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Date : 20051117

Dossier : T‑2073‑00

Référence : 2005 CF 1551

 

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

ENTRE :

SHELDON BLANK

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le demandeur, M. Blank, a demandé la communication de renseignements détenus par le ministère de la Justice. Le ministère a communiqué plusieurs documents, mais il en a retenu d’autres en invoquant les exemptions obligatoires et discrétionnaires prévues par la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1 (la Loi). M. Blank s’est plaint au Commissaire à l’information concernant les documents dont on lui avait refusé la communication puis, à la suite de l’enquête et du rapport du Commissaire, il a déposé une demande de révision à la Cour en vertu de l’article 41 de la Loi.

 

[2]               M. Blank a eu gain de cause, en partie, dans sa demande de révision en vertu de l’article 41 et il a interjeté appel des parties de sa demande qui avaient été rejetées devant la Cour d’appel fédérale. Le défendeur a interjeté un appel incident. En rejetant tant l’appel que l’appel incident, la Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire devant la Cour pour qu’elle prenne une décision sur la question de savoir si le défendeur a prélevé les renseignements susceptibles de communication qui se trouvent dans les documents exemptés comme l’exige l’article 25 : Blank c. Canada (Ministre de la Justice), [2005] 1 R.C.F. 403.

 

CONTEXTE

 

[3]               La décision rendue par la Cour d’appel fédérale décrit le contexte de la présente demande. Somme toute, le demandeur et Gateway Industries Inc., une société qui exploitait une papeterie à Winnipeg et dont M. Blank était un dirigeant, ont été accusés d’infractions réglementaires à la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F‑14 et au Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers, DORS/92‑269, en juillet 1995. La Cour provinciale et la Cour du Banc de la Reine du Manitoba ont par la suite annulé les accusations sommaires. De nouvelles accusations par voie de mise en accusation ont été portées, mais le ministère public les a suspendues en février 2004 et avisé le demandeur que la poursuite ne serait pas rétablie. M Blank a donc intenté une poursuite contre le ministère public en alléguant la fraude, le complot, le parjure et l’abus de pouvoir en matière de poursuite.

 

[4]               Le 17 octobre 1997, le demandeur s’est adressé au Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du ministère de la Justice pour obtenir la communication de documents du gouvernement concernant la poursuite. À la suite de cette première demande, environ 3 000 pages ont été communiquées au demandeur. La communication de quelque 1 500 pages a été refusée et 36 pages ont été communiquées en partie. En mai 1999, le demandeur a déposé une deuxième demande d’accès à l’information au ministère dans laquelle il exigeait la communication de tous les documents exemptés par suite de la première demande. Le ministère a maintenu les exemptions sauf pour quelque 353 pages supplémentaires qui ont été communiquées.

 

[5]               Le ministère a continué de refuser de communiquer des documents en invoquant les exemptions prévues par la Loi relativement aux renseignements reçus à titre confidentiel (article 13), aux renseignements personnels (article 19), aux renseignements contenant des avis (article 21) et aux renseignements assujettis au secret professionnel de l’avocat (article 23).

 

[6]               À la suite de cette deuxième demande, le demandeur a déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information concernant les exemptions invoquées par le ministère.

 

[7]               S’en sont suivies des rencontres et des discussions entre le ministère, le directeur des enquêtes du Commissaire et d’autres organismes gouvernementaux, notamment la Gendarmerie royale du Canada, qui ont entraîné la communication de 212 pages supplémentaires. Le directeur des enquêtes a reconnu que la grande majorité des pages avaient été régulièrement exemptées, mais il s’est dit préoccupé au sujet d’environ 277 pages à l’égard desquelles le secret professionnel de l’avocat avait été invoqué. Il y a eu d’autres discussions et, en fin de compte, 167 pages ont été communiquées en tout ou en partie et 87 pages ont été exemptées.

 

[8]               Le demandeur a sollicité la révision de la décision de maintenir les exemptions. Dans une décision non publiée, datée du 17 avril 2003, le juge Douglas Campbell a ordonné la communication supplémentaire, quoique limitée, de documents que possédait déjà le demandeur en raison des obligations du ministère public en matière de communication de la preuve dans une poursuite pénale et par suite d’autres demandes d’accès à l’information.

 

[9]               Relativement aux documents concernant les infractions punissables par poursuite sommaire, le juge Campbell a dit que le privilège des communications liées à une instance ne pouvait être invoqué puisque les accusations avaient été suspendues. Il a refusé toutefois d’ordonner la communication, en vertu de l’article 46 de la Loi, d’autres documents qui semblaient avoir été annexés aux documents visés par la révision, au motif que ces documents n’étaient pas assujettis aux exemptions invoquées dans la demande dont il était saisi. Le juge Campbell a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve, dans les documents exemptés, d’une quelconque inconduite criminelle de la part des fonctionnaires ou des avocats du gouvernement qui soit susceptible de vicier le secret professionnel de l’avocat parce qu’établissant la commission d’une infraction. Le juge a maintenu la plupart des exemptions invoquées par le ministère.

 

[10]           Le demandeur a interjeté appel de la décision du juge Campbell de maintenir les exemptions. Le demandeur a également invoqué comme motif d’appel la portée du pouvoir d’accès aux documents prévu à l’article 46 et les conclusions du juge concernant la preuve d’inconduite de la part du ministère public. Le défendeur a interjeté un appel incident de la décision du juge Campbell selon laquelle le privilège des communications liées à une instance prend fin en même temps que le litige auquel il s’applique.

