Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20001018


Dossier : T-407-98


ENTRE :

     REVOLVING MEDIA CANADA INC.,

     demanderesse,


     - et -


     JÜRGEN RICHARD MÜNKNER et

     IAP (INTERNATIONAL AIRPORT PROMOTION) n.v.,

     défendeurs.


     ORDONNANCE ET MOTIFS

LE JUGE ROULEAU


[1]      Le lundi 16 octobre 2000, le défendeur Jürgen R. Münkner a présenté à la Cour une demande d'ordonnance :

     (1)      enjoignant à la demanderesse de consigner un montant additionnel à l'égard des frais du défendeur Jürgen R. Münkner selon un montant que la Cour déterminera;
     (2)      interdisant à la demanderesse de prendre d'autres mesures dans l'action tant qu'elle n'aura pas déposé ledit cautionnement;
     (3)      accordant au défendeur Jürgen R. Münkner les frais de la présente requête.

[2]      L'action en l'espèce, qui vise à faire invalider le brevet du défendeur, est assujettie à l'article 60 de la Loi sur les brevets. La demanderesse a déposé un cautionnement pour frais de 5 000 $ lors de l'introduction de l'action. L'action n'est pas réglée; l'instruction doit débuter le 28 novembre 2000 et nécessitera environ dix jours. Le défendeur Jürgen R. Münkner a présenté un projet de mémoire de frais comprenant des débours qui s'élèvent à un montant exorbitant de 72 000 $.

[3]      Le défendeur soutient que, compte tenu du paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets ainsi que de la Règle 416 des Règles de la Cour fédérale, la Cour est tenue de faire droit à cette demande. Le paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets est ainsi libellé :

     Cautionnement pour frais -- À l'exception du procureur général du Canada ou du procureur général d'une province, le plaignant dans une action exercée sous l'autorité du présent article fournit, avant de s'y engager, un cautionnement pour les frais du breveté au montant que le tribunal peut déterminer. Toutefois, le défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit d'obtenir une déclaration en vertu du présent article sans être tenu de fournir un cautionnement.

Voici le texte des Règles 416 et 417 des Règles de la Cour fédérale :

     416.(1) Cautionnement. Lorsque, par suite d'une requête du défendeur, il paraît évident à la Cour que ...
     h) une loi fédérale autorise le défendeur à obtenir un cautionnement pour les dépens.
     416.(6) Cautionnement plus élevé -- La Cour peut, sur requête du défendeur, ordonner au demandeur qui a consigné une somme d'argent à la Cour en application du paragraphe (5) de consigner un montant additionnel.
     417. Motifs de refus de cautionnement -- La Cour peut refuser d'ordonner la fourniture d'un cautionnement pour les dépens dans les situations visées aux alinéas 416(1)a) à g) si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

[4]      Au paragraphe 12 des observations écrites qu'il a déposées auprès de la Cour, l'avocat de la demanderesse fait valoir ce qui suit :

[Traduction] Les défendeurs sont conscients de la situation financière de la demanderesse et tout montant que la Cour fixerait à titre de cautionnement pour frais serait trop élevé pour elle et la forcerait probablement à se désister de son action.

[5]      Comme l'avocat du défendeur Jürgen R. Münkner l'a souligné, il s'agit d'une action visant à invalider un brevet et, conformément au paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets, le défendeur est autorisé à demander un cautionnement pour frais au montant que la Cour peut déterminer.

[6]      Au cours de la conférence préalable à l'instruction qui a été tenue devant le protonotaire Hargrave le 15 décembre 1999, les avocats du défendeur ont fait savoir aux avocats de la demanderesse que leur client demanderait un montant additionnel à titre de cautionnement pour frais. Néanmoins, les interrogatoires préalables se sont poursuivis jusqu'à la fin et des engagements ont été déposés en mars 2000. Ce n'est qu'en septembre 2000 que les affidavits des experts ont été déposés au nom des deux parties.

