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Date : 19990909


Dossier : T-2098-98



ENTRE :

     EUROFASE INC.,


demanderesse,


     - et -

     INDUSTRIAS FASE, S.A.,

défenderesse.



     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE TEITELBAUM :


INTRODUCTION

[1]      La présente demande, produite le 13 novembre 1998 conformément aux articles 17, 18 et 57 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, vise à faire radier l"enregistrement no TMA 488,771 daté du 30 janvier 1998 de la marque de commerce " Eurofase ". La demanderesse prétend que la défenderesse n"était pas la personne ayant droit d"obtenir l"enregistrement et que la marque de commerce n"était pas enregistrable à la date de l"enregistrement. La défenderesse n"a produit aucun document contestant la présente demande et elle n"a pas comparu à la présente audition.

[2]      La demande mentionnée précédemment a été signifiée à la défenderesse vers le 17 novembre 1998. Dans l"affidavit de signification souscrit le 23 novembre 1998, l"avocat de la demanderesse déclare :

     [TRADUCTION] 1.      Le 17 novembre 1998, j"ai envoyé, par courrier régulier, une copie de l"avis de demande ainsi que l"affidavit de Joseph Bitton à la défenderesse Industrias Fase, S.A., aux soins de MacRae & Co., Agents des marques de commerce, à l"attention de M. Davidson.
     2.      Le 23 novembre 1998, j"ai reçu l"accusé de réception ci-joint portant une signature censée être celle de A.I.S. Davidson pour MacRae & Co., Agents des marques de commerce de la défenderesse Industrias Fase, S.A.
     3.      J"ai signifié à la défenderesse Industrias Fase, S.A. l"avis de demande et l"affidavit de Joseph Bitton, en lui en envoyant une copie par Atripco Delivery Service, un service de messagerie, à MacRae & Co., Agents des marques de commerce pour la défenderesse Industrias Fase, S.A., à l"attention de M. Davidson, 85, rue Victoria, Hull (Québec) J8X 2A3.
     4.      La copie a été remise au service de messagerie le 17 novembre 1998.

[3]      MacRae & Co., Agents des marques de commerce de la défenderesse, ont accusé réception des documents le 18 novembre 1998.

[4]      La défenderesse a négligé de produire un avis de comparution.

[5]      Comme je l"ai mentionné précédemment, la défenderesse n"a pas comparu à l"audition de la présente demande le 9 septembre 1999.

FAITS

[6]      La demanderesse Eurofase Inc. est une personne morale dûment constituée dans la province de l"Ontario le 5 décembre 1989. Son objet est la fabrication, la vente et la distribution de produits d"éclairage au Canada et elle a un établissement commercial à Toronto, en Ontario.

[7]      Depuis le 21 novembre 1989, la demanderesse emploie le nom " Eurofase " sur ses factures, son matériel d"expédition et d"emballage ainsi que sur les fiches d"emballage qu"elle envoie à ses détaillants canadiens.

[8]      La défenderesse Industrias Fase, S.A. est un fabricant espagnol de produits d"éclairage dont l"établissement se trouve à Madrid, en Espagne.

[9]      La demanderesse et la défenderesse entretiennent des relations d"affaires de longue date, remontant à décembre 1989; durant cette période, la défenderesse a fourni à la demanderesse des produits fabriqués en Espagne.

[10]      Les produits que la demanderesse a achetés à la défenderesse ont constamment été étiquetés sous le nom " FASE ". Dans le cours normal des activités, ils ont été emballés et expédiés dans des boîtes portant ce nom bien en vue.

[11]      Vers le 7 février 1997, la défenderesse a demandé l"enregistrement de la marque de commerce " Eurofase " devant être employée au Canada dans la distribution des produits suivants : lampadaires, lampes de table, appliques, lampes de bureau, lampes de plafond, lampes fluorescentes, lampes incandescentes, lampadaires halogènes, appliques halogènes, projecteurs halogènes de bas voltage et projecteurs incandescents.

[12]      Dans sa demande d"enregistrement, la défenderesse a indiqué qu"elle employait cette marque de commerce depuis janvier 1990. La demande a été accueillie et la marque de commerce a été enregistrée le 30 janvier 1998 sous le numéro TMA 488,771.

[13]      La demanderesse prétend qu"en aucun temps la défenderesse n'a employé le nom " Eurofase " au Canada en liaison avec ces produits.

