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Date : 20040421

Dossier : IMM-3475-04

Référence : 2004 CF 591

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY                            

ENTRE :

                                                     JIMMY DEVON COURTNEY                                         

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA                 

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]         M. Courtney a deux demandes pendantes d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire et de contrôle judiciaire des décisions d'un agent d'examen des risques avant renvoi (agent d'ERAR) et d'un agent de renvoi, déposées respectivement le 29 mars 2004 et le 13 avril 2004. Il a introduit une requête en sursis d'exécution de son renvoi du Canada prévu pour le 22 avril 2004 à 8 h 30 mn jusqu'à ce qu'intervienne une décision sur les demandes d'autorisation et, si l'autorisation est accordée, jusqu'à ce que la Cour décide des demandes de contrôle judiciaire. Il a également en traitement une demande du statut de résident permanent présentée au Canada, laquelle demande est fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire.

[2]         L'audition de la présente requête a eu lieu à Toronto le 19 avril 2004. Les avocats se sont tout d'abord entendus pour la modification des actes de procédure dans la présente instance et dans les demandes sous-jacentes afin de prendre en considération les changements intervenus dans les responsabilités ministérielles relatives à l'exécution de la loi et une ordonnance a été rendue en conséquence.

[3]         M. Courtney est un ressortissant de la Grenade et il est entré au Canada avec un visa de visiteur en août 1995. Il n'a ni sollicité une prorogation, ni tenté de régulariser son statut avant avril 2000, date à laquelle il a présenté une demande du statut de résident permanent. À ce moment-là, il a fait savoir qu'il avait des attaches très solides au Canada en raison d'un emploi stable en aménagement paysager, d'une soeur qui était résidente permanente et mère de quatre enfants et en raison de son propre enfant né au Canada. Sa soeur a écrit une lettre d'appui à sa demande.


[4]         La demande de résidence permanente a été refusée et il a été ordonné au demandeur de quitter le Canada, ce qu'il n'a pas fait. Un mandat a été délivré en janvier 2001 pour son arrestation et le mandat a été exécuté en juin 2003 lorsqu'il a été arrêté au volant d'un véhicule. Il a été libéré peu après, après paiement d'un cautionnement de 3000 $ comptant. M. Courtney n'a pas de casier judiciaire au Canada et il a déclaré qu'il n'en a pas dans son pays d'origine.

[5]         La preuve relative à la date à laquelle M. Courtney a présenté sa deuxième demande du statut de résident permanent fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire était contestée. M. Courtney a déclaré avoir présenté sa demande en septembre 2003. La preuve documentaire montre que la demande était datée de décembre 2003 et que les frais de traitement ont été payés en mars 2004.

[6]         M. Courtney a déclaré qu'il est seul à s'occuper de son fils Jameson Calliste parce que la mère de Jameson, Juliette Calliste, a abandonné la famille en décembre 2001 et il ne sait pas où elle se trouve. Cela a été contesté par le défendeur qui a soumis un affidavit d'un agent d'exécution, peu avant l'audience, attestant qu'il avait reçu de l'information d'une voisine du demandeur, Maritza Y. Martinez. Mme Martinez aurait dit à l'agent que Mme Calliste résidait toujours avec le demandeur et son fils. Comme cette information présentée à la dernière minute par le défendeur a été contestée par le demandeur, j'ai accepté de recevoir une autre preuve par affidavit du demandeur.


[7]         Le demandeur a présenté des affidavits de Mme Martinez et de son propriétaire, Vitoantonio Fierro, et son propre affidavit supplémentaire, tous attestant que la mère ne résidait pas avec le demandeur et son fils. La preuve par affidavit, y compris celle de l'agent d'exécution, montre également que des problèmes de langue peuvent expliquer l'information différente qui a été recueillie par l'agent. Tout bien pesé, je suis convaincu que la mère ne réside plus avec le demandeur et son fils et je ne peux douter de sa déclaration selon laquelle il ne sait pas où elle se trouve. Jameson a actuellement cinq ans et est à la prématernelle.

[8]         Les motifs que le demandeur avance à l'appui de sa requête sont que l'agent d'exécution a commis une erreur en refusant de reporter le renvoi jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur

la demande pendante du statut de résident permanent fondée sur des circonstances d'ordre humanitaire, que le demandeur risquait d'être soumis à des sévices entraînant un préjudice irréparable s'il était renvoyé à la Grenade en raison, prétend-il, des menaces à sa vie de la part d'un résident de l'île, que son fils Jameson subirait un préjudice irréparable si son père était renvoyé et que la prépondérance des inconvénients était en sa faveur vu qu'il n'y avait pas un besoin urgent pour son renvoi.

[9]         Le demandeur a également soutenu qu'il y avait des questions sérieuses à trancher relativement à l'évaluation des risques menée par l'agent d'ERAR, en particulier une omission de tenir compte de la preuve liée à la violence permanente à la Grenade. En ce qui concerne l'agent de renvoi, le demandeur soutient qu'il n'a pas tenu compte du rapport d'un psychologue montrant qu'il souffrait de stress grave et de dépression liés à la perspective de son renvoi et il aurait dû en tenir compte pour le report. En outre, le demandeur affirme qu'il n'est plus en contact avec sa soeur et qu'il ne pouvait compter sur elle pour s'occuper de Jameson s'il devait être renvoyé.