 

[11]           L’appel interjeté par le demandeur a été rejeté et tous les juges ont souscrit à la décision sauf pour ce qui concerne la question de la divisibilité visée à l’article 25. Cette question n’aurait pas été soulevée dans la demande de révision initiale. La question a été renvoyée à la Cour pour qu’elle décide si le défendeur avait respecté les exigences obligatoires de la disposition.

 

[12]           L’appel incident du défendeur concernant la durée du privilège des communications liées à une instance a également été rejeté, le juge Létourneau étant dissident. Le juge Pelletier, le juge Décary souscrivant à ses motifs, a conclu que l’article 23 ne s’appliquait plus puisque les documents pour lesquels le privilège avait été revendiqué avaient perdu leur statut de privilégiés quand la poursuite avait pris fin. L’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada sur cette question a été accordée le 21 avril 2005. Les parties ont convenu qu’un très petit nombre de documents sont visés par ledit appel.

 

[13]           Soulignons que la référence à la décision du juge Campbell dans la décision de la Cour d’appel fédérale publiée dans le Recueil des arrêts de la Cour fédérale est erronée. Il s’agit d’une affaire antérieure concernant le même demandeur. Un avis d’erreur sera publié.

 

PORTÉE DE LA RÉVISION

 

[14]           Il est utile, en l’espèce, de citer les motifs invoqués par le juge Létourneau aux paragraphes 65 et 66 de sa décision :

¶ 65     L’article 25 de la Loi prévoit la communication d’une partie d’un document qui peut être prélevée des parties du dossier qui contiennent des renseignements ou documents exemptés de la divulgation. Il est ainsi libellé :

 

25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. [Non souligné dans l’original.]

 

¶ 66     La Cour a rejeté l’argument présenté plus tôt par l’intimé selon lequel un dossier assujetti au secret professionnel n’est pas assujetti à la disposition sur la divisibilité de l’article 25 dans Blank c. Canada (Ministre de l’Environnement) (2001), 41 C.E.L.R. (N.S.) 59 (C.A.F.), au paragraphe 13 : voir également College of Physicians of British Columbia c. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), [2003] 2 W.W.R. 279 (C.A. C.‑B.), aux paragraphes 65 à 68. Les termes « nonobstant les autres dispositions de la présente loi » de l’article 25 en font une disposition prépondérante : voir Rubin c. Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265 (C.A.), à la page 271. Par conséquent, des renseignements généraux de nature descriptive, notamment la description du document, le nom, le titre et l’adresse de la personne visée par la communication, les conclusions de la communication et la signature peuvent être prélevés et communiqués. Cette Cour a répondu, dans Blank, au paragraphe 23, que ce type de renseignement permettait au demandeur « de savoir qu’il y a eu une communication entre certaines personnes à une certaine date sur un certain sujet, mais rien de plus ».

[Non souligné dans l’original.]

 

[15]           Selon mon interprétation de la décision de la Cour d’appel fédérale, il n’a pas été ordonné à la Cour d’examiner de nouveau les conclusions du juge Campbell sur la question de savoir si certaines exemptions prévues par la Loi, notamment le secret professionnel de l’avocat, avaient été régulièrement appliquées aux documents qui n’avaient pas été communiqués. Ces conclusions n’ont pas été modifiées lors de l’appel et il ne m’appartient pas, en l’espèce, d’examiner cette question de nouveau.

 

[16]           Les documents en cause en l’espèce forment les pièces 42 à 45 qui sont annexées à l’affidavit d’Anne Brennan, ancienne directrice du Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels du ministère. Préalablement à l’audience, le défendeur a préparé de nouvelles versions, tant publiques que confidentielles, des pièces en tenant compte des décisions du juge Campbell et de la Cour d’appel fédérale.

 

[17]           La version publique des pièces, remise au demandeur, reflète les moyens pris par le défendeur pour prélever, des documents exemptés, divers renseignements généraux de nature descriptive qui peuvent être communiqués. Lorsque, par exemple, le document comprend une note de service, une lettre ou un courrier électronique, la version publique révèle le nom de l’auteur ainsi que son adresse, la date et la ligne de mention objet. Toutefois, la ligne de mention n’est souvent rien de plus qu’un simple renvoi aux diverses poursuites concernant M. Blank, par exemple Re Blank et Gateway Industries. Elle contient donc très peu de renseignements concernant l’objet de la communication.

 

[18]           La version publique des pièces contient également des documents qui ont été communiqués à M. Blank dans d’autres instances. Quant aux documents qui ont déjà été ainsi communiqués au demandeur, le défendeur allègue que certaines exemptions sont toujours nécessaires, surtout l’exemption obligatoire prévue à l’article 19 de la Loi concernant les renseignements personnels. Cette exemption s’applique aux documents de la pièce 42, page 2275 et de la pièce 43, pages 1296, 1305 à 1308, pages 1928 et 1929, pages 1931 et 1933. Le demandeur n’a pas réellement contesté cette allégation, même si les renseignements lui avaient déjà été fournis.

 

[19]           Pendant l’audience, l’avocat du défendeur s’est également engagé à communiquer au demandeur tous les documents que ce dernier possédait déjà s’il pouvait établir que d’autres ministères les lui avaient déjà communiqués et à condition que certains documents, surtout, encore une fois, ceux qui contenaient des renseignements personnels, soient exemptés ou retranchés.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

 

[20]           À l’audience, la Cour a examiné 960 pages de documents pour décider si le demandeur avait respecté son obligation de prélever des renseignements non exemptés et si d’autres renseignements pouvaient être prélevés des documents et communiqués au demandeur. Pour la plupart, il s’agissait de documents qui avaient été exemptés en vertu du secret professionnel de l’avocat.

