Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990108

     Dossier : IMM-1108-98

ENTRE :

     UTHAYAKYUMAR NAVARATNAM,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Le demandeur sollicite une ordonnance tendant à l'annulation de la décision par laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      La Commission a rejeté la revendication du demandeur parce qu'il [traduction] " n'a pas prouvé qu'il est la personne qu'il prétend être ". La décision de la Commission est la suivante :

     [traduction]         
         L'intéressé n'a pas fourni de réponses convaincantes aux questions qui lui ont été posées sur des aspects importants de sa carte d'identité nationale et de son certificat de naissance. Le tribunal s'attendait à obtenir des explications plus convaincantes de la part d'une personne ayant treize années de scolarité. Les explications que l'intéressé a données au sujet de l'adresse numérique inscrite sur sa carte d'identité nationale n'ont pas convaincu le tribunal. Il a donné une explication invraisemblable quand on lui a demandé pourquoi Chulipuram Ouest était inscrit sur sa carte, alors qu'il avait témoigné qu'il vivait à Chulipuram Est. Il a donné une réponse peu convaincante quand on lui a demandé pourquoi il avait dû quitter le Nord, mais pas ses frères.         
         L'explication de l'intéressé au sujet de la date (février 1997) estampillée sur le certificat de naissance n'a pas convaincu le tribunal. L'intéressé a témoigné qu'il avait obtenu ce document après son arrivée au Canada en juillet 1997. Le tribunal ne croit pas son explication.         
         Le tribunal estime qu'il ne possède pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi pour conclure que la carte d'identité nationale ou le certificat de naissance sont valides et appartiennent à l'intéressé. Le tribunal ne possède pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi pour conclure que l'intéressé est la personne qu'il prétend être ou est même un Tamoul originaire du Nord.         
         Comme le tribunal ne croit pas ce que l'intéressé a dit sur la question fondamentale de l'identité, il conclut qu'il n'est pas crédible. Par conséquent, le tribunal n'examinera pas les autres points mentionnés au début de l'audience.         

[3]      À l'audience, la Commission a demandé au demandeur quelle était son adresse et pourquoi il a déclaré qu'il avait vécu à Chulipuram Est alors que Chulipuram Ouest était indiqué sur sa carte d'identité. Le demandeur a répondu que les maisons de Chulipuram ne portaient pas de numéro et qu'il ne savait pas ce que signifiait le numéro 1067 vis-à-vis de la rubrique résidence sur sa carte. Il est acquis que Chulipuram est une ville, et non une rue, et qu'aucun nom de rue n'est mentionné sur la carte. Le demandeur a déclaré que Chulipuram Ouest avait été inscrit sur sa carte par erreur.

[4]      Pour ce qui est du certificat de naissance, la Commission a demandé au demandeur comment ce certificat avait pu lui être délivré pendant qu'il était au Canada, comme il l'a affirmé, si la date de délivrance inscrite sur ce document est le 22 février 1997, date à laquelle il se trouvait encore au Sri Lanka. Une fois de plus, le demandeur a dit qu'il s'agissait sûrement d'une erreur.

[5]      Après l'audience, l'avocat qui le représentait à ce moment-là a fait examiner ces documents de plus près. Cet examen a permis de découvrir que la carte d'identité nationale, qui est rédigée en tamoul et en cingalais, indiquait comme lieu de résidence du demandeur Chulipuram Ouest en tamoul et Chulipuram Est en cingalais. La première traduction, qui est celle sur laquelle chacun s'est fondé à l'audience de la Commission, ne portait que sur les passages en tamoul. Il est ressorti de l'examen du certificat de naissance que la date indiquée sur la traduction en anglais était le 22 février 1997, mais que, sur le document proprement dit, le mois n'était pas indiqué et la date était représentée par une série de chiffres, soit " 22.?.97 ". Le mois, que j'ai représenté par un point d'interrogation, est masqué par une estampille et l'avocat du demandeur a soutenu qu'un examen attentif du document laisse voir le chiffre 8. S'il s'agit du chiffre 8, alors le document aurait été délivré en août, ce qui est compatible avec l'affirmation du demandeur que le document a été délivré après son départ du Sri Lanka.

