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                                                                                                                                 Date : 19990621

                                                                                                                   Dossier : IMM-3389-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 JUIN 1999

DEVANT : MADAME LE JUGE B. REED

ENTRE

                                                                     WEI SUN,

                                                                                                                                      demandeur,

                                                                             et

                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                        défendeur.

                                                               ORDONNANCE

            UNE DEMANDE AYANT été présentée le 7 juillet pour le compte du demandeur en vue du contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas, au haut-commissariat du Canada à Singapour, a rejeté le 3 juin 1998 la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada, ainsi qu'en vue de l'obtention de la réparation suivante :

1.une ordonnance de la nature d'un bref de certiorari annulant la décision défavorable par laquelle l'agent des visas, au haut-commissariat du Canada à Singapour, a rejeté, le 3 juin 1998, la demande que le demandeur avait présentée en vue de résider en permanence au Canada, décision qui a été reçue vers le 10 juin 1998;

2.une ordonnance de la nature d'un mandamus enjoignant au défendeur de traiter la demande de résidence permanente du demandeur ou, subsidiairement, renvoyant l'affaire à un agent des visas différent pour réexamen de la demande;

3.une ordonnance déclaratoire portant que le demandeur remplit les conditions prévues par la Loi sur l'immigration;

4.toute autre réparation que l'avocat peut juger opportune et que cette cour peut juger juste.

            IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

            La demande est rejetée.

                                                                                                                                              B. Reed               

                                                                                                            ________________________

                                                                                                                                                  JUGE                            

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


                                                                                                                                 Date : 19990621

                                                                                                                   Dossier : IMM-3389-98

ENTRE

                                                                     WEI SUN,

                                                                                                                                      demandeur,

                                                                             et

                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                        défendeur.

                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas a rejeté la demande qu'il avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des demandeurs indépendants exerçant des fonctions de modéliste en textiles, décrites dans la Classification canadienne descriptive des professions (définition no 3313-146 de la CCDP). La décision de l'agent des visas est contestée pour plusieurs motifs : l'agent des visas a commis une erreur en concluant que le demandeur exerçait principalement des fonctions de gestion plutôt que de modéliste en textiles et il a donc commis une erreur en ne lui attribuant que quatre points d'appréciation pour l'expérience; l'agent des visas a violé les principes de justice naturelle en refusant d'examiner les échantillons de tissus que le demandeur avait apportés avec lui à l'entrevue; l'agent des visas a commis une erreur en attribuant au demandeur cinq points d'appréciation seulement à l'égard de la personnalité.

[2]         La description de la profession de modéliste en textiles figurant dans la CCDP se lit comme suit :

Conçoit des dessins en vue de la fabrication des tissus en matières textiles, en indiquant le type de tissage, le modèle ainsi que la couleur et la grosseur des fils qui permettront de créer de nouveaux tissus répondant aux besoins et aux goûts de la clientèle : Conçoit de nouveaux genres de tissus en étudiant les tendances de la mode et en faisant appel à ses connaissances sur les textiles et leurs utilisations. Consulte le personnel des services techniques et celui du service commercial afin d'obtenir de nouvelles idées et prévoir l'accueil qui sera réservé par la clientèle aux nouveaux types et genres de tissus. Trace les croquis pour les patrons sur du papier quadrillé, à l'aide d'une règle et d'un crayon. Rédige des instructions afin de préciser le genre de tissage, le produit de finition et les couleurs à utiliser. Examine les échantillons de tissu sur les métiers d'essai et, s'il y a lieu, modifie les dessins.

Peut calculer les coûts de revient pour la fabrication de nouveaux tissus. Peut être désigné selon les produits qu'il crée, par exemple :

Modéliste en tapis

Modéliste en tissus de marque

[3]         Il faut d'abord examiner les études que le demandeur a faites ainsi que ses antécédents professionnels. Le demandeur a obtenu en 1990 un baccalauréat ès sciences (Textiles et vêtements) de l'université catholique Fu Jen. Dans sa demande de résidence permanente, il a déclaré avoir travaillé du mois d'avril 1991 au mois de janvier 1993 à l'Institut des textiles Chian à titre d'ingénieur au sein du service des essais. Du mois de janvier 1993 au mois de février 1995, le demandeur travaillait comme chef du service technique chez Chyang Sheng Dyeing and Finishing Co. Dans le certificat de travail de l'employeur figure une description des fonctions exercées :

[TRADUCTION]

M. Sun, Wei a commencé à travailler à titre de modéliste chez CHYANG SHENG DYEING & FINISHING CO., LTD, le 15 janvier 1993. Il a été promu au poste de CHEF du SERVICE TECHNIQUE le 1er octobre 1993, poste qu'il a continué à occuper jusqu'à ce qu'il démissionne le 1er mars 1995.

