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Date : 20040226

Dossier : IMM-1384-02

Référence : 2004 CF 287

Ottawa (Ontario), le 26 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

ENTRE :

                                                     RAJINDER SINGH CHOONG

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente des visas, Maria Colucci (agente des visas), datée du 8 juin 2001 (la décision), dans laquelle l'agente des visas a rejeté la demande d'établissement au Canada (la demande) de Rajinder Singh Choong (le demandeur).

CONTEXTE


[2]                Le demandeur était parrainé par le frère de sa femme selon la catégorie relative aux entreprises familiales. Un représentant du ministère à Toronto a approuvé l'offre d'emploi et le dossier a été transféré au bureau des visas de New Delhi pour y être traité. Le demandeur a ensuite déposé une demande de résidence permanente dûment remplie au bureau des visas de New Delhi. Par la suite, il a été convoqué à une entrevue avec l'agente des visas, entrevue sur laquelle, en partie, la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire est fondée.

DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

[3]                Pendant l'entrevue, l'agente des visas a constaté que la capacité du demandeur de lire et d'écrire l'anglais ne lui méritait pas la mention « couramment » . Le demandeur a eu l'occasion de démontrer sa capacité de lire et d'écrire et l'agente des visas a conclu qu'il était capable de lire et d'écrire « correctement » .

[4]                L'agente des visas a accordé 4 points d'appréciation relativement à la personnalité du demandeur en se fondant sur les renseignements dont elle disposait. À son avis, le demandeur avait moins de motivation, d'esprit d'initiative, d'adaptation et d'ingéniosité que la moyenne des gens. Le demandeur a dit qu'il ne s'était pas du tout préparé à déménager au Canada comme il avait l'intention de le faire, surtout à cause d'un manque de temps.

[5]                L'agente a accordé 10 points d'appréciation au demandeur relativement à l'offre d'emploi confirmée dans une entreprise familiale pour le facteur « emploi réservé » .

[6]                Pendant l'entrevue, l'agente des visas a demandé au demandeur de préciser la profession qu'il allait exercer et il a répondu qu'il serait caissier (CNP 6611.0). L'agente des visas a examiné les documents disponibles et elle a tenu compte des réponses du demandeur. Elle était convaincue que le demandeur avait rempli un nombre suffisant des principales tâches reliées à l'emploi prévu. Le demandeur n'a pas demandé d'être évalué à l'égard d'une autre profession.

[7]                Le 8 juin 2001, l'agente des visas a préparé la lettre de refus qui a ensuite été envoyée au demandeur.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[8]                Le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 dit ce qui suit :


11(3) L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

11(3) A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.


QUESTIONS EN LITIGE

[9]                Le demandeur soulève les questions suivantes :

[traduction][...][L]a décision de l'agente des visas de refuser la demande de résidence permanente du demandeur est invalide à sa face même parce que l'agente des visas n'a pas accordé le nombre de points qu'il fallait dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et de la formation, de l'expérience et de la personnalité et parce qu'elle a conclu à tort que le demandeur ne parlait, n'écrivait ni ne lisait couramment l'anglais de sorte que le demandeur n'a pas eu droit à une évaluation équitable, conformément aux principes énoncés dans la loi et les règlements sur l'immigration et conformément aux principes de justice naturelle;      

[...] [L]e refus d'accorder la demande de résidence permanente du demandeur est invalide à sa face même parce que l'agente des visas n'a pas tenu compte du fait que le demandeur a une offre d'emploi qui a été validée en vertu du programme concernant les entreprises familiales et que son beau-frère (le frère de sa femme) est un homme d'affaires bien établi au Canada;

[...] [E]n refusant la demande de résidence permanente du demandeur, l'agente n'a pas tenu compte de toute la preuve d'une manière équitable et judicieuse, comme elle devait le faire et elle a manqué à son devoir d'équité à l'égard du demandeur.


Norme de contrôle

[10]            Quelle que soit la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce, j'en arrive aux mêmes conclusions.

Analyse

Qualité de la langue

[11]            Le demandeur allègue que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui accordant pas suffisamment de points relativement à sa connaissance de la langue anglaise alors qu'il est une personne cultivée qui parle, lit et écrit couramment l'anglais. L'agente des visas n'a accordé que six des neuf points possibles au demandeur. Le demandeur affirme que l'agente des visas a eu tort de refuser sa demande d'établissement, qu'elle a conclu qu'il s'exprimait avec un accent indien et qu'elle n'a pas tenu compte du fait qu'il possédait très bien l'anglais (Maharaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 803 (1re inst.)).