[14]      La demanderesse invoque les motifs suivants au soutien de sa demande :

         (1) la marque de commerce n"était pas enregistrable à la date de son enregistrement;
         (2) la défenderesse n"était pas la personne ayant droit d"obtenir l"enregistrement;

         (3) les articles 17, 18 et 57 de la Loi sur les marques de commerce.

LA LOI APPLICABLE

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 :


Effect of registration in relation to previous use, etc.

17. (1) No application for registration of a trade-mark that has been advertised in accordance with section 37 shall be refused and no registration of a trade-mark shall be expunged or amended or held invalid on the ground of any previous use or making known of a confusing trade-mark or trade-name by a person other than the applicant for that registration or his predecessor in title, except at the instance of that other person or his successor in title, and the burden lies on that other person or his successor to establish that he had not abandoned the confusing trade-mark or trade-name at the date of advertisement of the applicant's application.

When registration invalid

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

(a) the trade-mark was not registrable at the date of registration,

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or

(c) the trade-mark has been abandoned,

and subject to section 17, it is invalid if the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

Exclusive jurisdiction of Federal Court

57. (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

17. (1) Aucune demande d'enregistrement d'une marque de commerce qui a été annoncée selon l'article 37 ne peut être refusée, et aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut être radié, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu'une personne autre que l'auteur de la demande d'enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d'établir qu'il n'avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l'annonce de la demande du requérant.

Quand l'enregistrement est invalide

18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est invalide dans les cas suivants_:

a) la marque de commerce n'était pas enregistrable à la date de l'enregistrement;

b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l'enregistrement;

c) la marque de commerce a été abandonnée.

Sous réserve de l'article 17, l'enregistrement est invalide si l'auteur de la demande n'était pas la personne ayant droit de l'obtenir.

Juridiction exclusive de la Cour fédérale

57. (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu'une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l'inscription figurant au registre n'exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]      La présente demande soulève les deux questions suivantes :

     (1) La défenderesse avait-elle le droit d"obtenir l"enregistrement de la marque de commerce dont le numéro est TMA 488,771?
     (2) La marque de commerce était-elle enregistrable à la date de l"enregistrement?

ANALYSE

Droit d"obtenir l"enregistrement

[16]      À titre préliminaire, mentionnons qu"il est clair que la demanderesse a, dans la présente affaire, un intérêt suffisant pour présenter la demande prévue à l"article 57 de la Loi : elle a un nom commercial identique à celui enregistré par la défenderesse. Ses droits existants dans l"emploi de ce nom sont donc directement touchés.

[17]      La demanderesse prétend qu"étant donné qu"elle a employé le nom " Eurofase " constamment dans le cours de ses activités depuis novembre 1989 et qu"elle a été la première à employer ce nom, elle a acquis le droit d"obtenir l"enregistrement de la marque de commerce.

[18]      Le paragraphe 18(1) cité ci-dessus prévoit que l"auteur de la demande doit avoir le droit d"obtenir l"enregistrement de la marque de commerce et il renvoie au paragraphe 17(1) de la Loi qui définit les conditions requises pour obtenir la radiation d"un enregistrement lorsque ce n"est pas le cas. Essentiellement, il faut alors établir que, à la date de l"annonce de la demande d"enregistrement, l"emploi de ce nom commercial n"avait pas été abandonné. Ensuite, on renvoie au paragraphe 16(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit :


Registration of marks used or made known in Canada

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with


(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l"enregistrement d"une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l"article 38, d"en obtenir l"enregistrement à l"égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l"a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n"ait créé de la confusion_:

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l"égard de laquelle une demande d"enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

[19]      La demanderesse doit établir que la défenderesse n"a pas respecté cet article en demandant l"enregistrement de la marque de commerce en question.

[20]      En l"espèce, la demanderesse soutient qu"elle employait le nom commercial " Eurofase " au Canada à l"époque où la défenderesse a présenté sa demande au registraire des marques de commerce. Toutefois, elle admet qu"elle n"a jamais enregistré ce nom à titre de marque de commerce déposée.

[21]      La demanderesse invoque la décision prononcée par cette Cour dans l"affaire Kabushiki Kaisha Edwin c. SDB Design Group (1986), 9 CPR (3d) 465 (C.F. 1re inst.), à la page 58, dans laquelle ma collègue, madame le juge Reed, déclare :

     Selon une règle de droit souvent répétée, les droits conférés par la Loi sur les marques de commerce relativement à une marque découlent de leur utilisation et non pas de l"enregistrement de la marque.

