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Date : 20040528

Dossier : IMM-5451-03

Référence : 2004 CF 779

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX                                    

ENTRE :

                                                         AYAN MOHAMED NUR

                                                                                                                                  demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Ayan Mohamed Nur (la demanderesse) est une Somalienne âgée de 24 ans. Elle demande l'annulation de la décision en date du 30 juin 2003 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugiée.

[2]                Le récit de la demanderesse est simple, et il a pour toile de fond la guerre civile en Somalie.

[3]                La demanderesse allègue appartenir à la tribu Reer Hamar. Il s'agit d'une tribu minoritaire en Somalie, qui a traditionnellement vécu dans la région de Mogadiscio, et plus précisément dans le quartier de Hamer Weyne. Dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'elle a soumis au tribunal, la demanderesse a écrit que son père était un professeur d'université et que sa famille possédait des terres agricoles.

[4]                En 1992, alors qu'elle était âgée de 12 ans, la famille de la demanderesse a déménagé dans le quartier de Bakaraha, situé dans la région de la capitale, à cause de la guerre civile et pour échapper au clan Habir Gedir, qui s'en était pris à eux. Les membres de ce clan ont continué à harceler la famille de la demanderesse en lui extorquant de l'argent et des denrées après le déménagement.

[5]                Elle a écrit que sa famille vivait dans la crainte et s'aventurait rarement à l'extérieur de la maison, et que c'étaient les Bantu qui leur amenaient des provisions du marché.

[6]                L'événement qui a déclenché sa fuite s'est produit le 13 avril 2003, lorsqu'une milice appartenant au clan Habir Gedir a attaqué la famille de la demanderesse dans sa maison pendant qu'elle se préparait au mariage de la demanderesse. La milice voulait des objets de valeur. Ses membres s'en sont pris à la demanderesse et ont essayé de la violer. Les parents de la demanderesse ont voulu la protéger. Son père a reçu un coup de feu à la jambe. Son fiancé, qui était présent, a été tué, et son grand-père est mort après qu'un deuxième groupe de pillards appartenant au même clan s'est introduit dans la maison et a commencé à se battre avec les autres membres du clan. La demanderesse a profité de la situation pour s'enfuir.

[7]                Elle s'est réfugiée dans la maison des amis de sa mère située dans le quartier de Medina de Mogadiscio. Le lendemain, les amis de sa mère ont fui la capitale et l'ont amenée avec eux. Dix jours plus tard, ils sont arrivés au Kenya.

[8]                La demanderesse est demeurée au Kenya, principalement à Nairobi, jusqu'à sa venue au Canada en janvier 2001. La veille de son départ, sa mère et ses frères et soeurs, qui avaient réussi à fuir Mogadiscio, sont venus la rejoindre. Son père, qui était blessé, n'a pas pu faire le voyage. Il était resté en cachette en Somalie. La mère de la demanderesse lui a dit que le clan Habir Gedir avait confisqué la ferme familiale.


LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[9]                Le tribunal n'a pas ajouté foi au récit de la demanderesse. Il a conclu que son témoignage n'était pas crédible pour plusieurs raisons.

[10]            Premièrement, le tribunal n'a pas ajouté foi à l'affirmation de la demanderesse selon laquelle elle appartenait à la tribu Reer Hamar parce qu'elle n'avait pas répondu spontanément aux questions concernant ses origines tribales et parce que les réponses qu'elles avait données étaient incomplètes.

[11]            Deuxièmement, le tribunal n'a pas cru l'affirmation de la demanderesse selon laquelle elle était une ressortissante somalienne parce qu'il avait des doutes quant à l'authenticité du certificat de naissance de 1989 qu'elle avait présenté pour prouver sa nationalité. Le tribunal n'a pas cru le témoignage de la demanderesse quant à la date d'obtention du certificat en question et quant aux raisons pour lesquelles elle l'aurait obtenu en 1989. De plus, il n'a pas ajouté foi au témoignage de la demanderesse concernant la façon dont le certificat de naissance était entré en sa possession et dont elle s'y était prise pour l'amener au Canada.

