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Date : 19981126

Dossier : T-871-93

ENTRE :

        SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LIMITÉE,

                                                 demanderesse,

                            - et -

                     SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                 défenderesse.

                      MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE REED

1�    La Société des pneus Michelin demanderesse a payé en trop les taxes fédérales exigibles en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er juin 1983 au 30 juin 1987. Ces paiements en trop résultent des erreurs suivantes commises par Michelin : mauvais calculs des ventes taxables, erreurs d'arithmétique, surestimations de la valeur, sous-évaluations des déductions et mauvais calculs des crédits. Revenu Canada s'est aperçue de ces erreurs en menant une vérification de l'obligation fiscale de Michelin pour 1987-1988. La vérification a révélé que, dans certains cas, Michelin avait payé trop de taxes et, dans d'autres cas, qu'elle n'en avait pas assez payé; mais dans l'ensemble, il s'agissait d'un paiement en trop. La vérification a abouti à l'émission d'un avis de cotisation daté du 19 août 1988. L'avis informait Michelin qu'elle avait payé 322 284,09 $ en trop pour la période du 20 août 1984 au 30 juin 1987. Ce montant a été remboursé.

2�    Michelin s'est rendu compte que des erreurs semblables avaient été commises entre le 1er juin 1983 et le 20 août 1984; elle s'est aperçue qu'elle avait payé 63 324,00 $ en trop pendant cette période. Michelin a donc déposé un avis d'opposition le 16 novembre 1988 dans lequel elle affirmait que la cotisation du 20 août 1988 aurait dû inclure les paiements en trop de 1983/1984. Par voie d'avis de décision daté du 7 mars 1989, le ministre a rejeté l'opposition au motif que les paiements en trop effectués précédemment étaient non remboursables parce qu'ils n'avaient pas été faits dans les quatre ans précédant la date de la cotisation.

L'argument relatif à l'enrichissement sans cause

3�    La Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, article 68 modifié par L.R.C. (1985) (2e suppl.) ch. 7, prévoit que lorsqu'une personne a versé des sommes d'argent par erreur, celles-ci doivent être remboursées à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes. Les articles 81.1 et suivants traitent de l'établissement d'une cotisation à l'égard de l'obligation fiscale d'une personne. Une cotisation permet de déterminer si cette personne doit verser des sommes d'argent à Revenu Canada ou si ce ministère doit lui en rembourser. Nulle cotisation ne sera établie (sauf en cas de fraude) plus de quatre ans après que les taxes visées par la cotisation sont devenues exigibles en vertu de la Loi. (L'article 44 de la loi antérieure, S.R.C. 1970, ch. E-13, modifié par S.C. 1980-81, ch. 68, art. 45(1), qui était en vigueur lorsque les paiements en trop de 1983-1984 ont été effectués, est également pertinent et sera examiné subséquemment.) La question litigieuse consiste à déterminer si les dispositions susmentionnées constituent l'intégralité des dispositions pertinentes en ce qui concerne le remboursement des sommes payées par erreur ou s'il y a ouverture à une action en enrichissement sans cause en vue de recouvrer le paiement en trop.

4�    Les deux parties reconnaissent qu'en l'absence d'une disposition législative prévoyant expressément ou implicitement le contraire, un contribuable peut demander le remboursement de taxes payées par erreur; voir, par exemple, Air Canada v. British Columbia (1989), 59 D.L.R. (4th) 161 (C.S.C.), Canadian Pacific Airlines Ltd. v. British Columbia (1989), 59 D.L.R. (4th) 218 (C.S.C.), Air Canada v. Ontario (Liquor Control Board) (1997), 148 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.). Elles ont également admis que, lorsqu'un demandeur sollicite le recouvrement de sommes d'argent en invoquant l'enrichissement sans cause, il doit prouver : (1) l'enrichissement du défendeur; (2) l'appauvrissement du demandeur; (3) l'absence de motif juridique de l'enrichissement. Les arguments qui m'ont été soumis ont donc porté sur la question de savoir si les articles pertinents de la Loi sur la taxe d'accise limitaient implicitement ce droit et, dans l'affirmative, sur l'étendue de cette limite.

