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Date : 19991026

Dossier : IMM-228-99

OTTAWA (Ontario), le 26 octobre 1999.

EN PRÉSENCE de monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

GIL MENDOZA

demandeur

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« P. ROULEAU »      

_______________________

JUGE                

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla


Date : 19991026

Dossier : IMM-228-99

ENTRE :

GIL MENDOZA

demandeur

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU :

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent d'immigration qui a rejeté la demande de visa d'immigrant du demandeur pour le motif que son fils n'était pas admissible au Canada parce qu'il entrait dans la catégorie des personnes décrites au sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration.


[2]         Le demandeur, Gil Mendoza, et sa famille sont des citoyens des Philippines. La demande de visa a été présenté en son nom, celui de son épouse et de ses deux enfants, Anna et Miguel. Ce dernier, qui est actuellement âgé de neuf ans et demi a été diagnostisqué comme étant atteint de microcéphalie et de retard de développement généralisé (c.-à-d. « retard mental grave » ).

[3]         En novembre 1991, le demandeur et sa famille ont déménagé à Hong Kong du fait de son poste au sein de la Hong Kong Bank. Plus tard, un poste lui a été offert avec la Hong Kong Bank of Canada à Vancouver. En mars 1996, lui et sa famille sont arrivés, munis d'une autorisation d'emploi accordée au demandeur. Compte tenu de ses antécédents d'emploi au Canada, un permis ministériel d'entrée au Canada a été accordé à Miguel pour des motifs d'ordre humanitaire.

[4]         Plus tard, le demandeur et sa famille ont décidé qu'ils aimeraient rester au Canada. Le 17 septembre 1997, le demandeur et son épouse ont rempli une demande de résidence permanente. Leur deux enfants étaient compris dans la demande à titre de personnes à charge.

[5]         À la demande du Centre régional du programme d'immigration, Miguel a subi plusieurs examens et évaluations médicaux. Dans une lettre datée du 31 août 1998, le demandeur a reçu un avis concernant l'évaluation médicale du dossier de Miguel. La lettre donnait un résumé de son état pathologique et concluait : [TRADUCTION] « Les présents renseignements me poussent à conclure que votre personne à charge pourrait entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé au Canada. Pour ces motifs, votre demande pourrait être rejetée. »


[6]         Dans une lettre datée du 14 septembre 1998, le demandeur a répondu à cette déclaration médicale. Le demandeur a allégué que [TRADUCTION] « Miguel ne nécessite pas plus d'aide à la maison quand il y reste avec mon épouse. [...] Nous avons demandé à ce que Miguel vienne au Canada avec nous comme personne à charge. Nous ne nous attendons pas à ce qu'il devienne autonome, mais nous serions en mesure de prendre soin de lui de manière continue » . Le demandeur a précisé que depuis son arrivée au Canada, Miguel n'a jamais eu d'état pathologique grave nécessitant des traitements médicaux intensifs.

[7]         Dans une lettre datée du 10 décembre 1998, un agent d'immigration a avisé le demandeur que sa demande de résidence permanente avait été rejetée. La demande était rejetée à cause de l'état pathologique dont souffrait Miguel et qui le rendait inadmissible en vertu du sous-aliéna 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration. La lettre reprenait le texte contenu dans la déclaration médicale datée du 31 août 1998 et se terminait en indiquant que l'agent d'immigration avait « dûment pris en compte » la réponse du demandeur.

[8]         Suivant différentes évaluations médicales du dossier, Miguel a un âge mental équivalent à 2,6 ans. À cause de son manque de communication orale, de son agitation et de son inattention, il est impossible de déterminer un Q.I. Selon l'évaluation faite par le Dr Chan, Miguel [TRADUCTION] « ne répond généralement pas au stimulus » . L'assistance, l'aide et la surveillance devront vraisemblablement rester prépondérantes.

[9]         Le demandeur prétend que l'avis médical n'est pas légalement valide parce qu'il a été fait sans l'appui de preuves, il n'a pas été basé sur un examen de toute la preuve et a donc été préparé d'une manière contraire aux principes de justice naturelle.


