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Date : 20010130

Dossier : IMM-2811-00

OTTAWA (Ontario), le 30 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                                             JUN ZHENG

                                                                                                                              demandeur

ET :

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                                          ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

          « P. ROULEAU »                

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 20010130

Dossier : IMM-2811-00

ENTRE :

                                                             JUN ZHENG

                                                                                                                              demandeur

ET :

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 27 avril 2000, dans laquelle Delphina Ocquaye, de la section de l'immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres (Angleterre) (l'agente des visas), a rejeté la demande de permis de séjour pour étudiant que le demandeur avait présentée, au motif qu'elle n'était pas convaincue que les liens entre le demandeur et son pays d'origine étaient suffisamment étroits, ou que ce dernier retournerait dans son pays, dans le cas où il ne serait pas admis à un programme menant à un diplôme ou un baccalauréat au Canada. En outre, elle n'était pas convaincue que le demandeur pouvait être véritablement considéré comme un visiteur du Canada.

[2]                Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine. Le 28 mars 2000, il a présenté à la section de l'immigration du Haut-commissariat du Canada à Londres (R.-U.) une demande de permis de séjour pour étudiant au Canada.

[3]                Dans sa lettre d'accompagnement, il expliquait qu'il étudiait présentement l'anglais en Angleterre et qu'il souhaitait poursuivre ses études au Canada vu que cela coûterait moins cher à sa famille et lui permettrait d'acquérir de précieuses connaissances au sujet de l'Amérique du Nord. Il avait déjà été admis à un programme d'anglais en tant que langue seconde, en Colombie-Britannique. Après avoir terminé ses études, il souhaitait présenter une demande d'admission à un programme d'études en administration des affaires menant à un diplôme ou un baccalauréat dans un établissement canadien. Il a dit que dans le cas où il serait incapable d'étudier l'administration des affaires au Canada, il retournerait en Chine après avoir terminé ses études de la langue anglaise.


[4]                Le demandeur a également expliqué que ses parents, des entrepreneurs prospères, disposaient de fonds suffisants pour subvenir à ses besoins sur le plan financier lors de son séjour au Canada. En outre, le demandeur a dit qu'il projetait d'éventuellement retourner en Chine pour travailler au sein de l'entreprise de ses parents. Sa demande était accompagnée d'un contrat de travail que le demandeur avait conclu avec l'entreprise et qui prévoyait qu'à la fin des études que ce dernier entendait faire au Canada, l'entreprise l'embaucherait en lui accordant des conditions avantageuses et rembourserait 60 p. 100 de ses frais de scolarité.

[5]                Le demandeur a été avisé par lettre que sa demande avait été rejetée le 27 avril 2000.

[6]                L'agente des visas a-t-elle commis une erreur en refusant de délivrer au demandeur un permis de séjour pour étudiant? L'agente des visas a-t-elle violé l'obligation d'agir équitablement qui lui incombait en omettant d'informer le demandeur au sujet des réserves qu'elle avait quant aux intentions à long terme de ce dernier et en omettant de lui donner l'occasion de répondre à ces réserves?


[7]                Le demandeur soutient que l'agente des visas ne pouvait, en prenant sa décision, tenir compte de toute intention qu'il pouvait avoir d'immigrer légalement au Canada. On ne peut tenir compte que d'une intention de demeurer illégalement au Canada, après l'expiration d'un visa temporaire, pour rejeter une telle demande. Le demandeur soutient en outre que l'agente des visas ne pouvait raisonnablement conclure qu'il chercherait à demeurer illégalement au Canada compte tenu des faits qu'exposait sa demande, savoir le fait qu'il avait déjà fait un séjour au Canada en vertu d'un visa d'étudiant et qu'il était rentré en Chine avant l'expiration de ce visa, qu'il provenait d'un famille prospère en Chine, qu'il était certain d'avoir un emploi bien rémunéré au sein de l'entreprise de son père, et qu'il hériterait éventuellement de cette entreprise. Le demandeur soutient qu'il ressortait clairement de sa demande qu'il existe des liens étroits entre lui-même et la Chine, qu'il visait un objectif temporaire valable en cherchant à être admis au Canada, et qu'il avait déjà été un visiteur en bonne et due forme du Canada et souhaitait l'être de nouveau.

[8]                Le demandeur fait valoir que l'agente des visas avait l'obligation de lui faire part, le cas échéant, de toute réserve qu'elle avait au sujet de sa demande, et de lui donner l'occasion de la détromper.