 

[21]           Pendant la procédure, des questions ont été soulevées concernant le lien entre l’article 25 et l’exemption concernant le secret professionnel de l’avocat visé à l’article 23, question qui devait faire l’objet d’une analyse plus approfondie avant que la Cour ne décide si les documents avaient fait régulièrement l’objet de prélèvements :

 

1. Le secret professionnel de l’avocat s’applique‑t‑il à l’ensemble d’un document ou uniquement aux parties du document qui contiennent un avis juridique?

2. Si un document visé par le secret professionnel de l’avocat contient une liste d’autres documents, qui sont ou non visés par le privilège, ces documents doivent‑ils être retranchés du document privilégié?

3. Quel est l’effet de la communication de renseignements dans le cadre de l’obligation constitutionnelle du ministère public en matière de communication de la preuve dans une poursuite pénale par opposition à une renonciation volontaire?

4. La communication partielle en vertu de la Loi sur l’accès à l’information d’un document au sujet duquel le secret professionnel de l’avocat est revendiqué constitue‑t‑elle une renonciation au privilège à l’égard de l’ensemble du document?

 

1. Le secret professionnel de l’avocat s’applique‑t‑il à l’ensemble d’un document ou uniquement aux parties du document qui contiennent un avis juridique?

 

 

[22]           Il convient, en premier lieu, pour comprendre le secret professionnel de l’avocat, d’examiner l’arrêt de la Cour suprême, Descôteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860, dans laquelle la Cour a dit que le privilège était une règle de droit importante. La Cour suprême du Canada (voir Lavallée, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209, au paragraphe 18) et la Cour d’appel fédérale (voir Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2005 C.A.F. 199, au paragraphe 19) ont toujours suivi et appliqué l’arrêt Descôteaux. La règle a été établie par le juge Lamer (tel était alors son titre à l’époque) dans Descôteaux, à la page 875, en ces termes :

1.   La confidentialité des communications entre client et avocat peut être soulevée en toutes circonstances où ces communications seraient susceptibles d’être dévoilées sans le consentement du client;

 

2.   À moins que la loi n’en dispose autrement, lorsque et dans la mesure où l’exercice légitime d’un droit porterait atteinte au droit d’un autre à la confidentialité de ses communications avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en faveur de la protection de la confidentialité;

 

3.   Lorsque la loi confère à quelqu’un le pouvoir de faire quelque chose qui, eu égard aux circonstances propres à l’espèce, pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confidentialité, la décision de le faire et le choix des modalités d’exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard d’un souci de n’y porter atteinte que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi habilitante;

 

4.   La loi qui en disposerait autrement dans les cas du deuxième paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois doivent être interprétées restrictivement.

 

[23]           Cette affirmation de principe révèle clairement que le secret professionnel de l’avocat est considéré comme une mesure de protection importante et distincte d’une règle de preuve (voir R. c. McClure, [2001] 1 R.C.S. 445, au paragraphe 24; voir également Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2005 CAF 199, au paragraphe 25). Le privilège doit être « jalousement protégé et ne doit être levé que dans les circonstances les plus exceptionnelles […] » (Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, au paragraphe 17 [Pritchard]).

 

[24]           Ce n’est pas parce que la communication a lieu entre un avocat et des clients qui sont des fonctionnaires que le contenu du privilège est modifié, tant et aussi longtemps qu’il s’agit d’avis juridiques. « Selon notre Cour, le privilège avocat‑client s’applique lorsqu’un avocat salarié de l’État donne un avis juridique à son client, l’organisme gouvernemental […] les conseils donnés par un avocat du gouvernement au sujet de questions de politique générale qui n’ont rien à voir avec les compétences en droit de l’intéressé ne jouissent pas de la protection du privilège » (Pritchard, précité, au paragraphe 19). Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale dans Stevens c. Canada (Premier ministre), [1998] 4 C.F. 89 [Stevens], au paragraphe 22 (QL) :

[L]’identité du client est sans importance quant à la portée ou au contenu du privilège. Que le client soit un particulier, une société ou un organisme public, il n’y a aucune distinction dans le degré de la protection qu’offre la règle […] De plus, je ne peux trouver aucun fondement à la proposition selon laquelle le droit relatif au secret des communications entre client et avocat accorde moins de protection à un gouvernement qu’à tout autre client. Un gouvernement, étant un organisme public, peut être beaucoup plus enclin à renoncer au privilège, mais c’est toujours à lui qu’il appartient d’y renoncer.

 

[25]           Le demandeur allègue que, dans le cadre de la révision, la Cour doit examiner chaque document pour lequel le secret professionnel de l’avocat a été revendiqué et prélever les parties des documents qui ne font peut‑être pas l’objet d’un privilège. Le défendeur prétend que, sous réserve de l’exigence de retrancher « des renseignements généraux de nature descriptive », lorsque le privilège s’applique à un document, c’est tout le document qui est protégé.

 

[26]           Selon le principe général énoncé par Wigmore dans 8 Wigmore, Evidence, au paragraphe 2292 (McNaughton rév. 1961), le secret professionnel de l’avocat vise l’ensemble des communications :

[traduction]

[L]es communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualité, voulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d’obtenir un avis juridique font l’objet à son instance d’une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection.

 

[27]           La portée du privilège est large et englobe toutes les communications entre un avocat et son client. La Cour suprême du Canada a récemment avalisé cette interprétation de la portée du secret professionnel de l’avocat dans l’arrêt Pritchard, précité, au paragraphe 16.

 

[28]           Toutefois, [traduction] « ce ne sont pas toutes les communications entre un avocat et son client qui sont protégées mais uniquement celles qui concernent […] une demande d’avis juridique de la part du client » : Davies c. American Home Assurance Co. (2002), 60 O.R. (3d) 512, à la page 519. En outre, pour être protégée, la communication doit avoir lieu dans le cadre d’une demande d’avis juridique et dans l’intention que telle communication demeure confidentielle : John Sopinka, Sidney N. Lederman & Alan W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (Toronto : Butterworths, 1992), à la page 642.

