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Date : 20040907

Dossier : T-837-00

Référence : 2004 CF 1221

Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                          PERSONNES DÉSIRANT ADOPTER LES PSEUDONYMES

D'EMPLOYÉ NO 1, D'EMPLOYÉ NO 2 ET AUTRES

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                             

                                                                                                                                      défenderesse

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


[1]                Dans la présente action, les 119 demandeurs sont ou ont été à l'emploi du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) depuis la création de cet organisme en 1984 et étaient auparavant employés des services de sécurité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon les demandeurs, l'offre d'emploi du SCRS était accompagnée d'engagements fermes du SCRS selon lesquels le salaire et les avantages sociaux dont bénéficiaient les demandeurs à la GRC seraient maintenus et que pour l'avenir, ces derniers obtiendraient la parité avec leurs ex-collègues et ce, pour tout le temps où ils seraient à l'emploi du SCRS. De son côté, la défenderesse allègue que son engagement n'était en vigueur qu'au moment du transfert au SCRS, et non pour l'avenir. Les conditions de travail futures relèvent du pouvoir décisionnel du directeur du SCRS.

[2]                Les demandeurs intentent ici une action mais, selon la défenderesse, ils auraient plutôt dû procéder par voie de grief. Advenant une décision défavorable au dernier palier, ils auraient pu par la suite la contester par demande de contrôle judiciaire.

QUESTIONS EN LITIGE

[3]                La seule véritable question à ce stade-ci est la suivante :

Est-ce que les demandeurs ont utilisé le bon véhicule procédural? Est-ce qu'ils auraient dû procéder par contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7 plutôt que d'intenter une action en vertu de l'article 17 de la même loi?

[4]                Pour les raisons qui suivent, les demandeurs auraient dû procéder par voie de contrôle judiciaire.

RÉCLAMATIONS DES DEMANDEURS

[5]                Les demandeurs réclament de la Cour ce qui suit :


a)         ordonner à la défenderesse de payer à l'ensemble des demandeurs les sommes que chacun d'eux réclament, soit une somme globale de 2 684 358 $ pour l'ensemble des demandeurs, la réclamation de chacun des demandeurs apparaissant à l'annexe A de la déclaration, de telles sommes étant à parfaire jusqu'à la décision finale, le tout avec intérêts à compter de la date de la mise en demeure;

b)         rendre une ordonnance obligeant la défenderesse à maintenir pendant la durée de l'emploi des demandeurs au SCRS la même rémunération globale pour chacun d'entre eux que celle de leurs ex-collègues de la GRC et ce, pendant toute période d'emploi actuelle et future de chacun des demandeurs encore à l'emploi du SCRS;

c)         rendre une ordonnance obligeant la défenderesse à ajuster à la hausse les revenus de pension des demandeurs maintenant à la retraite, en fonction des revenus de pension touchés par leurs ex-collègues de la GRC et à maintenir de tels ajustements tant et aussi longtemps que ces demandeurs ou leurs ayant droit ont droit de recevoir de tels revenus de pension;

d)         ordonner à la défenderesse de payer à chacun des demandeurs une somme de 5 000 $ à titre de dommages pour ennuis et inconvénients;


e)         ordonner à la défenderesse de payer aux demandeurs les dépenses qu'ils ont engagés dans la présente action, sur une base avocat-client, de même que les dépens;

f)          ordonner à la défenderesse le paiement d'intérêts pour la période d'avant et après jugement;

g)         ordonner, en vertu de la règle 153 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, le renvoi devant un juge ou un arbitre, de la question de l'évaluation des dommages individuels subis par chacun des demandeurs.

CONTEXTE FACTUEL

[6]                Les 119 demandeurs sont ou ont été à l'emploi du SCRS depuis la création de cet organisme en 1984. Une ordonnance rendue le 17 avril 2000 à la suite d'une requête en confidentialité a permis aux demandeurs de ne pas divulguer leurs noms ni leurs adresses et à s'identifier uniquement comme étant des Personnes désirant adopter les pseudonymes d'Employé no 1, d'Employé no 2 et autres. Les demandeurs étaient tous à l'emploi des services de sécurité de la GRC avant leur entrée en fonction au SCRS en 1984. À la demande de la défenderesse, les demandeurs ont tous accepté d'être transférés de la GRC au SCRS.