[12]            La demanderesse a dit qu'elle avait obtenu le certificat de naissance en 1989 parce qu'elle en avait besoin pour son école. Le tribunal a écrit ce qui suit (dossier de la demanderesse, page 12) :

[traduction] Lorsque je lui ai demandé pourquoi elle avait eu besoin d'un certificat de naissance pour chanter dans une chorale lors des célébrations d'octobre, la demandeure m'a dit que les enfants étaient jeunes et qu'ils avaient dû aller dans une autre région pour chanter. Ils avaient donc besoin de certificats de naissance pour s'identifier. Je trouve que cette réponse n'est pas crédible du tout. Qui s'en préoccuperait? Qui exigerait d'un enfant qu'il fournisse un certificat de naissance pour pouvoir chanter dans une chorale dans une collectivitéadjacente ou un quartier adjacent? La réponse de la demandeure n'est pas croyable. [Non souligné dans l'original.]

[13]            Le tribunal n'a pas ajouté foi au témoignage de la demanderesse concernant la façon dont elle était entrée en possession du certificat de naissance. La demanderesse a témoigné que sa mère a amené le certificat de la Somalie au Kenya. Le tribunal a dit ce qui suit à cet égard (dossier de la demanderesse, page 13) :

[traduction] [...] je ne crois pas le témoignage de la demandeure concernant le fait qu'elle aurait apportéle document de la Somalie. Ma première préoccupation ici était que la demandeure elle-même n'aurait pu apporter le document avec elle parce que, comme je l'ai déjà indiqué quand j'ai cité son exposé circonstancié, la situation était si grave, si mauvaise, qu'elle n'aurait pas pensé à apporter un certificat de naissance. Elle s'est enfuie au milieu de la confusion, pendant les tueries. Quand je l'ai questionnée à ce sujet, elle a dit que sa mère avait apportéle document avec elle de la Somalie au Kenya, cependant, le même raisonnement s'applique à sa mère. Il n'est pas plausible que sa mère, au milieu d'une telle confusion et dans des circonstances aussi horribles, ait penséah oui, je dois apporter le certificat de naissance de ma fille.

Ce que nous entendons habituellement dans une situation de ce genre, c'est que le demandeur ntait pas muni de documents parce qu'il avait dû s'enfuir et que ctait la dernière chose à laquelle il aurait pensé. Vous courez pour sauver votre peau. Vous ne pensez pas que vous devriez apporter votre permis de conduire ou votre tessera ou votre certificat de naissance. C'est là une explication raisonnable concernant l'absence de document. Cela a du sens. Ce que la demandeure m'a dit n'a pas de sens. Compte tenu de tout ce qui arrivait, il n'est pas plausible que sa mère ait eu la présence d'esprit d'apporter le certificat de naissance de la demandeure. [Non souligné dans l'original.]


[14]            Le tribunal n'a pas cru l'explication de la demanderesse concernant la façon dont elle avait amené son certificat de naissance au Canada. Dans son témoignage, la demanderesse a dit l'avoir apporté avec elle. Elle a également témoigné qu'elle est arrivée au Canada avec un passeur, munie de faux documents, et que les faux documents en question étaient des documents canadiens.

[15]            Le tribunal a mentionné que lorsque l'avocat de la demanderesse lui a demandé si le passeur lui avait dit de ne rien apporter avec elle qui entrerait en contradiction avec les faux documents, la demanderesse a répondu qu'il l'avait fait et qu'il lui avait dit de n'apporter aucun document portant sa photo. On trouve le passage suivant des motifs du tribunal à la page 12 du dossier de la demanderesse :

[traduction] Quand j'ai souligné à son attention le problème que cela présentait, à savoir le fait qu'elle avait utilisé pour voyager un ensemble de documents indiquant qu'elle est telle personne tout en ayant en sa possession un autre ensemble de documents indiquant qu'elle est telle autre personne, elle a répondu : [traduction] « Ah! Je comprends maintenant que ctait dangereux » .

[...]

