient avait été associé au cabinet d"avocats qui les avait représentés tous les deux, ou du moins qu"ils ne comprenaient pas l"importance de ce fait. Il se peut que les demandeurs, s"ils savaient tout cela, n"aient pas soulevé d"objection sur le fait que ce juge siège dans cette affaire et l"entende. Et il me semble que c"est le genre de chose dont je devrais être informé si j"entendais ces requêtes au fond. Je mentionne cela, comme je l"ai dit, avec retenue, mais simplement parce que je pense que cette question devra être réglée au moment opportun par la Cour d"appel et qu"il s"agit sûrement d"un aspect que les avocats devraient préalablement étudier.

[15]      Étant donné que les conclusions auxquelles j"arrive se fondent principalement sur des motifs procéduraux, je ne crois pas qu"il soit opportun d"adjuger des dépens.



" James K. Hugessen "

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 mars 2000


Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1724-99 / T-1755-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Angelo Del Zotto c. Le ministre du Revenu national et autre

                     Herbert Noble c. Le ministre du Revenu national et autre

LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          Le 22 mars 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :              23 mars 2000

ONT COMPARU :

William McDowell                      POUR LE DEMANDEUR (T-1724-99)

Christopher Wayland

Alan Gold                          POUR LE DEMANDEUR (T-1755-99)
Ivan Bloom                          POUR LES DÉFENDEURS

Steven Algin


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

McCarthy Tétrault                      POUR LE DEMANDEUR (T-1724-99)

Toronto (Ontario)

Gold & Fuerst                      POUR LE DEMANDEUR (T-1755-99)

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1 Rule 399 (2)

399. (2) On motion, the Court may set aside or vary an order      (a) by reason of a matter that arose or was discovered subsequent to the making of the order; 399. (2) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier une ordonnance dans l"un ou l"autre des cas suivants:      a) des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l"ordonnance a été rendue;

2      Etienne c. Canada (1993), 164 N.R. 318 (C.A.F.).

3      Cette requête a d"abord été présentée au Juge en chef adjoint, qui m"a déféré le cas.

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