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     Date : 19990429

     Dossier : IMM-2606-98

Ottawa (Ontario), le 29 avril 1999

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre

     VENEGAS QUINTANA, LUZ OLIVIA

     et GALLEGUILLOS, PATRICIA

     demanderesses,

     - et -

     LE MINISTRE

     défendeur

     ORDONNANCE

     La Cour déboute les demanderesses, Mme Luz Olivia Venegas Quintana et sa fille mineure Patricia Galleguillos Venegas, de leur recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 15 avril 1998, par laquelle la section du statut, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu qu'elles n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention.

     _______________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19990429

     Dossier : IMM-2606-98

Entre

     VENEGAS QUINTANA, LUZ OLIVIA

     et GALLEGUILLOS, PATRICIA

     demanderesses,

     - et -

     LE MINISTRE

     défendeur

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge PINARD

[1]      Les demanderesses agissent en contrôle judiciaire contre la décision en date du 15 avril 1998 par laquelle la section du statut, Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), a conclu qu'elles n'étaient pas des réfugiées au sens de la Convention. La demanderesse principale, Mme Luz Olivia Venegas Quintana, et sa fille mineure revendiquaient le statut de réfugié pour cause de menaces de la part de l'ancien conjoint de la première.

[2]      La Commission a rejeté la revendication de la demanderesse principale parce qu'elle n'avait pu apporter la preuve concluante de l'incapacité de l'État chilien d'assurer sa protection :

         La demanderesse a témoigné avoir cherché à obtenir protection des autorités en faisant appel à la police lorsque son ex-conjoint venait proférer des menaces contre elle et sa fille à partir de la rue face à sa résidence. Elle a précisé qu'à chaque fois, son ex-conjoint avait le temps de déguerpir avant l'arrivée de policiers. Ceux-ci cependant prenaient la déposition de la demanderesse sans pour autant que des procédures aient jamais été intentées contre son ex-conjoint. Par ailleurs, la demanderesse ne s'est jamais informée ni n'a jamais su qu'une loi contre la violence conjugale, appelée "Loi sur la violence intrafamiliale", avait été adoptée au mois d'août 1994 et qu'il avait été établi des refuges pour les victimes de violence conjugale"         
         Nous concluons que la preuve documentaire au dossier démontre qu'il existe aujourd'hui au Chili un ensemble de structures gouvernementales en matière familiale qui, malgré les lacunes et faiblesses ci-dessus décrites, fonctionne adéquatement dans son ensemble, qui offrait, et offre encore, à la demanderesse des ressources qui auraient pu l'aider à résoudre la situation de violence familiale dans laquelle elle et sa fille se sont trouvées au Chili, mais dont elle ne s'est pas informée et dont elle ne s'est pas prévalue.         
     ["]         
         Cependant, en négligeant de s'adresser aux autorités de son pays et de recourir aux structures mises en place par son gouvernement en matière de violence familiale, la demanderesse n'a pas donné aux autorités chiliennes l'occasion de lui fournir les services et de prendre les mesures qui s'imposaient afin de lui proposer des solutions et d'assurer sa protection et celle de sa fille dans la situation qu'elles vivaient. Par conséquent, dans ces circonstances, elle n'a pas fait la preuve "claire et convaincante" de l'incapacité de l'État chilien d'assurer sa protection"         

[3]      Dans M.E.I. c. Villafranca (1992), 150 N.R. 232, en page 233, la Cour d'appel fédérale a fait l'observation suivante au sujet de la preuve de l'incapacité d'un État d'assurer la protection de ses citoyens :

         Il n'est pas facile de se décharger de l'obligation de prouver que l'on ne peut pas se réclamer de la protection de son propre pays. Le test applicable est objectif, le demandeur étant tenu de démontrer qu'il lui est physiquement impossible de rechercher l'aide de son gouvernement (ce n'est clairement pas le cas ici) ou que le gouvernement lui-même ne peut d'une façon quelconque la lui accorder.         
         Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation"         

                                                 [non souligné dans l'original]

[4]      Dans Kadenko et al. c. Canada (Solliciteur général) (1996), 206 N.R. 272, le juge Décary de la Cour d'appel fédérale s'est prononcé dans le même sens à la page 274 :

         Lorsque l'État en cause est un État démocratique comme en l'espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l'État en cause : plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui"         

[5]      Appliquant ces principes aux faits tels qu'ils sont établis par les preuves et témoignages en l'espèce, je juge que les demanderesses n'ont pu faire la preuve, qui leur incombe, que la section du statut, qui est un tribunal spécialisé, n'aurait pu raisonnablement tirer les conclusions qu'elle a tirées. Il ressort des preuves prises dans leur ensemble, y compris la transcription de l'audience du tribunal administratif, que celui-ci fondait sa décision sur une quantité appréciable de preuves figurant dans le dossier et que, de ce fait, il pouvait raisonnablement conclure comme il l'a fait. Par exemple, les preuves documentaires font état d'un réseau d'aides gouvernementales au bénéfice des victimes de violence conjugale au Chili :

     -      La violence conjugale est combattue par une loi adoptée en 1994, qui prévoit la procédure à suivre pour dénoncer les actes de cette nature, désigne la juridiction compétente en la matière et définit ses pouvoirs.         
     -      Un réseau d'aide aux victimes de violence conjugale a été mis en place par les pouvoirs publics et le SERNAM (le service national pour les femmes).         
     -      Tous les postes de police ont l'obligation et les moyens d'intervenir dans les cas de violence conjugale. En particulier, le commissariat de police de Santiago, où vivait la demanderesse, a une responsabilité spéciale en la matière.         

[6]      Dans ces conditions, je ne peux conclure qu'il était déraisonnable de la part de la Commission de prendre acte de ce que, malgré certaines faiblesses dans le système, celui-ci fonctionne et que le gouvernement chilien est déterminé à résoudre le problème de la violence conjugale. À mon avis, elle pouvait raisonnablement présumer qu'au Chili, l'État était capable de protéger ses citoyens en l'absence d'une désintégration totale de l'appareil gouvernemental, selon le principe établi par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 723.

[7]      Par ces motifs, le recours en contrôle judiciaire est rejeté.

     Signé : Yvon Pinard

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 29 avril 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-2606-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Venegas Quintana, Luz Olivia

                     Galleguillos, Patricia

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          24 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE PINARD

LE :                      29 avril 1999

ONT COMPARU :

Mme Mabel E. Fraser                  pour la demanderesse

Mme Thi My Dung Tran              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Mabel E. Fraser                  pour la demanderesse

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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