[7]      Dans l'affaire Electec Ltd. et al c. Comstock Canada et al. (1989), 24 C.P.R. (3d), p. 137, le juge Strayer a expliqué que le cautionnement pour frais vise à permettre au défendeur d'obtenir une garantie que ses frais lui seront payés s'il a gain de cause. Voici comment le juge Strayer s'est exprimé aux pages 141 et 142 :

     On doit de toute évidence en conclure qu'il faut effectivement protéger le breveté défendeur pour ses frais, dans la mesure où le tribunal le fait normalement lorsqu'il impose le dépôt d'un « cautionnement pour les dépens » . La question du montant qu'il convient d'imposer à titre de cautionnement est laissée à la discrétion du tribunal, qui a également ce pouvoir lorsqu'il juge que les conditions préalables énoncées à la règle 446 ont été respectées.

[8]      Comme l'indique le projet de mémoire de frais, il est évident que le défendeur engagera des frais taxables considérables dont le montant dépassera nettement la somme de 5 000 $ que la demanderesse a déjà versée.

[9]      De plus, la demanderesse savait pertinemment, tout au long de l'instance et surtout après la présentation des requêtes devant le protonotaire Hargrave en décembre 1999, que le défendeur avait l'intention de demander des frais supplémentaires; néanmoins, elle a décidé de poursuivre l'action et de terminer l'interrogatoire préalable. Par suite de cet interrogatoire, un délai considérable s'est écoulé avant la présentation de la demande en l'espèce devant la Cour et, au cours de cette période, les deux parties ont engagé des frais supplémentaires pour obtenir des témoignages d'experts.

[10]      Il appert de la preuve que la demanderesse est à peine viable comme entreprise, qu'elle n'a pas d'employés et que son bureau est situé au domicile des parents du président.

[11]      La Cour n'a été saisie d'aucun élément de preuve indiquant que la demanderesse a suffisamment de biens au Canada pour payer les frais du défendeur, si ce paiement devait être ordonné, et je suis convaincu que la Cour est tenue, en vertu du paragraphe 60(3) de la Loi sur les brevets, d'ordonner le dépôt d'un cautionnement additionnel, même si la demanderesse est indigente et risque de devoir se désister de son action.

[12]      En revanche, la demanderesse a déposé un projet de mémoire de frais dont le montant dépasse 60 000 $. Le défendeur n'est nullement tenu de payer un cautionnement additionnel pour les frais en l'espèce, puisqu'il est le titulaire du brevet visé par l'action en invalidation. Comme l'a dit le juge Strayer dans l'affaire Electec Ltd, précitée, la Cour doit ordonner le paiement de frais supplémentaires afin d'éviter que des actions futiles et abusives soient engagées contre les titulaires de brevet.

[13]      Étant donné que le défendeur a tardé à présenter la demande en l'espèce, que ce soit avant ou après la tenue des interrogatoires préalables, mais avant que les frais relatifs aux témoins experts soient engagés, l'ordonnance suivante me semble indiquée :

     ORDONNANCE

     LA COUR ORDONNE STATUE COMME SUIT :

     La demanderesse est tenue de consigner une somme additionnelle de 25 000 $ pour les frais du défendeur Jürgen R. Münkner.

    

     La somme additionnelle doit être consignée à la Cour au plus tard le 20 octobre 2000, faute de quoi l'action de la demanderesse sera radiée.

     Les frais de la présente requête suivront l'issue de la cause.

     De plus, si l'action est radiée, le défendeur Jürgen R. Münkner pourra demander à un juge de la Cour le paiement de ses frais à même le montant de 10 000 $ qu'il a consigné à titre de cautionnement.

                             (s) « P. Rouleau »

                                 Juge

18 octobre 2000

Vancouver (Colombie-Britannique)



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER




NO DU GREFFE :                  T-407-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Revolving Media Canada Inc.

                         v.

                         Jürgen Richard Münkner et al

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L'AUDIENCE :              16 octobre 2000

ORDONNANCE ET MOTIFS DU JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                  18 octobre 2000


ONT COMPARU :

Me Mark Grabas                  Pour la demanderesse
Me Craig Ash                      Pour les défendeurs


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Vermette & Co

Avocats

Vancouver (C.-B.)                  Pour la demanderesse

Oyen Wiggs Green & Mutala

Avocats

Vancouver (C.-B.)                  Pour les défendeurs
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.