5�    Deux décisions considérées directement pertinentes ont été citées : Consumers Glass Ltd. v. Canada (1990), 107 N.R. 156 (C.A.F.) et Forest Oil Corp. c. Canada, [1997] 1 C.F. 624 (1re inst.). Dans la première affaire, la Cour d'appel fédérale a décidé que les droits de douane payés par erreur ne pouvaient pas être recouvrés parce que la nouvelle détermination de la classification tarifaire erronée des marchandises sur laquelle la demande de remboursement était fondée devait être faite dans le délai de deux ans prévu par la Loi sur les douanes (S.R.C. 1970, ch. C-40, art. 46) :

[...] L'article 46 prévoyait la procédure à suivre pour la nouvelle détermination ou estimation des marchandises qui avaient fait l'objet d'une classification ou estimation erronée au moment de leur déclaration en douane; il fixait également un délai dans lequel ces nouvelles déterminations pourraient être faites. Le paragraphe 46(1) énonçait clairement que la classification tarifaire et l'estimation faites au moment de la déclaration en douane étaient « définitives et péremptoires » si elles n'étaient pas modifiées conformément à ces règles. En conséquence, si, comme en l'espèce, la classification tarifaire faite au moment de la déclaration en douane des marchandises importées n'avait pas été modifiée dans le délai prescrit, cette classification, qu'elle fût fondée ou non, était devenue définitive et péremptoire. Les droits de douane étaient payables selon cette classification même si, comme en l'espèce, on savait qu'elle était erronée. Dans ces circonstances, il n'y a pas eu enrichissement sans cause parce que la loi prévoyait l'obligation de payer. [Page 158.]

6�    Dans Forest Oil, le juge Gibson s'est penché sur la question du remboursement de l'acompte provisionnel que la contribuable avait versé au titre de l'impôt sur les revenus pétroliers (IRP) payable pour l'année d'imposition 1983. En l'occurence, la contribuable n'avait aucun impôt à payer pour cette année, mais elle n'avait pas, dans le délai de quatre ans fixé par la loi pour l'établissement de la cotisation relative à son obligation fiscale, produit une déclaration dans laquelle elle sollicitait le remboursement des acomptes provisionnels versés. Le juge Gibson a statué que, malgré le fait que la Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers constituait l'intégralité des dispositions pertinentes en ce qui concernait le remboursement des sommes payées par erreur, il avait compétence en equity, compte tenu des circonstances de l'espèce, pour conclure que ces sommes étaient détenues en vertu d'une fiducie par interprétation. Il a décidé qu'il y avait eu enrichissement sans cause et a ordonné à la défenderesse de rembourser les sommes auxquelles elle n'avait pas droit.

7�    À mon avis, la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, modifiée, de même que la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, modifiée, dans la mesure où cette dernière est applicable, constituent dans les circonstances de l'espèce l'intégralité des dispositions pertinentes applicables au remboursement des sommes payées par erreur.

8�    Au moment de l'établissement de la cotisation, les articles 68, 71 et 81.1 et le paragraphe 81.11(2) de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, modifiée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, articles 26, 34 et 38, s'appliquaient au remboursement de sommes payées par erreur, à la suite d'une demande présentée par le contribuable ou d'une cotisation établie par le ministre. Pour avoir droit à un remboursement, le contribuable devait présenter sa demande dans les deux ans suivant le paiement en trop (article 68). Toutefois, si le paiement en trop avait été découvert à la suite d'une cotisation établie par le ministre, ce délai était de quatre ans (articles 81.1 et suivants) :


68. Where a person, otherwise than pursuant to an assessment, has paid any moneys in error, whether by reason of mistake of fact or law or otherwise, and the moneys have been taken into account as taxes, penalties, interest or other sums under this Act, an amount equal to the amount of those moneys shall, subject to this Part, be paid to that person if he applies therefor within two years after the payment of the moneys.


68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.


