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Date : 20010213


Dossier : IMM-1774-00

     Référence neutre: 2001 CFPI 59

ENTRE:

     SULTANA NUR NIGER BEGUM

     MOHAMMAD RUSLAAN HOSSAIN

     Demandeurs

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié rendue le 29 février 2000 selon laquelle la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]      Les deux demandeurs sont citoyens du Bangladesh et soutiennent avoir une crainte bien fondée de persécution basée sur des motifs de violence familiale. Pour les fins du présent dossier, je vais référer à la demanderesse, étant donné que la revendication de l'enfant mineur est basée sur la revendication de sa mère.

[3]      La demanderesse est âgée de quarante-trois ans. Elle a obtenu plusieurs degrés universitaires de l'Université de Rajahahi. Avant de quitter son pays d'origine, elle enseignait à Oxford International School à Dhaka.

[4]      La demanderesse s'est mariée le 4 octobre 1981 et deux enfants sont nés de son mariage. Le premier garçon est né en 1983 et vit présentement avec son père au Bangladesh. La demanderesse est venue au Canada avec son deuxième garçon âgé de trois ans.

[5]      La demanderesse allègue qu'elle a été victime d'abus, sous différentes formes, de la part de son époux, au cours des dix-sept années de son mariage.

[6]      La demanderesse mentionne qu'en 1986, sa belle-mère est venue vivre avec eux. Elle était très exigeante et tyrannique à son endroit, alors que son mari prenait partie en faveur de sa mère, à son détriment. Son mari la forçait à obéir à sa mère et allait jusqu'à la battre si elle refusait.

[7]      En août 1987, le mari de la demanderesse s'est rendu au Texas, aux États-Unis, pour compléter son PH,D, pendant que la demanderesse est allée vivre chez ses parents à Rajahahi pour une année et demie et y compléter ses études.

[8]      Le 24 juin 1988, la demanderesse, accompagnée de son fils de cinq ans est allée rejoindre son mari au Texas. Elle y est demeurée avec son mari et son fils jusqu'en mai 1992. Au cours de ces quatre années, elle a continuellement été l'objet de "torture" et d'"humiliation" de la part de son mari.

[9]      La famille est ensuite retournée au Bangladesh. Peu de temps après son retour, la demanderesse a dû se réfugier chez son frère, parce qu'elle était continuellement l'objet de mauvais traitements de la part de son mari. Son frère a communiqué avec son mari et son mari a accepté de mettre fin à sa conduite répréhensible. À ce moment, la demanderesse est retournée vivre avec son mari à Dhaka.

[10]      Le 10 mars 1993, son mari lui a demandé de lui donner tout l'argent qu'elle gagnait à l'école où elle enseignait. Elle a refusé et son mari l'a frappée et l'a jetée sur le sol. Il l'a menacée de la jeter par la fenêtre et lui a demandé de quitter la maison. Une dizaine de jours plus tard, elle s'est rendue chez ses parents à Rajahahi et elle a déposé une plainte auprès du poste de police de Boalia. La demanderesse allègue qu'elle a vécu avec ses parents pour sept à huit mois jusqu'au mois d'octobre 1993 où son mari lui a envoyé une mise en demeure par l'entremise de son avocat lui demandant de revenir à la maison. Il s'excusait pour son comportement et elle est encore une fois retournée chez son mari pour l'amour de leur fils.

[11]      Un mois plus tard, la demanderesse, son mari et leur garçon sont retournés au Texas pour déposer une poursuite légale contre les médecins qui avaient traité leur fils pour une méningite en 1990. Ils sont retournés au Bangladesh en février 1994.

[12]      Au début de 1995, sa belle-mère est retournée vivre avec eux et elle a continué à la harceler. En fait, elle désapprouvait la façon dont la demanderesse s'habillait et, à un certain moment, elle a même brûlé son linge. De son côté, son mari a maintenu la même attitude à son endroit, la forçant même à avoir des relations sexuelles contre sa volonté. Elle allègue avoir été violée en juin 1996 par son mari.

[13]      Au mois d'octobre 1997, son mari est retourné au Texas avec leur garçon pour des traitements sur une période de quatre mois.

[14]      En janvier 1998, son mari lui a demandé de l'argent. Lorsqu'elle a refusé, il lui a attaché son sari autour du cou et est allé jusqu'à la menacer de la tuer. Il l'a forcée à quitter la maison et est allé la reconduire chez sa soeur. À ce moment, la demanderesse a déposé une seconde plainte auprès de la police. Elle est demeurée chez sa soeur jusqu'en décembre 1998. Elle allègue avoir été séparée de son mari depuis janvier 1998. En décembre 1998, la demanderesse a envoyé un avis de séparation à son mari. Elle allègue que quelqu'un aurait tenté de l'enlever, elle et son fils, sur la rue, mais qu'ils avaient été sauvés in extremis par des passants. Elle a déposé une plainte à la police, encore une fois. Par la suite, elle a reçu un téléphone de menaces à la résidence de sa soeur.