[9]                Le défendeur estime que la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision d'un agent des visas de ne pas délivrer un permis de séjour pour étudiant est celle de la décision manifestement déraisonnable.


[10]            Le ministre soutient que l'agente des visas a appliqué le bon critère pour décider si elle devait délivrer un permis de séjour pour étudiant au demandeur. Sa décision, qui était fondée sur les faits dont elle disposait, n'était pas manifestement déraisonnable. Elle pouvait notamment tenir compte des objectifs à long terme du demandeur. Or, l'agente des visas n'était pas convaincue qu'après avoir terminé ses études au Canada, le demandeur retournerait en Chine. Il s'agit d'une conclusion que l'agente des visas pouvait tirer sur le fondement de la preuve dont elle disposait. C'est à bon droit que la demande du demandeur a été rejetée.

[11]            Le défendeur fait valoir que l'agente des visas n'était pas tenue d'informer le demandeur du fait qu'elle avait des réserves quant au bien-fondé de sa demande, avant de la rejeter. Le traitement d'une demande de permis de séjour pour étudiant est de nature très administrative et il ne s'apparente pas au processus de prise de décision judiciaire. Les demandeurs déboutés ont automatiquement le droit d'interjeter appel en présentant une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale. Une décision défavorable signifie simplement que le demandeur ne pourra étudier au Canada pour une période temporaire. La Loi ne prévoit pas de procédure particulière à suivre en ce qui concerne le traitement des demandes de permis de séjour pour étudiant. Le demandeur ne peut soutenir que le processus était inéquitable pour la seule raison que l'agente des visas ne lui a pas fait part de l'ensemble de ses réserves ou qu'elle a omis de lui donner l'occasion de répondre à ces réserves, qui découlaient directement de la Loi et du Règlement qu'elle était tenue de suivre en appréciant sa demande de visa.


L'analyse

[12]            Le demandeur qui n'est pas un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada et qui souhaite fréquenter une université ou un collège au Canada doit être détenteur d'un permis de séjour pour étudiant valide et non périmé. Le paragraphe 9(1) de la Loi prévoit que tout immigrant ou visiteur (sauf certaines exceptions) doit demander et obtenir un visa avant de se présenter à un port d'entrée. Le paragraphe 9(1.2) de la Loi prévoit qu'il incombe au demandeur de convaincre l'agent des visas qu'il n'est pas un immigrant. Le demandeur avait donc le fardeau d'établir le bien-fondé de sa demande d'admission temporaire au Canada en tant qu'étudiant. L'alinéa 15(1)b) du Règlement prévoit que la personne qui demande un permis de séjour pour étudiant doit convaincre l'agent des visas qu'elle dispose de ressources financières suffisantes.

[13]            La délivrance d'un permis de séjour pour étudiant en vertu du paragraphe 9(4) de la Loi constitue une décision discrétionnaire. Notre Cour a dit dans De La Cruz c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 26 F.T.R. 285 (C.F. 1re inst.), à la page 287, que « [l]e devoir de l'agent des visas est d'examiner toute demande de façon appropriée, mais il n'est tenu de délivrer un visa de visiteur que s'il est convaincu que le requérant respecte les exigences législatives » . En ce qui concerne l'étendue de l'examen de la décision d'un agent des visas de refuser un permis de séjour pour étudiant, notre Cour a conclu :


Pour obtenir gain de cause, les requérants ne peuvent se contenter de démontrer que [la cour aurait] pu en venir à une conclusion différente de celle de l'agent des visas. Il doit y avoir soit une erreur de droit manifeste au vu du dossier, soit un manquement au devoir d'équité approprié à cette décision essentiellement administrative. (De La Cruz c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précitée, à la page 287; Zhao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1124 (C.F. 1re inst.) (9 juillet 1999))

[14]            En outre, l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que la Cour fédérale ne peut intervenir en cas d'erreur de fait d'un office fédéral que si ce dernier a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. La Cour d'appel fédérale a déjà dit qu'on ne pouvait distinguer cette norme de la conclusion de fait erronée « tirée de façon abusive ou arbitraire » d'avec celle de la décision manifestement déraisonnable (Jaworski c. Canada (P.G.) (9 mai 2000), no A-508-98 (C.A.F.), au paragraphe 72).            

[15]            Dans l'arrêt Wong (Tuteur à l'instance) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 246 N.R. 377 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale devait trancher la question de savoir si l'agent des visas peut, en appréciant une demande de visa d'étudiant, examiner l'objectif à long terme du demandeur et tenir compte de cet objectif pour déterminer si le demandeur peut véritablement être considéré comme un visiteur sens du paragraphe 2(1) de la Loi. Voici ce que notre Cour a conclu :

Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, qu'il faut soupeser avec tous les autres faits et facteurs pour déterminer si le demandeur est un visiteur au sens de la Loi.