[6]      L'avocat du demandeur a demandé à la Commission de rouvrir l'audience. La Commission a refusé de le faire en déclarant que [traduction] " la date indiquée au verso du certificat de naissance est clairement le 22 février 1997 ". De plus, la Commission déclare dans les remarques qu'elle fait dans ses motifs sur la preuve qui lui a été soumise que [traduction ] " après l'audience, l'avocat a fourni la carte d'identité nationale elle-même et une copie certifiée originale du certificat de naissance ". L'avocat n'a pas fourni une copie certifiée originale du certificat de naissance. Il a envoyé une photocopie. (L'original s'était antérieurement trouvé dans le bureau de la Commission mais avait depuis été renvoyé à l'avocat. La Commission ne l'avait pas en sa possession lorsqu'elle a entendu la revendication du demandeur et c'est l'avocat qui l'avait lorsqu'il a présenté la requête en réouverture de l'audience.) Par conséquent, la Commission semble avoir cru qu'elle possédait l'original, mais ce n'était pas le cas. Qui plus est, il est très difficile de conclure que la date inscrite sur les photocopies est clairement le 22 février 1997.

[7]      L'argument du demandeur est que puisque la Commission insiste à ce point dans sa décision sur les incohérences présumées entre le témoignage oral du demandeur et les renseignements inscrits sur les deux cartes d'identité, le demandeur aurait dû avoir la possibilité de faire des commentaires de vive voix à ce sujet; la Commission aurait dû examiner l'original du certificat de naissance en présence du demandeur et de son avocat pour voir si c'est l'utilisation d'une photocopie qui a causé la confusion. De plus, on ne sait pas très bien pourquoi l'explication de la raison pour laquelle Chulipuram Ouest a été inscrit par erreur est invraisemblable compte tenu du fait que d'autres éléments de preuve ont été soumis pour attester que les descriptions en tamoul et en cingalais du lieu de résidence n'étaient pas les mêmes. Le cingalais est la langue de l'administration à Colombo, et cette version est compatible avec le témoignage oral du demandeur. L'avocat fait également remarquer que l'allusion au fait que les frères du demandeur sont demeurés dans le Nord ne se rapporte pas vraiment à la question de l'identité, mais à la question du bien-fondé de la crainte du demandeur, question que la Commission n'a jamais examinée.

[8]      L'avocat du défendeur soutient que la décision de la Commission reposait sur des motifs plus généraux que les seuls points susmentionnés, que cette décision reposait sur la conclusion que le demandeur n'a pas fourni des éléments de preuve dignes de foi quant à son identité, qu'il incombait au demandeur de fournir ces éléments de preuve, que le demandeur a manifesté une telle méconnaissance des documents que la Commission était justifiée de se prononcer comme elle l'a fait, et que le demandeur semble avoir été d'accord avec la Commission pour dire que la date de délivrance indiquée sur son certificat de naissance est le 22 février.

[9]      Je conclus que la décision de la Commission devrait être annulée et que la revendication du demandeur devrait être renvoyée afin d'être entendue de nouveau. La Commission a fait reposer sa décision sur le défaut présumé du demandeur de prouver son identité. Cette conclusion reposait, sauf pour la remarque concernant les frères du demandeur, sur la preuve relative à son lieu de résidence au Sri Lanka et sur la date de délivrance de son certificat de naissance. Vu la preuve produite après l'audience, l'audience aurait dû être rouverte afin de permettre au demandeur de faire d'autres commentaires sur ces questions, et la Commission aurait dû inspecter l'original du certificat de naissance.

                                 " B. Reed "

                                         Juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 8 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Noms des avocats et avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU GREFFE :                  IMM-1108-98

INTITULÉ :                          UTHAYAKYUMAR NAVARATNAM

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE JEUDI 7 JANVIER 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE REED

EN DATE DU :                      VENDREDI 8 JANVIER 1999

COMPARUTIONS :                  Michael Crane

                                     pour le demandeur

                             Godwin Friday

                                     pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Michael T. Crane

                             Avocat

                             200 - 166, rue Pearl

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 1L3

                                     pour le demandeur

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                     pour le défendeur

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990108

     Dossier : IMM-1108-98

Entre :

UTHAYAKYUMAR NAVARATNAM,

     demandeur,

     - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.