81.1 (1) The Minister may, in respect of any matter, assess a person for any tax, penalty, interest or other sum payable by that person under this Act and may, notwithstanding any previous assessment covering, in whole or in part, the same matter, make such additional assessments as the circumstances require.

             . . .


81.1 (1) Le ministre peut, à l'égard de toute matière, établir une cotisation pour une personne au titre de la taxe, de la pénalité, des intérêts ou d'une autre somme payable par cette personne sous le régime de la présente loi et peut, malgré toute cotisation antérieure portant, en totalité ou en partie, sur la même matière, établir des cotisations supplémentaires, selon les circonstances.

             . . .


(5) In making an assessment, the Minister may determine whether an amount is payable to the person being assessed pursuant to any of sections 68 to 68.29.


(5) En établissant une cotisation, le ministre peut déterminer si un montant est payable à la personne faisant l'objet de la cotisation conformément aux articles 68 à 68.29.



(6) For the purposes of determining, in making an assessment, whether an amount is payable to the person being assessed pursuant to any of sections 68 to 68.29, the person is deemed to have duly made an application under the section on the day on which the notice of assessment is sent to him.


(6) En vue de déterminer, lors de l'établissement d'une cotisation, si un montant est payable à la personne faisant l'objet de la cotisation conformément à l'un des articles 68 à 68.29, la personne est réputée avoir dûment fait une demande en vertu de l'article à la date d'envoi de l'avis de cotisation.

              


(7) In making an assessment, the Minister may determine whether a credit may be allowed to the person being assessed pursuant to subsections (8) to (10).

             . . .


(7) En établissant une cotisation, le ministre peut déterminer si un crédit peut être accordé à la personne faisant l'objet de la cotisation conformément aux paragraphes (8) à (10).

             . . .



81.11 (2) Subject to subsections (3) to (5), no assessment shall be made for any tax, penalty, interest or other sum more than four years after the tax, penalty, interest or sum became payable under this Act.


81.11 (2) Sous réserve des paragraphes (3) à (5), l'établissement des cotisations à l'égard d'une taxe, d'une pénalité, d'intérêts ou d'une autre somme se prescrit par quatre ans après que la taxe, la pénalité, les intérêts ou la somme sont devenus exigibles en application de la présente loi.


                               [Non souligné dans l'original.]

9�    En outre, l'article 71 prévoit :


71. Except as provided in this or any other Act of Parliament, no person has a right of action against Her Majesty for the recovery of any moneys paid to Her Majesty that are taken into account by Her Majesty as taxes, penalties, interest or other sums under this Act.


71. Sauf cas prévus à la présente loi ou dans toute autre loi fédérale, nul n'a le droit d'intenter une action contre Sa Majesté pour le recouvrement de sommes payées à Sa Majesté, dont elle a tenu compte à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi.


10� L'article 44 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, modifié, est rédigé en partie de la façon suivante :


(1) A deduction from, or refund of, any of the taxes imposed by this Act may be granted


(1) Il peut être accordé une déduction ou remise de toute taxe imposée par la présente loi dans l'un ou l'autre des cas suivants :


(a) where an overpayment has been made by the taxpayer;

             . . .

(c) where the tax was paid

a) le contribuable a effectué un paiement en trop;

             . . .

c) la taxe a été payée par in error;

             . . .


erreur;

             . . .


(7) No refund of or deduction from any of the taxes imposed by this Act shall be granted, and no payment of an amount equal to tax paid shall be made, under this section as a result of


(7) Nulle remise ou déduction des taxes imposées par la présente loi ne sera accordée, et nul paiement d'un montant égal à la taxe payée ne sera effectué en vertu du présent article par suite



(a) a declaration under section 59,


a) d'une déclaration visée à l'article 59,



(b) an order or judgment of the Federal Court or any other court of competent jurisdiction, or


b) d'une ordonnance ou d'un jugement de la Cour fédérale ou d'un autre tribunal compétent, ou



(c) a decision of the minister or other duly authorized officer respecting the interpretation or application of this Act,


c) d'une décision du Ministre ou d'un fonctionnaire dûment autorisé portant sur l'interprétation ou l'application de la présente loi,



in respect of taxes paid prior to such declaration, order, judgment or decision unless application in writing therefor is made to the Minister by the person entitled to the refund, deduction or amount within twelve months after the later of the time the taxes became payable or the time the refund, deduction or amount first became payable under this section or the regulations.