[12]            Il n'y a absolument aucune preuve que le demandeur a obtenu moins de points parce qu'il avait un accent indien. Dans le formulaire de demande présenté par le demandeur, il a dit lui-même qu'il s'exprimait « correctement » en anglais plutôt que couramment. Le seul document qu'il a rédigé pour décrire ses aptitudes de travail contient un nombre suffisant d'erreurs grammaticales et idiomatiques pour qu'il soit tout à fait raisonnable de conclure qu'il écrivait « correctement » l'anglais. Pour ce qui concerne la lecture, la seule preuve dont je suis saisi est l'explication donnée par l'agente des visas dans son affidavit :


[traduction] Je n'étais pas convaincue qu'il lisait et écrivait couramment l'anglais. Quand il a eu l'occasion de démontrer ses capacités de lire et d'écrire pendant l'entrevue, il n'a pas fait preuve du niveau de connaissance de la langue qui m'aurait permis de conclure qu'il lisait et écrivait « couramment » l'anglais. Au contraire, dans mon appréciation, j'ai conclu que sa capacité de lire et d'écrire lui méritait la mention « correctement » .

[13]            Au paragraphe 16 de la décision Mehrabani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 345 (1re inst.), le juge Lemieux a dit ce qui suit sur cette question :

[...]

Je ne peux simplement pas substituer mes opinions à celles de l'agent des visas sur ce que le demandeur a écrit. Le demandeur doit démontrer que l'évaluation est sans fondement. Dans plusieurs décisions, la Cour a reconnu que l'agent des visas était beaucoup mieux placé qu'elle pour évaluer la qualité de la langue d'un demandeur (Voir Ali c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1080, IMM-4873-97, le 22 juillet 1998; Ashraf c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. 1561).

[...]

[14]            C'est tout à fait la position dans laquelle je me trouve. Rien ne me permet de dire que l'agente des visas n'a pas apprécié correctement la qualité de la langue du demandeur.

Qualités personnelles


[15]            Le demandeur affirme également que l'agente des visas a commis une erreur en ne lui accordant que quatre points plutôt que dix pour ce qui touche sa personnalité. Il dit que l'agente des visas a utilisé une décision passe-partout pour évaluer sa capacité d'adaptation, sa motivation, son esprit d'initiative et son ingéniosité. Le demandeur prétend que l'agente des visas n'a pas tenu compte du fait qu'il avait une offre d'emploi qui avait été approuvée en conformité avec le programme relatif aux entreprises familiales, qu'il a de la famille proche qui est disposée à l'aider, qu'il a un endroit où il pourra se loger au Canada et que sa femme possède deux diplômes universitaires. Il peut également faire valoir d'autres avantages économiques. (Iarochenko c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 150 (1re inst.)). Le demandeur prétend que la preuve démontrait clairement qu'il n'aurait absolument aucune difficulté à s'intégrer à la vie canadienne.

[16]            Dans son affidavit, l'agente des visas a expliqué comment elle avait procédé dans cette affaire :

[traduction]

[...]

12. Le demandeur a obtenu quatre (4) points d'appréciation pour ses qualités personnelles. J'ai décidé que le demandeur connaissait peu le Canada. J'ai également décidé que le demandeur manquait de motivation et d'esprit d'initiative. Par exemple, quand je lui ai demandé pour quelle raison il voulait émigrer au Canada et ce qu'il savait du Canada, il a tout simplement répondu : « Mon beau-frère y est installé. Il me parle du Canada. Il me dit que le Canada est un très bon pays [...] Le Canada est un très grand pays qui comporte plusieurs provinces » . Quand je lui ai demandé ce qu'il avait fait pour préparer son arrivée et celle de sa famille au Canada, il a dit : « Je ne me suis pas préparé. Aujourd'hui, je fais mon travail ici et quand j'irai au Canada je ferai le travail là-bas. Je n'ai pas eu le temps » . Le demandeur a ajouté qu'il demeurerait chez son beau-frère. J'ai conclu que le demandeur se fiait sur sa famille qui est bien établie au Canada pour l'aider à s'installer au pays. J'ai également constaté que le demandeur n'avait pas amélioré ses compétences ni suivi de cours d'informatique pour se préparer à travailler au Canada. À mon avis, il s'agissait d'une personne dont la capacité d'adaptation, la motivation, l'esprit d'initiative ou d'ingéniosité était plus faible que la moyenne des gens. Il n'avait à peu près rien fait pour mieux connaître le Canada et le marché du travail du Canada. Par conséquent, je ne lui ai accordé que quatre (4) points relativement au facteur « personnalité » .