[7]                Selon les demandeurs, l'offre d'emploi du SCRS était accompagnée d'engagements fermes du directeur du SCRS de l'époque qu'ils obtiendraient dans l'avenir la parité salariale ainsi que les autres bénéfices dont bénéficieraient leurs ex-collègues de la GRC. C'est en raison de ces engagements qu'ils ont accepté d'abandonner leur emploi à la GRC pour accepter les offres qui leur étaient faites par le SCRS.

[8]                Le 23 février 1998, un employé du SCRS demandait la rectification de sa rémunération et de ses avantages sociaux. Le 24 mars de la même année le sous-directeur du SCRS lui répondait que son traitement était conforme à l'engagement pris à l'époque de la création du SCRS. Il ajoutait ce qui suit :

J'aimerais cependant préciser que rien dans la loi ou dans les documents remis aux anciens membres de la GRC ne garantissait que l'équivalence avec les grades de la GRC serait maintenue. J'ai donc le regret de vous dire que l'étude de votre dossier est terminée.

L'employé en question, avec d'autres, se sont regroupés et ont envoyé par le biais de leur avocat, une mise en demeure datée du 20 août 1999 au directeur du SCRS, Ward Elcock. Il n'y a eu aucune réponse de ce dernier.


[9]                Sur le fond, les demandeurs estiment donc que le SCRS a décidé de ne plus respecter leur contrat de travail en choisissant de ne plus leur accorder la parité salariale et les autres avantages sociaux avec leurs ex-collègues de la GRC. Ils estiment que le SCRS a pris des engagements à leur égard en 1984 et demandent que les écarts de rémunération globale, ce qui inclut les montants de pension, soient comblés rétroactivement à la date de la création de tels écarts respectant ainsi la parité avec leurs ex-collègues.

[10]            La défenderesse, quant à elle, se fonde sur la prémisse que le directeur du SCRS était investi des pouvoirs nécessaires pour gérer le SCRS et ses nouveaux employés en fonction de besoins immédiats et futurs et que la nature du travail effectué par certains des employés du SCRS serait différente de celle qui existait lorsqu'ils étaient employés de la GRC. La défenderesse déclare s'être engagée à offrir à tous les employés des services de sécurité de la GRC des postes au sein du SCRS qui, sur le plan de la rémunération et des avantages sociaux, seraient au moins équivalents à ce qu'ils recevaient au sein de la GRC au moment de leur transfert au SCRS et non en tout temps après.

ANALYSE

[11]            La question déterminante en l'espèce est de savoir si les demandeurs peuvent procéder par voie d'action selon l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales ou auraient dû procéder par voie de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.


[12]            Il convient tout d'abord de brosser un tableau des dispositions législatives pertinentes. Suite au transfert des services de sécurité de la GRC au SCRS en 1984, c'est le directeur du SCRS qui, en vertu du paragraphe 8(1) de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. 1985, c. C-23 (Loi sur le SCRS), a été investi des pouvoirs de déterminer la classification des fonctions, les salaires et les autres avantages sociaux des employés du SCRS. Le paragraphe 8(1) prévoit ce qui suit :


8(1) Par dérogation à la Loi sur la gestion des finances publiques et à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le directeur a le pouvoir exclusif de nommer les employés et, en matière de gestion du personnel du Service, à l'exception des personnes affectées au Service ou détachées auprès de lui à titre d'employé :

a) de déterminer leurs conditions d'emploi; [...] (je souligne)

8(1) Notwithstanding the Financial Administration Act and the Public Service Employment Act, the Director has exclusive authority to appoint employees and, in relation to the personnel management of employees, other than persons attached or seconded to the Service as employees,

(a) to provide for the terms and conditions of their employment; [...] (my emphasis)


[13]            Pour contester une décision de gestion du personnel qui a été prise ou qui a été omise par l'employeur des demandeurs, ces derniers doivent suivre le recours administratif prévu à cette fin. Les demandeurs doivent présenter un grief conforme à la Politique relative au règlement des griefs (Politique) établie par le directeur du SCRS. C'est ce qui se dégage de la lecture combinée des définitions de « grief » et de « fonctionnaire » énoncées au paragraphe 2(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-35 (LRTFP), du droit de présenter un grief prévu au paragraphe 91(1) de la LRTFP et du droit du directeur du SCRS d'établir la procédure de grief applicable au SCRS prévu au paragraphe 8(2) de la Loi sur le SCRS. Ces dispositions prévoient respectivement ce qui suit :



2.(1) « grief » Plainte écrite déposée conformément à la présente loi par un fonctionnaire, soit pour son propre compte, soit pour son compte et celui de un ou plusieurs autres fonctionnaires. Les dispositions de la présente loi relatives aux griefs s'appliquent par ailleurs :

a) aux personnes visées aux alinéas f) ou j) de la définition de « fonctionnaire » ;

[...]