à l'égard des taxes payées antérieurement à la déclaration, au jugement, à l'ordonnance ou à la décision, à moins que la personne ayant droit à la remise, à la déduction ou au montant, n'en fasse la demande par écrit au Ministre dans les douze mois, soit de la date à laquelle les taxes sont devenues exigibles, soit de la date à laquelle la remise, la déduction ou le montant sont devenus exigibles en vertu du présent article ou des règlements, la date la plus récente étant à retenir.



(7.1) Subject to subsection (7), no refund of moneys paid or overpaid in error, whether by reason of mistake of fact or law or otherwise, and taken into account as taxes imposed by this Act shall be granted under this section unless application in writing therefor is made to the (7.1) Sous réserve du paragraphe (7), il ne peut être accordé en vertu du présent article aucune remise des deniers payés ou payés en trop par erreur, que ce soit en raison d'une erreur de fait ou de droit ou autrement, et dont il a été tenu compte à titre de taxes imposées par la Minister by the person entitled to the refund within four years after the time the moneys were paid or overpaid.


présente loi, à moins que la personne y ayant droit n'en fasse la demande par écrit au Ministre dans les quatre ans qui suivent la date à laquelle les deniers ont été payés ou payés en trop.


                               [Non souligné dans l'original.]

11� Je suis prête à considérer que l'article 44 du chapitre E-13 s'applique si l'avis d'opposition du 16 novembre 1988 est considéré comme une demande écrite de remboursement des sommes payées en trop. L'avocat de la demanderesse prétend qu'au paragraphe 44(7.1), les termes « il ne peut être accordé en vertu du présent article aucune remise des deniers payés ou payés en trop par erreur [...] à moins que la personne y ayant droit n'en fasse la demande par écrit [...] » [non souligné dans l'original] donnent lieu à une action en enrichissement sans cause pour forcer le remboursement. L'avocat soutient que l'expression « en vertu du présent article » montre l'intention de permettre des actions en recouvrement de taxes payées en trop qui ne sont pas fondées sur cette disposition.

12� Je n'interprète par cette expression de la même façon. C'est l'article 44 qui autorise le remboursement de sommes payées par erreur. Les autres dispositions permettent les remboursements dans des circonstances différentes et conformément à conditions différentes. En conséquence, il existe un motif de rédaction législative pour se distancier de l'interprétation large suggérée par l'avocat de la demanderesse. Une telle interprétation aurait pour effet de vider de son sens le délai de prescription établi à l'article 44. L'article servirait uniquement à obliger le demandeur à introduire une action plutôt que de permettre au ministre de régler les demandes soumises par écrit. Un tel objectif n'a pas de sens. En outre, si le législateur avait eu une telle intention, il l'aurait sans doute exprimée plus clairement. Les dispositions sur la prescription visent à empêcher que l'on passe son temps à corriger les erreurs du passé et à limiter l'incertitude dans les affaires commerciales et financières des particuliers. En outre, cette disposition établit un parallélisme. Le ministre ne peut pas réclamer des taxes non payées après quatre ans et le contribuable ne peut pas demander le remboursement de taxes payées en trop après l'expiration de ce délai.

13� Il existe une différence importante entre le présent litige et celui sur lequel le juge Gibson s'est prononcé dans Forest Oil. Les acomptes provisionnels versés par la contribuable dans cette affaire avaient été calculés à partir d'une estimation de l'obligation fiscale de la contribuable à la fin de l'année d'imposition; leur paiement était prescrit par la loi. Il est de la nature des estimations d'être imprécises; elles ne peuvent donner lieu à des sommes payées par erreur. La production tardive par la contribuable de sa déclaration pour l'année d'imposition applicable constituait l'erreur survenue en l'espèce. Comme l'a souligné le juge Gibson, le Parlement n'avait pas prévu ce genre d'erreur.

