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Date : 19990507


Dossier : T-1875-98

ENTRE :

     DONALD MARVIN GAVIN,

     demandeur,

     et

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MCKEOWN

[1]      Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, en date du 30 juillet 1998, par laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) a rejeté la demande du demandeur visant à obtenir le réexamen de la décision rendue par le Tribunal le 25 mars 1998. La décision en date du 25 mars 1998 avait confirmé une décision du comité d'examen de la Commission canadienne des pensions, en date du 5 avril 1998, rejetant la demande de pension déposée par le demandeur au titre d'une baisse des facultés auditives résultant selon lui de son service au sein de la GRC.

[2]      Il s'agit de dire en l'espèce si le Tribunal a borné l'exercice de sa compétence en se fondant sur les lignes directrices de la Commission canadienne des pensions [les lignes directrices] plutôt que sur un avis médical.

Les faits

[3]      Le demandeur a servi au sein de la GRC du 21 août 1964 au 21 août 1975. Au cours de cette période de service, il a été tenu de suivre une formation de tir et lorsque, en 1975, il a quitté la GRC, rien n'indiquait chez lui des troubles auditifs. Le demandeur et son épouse ont déclaré qu'il a commencé à éprouver des troubles auditifs en 1969, mais qu'il n'en avait pas fait part à la GRC. Le 8 décembre 1992, le demandeur déposa sa première demande de pension pour perte de facultés auditives. Dans sa demande, il faisait valoir que la baisse de ses facultés auditives était due au bruit excessif d'armes à feu auquel il avait été soumis au cours de son service au sein de la GRC. Dans le cadre de sa demande de pension, il déposa un rapport d'audiologie en date du 7 décembre 1992. Le 10 février 1994, la Commission canadienne des pensions décida que cette perte de facultés auditives ne donnait pas droit à pension étant donné que cet état n'était pas directement lié à son service au sein de la GRC.

[4]      Le demandeur a interjeté appel de la décision de la Commission canadienne des pensions devant un comité d'examen de la Commission. Dans une décision en date du 5 avril 1995, l'appel a été rejeté, les preuves médicales soumises par le demandeur ne répondant pas aux exigences minimales en matière d'incapacité auditive prévues dans la table des invalidités établie par la Commission canadienne des pensions. Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui, dans une décision en date du 25 mars 1996, confirma la décision du comité d'examen de la Commission. Le 27 janvier 1998, le demandeur déposa une demande de réexamen visant la décision du 25 mars 1996; cet appel a été rejeté par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) après examen des nouvelles preuves produites et confirmation de sa décision antérieure. Les nouvelles preuves produites comprenaient une lettre du Dr Weir en date du 20 mai 1997, dans laquelle le praticien affirmait que [traduction] " ...il souffre d'une baisse des facultés auditives due aux bruits auxquels il a été exposé alors qu'il travaillait à la GRC ". Le Tribunal admit les nouvelles preuves et les examina avant de parvenir à deux conclusions :

     a)      aucun document ou dossier ne confirme que, lorsqu'il quitta la GRC en août 1975, le demandeur souffrait d'une incapacité auditive; et
     b)      les audiogrammes effectués en 1989, 1992 et 1996 ne révèlent l'existence d'aucune incapacité auditive au sens de la définition qu'en donnent les lignes directrices ministérielles actuellement en vigueur en matière de perte de facultés auditives.

     Analyse

[5]      Une pension doit être accordée lorsqu'en raison de son service au sein de la GRC, un membre de la GRC souffre d'une incapacité résultant d'une blessure ou d'une maladie, ou de l'aggravation d'une blessure ou d'une maladie découlant d"un tel service1 ou directement liée à ce dernier.

[6]      La Loi sur les pensions crée une présomption, qui peut être réfutée par une preuve contraire, selon laquelle une blessure ou une maladie découle du service au sein de la GRC si cette blessure ou cette maladie est survenue au cours de certaines activités1.

[7]      La présente affaire doit être analysée au regard des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)1 qui prévoit :

     3      Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s'interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l'égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.         
     39      Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve:         
         a)      il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;         
         b)      il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;         
         c)      il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.         

[8]      Pour déterminer si le Tribunal a commis une erreur sur la compétence en se fondant sur les lignes directrices et non pas sur l'avis médical du Dr Weir, la Cour doit avoir à l'esprit les paragraphes 35(1) et (2) de la Loi sur les pensions, qui prévoient :

     35.(1) Sous réserve de l'article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du requérant ou du pensionné.         
     (2)      L'estimation du degré d'invalidité est basée sur les instructions et sur une table des invalidités, que prépare la Commission pour aider les médecins et les chirurgiens qui font des examens médicaux pour déterminer des pensions.         