2.(1) « fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique, même si elle a cessé d'y travailler par suite d'une grève ou par suite d'un licenciement contraire à la présente loi ou à une autre loi fédérale, mais à l'exclusion des personnes :

[...]

f) employées par le Service canadien du renseignement de sécurité et n'exerçant pas des fonctions de commis ou de secrétaire;

[...]

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement -- administratif ou autre --, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

8.(2) Par dérogation à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique mais sous réserve du paragraphe (3) et des règlements, le directeur peut établir des règles de procédure concernant la conduite et la discipline des employés, à l'exception des personnes affectées au Service ou détachées auprès de lui à titre d'employé, la présentation par les employés de leurs griefs, l'étude de ces griefs et leur renvoi à l'arbitrage. (je souligne)

2.(1) "grievance" means a complaint in writing presented in accordance with this Act by an employee on his own behalf or on behalf of the employee and one or more other employees, except that

(a) for the purposes of any of the provisions of this Act respecting grievances, a reference to an "employee" includes a person who would be an employee but for the fact that the person is a person described in paragraph (f) or (j) of the definition "employee", [...]

2.(1) "employee" means a person employed in the Public Service, other than

[...]

(f) a person employed in the Canadian Security Intelligence Service who does not perform duties of a clerical or secretarial nature,

[...]

91. (1) Where any employee feels aggrieved in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

8.(2) Notwithstanding the Public Service Staff Relations Act but subject to subsection (3) and the regulations, the Director may establish procedures respecting the conduct and discipline of, and the presentation, consideration and adjudication of grievances in relation to employees, other than persons attached or seconded to the Service as employees. (my emphasis)


[14]            Il est clair qu'après avoir épuisé tous les échelons de la procédure de griefs, les demandeurs n'ont pas droit en l'espèce à l'arbitrage, puisqu'une décision sur des conditions d'emploi ne fait pas partie des décisions qui, selon l'article 92 de la LRTFP, peuvent faire l'objet d'un arbitrage :



92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur_:

a) (...)

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire. (je souligne)

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

(a) (...)

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty, and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication. (my emphasis)


[15]            Cependant, une fois les recours épuisés au niveau des griefs, les demandeurs peuvent présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales malgré le paragraphe 96(3) de la LRTFP :


96(3) Sauf dans le cas d'un grief qui peut être renvoyé à l'arbitrage au titre de l'article 92, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est finale et obligatoire, et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l'égard du grief ainsi tranché.

96(3) Where a grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 92 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken thereon.



Malgré l'existence d'une telle clause privative, une décision d'un tribunal administratif peut être contrôlée par un tribunal judiciaire. C'est le cas ici de la décision présumée négative du directeur du SCRS de ne pas donner suite à la mise en demeure requérant la parité salariale et les autres avantages pour les demandeurs (Vaughan c. Canada, 2003 CAF 76, [2003] 3 C.F. 645 (C.A.), paragraphes 136 et 146).

[16]            À ce point-ci, il est utile de faire référence à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Tremblay c. Canada, 2004 CAF 172, [2004] A.C.F. no 787 (C.A.F.) (QL), qui explique très clairement la distinction entre une action et un contrôle judiciaire selon la nature des questions et les réparations demandées. Lorsqu'une décision d'un office fédéral est attaquée, comme la décision du directeur du SCRS de ne pas accorder aux demandeurs des conditions de travail identiques à celles des employés de la GRC, les demandeurs doivent commencer par faire invalider cette décision en contrôle judiciaire en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Une décision d'un office fédéral ne peut être attaquée par voie d'action présentée en vertu de l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, comme le précise la Cour d'appel fédérale au paragraphe 28 de la décision :

[...] La demande de contrôle judiciaire ne permet pas de réclamer des dommages-intérêts puisque ceux-ci ne sont pas prévus au paragraphe 18.1(3) de la Loi [...]. Les dommages-intérêts ne peuvent être réclamés que par action, et seulement après que la décision de l'office fédéral soit annulée. L'article 17 de la Loi est le recours approprié dans ce cas.