14� Cependant, la situation en l'espèce est exactement celle qui a été envisagée par le Parlement lors de l'adoption de l'article 44 du chapitre E-13 ou de l'article 68 du chapitre E-15, à savoir les sommes payées en trop ou en moins par un contribuable en raison d'erreurs comptables qu'il a commises en estimant le montant de la taxe payable. La présente affaire ressemble davantage à Consumers Glass qu'à Forest Oil. Les faits de l'espèce correspondent parfaitement au libellé de la loi et à l'intention du Parlement. À mon avis, il n'y a pas ouverture sur une action en enrichissement sans cause.

L'appauvrissement et le motif juridique

15� En tout état de cause, prétend la défenderesse, même si une action en enrichissement sans cause était possible, l'appauvrissement de la demanderesse n'est pas étayé par la preuve soumise en l'espèce. L'avocat de la défenderesse soutient qu'il est raisonnable de supposer que Michelin n'a pas assumé le coût des taxes qu'elle a payées, mais qu'elle l'a plutôt fait absorber par les consommateurs de pneus Michelin. Voir par exemple : Canadian Pacific Airlines Ltd. v. British Columbia (précité, page 234) et Air Canada v. British Columbia (précité, pages 193 et 194). J'admets qu'il incombe à Michelin de prouver l'appauvrissement et la preuve ne montre rien de plus que le paiement de la taxe par celle-ci. J'estime que l'argument de l'avocat de la défenderesse doit être retenu.

16� L'avocat de la défenderesse soutient également que l'enrichissement avait un motif juridique (l'effet du paragraphe 44(7.1) de la Loi sur la taxe d'accise). L'acceptation ou le rejet de cet argument dépend de la décision rendue relativement à la question de savoir si une action en enrichissement sans cause est possible subsidiairement à une instance fondée sur l'article 44.

Les autres dispositions sur la prescription

17� La défenderesse soulève plusieurs autres motifs au soutien du rejet de la demande. Pour les comprendre, il est nécessaire de se référer encore une fois aux étapes procédurales qui ont été suivies. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le ministre a émis un avis de cotisation le 19 août 1988. Le 16 novembre 1988, Michelin a déposé un avis d'opposition dans lequel elle sollicitait le remboursement des paiements en trop pour 1983-1984. Le 7 mars 1989, le ministre a émis un avis de décision rejetant l'opposition. Le 23 juin 1989, Michelin a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur. Le 13 novembre 1991, cet appel a été ajourné sine die. Le 14 avril 1993, la présente action a été introduite devant la Cour.

18� La défenderesse prétend que l'action de la demanderesse contrevient au paragraphe 81.2(1) de la Loi sur la taxe d'accise parce qu'il est permis d'interjeter un appel auprès de la Section de première instance de la Cour fédérale dans le seul cas où l'appel tient lieu d'un appel auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, et que la demanderesse a opté pour la deuxième possibilité. La décision du Tribunal canadien du commerce extérieur peut, une fois rendue, faire l'objet d'un appel auprès de la Cour. Les articles 81.19 et 81.2 de la Loi sur la taxe d'accise prévoient :


81.19 Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17, other than a notice in respect of Part I, may, within ninety days after the day on which the notice of decision on the objection is sent to him, appeal the assessment or determination to the Board.


81.19 Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de décision concernant l'opposition, appeler de la cotisation ou de la détermination à la Commission.



81.2 (1) Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17, other than a notice in respect of Part I, may, in lieu of appealing to the Board under section 81.19, appeal the assessment or determination to the Federal Court - Trial Division at any time when, under section 81.19, that person could have appealed to the Board.


81.2 (1) Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17, autre qu'un avis à l'égard de la partie I, peut, au lieu d'en appeler à la Commission en vertu de l'article 81.19, appeler de la cotisation ou de la détermination à la Section de première instance de la Cour fédérale pendant la période au cours de laquelle elle aurait pu, en vertu de cet article, en appeler à la Commission.



