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     IMM-4423-96

ENTRE :

     GOPALASAMY PREMANATHAN et MALINI PREMANATHAN

     et JANIFA PREMANATHAN (par son tuteur à l'audience)

     et JANARTHAN PREMANATHAN (par son tuteur à l'audience),

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

     Que la transcription révisée ci-jointe des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Toronto (Ontario), le 8 août 1997, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

     Sandra J. Simpson

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 août 1997

Traduction certifiée conforme     

                                     F. Blais, LL.L.

     IMM-4423-96

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     (SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)

ENTRE :

     GOPALASAMY PREMANATHAN et MALINI PREMANATHAN

     et JANIFA PREMANATHAN (par son tuteur à l'audience)

     et JANARTHAN PREMANATHAN (par son tuteur à l'audience),

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     EXTRAITS DES MOTIFS PRONONCÉS À L'AUDIENCE

     EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

     LIEU DE L'AUDIENCE :      Cour fédérale du Canada

                     330, avenue University

                     Toronto (Ontario)

     EN DATE DU :          8 août 1997

ONT COMPARU :

Toni Schweitzer,                              pour les requérants

Kathryn Hucal,                              pour l'intimé


     Les requérants sont une famille composée des époux et de leurs deux enfants. Ce sont des Tamouls du Sri Lanka qui demandent un contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 1er novembre 1996, concluant qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

     La demande se fonde sur trois arguments, à savoir :

i)      que la Commission a conclu à tort que les requérants n'étaient pas dignes de foi, ii) que la décision de la Commission est incompréhensible, et iii) que la Commission a conclu par erreur que les requérants avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.

(i)      CRÉDIBILITÉ

     Les requérants soutiennent que la Commission a, dans son évaluation de crédibilité, commis des erreurs susceptibles de contrôle telles qu'il est impossible de dire avec certitude qu'en l'absence de ces erreurs, la Commission aurait conclu dans le même sens.

     La Commission a jugé que les requérants adultes ont dit la vérité en ce qui concerne leur persécution à Jaffna, mais que le récit de leur déplacement à Colombo et des événements qui y sont survenus n'était pas vrai.

     Cette conclusion reposait en partie sur la croyance par la Commission que le mari détenait un laissez-passer délivré par le gouvernement sri lankais. Elle a conclu que le porteur d'un tel document ne serait pas arrêté et détenu à Colombo sur présomption d'appui aux LTTE (Tigres de libération de l'Eelam tamoul). L'intimé a reconnu cependant que la Commission avait fait erreur et qu'en réalité, le requérant adulte détenait un laissez-passer délivré par les LTTE et non par le gouvernement du Sri Lanka.

     La Commission s'est également fondée, dans son évaluation de crédibilité, sur le fait que les requérants adultes, n'ont pu, ni l'un ni l'autre, fournir la date à laquelle la famille a quitté son domicile de Jaffna, situant simplement ce départ à la fin du mois d'août 1995. L'épouse n'a pu également préciser la date de détention de son mari durant les deux semaines passées à Colombo, bien qu'elle fût présente au moment de son arrestation et qu'elle ait participé à l'achat de sa libération.

     Les requérants font valoir que la Commission a commis l'erreur de se fixer sur leur incapacité à se rappeler ces dates alors qu'ils lui ont fourni, avec force détails, d'autres preuves sur leur voyage à Colombo et les événements qui y sont survenus.

     L'intimé affirme, pour sa part, qu'en raison des comptes rendus détaillés des requérants, de l'importance de leur départ de Jaffna et de l'arrestation intervenue à Colombo, il est curieux que les descriptions qu'ils ont fournies ne mentionnent pas de dates, comme il est étrange également qu'ils aient été réticents à répondre aux questions durant l'audience.

     À mon avis, du fait que les requérants adultes ont planifié le départ de leur domicile et qu'ils ont séjourné presque deux semaines seulement à Colombo, la Commission était raisonnablement fondée à douter de leur crédibilité vu leur incapacité à fournir des dates.

     Étant donné, toutefois, que cette constatation reposait autant sur le laissez-passer gouvernemental que sur l'absence de dates, je ne suis pas en mesure d'affirmer, avec une quelconque certitude, que la Commission aurait tiré la même conclusion eut-elle su que le requérant ne possédait pas un laissez-passer gouvernemental.

(ii)      NATURE DE LA DÉCISION

     Les requérants ont allégué que la décision de la Commission comportait des erreurs susceptibles de contrôle en raison de conclusions factuelles contradictoires et d'autres, inintelligibles.

     Je ne trouve aucun élément contradictoire au bas de la page 6 de l'énoncé des motifs où la Commission dit ceci :

     [TRADUCTION]         
     Des milliers de Tamouls ont été arrêtés au fil des années de tension et, de conflit et, même si beaucoup d'entre eux ont été malmenés, la plupart, à l'instar du revendicateur principal, ont été libérés une fois que les autorités se sont assurées de leur identité et convaincues qu'ils ne constituaient pas un danger pour la sécurité.         

À mon avis, il ressort clairement de l'ensemble de la décision que la Commission n'a pas retenu la version des requérants relative aux événements survenus à Colombo. Dans ce contexte, ce passage-ci peut raisonnablement valoir comme observation subsidiaire seulement advenant que la preuve fournie par les intéressés soit avérée.

     Le recours à un langage "passe-partout" au bas de la page 9 de l'énoncé des motifs est regrettable. On y lit :

     [TRADUCTION]         
     Étant donné les inconséquences, contradictions et invraisemblances ci-dessus, la formation conclut que les requérants ne sont ni crédibles, ni dignes de foi.         