[17]            Appliquons maintenant ces principes aux faits de la présente cause. La Politique (pièce P-3) établie par le directeur du SCRS prévoit trois niveaux de griefs, le dernier niveau étant utilisé lorsque l'employé insatisfait de la décision du sous-directeur présente un grief par écrit au directeur du SCRS (article 5.5 de la Politique). Selon l'article 5.6 de la Politique, le directeur doit donner une réponse par écrit dans les 30 jours ouvrables suivant la transmission du grief. Dans une lettre datée du 24 mars 1998 adressée à un employé du SCRS qui demandait par la sienne du 23 février, le sous-directeur du SCRS a rejeté la demande de rectification de la rémunération et des avantages sociaux. Par le biais de leur avocat, les 119 employés ont fait parvenir une mise en demeure (que je considère comme un grief au troisième palier) du 20 août 1999 au directeur du SCRS, Ward Elcock. Le directeur n'a donné aucune réponse à cette lettre. J'infère du fait que le directeur n'a pas répondu à la mise en demeure datée du 20 août 1999 qu'il a rendu une décision négative par laquelle il refusait la parité demandée. Ce refus est la décision qui a été prise par un « office fédéral » au sens des articles 18 et 2 de la Loi sur les Cours fédérales.

[18]            La Cour a permis aux parties de faire des représentations additionnelles concernant son questionnement relativement à : 1) la compétence résiduelle de la Cour pour se prononcer sur la demande de dommages-intérêts de 5 000 $ réclamés par chacun des 119 demandeurs, et 2) l'opportunité de permettre aux demandeurs de faire une demande de prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision présumée négative du directeur du SCRS d'accorder la parité salariale et bénéfices à ces derniers.


[19]            Des neufs réclamations des demandeurs, une seule, la cinquième « d'ordonner à la défenderesse de payer à chacun des demandeurs une somme de cinq mille dollars (5 000 $) à titre de dommages pour ennuis et inconvénients » ne relève pas d'une demande de contrôle judiciaire. Les autres postes de réclamations découlent de la nullité de la présumée décision négative du directeur du SCRS. La somme de cinq milles dollars (5 000 $) réclamée pourra être décidée après l'annulation de la décision (Tremblay, précité, paragraphe 14).

[20]            Le procureur de la défenderesse soutient que la présente Cour n'a aucune juridiction même sur la question de dommages (Johnson-Paquette c. Canada, [1998] A.C.F. no 1741 (1ère inst.) (QL); Johnson-Paquette c. Canada, [2000] A.C.F. no 441 (C.A.F.) (QL); Vaughan, précité; Bédirian c. Canada (Procureur général), 2004 CF 566, [2004] A.C.F. no 683 (1ère inst.) (QL); Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929). Il plaide que les décisions Johnson-Paquette et Bédirian ont enlevé complètement compétence à la Cour fédérale d'entendre une action aux termes article 17 de la Loi sur les Cours fédérales car dit-il seules les décisions des agents de grief prises aux termes de l'article 91 de la LRTFP sont susceptibles de faire l'objet d'un contrôle judiciaire. De là, les demandeurs auraient dû réclamer les dommages-intérêts de 5 000 $ par grief.

[21]            De plus, il allègue que les décisions Johnson-Paquette et Tremblay sont incompatibles entre elles. Selon lui, il y aurait un régime complet de redressements prévus dans la LRTFP qui empêcherait les demandeurs d'avoir recours à l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales.


[22]            La cause Johnson-Paquette a été reprise par la Cour d'appel dans la cause Vaughan, précitée. Cette dernière a déclaré que la Cour fédérale n'avait pas de juridiction à cause de directives législatives claires même s'il n'y avait pas de recours à un arbitre indépendant (paragraphe 25) tel qu'il existe ici. En effet, on se souviendra que la décision au troisième palier dans la cause qui nous occupe est finale et ne peut faire l'objet d'un arbitrage indépendant en vertu de l'article 92(1) de la LRTFP.

[23]            Le 18 mai 2004, la Cour Suprême du Canada a pris en délibéré la cause de Vaughan, précitée. Ceci veut donc dire que l'état de droit pourrait être modifié.

[24]            Lorsque la présente cause a été plaidée au mois de mai 2004, le jugement de la Cour d'appel fédérale dans Tremblay, précité, venait tout juste d'être rendu (30 avril 2004). Le procureur des demandeurs avait attiré l'attention de la Cour sur les décisions suivantes : Gilmour c. Canada, [2000] A.C.F. 1880 (1ère inst.) (QL); Cleroux c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 586 (1ère inst.) (QL); Sweet c. Canada, [1999] A.C.F. no 1539 (C.A.F.) (QL) et Zarzour c. Canada, [2000] A.C.F. no 2070 (C.A.F.) (QL). Compte tenu de la décision Tremblay, ce procureur demanda à la Cour d'autoriser les demandeurs à présenter une requête pour prorogation de délai afin de déposer une demande de contrôle judiciaire et dans l'attente, suspendre leur action pour dommages un peu comme la Cour d'appel a fait dans l'affaire Tremblay.