 

[29]           Le secret professionnel de l’avocat, [traduction] « s’applique à toutes les formes de communications, mais il ne s’applique aux faits mentionnés que si ces faits peuvent être connus par d’autres moyens et s’ils sont pertinents » : General Accident c. Chrusz (1999), 45 O.R. (3d) 321, à la page 347. Ainsi, lorsqu’une communication entre un avocat et son client a lieu aux fins de la transmission ou de la réception de renseignements concernant des faits, la communication n’est pas privilégiée et peut être obtenue lors de l’interrogatoire préalable dans une poursuite civile (voir Ronald D. Manes & Michael P. Silver, Solicitor‑Client Privilege in Canadian Law (Toronto : Butterworths, 1993) à la page 127). Toutefois, [traduction] « [une] communication privilégiée ne perd pas son caractère privilégié du seul fait qu’elle contient des questions de faits qui ne sont pas elles‑mêmes privilégiées. Dans une situation de ce genre, les questions de fait peuvent être retranchées de la communication privilégiée aux fins de l’interrogatoire préalable » : ibidem, à la page 132.

 

[30]           Lorsque, comme en l’espèce, le secret professionnel de l’avocat pourrait nuire au droit du public d’avoir accès à l’information détenue par le gouvernement, il est important de faire remarquer que le législateur voulait que l’article 25 de la Loi soit d’importance primordiale. Dans Rubin c. Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1988] A.C.F. no 610 (C.A.F.) (QL), la Cour d’appel fédérale a dit :

¶ 13  J’estime qu’il importe de faire remarquer que l’article 25 est un article prépondérant puisque l’expression « nonobstant les autres dispositions de la présente loi » est employée. À mon avis, cela signifie qu’une fois que le responsable d’une institution fédérale a décidé, comme en l’espèce, que certains des documents sont exemptés de communication, lui, ou son délégué, est tenu d’examiner si une partie des documents demandés peut raisonnablement faire l’objet d’un prélèvement. L’article 25 fait usage du mot « shall » (est tenu) qui exprime l’obligation de communiquer cette partie tronquée, obligeant de la sorte le responsable de l’institution à procéder au prélèvement prescrit […]                    [Non souligné dans l’original.]

 

[31]           Compte tenu de la prépondérance de l’article 25, il semblerait, de prime abord, que les documents qui font l’objet de l’exemption visée à l’article 23 de la Loi doivent faire l’objet d’un prélèvement à l’instar de tout autre document susceptible d’être tronqué. Une lecture des exigences en matière de divisibilité de l’article 25 révèle que les renseignements autonomes, qui ne compromettent pas le privilège comme les faits sur lesquels un avis est fondé, doivent être communiqués.

 

[32]           Je constate toutefois que la Cour d’appel fédérale, en renvoyant cette affaire pour nouvel examen, a dit, au paragraphe 13, que dans Stevens, précité, elle avait rejeté l’argument de l’appelant que le secret professionnel des avocats visé à l’article 23 de la Loi devait recevoir une interprétation étroite puisque la Loi a été rédigée de manière à favoriser la communication de renseignements. Au paragraphe 23 de Stevens, le juge Linden a conclu que l’article 23 incorporait la doctrine du secret professionnel en common law, que la nature confidentielle des documents devait être déterminée selon la common law et que, s’il s’avérait que les documents étaient assujettis au privilège, la décision discrétionnaire de divulguer devait être prise selon les principes de la Loi. Au paragraphe 51, il a dit ceci au sujet de l’objet de l’article 25 :

 

¶ 51     […] C’est là une tentative de mettre en balance les droits des particuliers d’avoir accès à l’information, d’une part, tout en maintenant la confidentialité là où d’autres personnes ont droit à cette confidentialité, d’autre part. Ce serait malheureux si l’effet de l’article 25 de la Loi était de permettre l’abrogation du pouvoir discrétionnaire accordé à l’autorité responsable par l’article 23 de la Loi.

 

[33]           On pourra s’inspirer, pour ce qui concerne les principes qui gouvernent la nature du prélèvement et le degré de celui‑ci, de la décision Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Solliciteur général), [1988] 3 C.F. 551, dans laquelle le juge en chef adjoint Jerome a examiné la question de la communication de documents en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.C. 1980‑81-82-83, ch. 111. Sur la question du prélèvement, il a dit :

¶ 14     Ayant adopté cette attitude, j’ai revu attentivement la version originale du rapport qui a été placée dans une enveloppe scellée conformément à mon ordonnance en date du 16 avril 1987. L’une des considérations qui m’influence est que ces lois n’établissent pas, à mon avis, une opération de dissection par laquelle des phrases décousues qui ne contiennent pas en elles‑mêmes de renseignements exclus sont extraites de documents par ailleurs protégés et sont divulguées. Cette procédure soulève deux problèmes. Premièrement, le document final peut s’avérer dépourvu de sens ou induire en erreur puisque les renseignements qu’il contient sont tout à fait hors contexte. Deuxièmement, les renseignements de ce document, même s’ils ne sont pas techniquement exclus, peuvent fournir des indices quant au contenu des extraits retranchés. À mon avis, et surtout en matière de renseignements personnels, il est préférable de retirer un passage entier en vue de protéger la vie privée de l’individu que de divulguer certaines phrases ou expressions qui ne sont pas protégées.