[10]       Il met l'accent sur le fait que Miguel a besoin de consultations médicales identiques à celles d'un enfant normal et que les attaques de Miguel sont très bien contrôlées avec la dose de médicament actuelle. Il prétend également qu'il a démontré que lui et son épouse sont physiquement et financièrement en mesure de subvenir aux besoins de Miguel et de prendre soin de lui. Il souligne que le médecin agréé, le Dr Giovinazzo n'a pas pris en compte la « preuve forte » que constitue le soutien que la famille de Miguel lui apporterait.

[11]       Le demandeur prétend que le médecin renvoie à un rapport du ministère ontarien de l'Éducation et de la Formation qui fournit des estimations concernant l'enfance en difficulté. Se fondant sur cette source, il note que les soins que nécessite Miguel coûteraient plus de 4 000 $ par an. Le demandeur allègue qu'aucune mention relative à l'enseignement général ou à l'enseignement à l'enfance en difficulté à Vancouver (C.-B.) n'a été faite. En conséquence, le demandeur fait valoir que l'avis médical n'est pas valable car le médecin agréé n'a pas cherché ni obtenu les renseignements nécessaires à une juste évaluation et n'a pas examiné ou commenté la disponibilité d'une structure de soutien provenant des services sociaux en Colombie-Britannique.

[12]       Le demandeur fait valoir que le médecin agréé a considéré à tort l'éducation spécialisée fournie aux enfants souffrant de déficience mentale au sein du système d'écoles publiques en tant que service social au sens du sous-alinéa 19(1)a)(ii) de la Loi sur l'immigration et a omis de tenir compte de toute la preuve relative à la situation personnelle du demandeur et de sa famille.


[13]       En conclusion, le demandeur prétend que l'agent d'immigration a omis de préciser ce qu'était le critère du fardeau excessif. Il soutient que la possibilité de détromper les médecins agréés de leur opinion lui a été refusé puisque le critère sur lequel le médecin agréé s'est appuyé pour déterminer le fardeau excessif n'a pas été divulgué.

[14]       Les deux questions sont les suivantes :

1.          L'agent d'immigration a-t-il commis une erreur en appliquant un avis médical qui n'était pas fondé sur toute la preuve relative à la situation personnelle du demandeur et de sa famille ?

2.          L'agent d'immigration a-t-il commis une erreur en omettant de préciser le critère sur lequel l'évaluation du fardeau excessif était fondée ?

[15]       Les médecins agréés ont l'obligation d'évaluer la situation de chaque personne qui se présente devant eux et leur opinion doit être fondée sur cette situation personnelle; Poste c. Canada [1997] A.C.F. no 1805. C'est le médecin agréé qui doit être d'avis que l'admission de la personne entraîner ou risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.


[16]       L'évaluation des demandes probables doit [TRADUCTION] « comprendre une analyse en vue de savoir si, selon la prépondérance des probabilités compte tenu de toutes les circonstances, y compris mais sans y être limité, la gravité de l'état du demandeur, le degré et l'efficacité du soutien promis par la famille et la perspective d'autonomie économique et physique, le demandeur personne à charge serait soigné au domicile de sa famille dans le futur » .

[17]       L'un des arguments principaux du demandeur est que l'agent d'immigration n'a pas tenu compte de l'effet du soutien familial allégué dans sa lettre de réponse. Cependant, la décision de l'agent d'immigration indique : [TRADUCTION] « J'ai bien reçu votre réponse et l'ai dûment prise en considération » . Dans Lau c. Canada, [1998] A.C.F. no 485, le fait de n'avoir pas pris dûment en considération la question du « soutien familial » constitue une omission de prendre en compte l'ensemble des éléments de preuve relatifs aux circonstances personnelles exposées dans le dossier du demandeur.

[18]       La décision Sooknanan, (1998) 142 F.T.R. 155 (C.F. 1re inst.), est très semblable au cas en l'espèce. Dans les deux cas, les demandeurs qui souffrent d'une forme grave d'arriération mentale sont incapables d'atteindre une quelconque autonomie et ont besoin d'une surveillance constante. Dans les deux cas, les parents des demandeurs ont les moyens financiers pour subvenir aux besoins des demandeurs. Dans la décision précitée, la Cour a analysé l'effet du soutien familial et a dit :

Je constate cependant que ses [le père de la demanderesse] moyens financiers et sa capacité de recourir aux services privés de ce genre [une bonne d'enfants] ne présentent guère d'importance, puisque la demanderesse serait admissible aux services sociaux une fois qu'elle aurait acquis le droit d'établissement.