[25]            Je crois que cette demande est tout à fait raisonnable étant donnée que la jurisprudence a évolué depuis le début des présentes procédures. Deux raisons motivent la Cour pour suspendre le recours en dommages-intérêts des demandeurs. Le premier étant le jugement récent de la Cour fédérale d'appel dans Tremblay, précité. Le deuxième concerne l'évolution du droit en semblable matière qui pourrait être modifiée par la Cour Suprême du Canada suite aux arguments entendus dans la cause Vaughan, précitée.

[26]            En suivant l'enseignement de la Cour fédérale d'appel dans la cause Tremblay, les demandeurs devront déposer et signifier une action amendée dans les 30 jours de la réception du présent jugement. Cette action devra contenir la conclusion suivante : « ordonner à la défenderesse de payer à chacun des demandeurs une somme de cinq milles dollars (5 000 $) à titre de dommages pour ennuis et inconvénients, le tout avec dépens » .

[27]            L'action ainsi amendée sera suspendue tant et aussi longtemps que les procédures en demande de contrôle judiciaire, décrites ci-après n'auront pas été complétées par jugement final. Les demandeurs pourront, dans les 30 jours de la réception du présent jugement, déposer une requête en prorogation de délai en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Ils pourront, s'ils y sont autorisés, déposer une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'office fédéral ayant refusé de leur accorder la parité salariale et autres bénéfices avec leurs ex-collègues de la GRC.

[28]            Cependant, l'action amendée sera rejetée et ceci sans frais sans qu'aucune autre procédure ou formalité ne soit nécessaire dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a)         si la demande prorogation de délai n'est pas déposée dans le délai imparti;


b)         si la demande de prorogation de délai que pourrait déposer les demandeurs en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales est rejetée; ou

c)         si la demande de prorogation de délai que pourrait déposer les demandeurs en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales est accordée mais que la demande de contrôle judiciaire est rejetée par jugement final.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.          Les demandeurs auraient dû procéder par voie de contrôle judiciaire. Cependant la Cour permet à ces derniers de déposer et signifier une action amendée dans les 30 jours de la réception de la présente ordonnance. L'action amendée ne devra contenir que la conclusion suivante : « ordonner à la défenderesse de payer à chacun des demandeurs une somme de cinq milles dollars (5 000 $) à titre de dommages pour ennuis et inconvénients, le tout avec dépens » .


2.         Cette action ainsi amendée sera suspendue tant et aussi longtemps que les procédures en demande de contrôle judiciaire décrites ci-après n'auront pas été complétées par jugement final. Les demandeurs pourront, dans les 30 jours de la réception du présent jugement, déposer une requête en prorogation de délai en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Ils pourront, s'ils y sont autorisés, déposer une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision de l'office fédéral ayant refusé de leur accorder la parité salariale et autres bénéfices avec leurs ex-collègues de la GRC.

3.         Cependant, l'action amendée sera rejetée et ceci sans frais sans qu'aucune autre procédure ou formalité ne soit nécessaire dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a)        si la demande de prorogation de délai n'est pas déposée dans le délai imparti;

b)         si la demande de prorogation de délai que pourraient déposer les demandeurs en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales est rejetée ; ou

c)         si la demande de prorogation de délai que pourraient déposer les demandeurs en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales est accordée mais la demande de contrôle judiciaire est rejetée par jugement final;

4.         Le tout sans frais.

               « Michel Beaudry »             

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-837-00

INTITULÉ :                                        PERSONNES DÉSIRANT ADOPTER LES PSEUDONYMES D'EMPLOYÉ No 1, D'EMPLOYÉ No 2 ET AUTRES

et

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :              4 et 5 mai 2004

1 juin 2004 (par téléconférence)

2 et 7 juin 2004

22 juin 2004 (par vidéoconférence)


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS ET DE

L'ORDONNANCE :                          le 3 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Jacques Béland                                      POUR LES DEMANDEURS

Raymond Piché                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Béland, Lacoursière                               POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Montréal (Québec)


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