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Date : 20050913

Dossier : IMM-10166-04

Référence : 2005 CF 1241

ENTRE :

BRINDER PIOUS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGHES

[1]                Le demandeur est citoyen de l'Inde et prétend être missionnaire chrétien. Il est arrivé au Canada en novembre 2001 et il a fait une demande d'asile, que la Section de la protection des réfugiés a rejetée le 16 mai 2003. Il a fait une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR), qui a été rejetée le 18 octobre 2004. Il demande le contrôle judiciaire du rejet de sa demande d'ERAR, que j'accorde parce que, en l'espèce, les circonstances sont très particulières.

[2]                Lorsque la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d'asile du demandeur, elle a dit ceci en ce qui concerne la possibilité de refuge intérieur (PRI), aux pages 3 et 4 de ses motifs :

Le tribunal prend note du fait que l'Inde est une république fédérale. Elle comprend 28 États autonomes qui ont leurs propres appareils législatif, exécutif et judiciaire. Je conclus qu'il existe une PRI viable pour le demandeur dans les États où l'on trouve d'importantes majorités chrétiennes, contrôlés par des partis qui ne sont pas affiliés au BJP. Le parti majoritaire au Meghalaya est le parti d'opposition, le Parti du Congrès, qui est un parti pluraliste appuyé par les minorités religieuses. Le BJP ne contrôle que trois des 60 sièges dans cet État. Le Front national Mizo dirige l'État du Mizoram. Le BJP y est pratiquement inexistant. Enfin, le Nagaland est fortement contrôlé par le Parti du Congrès, qui détient 53 des 63 sièges de l'assemblée dans cet État. Je prends note du fait que le demandeur parle le panjabi, l'hindi et l'anglais, et qu'il a une expérience de travail dans l'administration et dans le commerce. Je conclus qu'il peut se réinstaller dans n'importe lequel des États qui ont d'importantes majorités chrétiennes et qui sont contrôlés par des partis autres que le BJP.

Le demandeur a déclaré que les extrémistes hindous ont d'importants réseaux partout et qu'il ne connaît personne dans ces trois États. Mais je prends note du fait que dans l'importante documentation sur la situation au pays il n'est nulle part question d'attaques contre des chrétiens dans les États du Meghalaya, du Mizoram et du Nagaland. J'ai fait une comparaison avec les rapports très détaillés au sujet des incidents survenus dans d'autres États.

[3]                Comme l'on a attiré l'attention du demandeur sur trois États du Nord-Est, le Nagaland, le Mizoram et le Meghalaya, il a retenu les services d'un professeur de science politique spécialiste de l'Extrême-Orient aux fins du traitement de sa demande d'ERAR, qui a donné une opinion dans laquelle il a notamment déclaré :

[TRADUCTION] Je ne peux pas dire que le demandeur dispose d'une possibilité de refuge intérieur en Inde. Si le Nagaland, le Mizoram, et le Meghalaya ont des populations à majorité chrétienne, la religion n'est pas la caractéristique qui les définit. On compte 209 tribus reconnues ayant toutes leur propre dialecte, qui forment 88 p. 100 de la population du Nagaland, 95 p. 100 du Mizoram, et 86 p. 100 du Meghalaya.

[4]                  Par conséquent, lorsque l'agent d'ERAR a été appelé à se prononcer, le demandeur pouvait raisonnablement s'attendre, au moment de l'examen de la question de la PRI, à ce que ces trois États fassent l'objet des débats. Ce n'est pas ce qui s'est passé; on n'a pas donné de préavis au demandeur que d'autres États étaient sous étude et, dans ses motifs de rejet, l'agent d'ERAR a dit ce qui suit :

[TRADUCTION] L'avocat du demandeur d'asile a produit quelques preuves persuasives tendant à montrer que le Nagaland, le Mizoram ou le Meghalaya ne peuvent peut-être pas être considérés comme des PRI viables. Cependant, la preuve documentaire semble bien montrer que, depuis que la SPR a rendu sa décision, le niveau d'intolérance religieuse dans toute l'Inde a diminué et que les personnes impliquées dans des crimes à motivation religieuse doivent répondre de leurs actes. En outre, la preuve documentaire semble montrer que des PRI raisonnables existent dans d'autres États où il y a d'importantes populations chrétiennes, comme le Kerala et Goa, qui semblent aussi faire preuve d'une plus grande tolérance religieuse.

[5]                L'examen du dossier du tribunal ne révèle aucun motif justifiant de manière convaincante le fait que l'agent a soulevé des questions relatives à Kerala ou à Goa. Au mieux, on n'avait mentionné ces États que de manière très incidente.

[6]                La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie au motif qu'il y a eu atteinte aux principes de justice naturelle : le demandeur pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'agent d'ERAR appelé à se prononcer sur la PRI porte son attention sur les trois États mentionnés dans les motifs de la Section de la protection des réfugiés. Si l'agent étudiait la situation dans d'autres États de l'Inde, il aurait été raisonnable qu'il en donne préavis au demandeur.

[7]                Aucune question n'est certifiée; il ne sera pas adjugé de dépens.

« Roger T. Hughes »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 13 septembre 2005

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-10166-04

INTITULÉ :                                        BRINDER PIOUS

                                                            c.

                                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 12 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HUGHES

DATE DES MOTIFS :                       LE 13 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Chantal Desloges                                                           POUR LE DEMANDEUR

Ladan Shahrooz                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Green & Spiegel

Toronto (Ontario)                                                          POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                              POUR LE DÉFENDEUR


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