[22]      La preuve révèle que, depuis novembre 1989, la marque de commerce en question a constamment été employée au Canada par la demanderesse, en liaison avec ses produits, dans le cours normal de ses activités. Je conviens avec la demanderesse que l"emploi de ce nom par la demanderesse et par la défenderesse au Canada créerait de la confusion.

[23]      La demanderesse invoque l"arrêt Manhattan Industries Inc. c. Princeton Mfg. Ltd . , (1971) 4 C.P.R._(2d)_6 pour étayer son argument selon lequel sa marque de commerce a été employée au Canada en liaison avec ses marchandises. À la page 16 de cet arrêt, le juge précise [TRADUCTION] " ce qui constitue des marchandises " :

     Je pense que ces mots doivent nécessairement signifier que l"article 4 envisage la pratique normale du commerce comme commençant avec le fabricant, se terminant avec le consommateur, en ayant comme intermédiaire un grossiste et (ou) un détaillant. Lorsque la requérante a vendu au détaillant et que le détaillant a vendu au public, le public en est venu à associer la marque de la requérante avec la ceinture " HARNESS_HOUSE "; l"article 4 considère que l"emploi entre le détaillant et le public bénéficie au fabricant et constitue un emploi au Canada. En d"autres mots -- si une partie quelconque de la chaîne se trouve au Canada, cela constitue un " usage " ou un " emploi " au Canada au sens de l"article 4. Si cette interprétation est exacte, la vente par les détaillants à Toronto et Montréal au public de marchandises " HARNESS_HOUSE " portant la marque de commerce de la requérante constitue alors un " usage " ou un " emploi " au Canada, peu importe que la propriété ou la possession en soit passées au détaillant aux États-Unis ou non.

[24]      Je suis convaincu que les marchandises de la demanderesse portaient le nom commercial " Eurofase " au Canada avant que la défenderesse n"enregistre ce nom comme étant sa marque de commerce. La preuve est suffisante pour démontrer que ce nom était employé constamment par la demanderesse et associé aux marchandises de celle-ci.

[25]      La demanderesse allègue, dans le paragraphe 16 de son mémoire, que l"emploi par la défenderesse de la marque de commerce " Eurofase " crée de la confusion avec l"emploi de ce nom par la demanderesse. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit :


When mark or name confusing

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

6(2) Idem

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

6(2) Idem

(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[26]      La preuve produite par la demanderesse établit suffisamment que l"emploi des deux marques de commerce au Canada est susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques sont fabriqués par la même personne. Bien que la défenderesse n"aie pas répliqué à la preuve produite, je suis convaincu que la confusion serait inévitable dans le présent cas étant donné que les noms commerciaux ne sont pas simplement similaires, mais identiques, et qu"ils portent sur le même genre de marchandises, des produits d"éclairage.

[27]      J"accepte l"argument selon lequel l"emploi continu de ces noms risque fortement d"amener le public à tirer de fausses conclusions quant à leur association. En outre, je ne saurais négliger le fait qu"aucune preuve ne m"a été présentée pour m"indiquer un emploi du nom ou de la marque Eurofase par la défenderesse au Canada. La simple affirmation de l"emploi de la marque n"est pas une preuve suffisante de cet emploi.

[28]      Pour ces motifs, la Cour prononce l"ordonnance sollicitée par la demanderesse et la marque de commerce " Eurofase ", numéro d"enregistrement TMA 488,771 daté du 30 janvier 1998, est radiée du registre des marques de commerce.

[29]      Les dépens sont adjugés à la demanderesse.

                                 " Max M. Teitelbaum "

     JUGE

TORONTO (ONTARIO)

Le 9 septembre 1999

Traduction certifiée conforme


Richard Jacques, LL. L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    

     Avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :              T-2098-98
INTITULÉ DE LA CAUSE:          EUROFASE INC.

    

                         - et -
                         INDUSTRIAS FASE, S.A.

                            

DATE DE L"AUDIENCE :              LE JEUDI 9 SEPTEMBRE 1999
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM, le jeudi 9 septembre 1999



ONT COMPARU :                  Samy Ouanounou

                                 pour la demanderesse

                         Personne

                                 pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Samy Ouanounou

                         Avocat

                         6400, rue Yonge, Pièce 200

                         Toronto (Ontario)

                         M2M 3X4

                                 pour la demanderesse

                          Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                                 pour la défenderesse

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 19990909

                        

         Dossier : T-2098-98


                             Entre :

                             EUROFASE INC.

     Demanderesse

                             - et -


                             INDUSTRIAS FASE, S.A.

    

     Défenderesse




                    

                            

        

                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            

                            

    



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