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     T-565-96

ENTRE :

     MAX RITTENBAUM INC., faisant affaire sous le nom de

     CLEAN-RITE PRODUCTS CO.

     requérante

ET :

     CANADIAN TIRE CORPORATION, LIMITED

     intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL :

     Il s'agit d'un appel interjeté par l'intimée, Canadian Tire Corporation Limited, d'une ordonnance par laquelle le protonotaire adjoint Giles a rejeté sa requête pour que la Cour rende une ordonnance a) qui prescrive l'instruction du point litigieux de savoir si l'inscription de la marque de commerce de l'intimée pour DETAILER'S CHOICE devrait être radiée, ou b), subsidiairement, qui l'autorise à contre-interroger les souscripteurs des deux affidavits produits par la requérante, Max Rittenbaum Inc., relativement à sa demande de radiation.

     Le fond du problème est relativement simple : la requérante et l'intimée se battent à propos de l'utilisation au Canada de la marque de commerce DETAILER'S CHOICE. Toutefois, les moyens retenus par les parties pour parvenir à leurs fins sont assez compliqués. Aussi, afin de mieux comprendre les faits, il peut être utile de dresser l'historique de l'affaire.

     Il importe au préalable de préciser que l'affaire implique deux procédures parallèles. Il y a d"abord la demande de radiation engagée par la requérante sous le régime de l'article 57 de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13 (ci-après appelée la Loi) afin de radier du registre des marques de commerce l'inscription de la marque de commerce pour DETAILER'S CHOICE de l'intimée. Il y a ensuite la procédure d'opposition engagée par l'intimée devant le Bureau des marques de commerce contre la demande d'enregistrement par la requérante de sa marque de commerce DETAILER'S CHOICE. Le présent appel se situe dans le cadre de cette deuxième procédure.

Historique des procédures

A.      Procédure de radiation :
1.      24 août 1992 :      L'intimée demande l'enregistrement de la marque de commerce DETAILER'S CHOICE en liaison avec sa nouvelle gamme d'accessoires automobiles.
                 Les recherches effectuées par l'intimée au Bureau des marques de commerce ne révèlent aucune inscription ni demande d'inscription de la marque de commerce DETAILER'S CHOICE. L'intimée prétend n"avoir eu connaissance d"aucun accessoire de nettoyage automobile portant la marque de commerce DETAILER'S CHOICE qui aurait été mis en vente au Canada.
2.      23 décembre 1993 :      La requérante demande l'enregistrement de la marque de commerce DETAILER'S CHOICE. Dans sa demande, la requérante prétend avoir utilisé la marque de commerce en liaison avec des accessoires de nettoyage automobile (serviettes, brosses, chamois, chamois synthétique, mitaines de lavage et chamoisine) dès le mois d'avril 1992.
3.      2 décembre 1994 :      La marque de commerce de l'intimée est enregistrée pour une utilisation en liaison avec des [TRADUCTION] "accessoires automobiles, à savoir des éponges, des serviettes, des peaux de chamois et des mitaines de lavage".
4.      7 mars 1996 :      La requérante demande la radiation de l'inscription de la marque de commerce de l'intimée sous le numéro TMA 436,456 pour la marque de commerce DETAILER'S CHOICE.
                 La requérante prétend que l'intimée n'a pas le droit de procéder à l'enregistrement de cette marque de commerce parce qu"elle cause de la confusion avec la marque de commerce de la requérante qui aurait été utilisée dans le passé au Canada.
                 À l'appui de sa requête, la requérante dépose les affidavits de Jeffrey A. Rittenbaum et de Ken Orser.
5.      17 mai 1996:          L'intimée dépose sa réplique à la requête de la requérante, de même que les affidavits de Katherine M. Dimock et de Laurie Finlay.
                 L'intimée maintient que la requérante n'a pas fourni des éléments de preuve adéquats et crédibles pour établir que la marque de commerce DETAILER'S CHOICE était utilisée par la requérante avant le 24 août 1992; elle fait valoir subsidiairement que la preuve produite par la requérante à l'égard de l'utilisation de la marque de commerce au Canada avant le 24 août 1992 ne montre pas qu'il y a eu une utilisation dans le cours normal des activités commerciales.
6.      25 mars 1997 :      L'intimée présente une requête demandant que soit rendue une ordonnance qui prescrive l'instruction du point litigieux de savoir si l'inscription de sa marque de commerce sous le numéro TMA 436,456 pour la marque DETAILER'S CHOICE devrait être radiée ou, subsidiairement, qui l'autorise à contre-interroger les souscripteurs des affidavits produits par la requérante (Rittenbaum et Orser).
7.      18 avril 1997 :      Le protonotaire adjoint Giles rejette la requête susmentionnée sans donner de motifs écrits. Il ressort des observations des parties que le protonotaire a pu motiver l'ordonnance oralement.
8.      9 mai 1997 :          L'intimée demande une ordonnance portant annulation de l'ordonnance du protonotaire.

B.      Procédure d'opposition :
1.      5 décembre 1994:      L'intimée engage des procédures d'opposition à l'égard de la demande d'enregistrement de la marque de commerce de la requérante pour DETAILER'S CHOICE.
2.      25 juillet 1996 :      La requérante demande la suspension des procédures d'opposition engagées par l"intimée à l'égard de sa demande.
3.      6 août 1996 :          Par voie d'ordonnance, Madame le juge McGillis suspend les procédures d'opposition jusqu'à l'issue des procédures de radiation.