Les lignes directrices sont donc spécifiquement autorisées par la loi, ce qui différencie la présente affaire de l'affaire Re Dale Corporation and Rent Review Commission et al.1, dans laquelle les lignes directrices sur lesquelles le décideur s'était fondé n'étaient pas autorisées. En suivant les lignes directrices concernant les conditions dans lesquelles un intéressé a droit à une pension, le Tribunal n'a ni abusé de son pouvoir discrétionnaire, ni commis une erreur susceptible de contrôle.

[9]      Dans la décision rendue à l'issue de son réexamen, le Tribunal a déclaré :

     [traduction]

     Bien que les audiogrammes réalisés en 1989 et 1992, et le dernier en date réalisé le 14 novembre 1996, révèlent effectivement la perte de facultés auditives de plusieurs décibels, aucun ne permet de conclure à une incapacité selon les lignes directrices ministérielles actuellement en vigueur en matière de perte de facultés auditives.         

Le Tribunal s'est également penché sur le récent avis médical du Dr Weir :

     [traduction]

     Malheureusement la preuve produite à l'appui de cette demande ne constitue pas une preuve nouvelle et pertinente susceptible d'entraîner une décision différente de celle du 25 mars 1996. Le Dr Weir affirme que M. Gavin souffre d'une perte de facultés auditives due au bruit auquel il fut exposé dans le cadre de son travail au sein de la GRC et plus particulièrement lors de sa participation, chaque année, aux exercices de tir, et cela jusqu'aux années 70 (sans protège-oreilles). Cette affirmation n'est pas étayée par le dossier. Le demandeur a servi au sein de la GRC jusqu'en 1975, et lors de son dernier examen médical, en 1973, son audition parut normale. Son dossier de service ne fait état d'aucune plainte ni d'aucune blessure concernant des troubles de l'ouïe. Aucune perte de facultés auditives ne fut constatée lorsqu'en août 1975, le demandeur quitta la GRC.         

[10]      Cette affaire me paraît analogue à l'affaire Bleakney c. Canada (Ministre des anciens combattants)1 dont fut saisi le juge Muldoon qui déclara, au paragraphe 7 de son jugement,

     la déclaration du Tribunal d'appel des anciens combattants portant qu'il a " apprécié minitieusement la preuve à l'aide des lignes directrices sur les rapports médicaux formulés pour l'aider à rendre une décision " n'indique pas que son pouvoir discrétionnaire a été entravé de façon illégale ou indue. Le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pensions prévoit expressément que l'estimation du degré d'invalidité est basé " sur les instructions et sur une table des invalidités ... pour aider les médecins et les chirurgiens ". Cette directive d'origine législative régit légalement la façon dont les commissions ou tribunaux font leur travail.         

Même si la perte de facultés auditives éprouvée par le demandeur est due à son service au sein de la GRC, cet état ne répond pas aux conditions requises pour donner droit à indemnité.

[11]      La décision du Tribunal contient une phrase ambiguë. On y lit, en effet, [traduction] " si un appelant ne parvient pas à démontrer que les faits présentés devant le Tribunal ne sont pas les mêmes que ceux qui ont servi de base à l'établissement des lignes directrices, le Tribunal estime devoir s'en tenir aux lignes directrices. ". Pour le demandeur, cela veut dire que le Tribunal a tenu compte de faits extérieurs aux lignes directrices; or, on ne relève pas de tels faits en l'occurrence. Même en tenant compte des articles 3 et 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) , j'estime que le Tribunal a simplement affirmé que le demandeur n'a produit aucune preuve démontrant qu'il satisfait effectivement aux conditions prévues dans les lignes directrices. C'est au demandeur qu'il incombe de démontrer que son cas correspond aux lignes directrices et de demander à son médecin de répondre, dans son avis, aux exigences prévues dans les lignes directrices. Sinon, il doit demander à un médecin d'exposer dans un rapport médical les raisons pour lesquelles les lignes directrices pourraient ne pas s'appliquer en l'occurrence. En l"espèce, le tribunal n"a pas porté atteinte à l"équité procédurale.

[12]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             William P. McKeown

                             ______________________

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 7 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1875-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      DONALD MARVIN GAVIN c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 29 avril 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :              7 mai 1999

ONT COMPARU :

Elizabeth Harris                          POUR LE DEMANDEUR

Gordon Hoffman                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morelli Chertkow                          POUR LE DEMANDEUR

Kamloops (Colombie-Britannique)

Gillespe Renkema Barnett Broadway              POUR LE DÉFENDEUR

Kamloops (Colombie-Britannique)

__________________

1      Loi sur les pensions, L.R.C. (1985), ch. P-6, al. 21(2)a).

2      Supra, par. 21(3).

3      L.C. (1995), ch. 18.

4      149 D.L.R. (3d) 113 (C.S. N.-É., div. appel).

5      [1994] J.C.F. no 201 (Quicklaw).

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