 

¶ 15     En effet, le Parlement semble avoir eu l’intention de ne procéder au prélèvement d’extraits protégés et non protégés que si le résultat s’avère raisonnablement conforme aux objets de ces lois. L’article 25 de la Loi sur l’accès à l’information porte sur les prélèvements et prévoit : [renvois législatifs omis]

Des bribes de renseignements pouvant être divulgués, extraites de passages par ailleurs protégés ne peuvent être prélevées sans poser de problèmes sérieux.

¶ 16     Finalement, j’ai décidé que les coupures effectuées par le solliciteur général, bien qu’elles soient peut‑être plus considérables que ce que les lois prévoient, sont malgré tout conformes aux principes exposés précédemment. En effet, on remarque qu’en certains endroits un véritable effort a été fait pour communiquer les renseignements qui pouvaient l’être sans poser de problèmes sérieux. J’aurais agi de façon différente de l’intimé quant à quelques termes isolés qui ont été retirés de paragraphes qui peuvent par ailleurs être divulgués. Leur retrait semble inutile compte tenu des coupures appropriées qui ont été effectuées dans les passages antérieurs et ultérieurs.

[Non souligné dans l’original.]

 

[34]           Le juge en chef adjoint Jerome a également examiné la question du caractère raisonnable du prélèvement en vertu de l’article 25 dans Bande indienne de Montana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1989] 1 C.F. 143 (1re inst.). Dans cette affaire, il a également conclu que le travail de prélèvement excessif visant à séparer les renseignements exemptés et ceux qui ne le sont pas n’était pas raisonnable.

¶ 34   De plus, je ne crois pas que les informations concernant les fonds publics soient faciles à prélever. Si l’on se conformait à l’article 25, il en résulterait la communication d’un document complètement censuré, laissant voir tout au plus deux ou trois lignes. Sorties de leur contexte, ces informations seraient inutiles. Le travail de prélèvement nécessaire de la part du Ministère n’est pas raisonnablement proportionné à la qualité de l’accès qui s’ensuivrait.

 

[35]           Ce principe a été avalisé par le juge Mackay dans Keddy c. Atlantic Canada Opportunities Agency, [1993] A.C. F. no 804, au paragraphe 14 (QL).

 

[36]           Ces décisions établissent, selon moi, le principe selon lequel le prélèvement d’une partie d’un document en vertu de l’article 25 ne doit être effectué que lorsque le prélèvement ne pose pas de problèmes sérieux, principe que j’appliquerais. Pour que le prélèvement soit facile, il faut que les renseignements prélevés aient un sens en soi, c’est‑à‑dire qu’il ne faut pas qu’il s’agisse de mots et de phrases pris hors contexte et dépourvus de sens et il ne faut pas non plus que ces mots ou phrases donnent des indices sur le contenu des parties exemptées. Le prélèvement doit être effectué en tenant compte de l’importance de violer le secret professionnel de l’avocat le moins possible.

 

[37]           Comme je l’ai déjà mentionné, il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une nouvelle révision des décisions prises.

 

 

2. Si un document visé par le secret professionnel de l’avocat contient une liste d’autres documents, qui sont ou non visés par le privilège, la liste doit‑elle être prélevée du document privilégié et communiquée par la suite?

 

 

[38]           Le demandeur allègue que certains documents à l’égard desquels le secret professionnel de l’avocat a été revendiqué contiennent une liste d’autres documents qui pourraient peut‑être lui être communiqués s’ils ne sont pas protégés par le secret professionnel ou visés par une autre exemption en vertu de la Loi.

 

[39]           La question peut être tranchée compte tenu de l’explication ci‑dessus. Selon la jurisprudence, tout renseignement, y compris une liste d’autres documents, qui peut être prélevé de la communication privilégiée sans poser de problèmes sérieux, doit l’être en vertu de l’article 25 de la Loi. Aucun principe ne permet de traiter une liste de documents supplémentaires d’une manière différente des autres renseignements que renferme une communication privilégiée. Le prélèvement visé à l’article 25 s’applique à tous les types de renseignements. Si le secret professionnel de l’avocat est revendiqué à l’égard d’un document quelconque de la liste, la communication de la liste ne devrait pas nuire au privilège revendiqué à l’égard de ce document. Le document demeure privilégié jusqu’à ce que son contenu soit divulgué.

 

3. Quel est l’effet de la communication de renseignements dans le cadre de l’obligation constitutionnelle du ministère public en matière de communication de la preuve dans une poursuite pénale par opposition à une renonciation volontaire?

 

[40]           Il peut y avoir renonciation au secret professionnel de l’avocat en raison de la communication volontaire du renseignement ou lorsqu’il y a consentement à la divulgation d’une partie importante des communications entre un avocat et son client : Sopinka, précité, à la page 665. Il y a également renonciation lorsque des documents visés par une revendication de privilège ont été divulgués dans une procédure devant un autre tribunal : Western Assurance Co. c. Canada Life Assurance Co. (1987), 63 O.R. (2d) 276.

 

[41]           On peut également conclure qu’il y a eu renonciation à partir de la conduite du client lorsque le tribunal juge qu’un examen objectif de sa conduite révèle l’intention de renoncer au privilège : Manes & Silver, précité, à la page 191. Toutefois, [traduction] « lorsque la loi prévoit la divulgation, par exemple, d’un rapport, la volonté n’y a aucune part et il n’y a pas renonciation tacite » ibidem, cité avec approbation dans Stevens c. Canada (Premier ministre) (1re inst.), [1997] 2 C.F. 759 :

¶ 27     Dans S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Ave. Herring Producers Ltd., [1983] 4 W.W.R. 762 (C.S.C.‑B.), Mme la juge McLachlin (tel était alors son titre) a fait l’observation suivante, aux pages 765 et 766 :

 

[traduction] Dans les cas où il est jugé que l’équité impose la renonciation tacite, il y a toujours une certaine manifestation de la volonté de renoncer à la protection, ne serait‑ce que dans certaines limites.