M. Sun a fortement contribué à l'organisation de cette société. Grâce aux nouveaux produits qu'il a conçus, notre chiffre d'affaires a considérablement augmenté. En outre, il est un employé modèle qui a toujours traité les autres avec dignité et respect, et ce, quel que soit le poste qu'ils occupaient. On se souviendra du calme avec lequel il abordait les problèmes et de son talent de modéliste. Il était aimé et fort respecté.

[4]         Le demandeur déclare qu'en mars 1995, il a accepté un autre emploi, celui de directeur général et de directeur de la mise au point des nouveaux produits chez Longway Textile Co. Il a signé la description de travail, selon laquelle il exerçait notamment les fonctions suivantes :

a.Études de marché et collections de mode

b.Prévision des tendances relatives aux couleurs et élaboration des procédés de tissage, de teinture et de finition

c.Estimations des coûts et profits relatifs aux nouveaux tissus

d.Évaluation de l'accueil réservé par les clients et amélioration des tissus

e.Application de l'ISO-9001 aux fins de la tenue de dossiers relatifs aux cycles en matière de mode.

[5]         L'agent des visas n'a pas jugé cette description fort crédible parce qu'elle avait été signée par le demandeur lui-même. Un autre facteur qui n'a pas été examiné semble être le fait que selon sa carte de travail, le demandeur avait travaillé pour Fenghin Textile du 14 mars au 2 octobre 1995 et avait uniquement commencé à travailler chez Longway le 29 février 1996.

[6]         Quoi qu'il en soit, le 17 juillet 1996, le demandeur a accepté un emploi en Indonésie chez P.T. Artostex, à titre de directeur de la recherche et du développement. Le certificat de travail établi par cet employeur le 9 mai 1998 décrivait les fonctions et l'expérience du demandeur comme suit :

[TRADUCTION]

I.Conception de dessins relatifs aux nouveaux produits.

II.Estimations des coûts et profits relatifs aux nouveaux produits.

III.Études de marché et collections de mode.

IV.Contrôle de la qualité des nouveaux produits.

V.Évaluation de l'accueil réservé par les clients et amélioration des produits.

VI.Application de l'ISO-9002 aux fins de la tenue de dossiers relatifs au cycle en matière de mode.

REMARQUES :

Pendant les 22 mois qu'il a passés chez Artostex Co., M. Sun a fait preuve de compétences remarquables dans le domaine de la conception et de la mise au point ainsi que d'un bon tempérament.

Nous croyons qu'il fera un apport précieux dans votre pays si vous l'acceptez.

[7]         À l'entrevue, l'agent des visas a questionné le demandeur au sujet des divers postes qu'il avait occupés et a exprimé ses préoccupations au sujet du fait que les fonctions exercées par le demandeur se rapprochaient davantage de celles de directeur que de modéliste en textiles. Le demandeur dit que l'agent des visas ne lui a pas donné la possibilité de répondre à ces questions ou d'apaiser ses inquiétudes. L'agent des visas nie catégoriquement qu'il ait interrompu le demandeur ou qu'il ne lui ait pas donné la possibilité de répondre.

[8]         L'agent des visas a attribué des points au demandeur pour les deux années d'expérience qu'il avait dans le domaine du dessin, soit quatre points. S'il avait jugé que le demandeur possédait quatre années d'expérience dans ce domaine, il lui aurait attribué huit points.

[9]         Le demandeur a apporté à l'entrevue des échantillons de tissus dont l'agent des visas n'aurait pas tenu compte, selon le demandeur; l'agent lui aurait dit de les mettre de côté. Dans son affidavit et pendant le contre-interrogatoire, l'agent des visas a expliqué qu'il ne pouvait pas accorder d'importance aux échantillons de tissus parce qu'il lui était impossible de savoir si le demandeur avait en fait dessiné ces échantillons lui-même.

[10]       Quant à la personnalité, l'agent des visas déclare dans son affidavit avoir posé au demandeur des questions générales au sujet du Canada, et notamment au sujet de la population et du PNB, et lui avoir demandé de nommer les quatre plus grosses villes par ordre d'importance. Le demandeur n'a pas pu répondre à ces questions. Les notes que l'agent des visas a inscrites dans le CAIPS sont ainsi libellées :

[TRADUCTION]

Le demandeur s'est mal présenté -- il s'est presque montré arrogant. Il a dit à un moment donné que ce qui l'intéressait, ce n'était pas tant d'immigrer au Canada que de connaître les tendances dans le domaine de la mode à Toronto étant donné que cette ville est un « centre de mode bien connu » . [...]