[15]      À cause de cela, elle a été forcée de quitter la maison de sa soeur et de se cacher. D'après elle, son mari essayait de la retrouver.

[16]      Avec l'aide de son père, accompagnée de son plus jeune fils, elle a quitté le pays le 25 décembre 1998. Après un mois passé aux États-Unis, elle est arrivée au Canada le 8 février 1999 et a réclamé le statut de réfugié à son entrée au Canada.

[17]      Elle craint que son mari la tue si elle était obligée de retourner dans son pays.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[18]      La Section du statut a conclu que la demanderesse n'était pas crédible.

[19]      La Section du statut a trouvé que l'histoire de la demanderesse était remplie de grossières exagérations et de plusieurs contradictions. La Section du statut a conclu que son histoire n'était pas plausible.

[20]      La Section du statut a noté qu'en dépit de ses allégations à l'effet qu'elle avait vécu une vie de torture et d'humiliation pendant dix-sept ans de mariage et en dépit des menaces de mort de la part de son mari, elle avait voyagé avec lui à l'étranger et était retournée dans son pays à plusieurs occasions et n'avait jamais réclamé le statut de réfugié à l'occasion de ces déplacements à l'étranger.

[21]      La Section du statut a également observé que la demanderesse était demeurée chez ses parents et retournée chez son mari, à plusieurs reprises. À deux occasions, c'est son mari lui-même qui est allé la reconduire chez ses parents ou encore chez sa soeur. La Section du statut considère comme étant contradictoires et peu plausibles, les événements à l'effet que son mari d'un côté lui fasse subir de mauvais traitements, la menace de mort et ensuite serait lui-même allé la reconduire chez ses parents ou chez sa soeur.

[22]      La Section du statut considère que les affirmations de la demanderesse relativement au comportement de son mari sont confuses. Elle trouve difficile à croire que son mari d'un côté la force à aller vivre avec ses parents, alors qu'à d'autres moments, il la force à vivre avec lui; la demanderesse, quant à ces contradictions, n'a fourni aucune autre explication.

[23]      La Section du statut note par ailleurs que les plaintes de la demanderesse à la police n'étaient pas très spécifiques et séparées par plusieurs années. La Section du statut observe également que la demanderesse n'a pas tenté de contacter les groupes de protection de femmes, ne semblait en connaître aucun et ne pouvait donner aucune information à ce sujet. Ce manque de connaissance concernant les groupes d'aide pour les femmes et en ce qui concerne les détails quant aux plaintes déposées auprès de la police, entache la crédibilité de la demanderesse.

[24]      La Section du statut considère que la demanderesse aurait pu obtenir de l'aide avant, si elle l'avait voulu, mais qu'elle ne semble pas avoir tenté d'en obtenir. Cela aussi attaque la crédibilité de la demanderesse. La Section du statut considère que la demanderesse n'était pas très logique lorsqu'elle mentionne d'un côté que les groupes de femmes ne pouvaient pas l'aider, alors qu'elle n'avait jamais tenté de les contacter, ni qu'elle n'avait aucune information quant à ces groupes.

[25]      La Section du statut ne pouvait non plus comprendre pourquoi dans le cas où la demanderesse aurait été torturée et persécutée et que sa vie était en danger, elle aurait accepté volontairement de voyager avec son mari à l'étranger, alors qu'elle pouvait demeurer à la maison ou encore avec sa famille, en sécurité, et profitant du support de cette même famille.

[26]      La Section du statut ne croit pas que la vie de la demanderesse était réellement en danger. La Section du statut considère que le fait que la demanderesse a voyagé avec son mari après avoir reçu des menaces à plusieurs reprises, démontrait l'absence de crainte subjective.

[27]      La Section du statut n'accepte pas non plus le fait que la vie des enfants était en danger considérant que la demanderesse n'a apporté aucune preuve à l'effet que les enfants étaient maltraités. Qui plus est, le fait que son mari soit retourné aux États-Unis avec le plus vieux de ses garçons pour des traitements et qu'il a entrepris une action en justice pour négligence professionnelle contre des médecins, n'était pas logique avec la suggestion de la demanderesse à l'effet qu'il ne s'occupait pas de ses enfants.

[28]      La Section du statut observe également que la demanderesse avait des réponses évasives lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle avait écrit dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'elle avait envoyé un avis de séparation plutôt qu'un avis de divorce, comme c'est la pratique courante dans son pays. Elle ne semblait pas être au courant de la distinction. Elle n'a présenté aucun document légal pour supporter son allégation quant à un avis de séparation.

[29]      La Section du statut note par ailleurs que le document envoyé par la demanderesse à son mari, utilisait l'expression "séparation légale" et que ce document ne semble pas suivre la procédure habituelle non plus. Il est daté du 2 novembre 1998. La Section du statut considère que la demanderesse avait déjà décidé de quitter le pays avant d'envoyer cette lettre, puisque son passeport avait été renouvelé au mois d'octobre 1998. Elle a obtenu son visa pour les États-Unis le 30 novembre 1998. La demanderesse allègue qu'elle était séparée de son mari. Dans d'autres correspondances à son dossier, son mari indique qu'il était, en fait, divorcé de sa femme. Il semble que le statut matrimonial de la demanderesse n'est pas clair et que les explications fournies à l'audition devant la Section du statut, n'ont rien apporté pour clarifier la situation. La Section du statut considère que l'incapacité de clarifier cette question entache encore une fois la crédibilité de la demanderesse.