 

C’est ainsi que [traduction] « lorsque la loi prévoit la divulgation, par exemple, d’un rapport, la volonté n’y a aucune part et il n’y a pas renonciation tacite » (voir : Manes et Silver, Solicitor‑Client Privilege in Canadian Law, supra, à la page 191).

 

[42]           Lorsque la communication d’un document est obligatoire, il n’y a pas de renonciation tacite possible. La communication est obligatoire lorsqu’il s’agit notamment d’une poursuite pénale compte tenu des principes élaborés dans l’arrêt R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326. Par conséquent, la communication d’un document découlant des obligations du ministère public à l’égard d’un défendeur dans une procédure pénale ne sera pas volontaire aux fins de la communication tacite.

 

[43]           Je constate que dans Blank c. Ministre de l’Environnement, précité, la juge Sharlow a dit, au paragraphe 12, qu’en examinant la question de savoir si la communication avait été régulièrement effectuée en vertu de la Loi, la Cour ne devait examiner que la Loi et la jurisprudence pour guider son interprétation et l’application de celle‑ci. « Les lois exigeant la communication de documents dans d’autres procédures juridiques ne peuvent restreindre ni élargir la portée de la communication exigée par la Loi sur l’accès à l’information ». Dans cette affaire, l’appelant avait prétendu que les documents qui auraient dû être divulgués dans le cadre de la poursuite criminelle devaient maintenant l’être en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La Cour d’appel a rejeté cet argument.

 

4. La communication partielle en vertu de la Loi sur l’accès à l’information d’un document à l’égard duquel le secret professionnel de l’avocat est revendiqué constitue‑t‑elle une renonciation au privilège à l’égard de l’ensemble du document?

 

[44]           En ce qui concerne certains documents visés par la présente révision, le ministère du défendeur ou un autre ministère fédéral ont divulgué une partie de la communication privilégiée en conformité avec la Loi. La question est de savoir s’il y a eu renonciation à l’égard de cette partie du document seulement et si le privilège continue de s’appliquer aux autres parties du document qui n’ont pas été communiquées.

 

[45]           Le juge Rothstein a examiné toute la question de l’approche relative à la communication partielle de documents en vertu de la Loi dans Stevens, précité, (confirmé C.A.F.). Dans cette affaire, l’une des questions en litige était de savoir si la communication partielle de documents en vertu de la Loi était assimilable à une renonciation à l’égard de l’ensemble du document. En décidant que la communication partielle n’était pas assimilable à une renonciation au privilège, le juge Rothstein a examiné la règle qui s’applique aujourd’hui à la communication partielle en droit canadien.

¶ 35     La règle fondamentale a été définie en ces termes par le lord juge Templeman dans Great Atlantic Insurance Co. v Home Insurance Co, [1981] 2 All ER 485 (C.A.), en page 490 :

 

[traduction] À mon avis, la règle la plus simple, la plus sûre et la plus directe est que si un document est protégé, le droit au secret, si droit il y a, doit être affirmé à l’égard de l’ensemble du document à moins que celui‑ci ne comprenne des sujets distincts tels qu’il peut être divisé en deux documents séparés, dont chacun est complet par lui‑même.

 

Il appert que la règle dégagée dans Great Atlantic a été réservée aux cas où la divulgation partielle a eu lieu dans le cours d’un procès. (Voir, par exemple, GE Capital Corporate Finance Group Ltd v Bankers Trust Co, [1995] 2 All ER 993 (C.A.).) Il y a aussi un courant jurisprudentiel selon lequel il est nécessaire de prendre en considération toutes les circonstances pour savoir si une divulgation partielle constitue une tentative d’induire en erreur de telle façon que la protection soit anéantie pour le document tout entier. Dans Lowry v. Can. Mountain Holidays Ltd. (1984), 59 B.C.L.R. 137 (C.S.), le juge Finch a tiré la conclusion suivante, aux pages 142 et 143 :

 

[traduction] Je ne pense pas qu’il soit conforme à la justice d’acculer les parties ou leurs avocats à ce moyen ou à d’autres pour se soustraire à l’effet de la règle du "sujet unique" pour ce qui est de la question de la renonciation au secret. Que le document se rapporte à un sujet unique ou non, il vaut mieux prendre en considération toutes les circonstances de la cause et se demander si en divulguant cette partie du rapport qui porte sur les faits, les défendeurs cherchent à induire en erreur soit la Cour soit une autre partie, de telle façon qu’il faille conclure qu’ils ont abandonné leur droit au secret à l’égard du restant du rapport.

 

¶ 36     La décision Lowry a été suivie par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans Power Consol. (China) Pulp Inc. v. B.C. Resources Invt. Corp., [1989] 2 W.W.R. 679, et plus récemment dans le contexte de la Loi sur l’accès à l’information, par la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick, Section de première instance, dans Mackin v. New Brunswick (Attorney General) (1996), 141 D.L.R. (4th) 352.

 

¶ 37     À mon avis, la démarche adoptée par le juge Finch dans Lowry est celle qui convient pour examiner, dans les cas soumis à l’application de la Loi sur l’accès à l’information, si la divulgation d’une partie vaut renonciation à l’égard du tout. Bien qu’il soit impossible d’exclure que dans certaines circonstances, la question de manœuvres trompeuses et déloyales puisse se poser dans le cadre de la Loi sur l’accès à l’information, je suis d’avis que pareille question ne doit pas être soulevée souvent vu le rôle de surveillance exercé par le Commissaire à l’information et par la Cour.

