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     Date : 19980213

     Dossier : IMM-3581-97

Ottawa (Ontario), le 13 février 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

Entre :

     MINA FAYAZ ESFAHANI,

     requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     SUR PRÉSENTATION d'une requête par la requérante en vue d'obtenir l'autorisation d'introduire une procédure de contrôle judiciaire concernant la décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention rendue le 29 juillet 1997, mais portant la date du 30 juillet 1997, dans le dossier T96-04070, à Toronto, et après en avoir pris connaissance,

LA COUR ORDONNE que l'autorisation soit refusée.

                                 F.C. Muldoon

                         Juge

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL. L.

     Date : 19980213

     Dossier : IMM-3581-97

Entre :

     MINA FAYAZ ESFAHANI,

     requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      La requérante demande à la Cour l'autorisation d'introduire une procédure de contrôle judiciaire ayant pour objet de faire annuler la décision de la section du statut de réfugié au sens de la Convention (ci-après SSRC) dans le dossier T-96-04070, rendue le 29 juillet, mais portant la date du 30 juillet 1997, dans laquelle la SSRC a statué que la requérante n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle est la veuve d'un général qui faisait partie de l'armée du Shah et qui a été tué au cours de la révolution de 1979.

[2]      La SSRC a fondé sa décision négative sur la crédibilité de la requérante, c'est-à-dire sur son manque de crédibilité sur plusieurs points. La SSRC a simplement comparé les affirmations écrites contenues dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) soumis par la requérante avec les réponses et affirmations données au cours de son témoignage.

[3]      La SSRC a conclu que la requérante n'était un réfugié au sens de la Convention en raison des facteurs suivants :

         [TRADUCTION]                 
         a)      Il y a une incompatibilité entre les renseignements contenus dans le FRP de la requérante et son témoignage. Dans le FRP, elle déclare qu'elle n'était pas au courant de l'existence de l'arme qui a été enregistrée au nom de son défunt mari, alors que dans son témoignage elle a indiqué qu'elle connaissait l'existence de cette arme et elle a donné des détails sur la façon dont son mari entreposait l'arme à la garnison où elle est demeurée jusqu'après sa mort, etc.                 
         b)      Il y a une incohérence interne dans le témoignage que la requérante a donné concernant les conditions de sa libération en décembre 1995. Dans son FRP, elle déclare qu'elle devait se présenter rigoureusement toutes les semaines, alors que dans son témoignage elle a déclaré qu'elle devait simplement fournir des renseignements concernant les armes et signaler tout changement d'adresse. Quand on lui a signalé cette incompatibilité, la requérante s'est troublée et a déclaré qu'elle devait rester en contact avec les autorités et les informer de ses allées et venues. La SSRC a conclu que ce renseignement différait grandement de ce qui était indiqué dans le FRP concernant l'obligation de se présenter toutes les semaines et a donc jugé cette partie de la preuve non crédible.                 
         c)      La requérante a donné un témoignage contradictoire en ce sens que dans son FRP elle n'a pas mentionné qu'elle s'est cachée un mois après son arrestation, alors qu'à l'audience elle a déclaré qu'elle s'était cachée un mois après avoir été libérée. Quand on lui a signalé cette incohérence, la requérante s'est de nouveau troublée et n'a fourni aucune explication, sauf pour dire qu'elle ne s'était pas présentée aux autorités avant de quitter l'Iran. La SSRC a déclaré que le fait de ne pas se présenter aux autorités était tout à fait différent du fait de se cacher.                 
         d)      En outre, la SSRC a conclu que le témoignage de la requérante concernant le fait qu'elle s'était cachée un mois après avoir été libérée de prison était incompatible avec la preuve indiquant que les autorités lui ont donné deux semaines pour leur fournir des renseignements concernant les armes, à défaut de quoi elle serait emprisonnée. Cette affirmation n'est pas crédible parce que le fait de demeurer chez elle après le délai de deux semaines aurait été très risqué puisque les autorités auraient pu l'arrêter à n'importe quel moment par la suite. Par conséquent, la SSRC a jugé que la requérante ne s'est jamais cachée en Iran et que son témoignage à cet égard n'était pas digne de foi.                 

[4]      La requérante prétend que la SSRC l'a trompée en lui laissant croire qu'elle avait pris un " engagement ", et en fait au paragraphe 5 du mémoire de la requérante cet " engagement " est mentionné, sans autre détail. La SSRC a conclu qu'en général le témoignage de la requérante n'était pas fiable, mais elle a accepté, notamment, l'identification qu'elle a faite de son défunt mari. En agissant ainsi, la SSRC ne peut être réputée s'être engagée à accepter la totalité du témoignage. En fait, dans ses motifs la SSRC mentionne comment, quand la requérante a été confrontée aux incohérences notées dans son témoignage, elle s'est " troublée ".

[5]      Il n'y a rien d'exceptionnel et aucune erreur susceptible de contrôle dans le fait, pour la SSRC, d'accepter une partie du récit de la requérante tout en en rejetant une autre, pour manque de plausibilité.

     Alizadel c. M.E.I., A-26-90, 11 janvier 1993 (C.A.F.)

