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     Date : 19980623

     Dossier : IMM-2587-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 JUIN 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RICHARD

ENTRE :

     VIGNESWARAN MAHARATNAM,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     ORDONNANCE

     VU la demande de contrôle et d'annulation d'une décision par laquelle un agent d'immigration a décidé, le 5 juin 1997, que les faits en cause dans le dossier du demandeur ne justifiaient pas une décision favorable pour des raisons d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration;


     LA COUR STATUE QUE :

     La décision de l'agent d'immigration rendue le 5 juin 1997 est annulée et la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 114(2) sera réexaminée par un agent d'immigration différent.

     John D. Richard

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980623

     Dossier : IMM-2587-97

ENTRE :

     VIGNESWARAN MAHARATNAM,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE RICHARD

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle et d'annulation d'une décision par laquelle un agent d'immigration a décidé, le 5 juin 1997, que les faits en cause dans le dossier du demandeur ne justifiaient pas une décision favorable pour des raisons d'ordre humanitaire en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.

[2]]      Le demandeur est arrivé au Canada en décembre 1991 et il a revendiqué le statut de réfugié. Une décision rendue le 6 juillet 1992 portait qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La demande d'annulation de cette décision a été rejetée par la Cour fédérale du Canada.

[3]      Par la suite, ses parents se sont vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention. Ses parents ont inclus le demandeur dans leur demande de droit d'établissement au Canada. En mai 1994, on a communiqué avec son père pour lui dire que lui et le demandeur devaient remplir et signer certaines déclarations. On leur demandait en outre d'envoyer des documents établissant leur identité. Plus tard, en mai 1994, on a dit au demandeur qu'il devait signer une déclaration solennelle, ce qu'il a fait.

[4]      En mai 1995, on a dit au demandeur de se présenter à l'immigration et d'apporter le prix à payer pour le traitement de la demande, une preuve de la disponibilité de fonds et tout les documents relatifs à son immigration au Canada, ce qu'il a fait en juin 1995.

[5]      En avril 1996, il a à nouveau été convoqué à une entrevue et il a fourni les mêmes renseignements.

[6]      Le demandeur a été informé, lors de ces entrevues, que sa demande d'établissement serait traitée avec celle de ses parents.

[7]      En juin 1995, le demandeur était devenu admissible à présenter une demande en qualité d'immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée. Toutefois, comme il croyait que sa demande du droit d'établissement avait été accueillie, il n'a pas présenté de demande en cette qualité.

[8]      En 1997, le demandeur a présenté une demande de prolongation de son permis de travail et on l'a avisé qu'il ne pouvait pas obtenir de permis de travail parce que sa demande du droit d'établissement avait été rejetée. C'est la première fois qu'on lui donnait une indication signifiant que sa demande avait été rejetée. En conséquence, l'avocate du demandeur a introduit une demande de contrôle judiciaire et il a été convenu en fin de compte qu'Immigration réexaminerait sa demande. Son avocate a soutenu que les autorités de l'Immigration ne pouvaient prononcer un refus parce qu'elles avaient déjà accepté le demandeur. Dans une lettre du 1er avril 1997, un agent d'immigration a invité le demandeur à présenter des observations additionnelles, que son avocate a remises aux autorités de l'Immigration le 6 mai 1997. Le 5 juin 1997, sa demande du droit d'établissement a été rejetée. L'agent d'immigration l'a informé que son dossier était transmis à un agent chargé de la révision des revendications refusées (ACRRR) aux fins d'une révision du dossier du demandeur quant à son appartenance à la Catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC).

[9]      L'avocate du demandeur a indiqué, dans les observations écrites qu'elle a soumises à l'agent d'immigration, que le demandeur craignait d'être renvoyé au Sri Lanka et qu'il n'avait personne à aller retrouver là-bas. Ce sont ces arguments qui ont été invoqués à l'appui de sa demande du droit d'établissement.

[10]      Le 3 juin 1997, lors de la révision de la demande du droit d'établissement du demandeur et de l'examen des observations soumises par son avocate, l'agent a noté :

         [Traduction] Les renseignements à jour fournis par l'avocate, soit la preuve d'emploi et le relevé bancaire, ont été évalués.         
         Je suis d'avis que l'intéressé n'a pas démontré qu'il avait vraiment réussi à s'établir au Canada. Il a travaillé à un salaire à peine supérieur au salaire minimum pendant quatre (4) semaines au total. Son compte de banque est suspect, car il a prétendu n'avoir aucun élément d'actif en mai 1996 et il dépendait de l'aide sociale.         
         L'existence de liens affectifs est admise, mais l'intéressé a 31 ans et il ne faut pas accorder un poids démesuré à cet élément.         

[11]      Il est clair que le demandeur ne pouvait pas faire évaluer sa demande en qualité de personne à charge dans la demande du droit d'établissement de ses parents au moment de la présentation de cette demande, compte tenu de son âge à cette époque.

[12]      Bien que l'avocate du demandeur ait invoqué la préclusion, le caractère manifestement déraisonnable et la pris en compte de " connaissances générales ", je ne juge nécessaire d'examiner que la première question soulevée par le demandeur, c'est-à-dire celle de savoir si l'agent d'immigration a commis une erreur de droit en ne procédant pas à une évaluation du risque.