Points litigieux

     L'intimée soulève deux points litigieux dans son mémoire :
1.      Le protonotaire a commis une erreur de droit en omettant d'examiner la question de savoir si l'instruction d'un point litigieux ou, subsidiairement, le contre-interrogatoire des souscripteurs des affidavits, étaient nécessaires pour trancher les points litigieux entre les parties et, tout particulièrement, la question de savoir si la preuve produite par la requérante à l'appui des procédures de radiation est crédible.
2.      Subsidiairement, fait-elle valoir, le protonotaire a commis une erreur en concluant qu'il n"y avait pas lieu, en l"espèce, d'accorder l'autorisation de contre-interroger les souscripteurs des affidavits parce qu'il est préférable que l'intimée produise des éléments de preuve par voie d'affidavit en réplique.

Les arguments des parties :

     Les procédures de radiation sont engagées en vertu de l'article 57 de la Loi. Ces procédures sont habituellement tranchées de façon sommaire à partir de la preuve produite par affidavit. Toutefois, le paragraphe 59(3) de la Loi prévoit aussi que le tribunal "peut prescrire que toute procédure permise par ses règles et sa pratique soit rendue disponible aux parties". C'est la règle 327 des Règles de la Cour fédérale qui habilite la Cour, sur requête, à prescrire l'instruction d'un point litigieux soulevé à l'occasion de la requête et à donner, au sujet de la procédure préalable à l'instruction, de la procédure d'instruction et de la décision sur la requête, les directives qu'elle estime opportunes.

     La requérante prétend que la crédibilité des souscripteurs des affidavits est un point litigieux clé en l'espèce et qu'elle ne peut être évaluée que si la Cour prescrit l'instruction de ce point afin de déterminer si l'enregistrement de la marque de commerce de l'intimée portant le numéro TMA 436,456 pour DETAILER'S CHOICE devrait être radié. Elle fait aussi valoir que le protonotaire n'a pas reconnu l'importance des droits de propriété en cause, lesquels ne peuvent être réglés de façon sommaire. L'intimée se réfère plus particulièrement aux décisions relatives à la règle 704 dans lesquelles la Cour a statué que, dans des affaires comportant des questions de crédibilité et des situations factuelles complexes, la preuve par affidavit ne suffit pas et que de tels points ne devraient pas être tranchés en l'absence de témoignages en personne et de contre-interrogatoires1.

     L'intimée maintient subsidiairement que tous les faits pertinents ne pourront être portés devant la Cour sans contre-interrogatoire sur les affidavits, puisque les questions litigieuses ne relèveront pas de la connaissance de la requérante. L'intimée identifie huit déclarations comprises dans les affidavits de MM. Rittenbaum et Orser qui seraient ambiguës et sources de confusion et qui nécessiteraient clarification2.

     D'autre part, la requérante fait valoir que la décision du protonotaire ne peut être révisée parce que l'ordonnance n'a pas traité d'une question essentielle au règlement final de l'affaire puisque, indépendamment du résultat de la requête, l'instance devrait porter sur l"examen de la demande de radiation. La requérante fait aussi valoir que le protonotaire n'a commis aucune erreur de droit en rendant l'ordonnance discrétionnaire.

Conclusion:

     Comme dans tous les cas de conflit de procédure, les stratégies des parties adverses doivent nécessairement s"incliner devant la cause supérieure de l'administration adéquate de l'instance afin d"assurer, dans la mesure où cela est raisonnablement possible, la réalisation des fins de la justice. À partir des faits qui m'ont été soumis, j'estime avec égards que quelle que soit la connaissance de la requérante en l'espèce, elle ne peut raisonnablement être réfutée par un affidavit de réplique de la part de l'intimée, les domaines connexes de l'enquête relevant de la connaissance exclusive de la requérante.

     Par conséquent, l'appel est accueilli en partie et l'intimée est autorisée par les présents motifs à contre-interroger les souscripteurs des affidavits de la requérante. Une ordonnance officielle a été rendue à l'audience le 16 septembre 1997.

     L'intimée a droit à ses dépens.

                                 L-Marcel Joyal

                        

                                 J U G E

O T T A W A (Ontario)

Le 8 octobre 1997.

Traduction certifiée conforme         
                             Raymond Trempe, B.C.L.
                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-565-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      MAX RITTENBAUM INC. c.
                     CANADIAN TIRE CORPORATION,
                     LIMITED
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 16 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE JOYAL

DATE :                  Le 9 octobre 1997

ONT COMPARU :

Me Marcus Gallie

Ottawa (Ontario)              POUR LA REQUÉRANTE

Me John McKeown

Toronto (Ontario)              POUR L'INTIMÉE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Kent & Edgar              POUR LA REQUÉRANTE

Cassels, Brock & Blackwell          POUR L'INTIMÉE
__________________

1      L'intimée se réfère plus particulièrement à la décision Hayden Manufacturing c. Canplas Industries Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 186 (C.F. 1re inst.).

2      Voir l"affidavit de Stevan Novoselac, Dossier de la demande de l'intimée, onglet 4, aux pages 3 et 4.

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