[6]      En l'espèce, la SSRC a jugé que la requérante manquait de crédibilité et elle a souligné les occasions où cela s'est produit et la Cour n'interviendra pas dans cette décision.

[7]      À certains égards, il est tout simplement impossible de croire ce que dit le mémoire de l'avocat de la requérante, qui conteste cette conclusion :

         [TRADUCTION]                 
             Finalement, la requérante a donné un témoignage contradictoire sur la question de savoir si elle s'était cachée en raison de sa détention alléguée. Elle est demeurée en Iran environ quatre mois après son arrestation alléguée et il n'est fait mention nulle part dans son FRP du temps qu'elle aurait vécu ainsi cachée. Toutefois, à l'audience, elle a déclaré qu'elle était partie se cacher un mois après avoir été libérée. Quand on lui a signalé cette incohérence, elle a de nouveau semblé se troubler et n'a fourni aucune explication. Elle a répondu brièvement qu'elle ne s'était pas présentée aux autorités avant de quitter l'Iran, ce qui est loin d'être la même chose que de vivre cachée.                 
             De plus, l'affirmation selon laquelle elle est partie se cacher un mois après avoir été libérée n'est pas compatible avec son affirmation selon laquelle les autorités lui ont donné deux semaines pour leur fournir des informations sur les armes, à défaut de quoi elle serait emprisonnée. Il aurait été très dangereux de demeurer chez elle après l'expiration du délai de deux semaines étant donné que les autorités savaient où elle vivait et auraient pu venir l'arrêter à n'importe quel moment. D'après la prépondérance des probabilités, la formation conclut que la requérante ne s'est jamais cachée en Iran et que son témoignage sur ce point n'est pas digne de foi.                 

     (Décision de la SSRC, dossier de la demande, onglet 3, p. 008)

Il est vrai que le FRP ne mentionne pas qu'elle est partie se cacher. Mais le 20 septembre 1977, la requérante a donné l'explication ci-dessous pour justifier le fait qu'elle n'avait pas mentionné qu'elle était partie se cacher dans son FRP, contrairement à ce qu'elle avait indiqué dans son témoignage verbal, et la raison pour laquelle cette affirmation avait été omise :

         [TRADUCTION]                 
         3. * * * J'ai dit que c'était une décision très difficile à prendre. Mon mari avait [sic : était] un général dans le gouvernement du Shah. Il est mort pendant la Révolution et en fait c'est l'une des premières personnes qui a été tuée par les révolutionnaires. Il a été attaqué en se rendant travailler. Il a été brûlé par un cocktail molotov et est décédé des suites de ses brûlures à l'hôpital. Il est mort la veille du jour où les révolutionnaires ont annoncé leur victoire. J'ai été harcelée depuis le décès de mon mari. Je devais décider s'il me fallait abandonner l'Iran après toutes ces années. C'était une décision très difficile qui allait changer complètement ma vie. C'est ce que j'ai dit à l'audience.                 

     (dossier de la demande, onglet 4, p. 010)

Voilà toute une explication de la raison pour laquelle elle a indiqué verbalement qu'elle était partie se cacher, alors qu'elle n'avait pas mentionné ce fait dans son FRP! Elle semble être demeuré " troublée " après avoir consulté son nouvel avocat et ce, même jusqu'au 20 septembre 1977. Au paragraphe 11 du mémoire de la requérante déposé en réplique, il y a une observation qui se rapporte à cette incohérence et à ce manque de plausibilité, mais l'explication est si éloignée du point discuté qu'elle ne mérite pas d'être répétée ici.

[8]      La requérante critique la SSRC pour ne pas avoir accepté en preuve deux photos du Shah en compagnie de ses officiers. Son avocat devant la SSRC l'a informée que ces photos étaient inutiles, parce que la SSRC avait accepté la partie de son témoignage où elle a identifié son défunt mari. Il est tout à fait futile, alors, de critiquer la SSRC parce que celle-ci a accepté passivement ce qui était au bout du compte la propre décision de la requérante! Après tout, le fardeau lui incombe. (Entre parenthèses, peut-être que l'avocat de la requérante, comme le juge soussigné, aurait été bien en peine de déclarer que le même officier était désigné (au moyen d'une flèche) dans les deux photos.)

[9]      La requérante n'a pas persuadé la Cour de la nécessité de lui accorder l'autorisation demandée. Compte tenu des conclusions très convaincantes auxquelles en est arrivée la SSRC concernant le manque de crédibilité de la requérante, sa décision indiquant qu'elle n'est pas un réfugié au sens de la Convention ne sera pas modifiée. La requérante peut peut-être présenter une demande de réexamen pour des raisons humanitaires.

                                 F.C. Muldoon

                         Juge

Ottawa (Ontario)

le 13 février 1998

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DE DOSSIER :                  IMM-3581-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Mina Fayaz Esfahani c. M.C.I.

REQUÊTE EXAMINÉE PAR ÉCRIT SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      le juge Muldoon

DATE :                      le 13 février 1998

OBSERVATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR :

Micheal Crane                      pour la requérante

Susan Nucci                          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Toronto (Ontario)                      pour la requérante

George Thomson

Sous-procureur général du Canada              pour l'intimé

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