[13]      J'ai conclu que l'agent n'a pas effectué d'évaluation du risque comme il en était tenu.

[14]      Le paragraphe 144(2) de la Loi sur l'immigration permet au gouverneur en conseil de faciliter l'admission des personnes pour des raisons d'ordre humanitaire et de les dispenser de l'obligation de se conformer au paragraphe 9(1) de la Loi.

[15]      L'exercice correct du pouvoir discrétionnaire est compatible avec l'objet de la loi qui consiste à continuer à faire honneur à la tradition humanitaire du Canada. Il est implicite dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire que les décisions sont rendues en fonction du bien-fondé de chaque cas. Les agents doivent tenir compte de tous les aspects du dossier, exercer leur jugement le mieux possible et formuler une recommandation éclairée. Ils doivent en outre se guider sur les Lignes directrices publiées par Emploi et Immigration Canada.

[16]      En déterminant si des raisons d'ordre humanitaire existent, les agents d'immigration doivent examiner la question de savoir s'il existe des circonstances particulières dans le pays d'origine de l'intéressé, et si son renvoi lui causerait vraisemblablement des difficultés excessives. Dans la plupart des cas, ces personnes ont manifesté l'intention de revendiquer le statut de réfugié.

[17]      Il incombe au demandeur de convaincre l'agent de l'existence de circonstances particulières dans son pays et du fait que sa situation personnelle par rapport à ces circonstances justifieraient qu'il exerce son pouvoir discrétionnaire en sa faveur.

[18]      L'avocate du demandeur a traité de cette question.

[19]      En conséquence, l'agent devait effectuer ce qu'on appelle une " évaluation du risque ".

[20]      Dans son affidavit, l'agent a affirmé, au paragraphe 3 :

         [Traduction] J'ai examiné expressément la question de savoir si le demandeur subirait des difficultés inhabituelles, indues et démesurées ou l'imposition de sanctions s'il était renvoyé au Sri Lanka. Après avoir examiné tous les documents énumérés plus haut (fournis par l'avocate du demandeur) et plus particulièrement le document du HCNUR et les motifs de la Section du statut de réfugié, j'ai conclu que ce n'était pas le cas.         

[21]      En contre-interrogatoire, il a reconnu ne pas avoir lu les motifs de la décision du tribunal, mais uniquement la décision proprement dite.

[22]      Après avoir pris l'engagement au moment du contre-interrogatoire de prendre des mesures raisonnables pour produire tous les documents qu'il avait pris en compte pour procéder à l'évaluation du risque, hormis ceux soumis par l'avocate du demandeur, l'agent a produit deux publications, dont l'une intitulée Développement, datant de janvier 1991, traitait du développement économique en Asie et l'autre, intitulée A Cultural Profile, datant de 1993, donnait des renseignements sur la culture et l'histoire du Sri Lanka. Aucun de ces documents n'est du genre de ceux sur lesquels on se fonde normalement pour établir le profil d'un pays aux fins de l'évaluation du risque. L'agent a également produit trois brefs articles, l'un traitant de données démographiques, le deuxième consistant en un aperçu de la situation économique et le troisième étant un bref article paru dans l'édition du 12 février 1996 du magazine McLean's, intitulé " A terror attack in Colombo ", dans lequel on soulignait que les forces gouvernementales occupaient maintenant la péninsule de Jaffna sans toutefois avoir réussi à y rétablir une paix suffisante pour que les centaines de milliers de Tamouls qui avaient fui les combats se sentent assez en sécurité pour rentrer chez eux.

[23]      L'examen du dossier effectué par l'agent le 3 juin 1997 ne fait pas état d'une évaluation du risque quelconque, bien qu'il mentionne les liens de dépendance entre les membres de la famille et la mesure dans laquelle le demandeur a réussi à s'établir au Canada.

[24]      Les notes consignées par l'agent à la suite de son entrevue avec le demandeur précisent : [Traduction] " L'intéressé est réputé ne pas être un réfugié au sens de la Convention, mais il persiste à prétendre en être un. "

[25]      Le dossier révèle que l'agent a tenu pour acquis, à tort, que le demandeur avait droit à une révision en qualité de membre de la CDNRSRC et qu'une évaluation du risque serait effectuée par l'ACRRR qui a reçu une formation additionnelle et qui est spécialisé en matière d'évaluation du risque. Cependant, le demandeur n'était pas admissible à une telle évaluation du risque parce que sa revendication du statut de réfugié avait été tranchée avant le 1er février 1993.

[26]      Compte tenu de toutes les circonstances, je ne suis pas convaincu que l'agent a effectué l'évaluation du risque requise.



[27]      En conséquence, la décision de l'agent d'immigration datée du 5 juin 1997 est annulée et la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 114(2) sera réexaminée par un agent d'immigration différent.

     John D. Richard

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

23 juin 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-2587-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          VIGNESWARAN MAHARATNAM c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              17 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE RICHARD

DATE DES MOTIFS :              23 juin 1998

ONT COMPARU :

Me Marie-Claude Rigaud      POUR LE DEMANDEUR

Me Marcel Larouche      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Lorne Waldman          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Me George Thomson

Sous-procureur général du Canada      POUR LE DÉFENDEUR

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