13. Contrairement à ce que déclare le demandeur au paragraphe six (6) de son affidavit, j'ai tenu compte du fait qu'il avait eu une offre d'emploi valide selon la catégorie relative aux entreprises familiales provenant de son beau-frère au Canada. Le demandeur a donc obtenu dix points d'appréciation relativement au facteur « emploi réservé » .

...

[17]            Cela est conforme au dossier du tribunal sur cette question. À plusieurs reprises, la Cour a mentionné que les qualités personnelles, ainsi que les points accordés à cet égard, relèvent du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. Dans la décision Kompanets c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 726 (1re inst.), le juge MacKay a fait quelques commentaires utiles sur ce sujet :


11. Le facteur des qualités personnelles et les points attribués à son égard relèvent du pouvoir discrétionnaire de l'agent des visas. L'agent des visas disposait d'éléments de preuve relatifs aux séjours de la demanderesse et de son mari au Canada. Il disposait également d'une preuve concernant les ressources sur lesquelles ils pouvaient compter. L'agent des visas en fait mention dans ses notes CAIPS. Aucun élément du dossier ni de l'argumentation présentée relativement à la présente demande ne mène à la conclusion qu'il n'existait aucun fondement raisonnable sur lequel l'agent des visas pouvait appuyer son appréciation de la demanderesse. Des personnes raisonnables pourraient ne pas être d'accord sur le nombre de points qui lui ont été attribués, mais il faut faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions de fait tirées par l'agent des visas dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Aucune erreur de droit ou de compétence n'a été établie et il n'y a pas lieu de modifier la conclusion tirée quant aux qualités personnelles de la demanderesse.

[18]            Conformément à la décision du juge MacKay, je ne puis conclure, compte tenu des faits en l'espèce, qu'une erreur susceptible de contrôle a été commise à cet égard.

Appréciation en tant que cadre

[19]            Le demandeur fait valoir que l'agente des visas a commis une erreur en évaluant injustement le demandeur, selon le Règlement sur l'immigration, en rapport avec les facteurs profession, emploi, formation et expérience. Il affirme que l'agente des visas s'en est tenue à la profession de « caissier » et qu'elle ne l'a pas évalué relativement à toutes les autres professions possibles (Feng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1054 (1re inst.)).

[20]            Mon examen du dossier révèle que le demandeur n'a pas sollicité une appréciation relativement à la catégorie de cadre et la situation ne présente aucun fait « inhérent » qui aurait dû amener l'agente des visas à évaluer sa demande à cet égard. Le demandeur s'est décrit comme « caissier/commis » . Voir Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1091 (1re inst.), paragraphes 9 et 10.

[21]            Il n'y a eu aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.


Pouvoir discrétionnaire d'acceptation

[22]            Le demandeur soutient que l'agente des visas aurait dû exercer le pouvoir discrétionnaire d'acceptation que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 (Maharaj, précité).

[23]            Dans son affidavit, l'agente des visas explique cette question en ces termes :

[traduction] J'ai conclu que le nombre total de points accordés reflète exactement la capacité du demandeur de réussir son installation au Canada. Je n'ai donc pas exercé le pouvoir discrétionnaire visé au paragraphe 11(3) de la Loi sur l'immigration. Le demandeur a été avisé de la décision négative à son égard à la fin de l'entrevue, mais il n'avait rien à ajouter et il n'a pas demandé l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'acceptation.

[24]            Comme l'a souligné le juge Blais au paragraphe 21 de la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 248, l'agent des visas « jouit d'un vaste pouvoir discrétionnaire » .

[25]            Il n'y a rien au dossier ni parmi les faits en l'espèce qui me permettrait de dire que l'agente n'a pas exercer régulièrement son pouvoir discrétionnaire.

Autres questions

[26]            Les questions susmentionnées sont les véritables questions que soulève le demandeur. Il a soulevé d'autres points moins importants mais, selon moi, ils étaient soit non pertinents soit compris dans les questions principales en litige.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Il n'y a aucune question de certification.

                                                                                 _ James Russell _            

                                                                                                     Juge                      

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1384-02

INTITULÉ :                                                    RAJINDER SINGH CHOONG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 5 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                   LE 26 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Parvinder Saund                                                POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Parvinder Saund                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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