[16]            À mon avis, il ressort clairement de l'affidavit de l'agente des visas que celle-ci a examiné la question de savoir s'il était probable que le demandeur retourne en Chine après avoir terminé ses études, ce qui, en fait, constitue le critère juridique qu'il convient d'appliquer.


[17]            En l'espèce, l'agente des visas a mentionné dans ses notes du STIDI que le mandataire du demandeur avait soutenu que ce dernier souhaitait présenter une demande d'admission à un programme d'études en administration des affaires menant à un diplôme ou un baccalauréat dans un établissement canadien, après avoir terminé ses études de la langue anglaise au Canada. L'agente des visas a souligné que le demandeur étudiait l'anglais en Angleterre et qu'il souhaitait étudier au Canada parce que cela coûterait moins cher à ses parents. Or, l'agente des visas semblait avoir des réserves du fait que dans sa demande de visa d'étudiant antérieure, le demandeur avait dit qu'il suivait un programme d'études secondaires, bien qu'aucun document démontrant le progrès de ces études n'ait été versé au dossier. De plus, elle semblait avoir des réserves au sujet de l'admissibilité du demandeur à suivre un programme menant à l'obtention d'un diplôme ou d'un baccalauréat et de la raison pour laquelle il ne pouvait poursuivre ses études anglaises au R.-U., et elle n'était pas convaincue que le demandeur était fortement lié à la Chine ou qu'il retournerait dans son pays d'origine dans le cas où il ne parviendrait pas à être admis à un programme menant à l'obtention d'un diplôme ou d'un baccalauréat au Canada. Elle n'était pas convaincue que le demandeur pouvait être véritablement considéré comme un visiteur du Canada.

[18]            Au début de l'audition, j'ai été saisi d'une requête en radiation du paragraphe 6 de l'affidavit du demandeur ainsi que du paragraphe 33 des observations de ce dernier, requête que j'ai accueillie. On a déjà établi que le demandeur ne pouvait se fonder sur des éléments de preuve dont ne disposait pas l'agent des visas pour étayer une demande de contrôle judiciaire (Asafov c. M.E.I., (18 mai 1994) IMM-7425-93 (C.F. 1re inst.); Lemiecha c. Canada (M.E.I.) (1993), 24 Imm. L.R. (2d) 95 (C.F. 1re inst.)). Or, l'agente des visas n'a pris connaissance des renseignements que contenaient le paragraphe 6 qu'au moment où elle a lu l'affidavit du demandeur. En conséquence, notre Cour ne peut, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, tenir compte des nouveaux faits qu'exposent ces paragraphes.


[19]            Après avoir examiné l'ensemble de la preuve et des arguments des parties, j'ai conclu que la décision de l'agente des visas était raisonnable dans les circonstances. Le demandeur est âgé de 16 ans, et aucune preuve ne m'a convaincu qu'il connaissait suffisamment l'anglais pour être en mesure de poursuivre ses études au Canada. Le demandeur a soutenu qu'il lui coûterait moins cher de venir étudier dans notre pays que de demeurer en Angleterre. Je doute fortement du bien-fondé de cette affirmation. Il ressort de la preuve qu'il dispose d'un compte bancaire de 240 000 $ destiné à payer ses études. Si le demandeur avait été plus âgé et s'il avait fait des études de premier cycle, et s'il s'était vraiment engagé à poursuivre des études universitaires, ce qu'il n'a pas encore fait, j'aurais eu une attitude plus favorable à son égard. Je suis également convaincu que la preuve étayant l'argument selon lequel il a des liens suffisamment étroits avec son pays d'origine de façon à garantir son retour n'est pas concluante. À l'instar de l'agente des visas, j'ai un doute considérable en ce qui concerne la probabilité qu'il retourne en Chine.

[20]       Pour ces motifs, la demande est rejetée.

          « P. ROULEAU »                

J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 30 janvier 2001.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                  IMM-2811-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Jun Zheng c. Le ministre

de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 15 janvier 2001

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                                     30 janvier 2001

ONT COMPARU :

M. Rudolf Kischer                                                        POUR LE DEMANDEUR

Mme Pauline Anthoine                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

M. Rudolf Kischer                                                        POUR LE DEMANDEUR Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                               POUR LE DÉFENDEUR

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