 

 38     En l’espèce, le Bureau du Conseil privé a occulté les passages descriptifs parce que les fonctionnaires responsables les jugeaient protégés par le secret des communications entre client et avocat, et divulgué le restant du contenu des relevés en cause, parce que ces fonctionnaires les estimaient (à tort à mon avis) exclus de cette protection. Il est indiscutable qu’en matière de divulgation sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information, la divulgation partielle d’un renseignement protégé ne saurait représenter une tentative de désavantager une partie, ou d’induire en erreur le demandeur ou quelque juridiction que ce soit; d’ailleurs, rien n’indique qu’elle aurait cet effet. Je conclus en conséquence que la divulgation de certaines parties des relevés de services d’avocat ne vaut pas renonciation au secret des communications entre client et avocat.

[Non souligné dans l’original.]

 

[46]           Compte tenu de cette jurisprudence, la communication partielle de documents au demandeur en vertu de la Loi ne peut être considérée comme une renonciation au privilège relativement à l’ensemble du document. La communication en vertu de la Loi n’est effectuée que dans le but de respecter les dispositions obligatoires de la Loi et elle n’influe aucunement sur le caractère privilégié du document. Des parties du document peuvent être communiquées en raison d’obligations légales du ministère public, mais il ne s’agit pas d’une renonciation.

 

[47]           À l’audience, le demandeur a également allégué que la communication était nécessaire en invoquant la renonciation à la catégorie de documents visés par une demande d’exemption en vertu du secret professionnel de l’avocat. L’argument du demandeur visait les documents qui ont un rapport avec l’article 82 de la Loi sur les pêches. L’article impose une prescription de deux ans relativement aux poursuites visant une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Selon le paragraphe 82(2), le certificat censé délivré par le ministre et attestant la date où ces éléments sont parvenus à sa connaissance est admis en preuve. À l’audience, le demandeur a soutenu que parce que le ministère public avait divulgué une ébauche du certificat du ministre et d’autres documents y afférant, il pouvait obtenir la communication de tous les renseignements relatifs à l’article 82. Le demandeur estimait que la communication du certificat était assimilable à une renonciation à l’égard de tous les documents concernant l’article 82.

 

[48]           La Cour n’est pas convaincue du bien‑fondé de cet argument compte tenu de l’examen de la question de la communication partielle effectuée par le juge Rothstein dans Stevens, précité. Vu cette jurisprudence, je ne saurais conclure que la communication d’un certain nombre de documents concernant l’article 82 est assimilable à une renonciation à l’égard de tous ces documents.

 

CONCLUSIONS

 

[49]           J’ai tiré les conclusions suivantes au sujet des principes qui s’appliquent à la divisibilité des documents exemptés :

a.       Le demandeur a droit à la communication de renseignements généraux de nature descriptive, notamment la description du document (par exemple, l’en‑tête de la « note de service » et le numéro d’identification interne du dossier), le nom, le titre et l’adresse de la personne à qui la communication était adressée, la ligne de mention objet, le préambule et l’excipit, habituellement anodins, de la communication, ainsi que la signature.

 

b.      Le demandeur a droit à la communication de documents qui font partie de documents privilégiés dans la mesure où le contenu non privilégié est facilement identifiable et peut être prélevé sans que la tâche ne soit trop onéreuse.

 

c.       Des listes d’autres documents faisant partie des documents privilégiés peuvent également être prélevés si le prélèvement ne pose pas de problèmes sérieux.

 

d.      Les documents qui ont été communiqués au demandeur en vertu des obligations du ministère public en matière de communication de la preuve dans une poursuite pénale ne perdent pas leur caractère privilégié par la même occasion.

 

e.       La communication d’une partie d’un document n’entraîne pas la divulgation obligatoire de l’ensemble dudit document.

 

[50]           Comme je l’ai déjà mentionné, le défendeur a préparé une version publique des pièces qui contiennent d’autres renseignements qui peuvent être communiqués et qui ont été prélevés des documents exemptés. En outre, il a accepté de communiquer d’autres documents qui avaient déjà été remis au demandeur par d’autres ministères ou dont on pouvait démontrer qu’ils étaient du domaine public et qui n’étaient pas visés par une exemption obligatoire. L’avocat du défendeur s’est également engagé à communiquer d’autres documents si le demandeur pouvait établir que tels documents lui avaient déjà été divulgués par suite d’autres demandes d’accès à l’information, sous réserve de toute exemption obligatoire, notamment l’exemption relative aux renseignements personnels. La tâche de la Cour en a donc été grandement facilitée.

 

[51]           Les documents qui avaient été communiqués au demandeur dans une autre procédure et que le défendeur a accepté de communiquer en tout ou en partie avant et pendant l’audience sont énumérés à l’annexe « A » des présentes.

 

[52]           En effectuant un examen page par page des documents pendant l’audience, j’ai constaté qu’un grand nombre d’entre eux ne pouvaient pas facilement faire l’objet d’un prélèvement ni d’un prélèvement supplémentaire.

 

[53]           Il ne restait donc que 310 pages qui exigeaient un examen plus approfondi. Pour ce qui concerne les documents contenant des lettres, notes de service ou messages électroniques, le défendeur avait prélevé les renseignements généraux de nature descriptive, tel que susmentionné. Pour ce qui concerne les autres documents, dans certains cas, les en‑têtes avaient été prélevés. Chacun de ces documents a été examiné de manière plus approfondie pour déterminer si d’autres renseignements ou, dans certains cas, un renseignement quelconque, pouvaient être communiqués au demandeur.