La Cour a dit plus loin :


Il ressort des preuves produites devant elle que les parents du requérant avaient assuré les soins multiples dont a besoin sa soeur. Il n'y a aucune preuve, et personne ne peut s'attendre à ce qu'il y en ait une, pour montrer qu'ils seraient capables de le faire indéfiniment[...]

[19]       Dans le cas en l'espèce, la preuve du Dr Chan dit :

[TRADUCTION]

À l'heure actuelle, ses parents sont physiquement en mesure de prendre soin de lui. Cependant, il devient plus grand et plus fort et il se peut que sa mère ne soit pas en mesure de s'occuper de lui quand il atteindra l'adolescence.

[20]       La décision Cabaldon (1998), 140 F.T.R. 296, dit qu'en tant que résident permanente, l'enfant aurait droit aux services sociaux dont il a besoin une fois qu'il aurait acquis le droit d'établissement. On ne saurait renoncer à ce droit du fait du soutien financier promis par des parents.

[21]       L'avis du médecin agréé relativement au fardeau excessif pour les services sociauxest raisonnable et est étayé par suffisamment de preuve. Comme il a déjà mentionné, lvaluation d'un demandeur doit aborder les aspects des circonstances personnelles ainsi que la nature et la disponibilité des services particuliers dont il est allégué que le demandeur a besoin. En fait, une évaluation nécessite un avis médical ou l'opinion d'un spécialiste quant au coût et à la disponibilité de services sociaux au Canada et à lventualité que le demandeur fasse usage de ces services; voir Bharata, [1998] I.A.D.D. no 1010, et Fong (1997), IMM-158-96 (C.F. 1re inst.).


[22]       Dans son affidavit, le Dr Giovinazzo donne, à l'appui de son avis médical, une évaluation personnalisée et détaillée des besoins de Miguel, indiquant que sa grave arriération mentale va probablement résulter en un fardeau excessif. Le Dr Giovinazzo a joint à son affidavit une copie du Rapport sur l'avancement de ltat pathologique préparé par le ministère la Citoyenneté et de l'Immigration. Ce rapport fournit des renseignements relatifs au système de soutien des services sociaux, dans un contexte canadien, que Miguel va probablement nécessiter. Le rapport comprend également une évaluation des coûts de gestion de l'arriération mentale au Canada.

[23]       Dans Wong c. Canada, [1998] A.C.F. no24, la Cour a conclu que les facteurs qui ont été considérés comme se rapportant à la prise de la décision doivent être révélés de manière à permettre au demandeur d'y répondre. En l'espèce, le fondement de la décision de ne pas admettre le demandeur et sa famille au Canada a founi plus de renseignements que nécessaire relativement au fondement de l'opinion.

[24]       Le fardeau de démontrer que l'avis médical n'est pas raisonnable et qu'il n'existe aucun lien entre ltat du fils du demandeur et la conclusion que, à cause de cet état, son admission résulterait en un fardeau excessif, pèse sur le demandeur. En l'espèce, la décision de l'agent d'immigration n'est pas déraisonnable.

[25]       Je compatis à la demande du demandeur mais, même s'il y a assez de ressources adéquates à l'heure actuelle dans un milieu familial pour prendre soin de Miguel, l'affidavit du Dr Giovinazzo, qui est détaillé et qui analyse plusieurs inquiétudes, confirme le besoin d'une aide continue comme allant presque de soi. Ltat est prépondérant.


[26]       À ce moment-ci, il paraît y avoir peu d'espoir pour le futur et, à la lumière des faits, je ne peut accueillir la réparation recherchée.

[27]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« P. ROULEAU »        

________________________

JUGE                

Ottawa (Ontario)

Le 26 octobre 1999.

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                             IMM-228-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                GIL MENDOZA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                               le 14 octobre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                                                 14 octobre 1999

ONT COMPARU :                                                      

M. Joshua B. Sohn                                            POUR LE DEMANDEUR

Mme Kim Shane                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          

M. Joshua B. Sohn                                            POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg               

Sous-procureur général du Canada                    POUR LE DÉFENDEUR

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