(2) Any person who has served a notice of objection under section 81.15 or 81.17 in respect of Part I may, within ninety days after the day on which the notice of

(2) Toute personne qui a signifié un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17 à l'égard de la partie I, peut dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date d'envoi de l'avis de décision concernant l'opposition, decision on the objection is sent to him, appeal the assessment or determination to

the Federal Court - Trial Division.


appeler de la cotisation ou de la détermination à la Section de première instance de la Cour fédérale.


                               [Non souligné dans l'original.]

19� L'avocat de la défenderesse allègue également que l'action en enrichissement sans cause de la demanderesse (si elle était accueillie) serait néanmoins prescrite parce qu'elle n'aurait pas été intentée avant l'expiration du délai de prescription de six ans prévu par l'article 32 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985),

ch. C-50, modifié par L.C. 1990, ch. 8, art. 31, l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifié par L.C. 1990, ch. 8, art. 10, ou l'article 45 de la Loi sur la prescription des actions de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. L.15.

20� Les dispositions législatives pertinentes prévoient :


(Crown Liability Act)

32. Except as otherwise provided in this Act or in any other Act of Parliament, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings by or against the Crown in respect of any cause of action arising in that province, and proceedings by or against the Crown in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.


(Loi sur la responsabilité de l'État)

32. Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent lors des poursuites auxquelles l'État est partie pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure se prescrit par six ans.




(Federal Court Act)

39. (1) Except as expressly provided by any other Act, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in any province between subject and subject apply to any proceedings in the Court in respect of any cause of action arising in that province.


(Loi sur la Cour fédérale)

39. (1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans cette province.



(2) A proceeding in the Court in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.


(2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.                                                





      (Limitations Act)                    (Loi sur la prescription des

actions)


45.-(1) The following actions shall be commenced within and not after the times respectively hereinafter mentioned,

             . . .

(h)an action for a

penalty, damages, or a sum of money given by any statute to the Crown or the party

aggrieved, within two years after the cause of action

arose;

             . . .


45. (1) Les actions

suivantes se prescrivent

par les délais respectifs indiqués ci-dessous :                               

           

             . . .

h) l'action en recouvrement d'une pénalité, de

dommages-intérêts ou d'une

somme d'argent accordée par

une loi à la Couronne ou à la partie lésée se prescrit par deux ans, à compter de la naissance de la cause d'action;

             . . .


21� Je n'estime pas nécessaire d'examiner les arguments fondés sur les articles 81.19 et 81.2 de la Loi sur la taxe d'accise ni ceux fondés sur les lois fédérales et provinciales en matière de prescription, étant donné ma décision relative à l'article 68 et à son prédécesseur, l'article 44, décision selon laquelle les circonstances de l'espèce ne donnent pas lieu à une action en enrichissement sans cause.

22� Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

« B. Reed »

Juge

                                                             

TORONTO (ONTARIO)

Le 26 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                  Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                     T-871-93

INTITULÉ DE LA CAUSE :LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LIMITÉE

- et -

     SA MAJESTÉ LA REINE

                       

DATE DE L'AUDIENCE :               LE MERCREDI 4 NOVEMBRE 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :               TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT :               LE JUGE REED

DATE DES MOTIFS :                  LE JEUDI 26 NOVEMBRE 1998

ONT COMPARU :                      M. Dalton Albrecht

                       

                                      pour la demanderesse

                     

                                  M. Darryll Kloeze

                                      pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER        McMillan Binch

                                  Avocats

                                  Royal Bank Plaza

                                  Bureau 3800, South Tower

                                  Toronto (Ontario)

                                  M5J 2J7

                                      pour la demanderesse

                                Morris Rosenberg

                                  Sous-procureur général

                             du Canada

                                      pour la défenderesse


         


                        COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               Date : 19981126

                  

                                        Dossier :      T-871-93

                        Entre :

                       

                   LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES PNEUS MICHELIN LIMITÉE,

                                                 demanderesse,

                        - et -

              SA MAJESTÉ LA REINE,

                  

                                                 défenderesse.

             

                                                                 

    

                            MOTIFS DU JUGEMENT                                       

                                                                 

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