 

[54]           Quant aux documents qui étaient des communications, dans la plupart des cas, aucun autre renseignement ne pouvait être facilement prélevé ou prélevé sans divulguer le contenu du message protégé. Un examen plus rigoureux des documents contenant des listes m’a convaincu que, pour la plupart, les listes étaient protégées et ne pouvaient pas être prélevées sans poser de problèmes sérieux.

 

[55]           Plusieurs documents totalement exemptés avaient été préparés en vue d’une instance par un avocat. Il y avait notamment des observations provisoires à l’intention de la cour ou des renseignements provisoires destinés à l’avocat de la partie adverse. Ce type de document est privilégié et ne peut, selon moi, faire l’objet d’un prélèvement. Dans certains cas, le document exempté est un formulaire imprimé de la Cour. Le demandeur connaît la nature du document à cause des renseignements fournis et il serait inutile de prélever les en‑têtes.

 

[56]           À l’annexe « B » des présents motifs et ordonnance, j’ai établi la liste des documents contenant d’autres renseignements qui devront être prélevés et communiqués au demandeur. Quant aux pages qui ne sont pas inscrites sur la liste, j’ai conclu qu’il était impossible d’effectuer un prélèvement supplémentaire.

 

LES DÉPENS

 

[57]           Le demandeur s’est très bien représenté dans la présente procédure. À ce titre, M. Blank a droit aux débours et à un montant raisonnable pour le temps et les efforts qu’il a consacrés à la préparation et à la présentation de la présente demande : Sherman c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 29.

 

[58]           Le demandeur disposera de deux semaines à compter de la date de publication des présents motifs et ordonnance pour déposer, par écrit, de brèves observations à la Cour au sujet de la nature et du montant de ses dépens. Le défendeur disposera d’une semaine par la suite pour présenter sa réponse et le demandeur aura une semaine supplémentaire pour répondre à son tour aux observations du défendeur avant la délivrance d’une ordonnance concernant les dépens.

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que :

 

            1. Les documents de l’annexe « A » de l’ordonnance soient communiqués conformément à l’engagement du défendeur.

 

            2. Les renseignements contenus dans les documents énumérés à l’annexe « B » de la présente ordonnance soient prélevés conformément aux directives données à l’annexe.

 

3. Les autres documents qui font partie des pièces 42 à 45 ne soient pas prélevés en conformité avec l’article 25 de la Loi sur l’accès à l’information de manière à ce que le demandeur puisse obtenir des renseignements supplémentaires.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑2073‑00

 

INTITULÉ :                                       SHELDON BLANK

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA JUSTICE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 20 JUIN 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 17 NOVEMBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sheldon Blank

 

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Christopher Rupar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sheldon Blank

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 


Annexe A

 

Documents communiqués au demandeur dans une autre procédure

 

 

PIÈCE 42 : 

pages 2480 à 2483

page 2494

page 2510

page 2523

page 2524

page 2537

page 2538

page 2540

pages 2542 et 2543; communiquées en partie

page 2549

page 2550

page 2551

page 2554

page 2555

pages 2556 à 2559

 

PIÈCE 43 :

           

VOLUME 1 :

 

page 2653

pages 2666 à 2669

page 2685

page 2686

pages 2696 et 2697

pages 2699 à 2704

page 2713

pages 2742 et 2743

pages 2749 à 2751

pages 2758 à 2763

pages 2777 et 2778

page 2781

page 2782

page 2794

pages 2797 et 2798

page 2800

page 2816

page 2824

page 2825

page 2841

pages 2844 à 2848

page 2913

page 2914

page 2920

pages 2990 et 2991

pages 2995 et 2996

pages 3048 à 3063

pages 3085 et 3086

pages 3088 et 3089

Volume 3 :

page 3168

pages 3185 à 3189

pages 3201 à 3208

pages 3225 à 3227

page 3230

page 3246

page 3249

pages 3252 et 3253

page 3254

pages 3279 à 3282

pages 3284 à 3292; communiquées à l’exception des prélèvements aux pages 3290 et 3291

pages 3296 et 3297

page 3298

page 3299

page 3300

pages 3301 à 3314

pages 3305 à 3316

page 3317

pages 3318 à 3320

pages 3321 et 3322

page 3324

pages 3335 à 3337

pages 3342 et 3343

pages 3345 à 3349; communiquées en partie

page 3350

page 3353

page 3375

page 3414

page 3502

 

….


Annexe B

 

Documents dont certaines parties doivent être prélevées

 

Pièce 42 : Aucun document

 

Pièce 43 :

 

            Volume 1 :     

                        pages 2567 et 2568; premier paragraphe.

                       

page 2575; première phrase.

                       

pages 2576 à 2691; en‑têtes seulement.

                       

pages 2592 à 2595; premier paragraphe de la page 2592.

                       

page 2600; prélever la déclaration communiquée par le ministère client dans le document 2538.

                                               

page 2605; le message peut être communiqué puisqu’il n’indique que la disponibilité de l’avocat. Il n’y a aucun avis juridique.

 

                        page 2606; première phrase du premier paragraphe.

 

                        page 2607; en‑tête.

 

                        page 2674; première ligne du premier paragraphe.

 

                        page 2818; première phrase.

 

            Volume 2 : Aucun document.

 

            Volume 3 :

 

pages 3209 à 3217; les numéros 11 et 12 de la liste renvoient à des documents du domaine public.

           

                        pages 3219 à 3223; en‑têtes seulement.

 

                        pages 3264 à 3275; en‑tête seulement.

 

                        pages 3382 à 3384; en‑têtes seulement.

 

 

Pièce 44 : Aucun document.

 

Pièce 45 :

 

                        pages 3527 et 3528 : en‑têtes seulement.

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