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Date : 19981130


Dossier : T-866-98

ENTRE :


AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29,


ET un appel formé contre la décision

d'un juge de la citoyenneté


ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


appelant,


- et -


KA YING BENNETT WONG,


intimé.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON


[1]      La seule question soulevée dans le présent appel formé par le ministre porte sur la résidence au sens de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Il s'agit d'une affaire concernant un étudiant, M. Wong, qui a été absent 945 jours durant la période pertinente. L'appelant soutient que le départ était volontaire et non nécessaire. La famille de l'intimé était au Canada. Il a présenté des déclarations de revenus au Canada et avait un compte de banque au Canada. Cependant, l'appelant allègue que ces éléments ne suffisent pas pour qu'une personne acquière la citoyenneté. Il ajoute que l'intimé n'avait pas poursuivi activement son intégration à la société canadienne durant ses visites au Canada en provenance des États-Unis.


[2]      L'intimé a étudié à l'University of Wisconsin et s'est ensuite inscrit à la faculté de droit du Western New England College. Il avait effectivement un numéro d'assurance sociale du Canada et a obtenu des permis de retour pour résident permanent. L'intimé a indiqué qu'il revient au Canada régulièrement, car sa mère et son père s'y trouvent et qu'il est fils unique. Il a étudié au Wisconsin pendant une année avant de s'établir au Canada. Il est resté un mois et a quitté le pays pour retourner aux études. Il a une famille nombreuse ici et n'est jamais retourmé à Hong Kong. Il a décidé d'étudier le droit aux États-Unis parce qu'il estimait avoir de meilleures chances de pratiquer le droit international des affaires ou le droit commercial international et d'obtenir ainsi un meilleur poste au Canada.


[3]      L'appelant soutient que l'intimé n'a jamais établi un mode de résidence au Canada avant son départ. Il était déjà étudiant et n'avait pas l'intention à cette époque de s'établir au Canada. Il n'y avait aucune ambiguïté puisqu'il n'a pris aucune mesure pour revenir au Canada sur une base plus permanente. En ce sens, il est allégué qu'il a choisi volontairement de poursuivre ce programme et de ne pas revenir au Canada ou dans une école canadienne. Ses absences sont longues et volontaires. Il est déclaré qu'il n'avait pas besoin de fréquenter une faculté de droit américaine après avoir étudié au Wisconsin. Selon le ministre, l'intimé a plus d'attachement envers sa famille qu'envers le Canada lui-même. Il est déclaré également que, durant les 150 jours où l'intimé a été au Canada, il n'a pas poursuivi son intégration à la société canadienne. Il était ici uniquement en vacances, et la qualité de son attachement était minimale. À cet égard, il est allégué que sa demande de citoyenneté est prématurée.


[4]      L'intimé avance que, compte tenu des motifs exposés dans Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, (1992), 19 Imm. L.R. (2d) 1, 59 F.T.R 27 (1re inst.) [Re Koo], le point (1) n'est pas pertinent; quant au point (2), toute sa famille est ici; quant au point (3), il ne revenait pas chez lui uniquement pour visiter le Canada; quant au point (4), même s'il s'agissait de longues absences, il est étudiant et il était à l'extérieur seulement sur une base temporaire; et quant au point (6), il n'a pas d'attaches avec d'autre pays.


[5]      Les demandes de citoyenneté présentées par des étudiants qui ont étudié ou étudient à l'extérieur du Canada posent certaines difficultés selon le moment où ils déposent leur demande de citoyenneté. Dans Re Koo, précité, le juge Reed a fait remarquer que le droit devrait s'appliquer à tous de façon égale et que les qualités de la personne en tant que citoyen éventuel ne devraient pas influer sur l'interprétation de la loi. Le critère est alors de savoir si le Canada est le pays dans lequel la personne a centralisé son mode d'existence ou dans lequel elle vit normalement. Dans Re Koo, précité, à la page 293, le juge Reed a énuméré six questions qui peuvent être posées pour aider à rendre de telles décisions :

     1)      la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s"absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?
     2)      où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?
     3)      la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu"elle n"est qu"en visite?
     4)      quelle est l"étendue des absences physiques (lorsqu"il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?
     5)      l"absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l"étranger)?
     6)      quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

[6]      La présence physique est un facteur clé dont la Cour doit tenir compte pour décider si un demandeur satisfait aux exigences que la Loi impose relativement à la résidence. L'absence physique joue effectivement contre l'octroi de la citoyenneté. Pour que les absences soient considérées comme étant temporaires et donc incluses, il doit y avoir d'autres preuves de résidence, et c'est le but premier des questions posées dans Re Koo, précité, par le juge Reed.