Le témoignage de la demandeure n'est pas crédible. Il serait insensé pour un passeur de ne pas prendre de précautions pour protéger ses affaires et, dans le cas présent, sa cliente en lui disant s'il vous plaît, quoi que vous fassiez, n'apportez avec vous rien qui puisse contredire ce que mes faux documents indiquent concernant votre identité, parce que si jamais vous subissez une fouille, nous aurons tous les deux des problèmes.

[16]            Troisièmement, le tribunal n'a pas ajouté foi à l'affirmation selon laquelle la demanderesse avait vécu dans le quartier de Bakaraha de Mogadiscio, et il a conclu que (dossier de la demanderesse, page 14) :

[traduction] [...] même en tenant compte de son âge, comme le conseil m'a demandé de le faire - j'ai trouvé que pour une jeune personne qui allait et venait entre la maison et lcole, ses réponses concernant la topographie ou la géographie de sa ville ntaient pas très bonnes. [...] je qualifierais ses réponses de confuses, vagues et hésitantes, et qu'elles ne correspondaient pas au témoignage crédible qui serait venu d'une personne qui aurait réellement vécu là où elle prétend avoir vécu, au moment où elle prétend y avoir vécu.

[17]            Le tribunal a ajouté (dossier de la demanderesse, page 15) :

[traduction] Je lui ai dit ne jamais avoir entendu parler de Bakarah [sic] comme d'un quartier de Mogadiscio [...]. Elle a alors dit que Bakarah [sic] était un marché [...]. Nous avons finalement établi que le marché Bakarah [sic] se trouve dans le quartier de Hodan. Mais pourquoi quelqu'un indiquerait-il dans son exposé circonstancié que Bakarah [sic] est un quartier s'il ne l'est pas, si c'est un marché? Pourquoi ne dirait-il pas qu'il se trouve dans le quartier de Hodan?

[18]            Ceci a amené le tribunal à conclure (dossier de la demanderesse, page 15) que la demanderesse était [traduction] _ quelqu'un qui [a] étudié la géographie et la topographie de Mogadiscio, [...] quelqu'un qui [a] une certaine connaissance théorique de la question, [...] quelqu'un qui [a] lu un livre _.

[19]            Un autre exemple mentionné par le tribunal a trait aux réponses données par la demanderesse concernant l'endroit où était situé l'aéroport. L'extrait suivant des motifs du tribunal est reproduit à la page 14 du dossier de la demanderesse :

[traduction] Il y a eu un long moment de silence, après quoi elle a finalement dit qu'il se trouvait après l'hôpital Benadeer. Une fois encore, je trouve que cette réponse est étrange. Et pour cette raison, nous l'avons interrogée de nouveau sur ce point, et finalement, après un certain nombre de questions, elle a donné la bonne réponse au sujet du secteur général où se trouve l'aéroport. Mais une fois encore, il a fallu poser un certain nombre de questions et une fois encore, le cheminement pour arriver à la bonne réponse a été tortueux et indirect. Ce qui n'a pas de quoi me rassurer au moment de déterminer si la demandeure s'est réellement trouvée à Mogadiscio.

[20]            Un autre exemple a trait au témoignage de la demanderesse concernant le lieu de travail de son père. La demanderesse a dit que son père travaillait à l'Université Gehayr. Le tribunal a écrit ce qui suit (dossier de la demanderesse, page 15) :


[traduction] Une fois encore, nous avons eu des problèmes à déterminer le nom de l'université. Premièrement elle a parlé de la faculté d'agriculture. Quand elle a indiqué que Gehayer était le nom de l'université, je lui ai souligné que je pensais, pour avoir déjà entendu ce nom auparavant, qu'il s'agissait d'une école secondaire. Elle a dit que non, que ce n'était pas le cas. C'était une université. Je lui ai demandé où elle se trouvait. Elle a répondu qu'elle se trouvait quelque part entre Afgoye et Mogadiscio. Je lui ai dit que cela ne me semblait pas plausible parce que les universités ne sont habituellement pas situées au milieu de nulle part, et elle a répondu que c'est ce dont elle se rappelait. Une fois encore, cela est caractéristique du genre de témoignage que cette demandeure a fourni concernant les lieux d'intérêts, les choses à voir, les institutions et les quartiers de Mogadiscio et des alentours. [Non souligné dans l'original.]