[10]       Plusieurs facteurs sont grandement défavorables au demandeur :

a.                    il n'a fait aucun effort pour régulariser son statut au Canada au cours de ses cinq premières années au pays;

b.                   il a par la suite fait abstraction du fait qu'il n'avait pas réussi à obtenir le droit d'établissement en 2000 jusqu'à son arrestation en juin 2003;

c.                    La menace à sa sécurité n'a jamais été soulevée avant que sa demande infructueuse d'ERAR ne soit déposée à la fin de l'année 2003;

d.                   Cela fait plus de huit ans qu'il n'a pas vécu à la Grenade et il n'a présenté aucune preuve objective à l'appui de ses prétentions;

e.                    Le traitement de sa plus récente demande CH continuera malgré son renvoi.

[11]       Les arguments qui militent le plus en sa faveur sont qu'il semble être la seule personne à s'occuper de son enfant et qu'il a toujours été très attentionné aux besoins de ce dernier, qu'il a eu un emploi stable, bien qu'illégalement, et qu'il n'a été déclaré coupable d'aucun crime au Canada.

[12]       Comme l'a dit le juge Pelletier, maintenant juge à la Cour d'appel, dans Wang c. Canada

(Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (1re inst.) (QL), une norme de preuve plus élevée s'applique à une requête en sursis d'exécution


présentée à la suite d'un refus de différer le renvoi d'un demandeur parce que l'octroi d'un sursis accorde effectivement la réparation sollicitée dans la demande sous-jacente de contrôle judiciaire. En conséquence, il importe d'aller plus loin qu'une simple application du critère de la _ question sérieuse _ et d'examiner de près le fond de la demande sous-jacente.

[13]       Les agents de renvoi qui exécutent une mesure de renvoi en vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), ont un pouvoir discrétionnaire très restreint pour différer l'exécution d'une mesure de renvoi. La mesure de renvoi doit être _ appliquée dès que les circonstances le permettent _, selon le libellé de l'article 48. La non-exécution d'une mesure de renvoi doit avoir des fondements juridiques dans la LIPR ou dans toute obligation juridique suffisamment importante pour autoriser le ministre à ne pas respecter l'article 48 : Wang, précitée. Le juge Russell de la Cour a récemment examiné la jurisprudence sur cette question dans Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 614, [2003] A.C.F. no 805 (1re inst.) (QL), et a conclu que le fait de ne pas tenir compte des circonstances impérieuses propres à la personne visée, par exemple sa santé ou sa sécurité personnelle, peut entraver illégalement l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'agent.

[14]       Ces circonstances impérieuses propres à la personne visée peuvent également nécessiter l'examen des effets du renvoi sur les enfants du demandeur : Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1695 (C.F.) (QL), et Dennis c. Canada

(Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 196, [2004] A.C.F. no 223 (C.F.) (QL).


[15]       J'ai examiné attentivement les notes de l'agent de renvoi. Je ne suis pas d'accord qu'il a fait abstraction du rapport du psychologue vu qu'il n'y a aucune preuve que le rapport lui a été envoyé en même temps que la demande de report. Cependant, l'agent semble avoir présumé que la soeur du demandeur serait capable de s'occuper de l'enfant après le renvoi du père, sans chercher à vérifier cette conclusion malgré l'affirmation contraire présentée par le demandeur.

Subsidiairement, il a présumé que l'enfant accompagnerait le père à la Grenade. Dans ces circonstances, je suis convaincu qu'il a pu entraver l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et en conséquence, il y a une question sérieuse à trancher. Je suis également convaincu qu'en l'absence d'une indication claire de la manière dont on s'occuperait de l'enfant et de la personne qui s'en occuperait, un préjudice irréparable pourrait être causé, au moins émotionnellement, au demandeur et à son fils. Dans ces circonstances, je conclus également que la prépondérance des inconvénients est favorable à ce que le demandeur demeure au Canada, au moins temporairement.

[16]       Le demandeur devrait retirer peu de réconfort de l'issue de la présente requête. Comme mentionné précédemment, il a manifesté peu d'égard pour les conditions d'obtention du droit d'établissement au Canada et la présente décision ne doit pas être considérée comme un indice qu'il aura gain de cause pour ses demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire.


                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la mesure de renvoi fasse l'objet d'un sursis d'exécution jusqu'à l'issue des demandes sous-jacentes d'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire et, si l'autorisation est accordée, jusqu'à ce qu'intervienne la décision de contrôle judiciaire.

_ Richard G. Mosley _

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             IMM-3475-04

INTITULÉ :                                                                            JIMMY DEVON COURTNEY

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    LE 20 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                            MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 21 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Stella Iriah Anaele                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Stephen Jarvis                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STELLA IRIAH ANAELE                                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du

Canada

Toronto (Ontario)


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