[7]      À mon avis, lorsque la présence physique est minimale, la considération la plus importante est la qualité de l'attachement du demandeur envers le Canada. Des éléments de preuve doivent venir montrer l'existence d'un attachement authentique envers le Canada. Cet attachement doit aller au-delà du fait d'avoir seulement des attaches avec la famille se trouvant au Canada, d'être titulaire d'un permis de conduire canadien ou d'un numéro d'assurance sociale.

[8]      Il y a un certain nombre de considérations qui peuvent servir à mettre cet attachement en évidence. L'intimé a-t-il fait des efforts importants pour revenir au Canada durant les vacances? Sinon, pourquoi? Par exemple, est-il revenu au Canada durant les vacances d'été pour obtenir un emploi d'été ou faire du travail communautaire au Canada? Au cours de ces visites, s'est-il adonné à des activités qui auraient approfondi son intégration à la société canadienne? Par exemple, s'est-il joint à un club social, à un club sportif, à un groupe religieux ou s'est-il inscrit à un cours ou à un programme? A-t-il fait un effort raisonnable pour déterminer s'il existait au Canada d'autres programmes qui pouvaient l'aider à atteindre ses buts sur le plan de l'éducation et pour s'inscrire à ces programmes?

[9]      Bref, l'intimé doit établir sa résidence au Canada en pensée et en fait. Il doit avoir centralisé son mode de vie au Canada.

[10]      Je conclus que l'intimé a fourni peu d'éléments de preuve de son intégration à la société canadienne durant ses visites au Canada. Bien qu'il ait visité sa famille régulièrement, ses visites étaient généralement de courte durée. Bien qu'il soit clair qu'il a l'intention de retourner en Colombie-Britannique pour y résider, il a fait peu ou pas d'efforts pour poursuivre ses études, notamment ses études de droit, au Canada. Je n'admets pas que le fait d'obtenir un diplôme de droit américain améliorerait nécessairement ses chances de poursuivre une carrière en droit commercial internationnel ou en droit international des affaires. En tout cas, je ne suis pas convaincu que, bien qu'étudiant, M. Wong ait établi ou centralisé son mode de vie au Canada. À mon avis, la demande est prématurée. Manifestement, M. Wong sera un excellent citoyen, mais il


doit auparavant satisfaire aux exigences de la Loi. L'appel doit être accueilli.

                 " Howard I.Wetston "
                             Juge

Toronto (Ontario)

30 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

No DU GREFFE :              T-866-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29
                         ET un appel formé contre la décision d'un juge de la citoyenneté
                         ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'MMIGRATION
                         - et -
                         KA YING BENNETT WONG

    

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 4 NOVEMBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      LE JUGE WETSTON
DATE DE L'ORDONNANCE :      LE VENDREDI 30 NOVEMBRE 1998
ONT COMPARU :              Larissa Easson
                             Pour l'appelant
                         A. Wlodyka
                             Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS

AU DOSSIER :              Morris Rosenberg
                         Sous-procureur général
                         du Canada
                             Pour l'appelant
                         Lawrence Wong et Associés
                         Avocats
                         Suite 600
                         2695, rue Granville
                         Vancouver (C.-B.)
                         V6H 3H4
                             Pour l'intimé

                     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19981130

                         Dossier : T-866-98

                    

                     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ, L.R.C. (1985), ch. C-29
                     ET un appel formé contre la décision d'un juge de la citoyenneté
                     ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                     ET DE L'IMMIGRATION

                     - et -

                     KA YING BENNETT WONG

                    
                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                    
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