ANALYSE

a)         La norme de contrôle applicable

[21]            La décision rendue par le tribunal dans la présente affaire repose sur la question de la crédibilité, qui est une conclusion de fait. Ainsi, l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales s'applique. En vertu de cet alinéa, la Cour peut annuler une conclusion tirée par un tribunal si le tribunal en question _ a rendu une décision [...] fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose _.


[22]            Dans Association canadienne des fabricants de pâtes alimentaires c. Aurora Importing and Distributing Ltd. (1997), 208 N.R. 329, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'il n'y avait aucune différence pratique entre la norme de contrôle prévue à l'alinéa 18.1(4)d) et la norme de la décision manifestement déraisonnable. De plus, la même cour a établi une analogie entre la norme de contrôle visée à l'alinéa 18.1(4)d) et le critère de _ l'erreur manifeste et dominante _ ou de l'inférence _ manifestement erronée _ énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33.

[23]            Il convient de citer ici les commentaires de la juge L'Heureux-Dubé sur la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait tirées par un tribunal administratif qu'on trouve au paragraphe 85 de l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793 :                                                                                                                               

85       Nous devons nous souvenir que la norme quant à la révision des conclusions de fait d'un tribunal administratif exige une extrême retenue : Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, le juge La Forest aux pp. 849 et 852. Les cours de justice ne doivent pas revoir les faits ou apprécier la preuve. Ce n'est que lorsque la preuve, examinée raisonnablement, ne peut servir de fondement aux conclusions du tribunal qu'une conclusion de fait sera manifestement déraisonnable, par exemple, en l'espèce, l'allégation suivant laquelle un élément important de la décision du tribunal ne se fondait sur aucune preuve; voir également : Conseil de l'éducation de Toronto, précité, au par. 48, le juge Cory; Lester, précité, le juge McLachlin à la p. 669. La décision peut très bien être rendue sans examen approfondi du dossier : National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations),[1990] 2 R.C.S. 1324, le juge Gonthier à la p. 1370.

(b)       Application en l'espèce

[24]            Pour appuyer sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a produit deux affidavits souscrits par Mohamed Delmar Abdurahman, un citoyen canadien né en Somalie, qui a fui ce pays en 1991 et qui a obtenu le statut de réfugié ici.


[25]            Dans le premier affidavit déposé à l'appui de la demande d'autorisation de la demanderesse, daté du 28 juillet 2003, M. Abdurahman a affirmé avoir vécu à Mogadiscio à partir de 1959 jusqu'à son départ de la Somalie en 1991. Il a écrit ce qui suit (dossier de la demanderesse, page 33) :

[traduction]

4.             Je connais le marché de Bakaraha, qui est situé à l'Ouest de Mogadiscio. Je suis également au courant du fait qu'on appelle communément Bakaraha le quartier qui entoure le marché.

5.             Je connais l'Université Gehayr, où j'ai donné des cours d'économie. Il s'agit d'une université bien connue, et elle est située en banlieue de Mogadiscio. [Non souligné dans l'original.]

[26]            M. Abdurahman a déposé un second affidavit à l'audition de la présente demande. Cet affidavit est daté du 25 février 2004. Il y a donné des renseignements supplémentaires au sujet de l'Université Gehayr :

[traduction]

4.              L'Université nationale de la Somalie existe depuis un certain temps. Ses deux principales facultés sont la faculté de droit et la faculté d'économie.

5.             En 1969, un gouvernement socialiste révolutionnaire a pris le pouvoir en Somalie. Au début des années 70, d'importantes sommes d'argent ont été consacrées à l'éducation ainsi qu'aux projets d'infrastructure.

6.             Un nouveau campus de l'Université nationale de la Somalie a été bâti tout près de Mogadiscio. Le campus destiné à la facuté d'agriculture a été bâti un peu plus loin, à proximité des champs près d'Afgoye.

7.             Lorsque le ministre de l'Éducation, M. Gehayr est mort, on a donné son nom à l'Université. [Non souligné dans l'original.]