Ces propos sont malencontreux, parce qu'il est clair que la preuve fournie ne comporte, en elle-même, aucune inconséquence ou contradiction. Cependant, ce langage ne ternit en rien la clarté d'ensemble des motifs et ne les rend certainement pas inintelligibles.

(iii)      PRI

     Pour les besoins de cette seule partie de l'analyse, j'admets la véracité du compte rendu des événements survenus à Colombo tels que relatés par les requérants adultes qui, d'après leur témoignage, avaient planifié de s'installer à Colombo. Toutefois, au cours de leur première nuit passée dans un pavillon d'hébergement pour réfugiés tamouls, la police a procédé à l'arrestation du requérant adulte et de plusieurs autres Tamouls résidant dans le pavillon. Le requérant adulte a déclaré dans son témoignage qu'il avait été interrogé et battu par la police qui le soupçonnait d'avoir des liens avec les Tigres de libération. Il a été détenu pendant trois jours jusqu'au versement d'un pot-de-vin pour sa libération.

     La police a exigé de lui qu'il se présente au poste deux fois par semaine à compter du lendemain. Ayant ainsi fait, il a attendu cinq heures avant d'être conduit dans une chambre pour identifier d'autres Tamouls en tant que sympathisants éventuels des Tigres. N'ayant pu reconnaître d'autres détenus, il a été battu de nouveau et averti de devoir identifier au moins trois membres des LTTE à sa prochaine visite sinon [TRADUCTION] "il en subirait les conséquences". Le requérant a déclaré qu'il a craint pour sa vie et ne s'est plus représenté au poste.

     Il a pris contact avec son frère installé au Nigeria lequel a mis les requérants en rapport avec un agent qui leur a facilité le départ du Sri Lanka grâce à de faux passeports. Ils ont quitté ce pays le 15 septembre et sont arrivés au Canada le 24 octobre 1995 via Singapour et les États-Unis. Ils ont revendiqué le statut de réfugié deux mois plus tard, le 14 décembre 1995.

     Les requérants ont allégué que la Commission avait conclu à tort que Colombo offrait une PRI et qu'elle n'avait pas en outre abordé la question de savoir si cette PRI n'était pas une solution déraisonnable pour eux, puisque le requérant adulte risquait d'être arrêté au hasard et de subir éventuellement de mauvais traitements et de courtes périodes de détention. Je suis d'avis, toutefois, que la Commission a tenu compte de la question du caractère raisonnable. Au milieu de la page 3 de l'énoncé de ses motifs, elle dit ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     J'ai toutefois examiné aussi les éléments de preuve pour savoir s'il existe au Sri Lanka un lieu où les revendicateurs pourraient vivre en sûreté et s'il serait raisonnable, considérant l'ensemble des circonstances les entourant, de chercher refuge là-bas.         

Et plus loin, à la page 11 de la décision :

     [TRADUCTION]         
     Après examen des preuves documentaires et des circonstances particulières des revendicateurs, je crois que le critère relatif à la PRI que l'on retrouve dans les causes Rasaratnam et Thirunavukkarasu a été respecté et qu'il ne serait pas déraisonnable que les requérants vivent à Colombo.         

     Je ne peux relever aucune erreur dans le traitement que la Commission a accordé à l'un et l'autre aspect de la question relative à la PRI. Même si la perspective d'être pris au hasard d'une rafle et de se présenter périodiquement à la police au risque d'en être maltraité, est certainement très désagréable, je suis persuadée qu'une fois que les autorités ont compris que le requérant adulte n'a pas de lien avec les Tigres de libération et qu'il ne peut en identifier les membres, les difficultés par où il passe vont diminuer. Par conséquent, je ne peux trouver une erreur susceptible de contrôle dans la conclusion de la Commission voulant que Colombo constitue une PRI et que la situation là-bas, pour le requérant adulte, n'est pas déraisonnable.

     Les requérants ont également fait valoir que la Commission a conclu à tort, contrairement à ce qu'indiquait la preuve documentaire, que le requérant adulte avait bon espoir de trouver un emploi à Colombo et d'y établir sa famille. À mon point de vue, s'il y a eu erreur, elle était sans importance du fait que la perspective de trouver un emploi n'a rien à voir avec le caractère raisonnable d'une PRI.

     En outre, les requérants ont allégué que la Commission a commis une erreur en ne faisant pas référence, dans ses motifs, à un document de la Commission daté du mois de mars 1995, comportant une série de questions et de réponses visant à fournir des renseignements à jour sur les PRI au Sri Lanka. À la page 24 de ce document, on signale que les professeurs d'université pour les droits de la personne (University Teachers for Human Rights) ont déclaré dans leur document de 1993 que :

     [TRADUCTION]         
     ... il y a de "bonnes chances" que les chercheurs d'asile refusés qui retournent à Colombo de l'étranger subissent des pressions de la part du gouvernement pour aller de nouveau au nord ou à l'est...         

     La Commission a entendu la cause en juillet 1996. Dans ce cas, je ne suis pas disposée à conclure que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en omettant de faire référence à des renseignements antérieurs à une publication datant de 1993.

CONCLUSION

     La décision de la Commission au sujet de la PRI offerte aux requérants à Colombo ne comportait pas une erreur susceptible de contrôle. Par conséquent, et en dépit de la conclusion inacceptable de la Commission au sujet de la crédibilité, les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention et la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Traduction certifiée conforme     

                                     F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-4423-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Gopalasamy Premanathan et al. c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      7 août 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      par Madame le juge Simpson

EN DATE DU              29 août 1997

ONT COMPARU :

Mme Toni Schweitzer                  POUR LES REQUÉRANTS
M. Kathryn Hucal                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman et associés

Toronto (Ontario)                      POUR LES REQUÉRANTS

George Thomson

Sous-procureur général du Canada              POUR L'INTIMÉ
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