La connaissance du Canada qu'avait le demandeur était presque nulle -- il a dit qu'il y avait 200 millions d'habitants au Canada -- il n'a pas pu nommer les quatre plus grosses villes du Canada par ordre d'importance.

[11]       Dans son affidavit, le demandeur déclare qu'il n'a pas été arrogant et que les remarques qu'il a faites au sujet de son installation au Canada doivent avoir été mal interprétées. Il explique qu'il a dit qu'il avait choisi la ville de Toronto comme point de destination parce que c'est un centre de mode bien connu et que ce serait le meilleur endroit pour lui en sa qualité de modéliste en textiles. En outre, il soutient que le fait qu'il a acheté une maison à Markham (Ontario), au nord de Toronto, montre sa motivation et son désir de s'installer au Canada. Il soutient également que l'expérience qu'il a acquise en travaillant en Indonésie montre qu'il peut s'adapter et qu'il est capable de vivre et de travailler dans des milieux étrangers.

[12]       L'agent des visas a défendu son appréciation de la personnalité dans son affidavit et lors du contre-interrogatoire en déclarant que ce n'était pas uniquement le fait que le demandeur n'avait pas de connaissances générales au sujet du Canada qui l'inquiétait. Fait plus important, il a interprété le fait que le demandeur ne connaissait rien au sujet de l'industrie du vêtement et du textile au Canada comme manifestant un manque de motivation et d'initiative. L'agent des visas ne savait pas trop de quelle façon le demandeur avait l'intention de poursuivre sa profession sans avoir de renseignements au sujet des principales maisons, dans ce domaine, et ainsi de suite. L'agent des visas a attribué cinq points à l'égard de la personnalité, soit le nombre moyen de points.

[13]       En ce qui concerne la présumée violation des règles de justice naturelle découlant du fait que l'agent des visas avait refusé de s'intéresser davantage aux échantillons de tissus, le motif de l'agent des visas à cet égard est inattaquable.

[14]       En ce qui concerne les points attribués à l'égard de la personnalité, l'une des questions relatives aux connaissances générales qui a été posée semble déraisonnable -- l'avocat du demandeur affirme qu'il n'est plus question de PNB, mais que l'on parle maintenant de PIB, et que de nombreux Canadiens ne pourraient pas répondre à la question qui a été posée au demandeur. L'incapacité de répondre semble être un facteur déraisonnable sur lequel fonder une évaluation de la personnalité d'un immigrant éventuel au Canada. D'autre part, les remarques de l'agent des visas, à savoir que le demandeur ne connaissait pas l'industrie du textile au Canada, sont fort pertinentes.

[15]       En ce qui concerne l'appréciation de l'expérience du demandeur en sa qualité de modéliste en textiles, la Cour ne substitue pas son opinion à celle du décideur dans le cadre d'un contrôle judiciaire. Il faut plutôt se demander s'il était raisonnablement loisible au décideur de prendre la décision qu'il a prise compte tenu du dossier dont il disposait. Au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale la question est définie comme étant celle de savoir si le décideur « a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose » .

[16]       La présente espèce ne ressemble pas à l'affaire Alireza-Masoud Dianatkhah c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-1518-97 (24 septembre 1998) dans laquelle l'agent des visas n'a pas attribué de points au demandeur à l'égard de l'expérience en technologie de l'électronique malgré ses antécédents impressionnants dans le domaine, parce qu'il doutait que le demandeur ait eu l'intention de travailler comme technologue au Canada puisque, au cours des quelques années précédentes, il avait occupé des postes de gestionnaire. En l'espèce, le dossier du demandeur n'a pas amené l'agent des visas à conclure que le demandeur n'avait pas d'expérience dans le domaine parce qu'il occupait maintenant un poste supérieur. L'agent des visas a attribué des points au demandeur pour les années pendant lesquelles celui-ci avait selon lui été modéliste en textiles.

[17]       L'expérience que le demandeur a acquise en exerçant de nombreux emplois semble se rapprocher davantage de la technologie de la production que de la conception de dessins elle-même. Quoi qu'il en soit, si j'applique le critère nécessaire en l'espèce, je ne puis conclure que la décision ici en cause en est une qu'il soit possible d'infirmer.

[18]       Pour les motifs susmentionnés, la demande est rejetée.

                                                                                                                                              B. Reed               

                                                                                                            ________________________

                                                                                                                                                  JUGE                            

OTTAWA (Ontario)

Le 21 juin 1999.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-3389-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :           WEI SUN c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE : le 10 juin 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Reed en date du 21 juin 1999

ONT COMPARU:

Peter D. Larlee                       pour le demandeur

Sandra Weafer                                   pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Larlee et associés                                          pour le demandeur

Vancouver (C.-B.)

Morris Rosenberg                                         pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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