[27]            Après avoir examiné la décision du tribunal et la transcription, je suis parvenu à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire devait être accueillie. Les conclusions du tribunal relatives à la crédibilité ont été tirées sans tenir compte de la preuve ou en interprétant de façon erronée cette dernière. Les conclusions de fait sur lesquelles reposent les conclusions relatives à la crédibilité sont arbitraires et entachées d'erreurs manifestes et dominantes. Je mentionnerai les exemples suivants.

[28]            Premièrement, le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a écarté le témoignage de la demanderesse voulant qu'elle ait amené son certificat de naissance avec elle lorsqu'elle est venue au Canada. Le tribunal a oublié qu'aucune photo ne figurait sur le certificat de naissance, et que la demanderesse avait caché le document sur elle.

[29]            Deuxièmement, rien ne justifiait que le tribunal doutât de la véracité du témoignage de la demanderesse selon lequel sa mère lui avait amené le certificat au Kenya. Le tribunal a également oublié que la demanderesse a témoigné (dossier du tribunal, page 55) que sa mère n'avait pas quitté la maison familiale tout de suite après l'attaque.


[30]            Troisièmement, la conclusion du tribunal selon laquelle il n'était pas nécessaire que la demanderesse obtienne un certificat de naissance afin qu'il lui serve de pièce d'identité lors des sorties d'école en 1989 n'était fondée sur aucun élément de preuve. Elle allait plutôt à l'encontre du témoignage de la demanderesse (transcription, page 43) selon lequel les enfants étaient jeunes et devaient quitter un quartier qu'ils connaissaient bien pour se rendre dans un quartier inconnu sans leur parents. La conclusion quant à l'invraisemblance a été tirée de façon déraisonnable et équivalait à adopter ce qu'on pourrait qualifier d'habitudes occidentales stéréotypées - une démarche à proscrire.

[31]            Quatrièmement, le tribunal n'avait aucune raison de mettre en doute le témoignage de la demanderesse concernant sa connaissance de la région de Mogadiscio. Il était déraisonnable de la part du tribunal de douter de la véracité du témoignage de la demanderesse (transcription, page 30) lorsqu'elle a dit que l'Université Gehayr était située quelque part entre Afgoye et Mogadiscio. Le tribunal a eu tort de généraliser lorsqu'il a affirmé que les universités n'étaient habituellement pas situées loin des agglomérations. Le tribunal a oublié que le père de la demanderesse enseignait à la faculté d'agriculture. M. Abdurahman a confirmé que la faculté d'agriculture était située dans une région agricole. Le tribunal s'est également trompé lorsqu'il a dit que Gehayr était une école secondaire et non pas une université. Il suffit de se rappeler l'endroit où était situé le Collège Macdonald avant que l'Ouest-de-l'Île n'ait pris son essor.


[32]            Cinquièmement, le tribunal a eu tort de mettre en doute la crédibilité de la demanderesse en qualifiant ses réponses concernant l'endroit où elle habitait de confuses. Son témoignage (transcription, page 77) démontre qu'elle savait que Bakaraha était un marché et que Hodan correspondait à la [traduction] _ grande région _. Il était tout à fait compréhensible qu'elle mentionnât dans son FRP qu'elle vivait à Bakaraha, étant donné qu'il s'agissait là d'un lieu bien connu. M. Abdurahman a confirmé que le marché Bakaraha était situé à l'Ouest de Mogadiscio et que les personnes qui y vivaient appelaient communément le quartier avoisinant Bakaraha.

[33]            À mon avis, ces erreurs manifestes sont au coeur des conclusions tirées par le tribunal quant à la crédibilité.

                                        ORDONNANCE

Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la conclusion du tribunal est annulée, et la demande de statut de réfugié de la demanderesse est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvel examen. Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification.

_ François Lemieux _

                                                                                                                                                                       

                                                                                                     Juge                   

Ottawa (Ontario)

Le 28 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5451-03

INTITULÉ :                                                    AYAN MOHAMED NUR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 14 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                   LE 28 MAI 2004         

COMPARUTIONS:

Silvia Maciunas                                      POUR LA DEMANDERESSE

Elizabeth Kikuchi                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Silvia Maciunas                                      POUR LA DEMANDERESSE

Avocate

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada       

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