[30]      La demanderesse a expédié un second avis de divorce à son mari, le 26 juillet 1999. La Section du statut explique que suivant la loi islamique, la demanderesse pouvait demander elle-même le divorce contre son mari, considérant qu'elle avait ce privilège en vertu de son contrat de mariage. Cependant, la Section du statut considère que cet avis de divorce devait suivre la procédure requise et ne pouvait être considéré comme étant un divorce "de facto" comme le suggérait la demanderesse. Ce second document suggère plutôt que la demanderesse était toujours mariée au moment où elle a quitté son pays.

[31]      De plus, la Section du statut, note que, tant dans son FRP que dans les notes au point d'entrée, la demanderesse avait indiqué qu'elle était mariée. Lorsqu'on lui a demandé si elle souhaitait changer cette information au moment de l'audition pour l'expression "séparée", la demanderesse a répondu qu'elle n'avait pas compris la question correctement. La Section du statut n'accepte pas cette explication considérant que la demanderesse a reconnu qu'elle avait rempli sa formule avec l'aide d'un interprète. La Section ne peut accepter que cette question n'a pas été comprise alors que les autres l'ont été. La Section du statut considère qu'étant donné la preuve présentée, la demanderesse était mariée lorsqu'elle a quitté son pays et n'avait pris aucune procédure en divorce, comme elle l'a allégué.

[32]      La Section du statut conclut que la demanderesse n'était ni dans un processus de séparation de son mari ni n'était maltraitée par son mari.

[33]      La demanderesse suggère qu'elle a décidé de quitter le pays, après que des inconnus aient tenté de l'enlever elle et son fils en décembre 1998, sur une motocyclette. À l'audience, elle a modifié son témoignage pour affirmer que l'événement était arrivé en novembre et non pas en décembre. Elle n'a pas expliqué pourquoi elle avait changé la date, mais la Section du statut considère comme étant évident, après un examen plus minutieux, que suivant l'itinéraire de la demanderesse, elle était déjà aux États-Unis, en décembre 1998.

[34]      La Section du statut considère également qu'il est très peu plausible d'enlever une femme et son fils, alors que tous les deux crient et se débattent et ce, sur une motocyclette en plein milieu de la circulation. La demanderesse était d'accord avec le questionnement de la Section du statut et suggérait plutôt qu'il pouvait y avoir une voiture à l'arrière. La Section du statut considère cette explication comme étant un ajustement, mais la considère comme étant inacceptable. De plus, considérant que la demanderesse avait déjà son passeport depuis le 5 octobre 1998 et son visa pour les États-Unis du 30 novembre 1998, la Section du statut en conclut que cet événement, s'il était vraiment arrivé, n'avait pas été décisif dans la décision de la demanderesse de quitter le pays.

[35]      Finalement, la Section du statut considère que la demanderesse n'a pas rencontré le fardeau de prouver qu'il y avait une possibilité raisonnable qu'elle serait victime de persécution, si elle devait retourner dans son pays.



ARGUMENTS DE LA DEMANDERESSE

[36]      La demanderesse soumet que la conclusion de la Section du statut à l'effet que son témoignage était contradictoire, peu plausible et confus, est manifestement déraisonnable, considérant qu'elle avait décrit la relation habituelle d'une femme battue avec son conjoint, lesquelles relations sont entrecoupées d'excuses, de séparations, de réunifications, de participation de d'autres membres de la famille, de promesses, etc.

[37]      La demanderesse soumet également que la Section du statut a erré en concluant que son témoignage était contradictoire quand elle a expliqué qu'elle était à la fois mariée et séparée.

[38]      La demanderesse allègue que la Section du statut a erré quand elle s'est référée à un document obtenu après l'audience et expédié à son conseiller juridique. Dans ces circonstances, la demanderesse soumet qu'il n'y a aucune obligation pour la demanderesse de demander la ré-ouverture de l'enquête et que l'obligation est plutôt à la Section du statut d'agir à l'intérieur de son mandat.

[39]      La demanderesse affirme qu'il n'y a eu aucune offre de ré-ouvrir l'audition et qu'elle n'a, en aucune façon, ni formellement ni explicitement consenti au dépôt de la pièce P-11 et que la Section du statut y a explicitement référé dans sa décision.

[40]      Il est suggéré que les faits dans ce dossier rencontrent le test prévu dans Yousuf c. M.E.I., C.A.F., A-823-90.

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[41]      Le défendeur soumet que la preuve n'a pas à être obtenue à l'audition et que la demanderesse a renoncé à son droit à une ré-ouverture de l'audition parce qu'elle ne s'est pas objectée à la preuve additionnelle déposée par la Section du statut et qu'elle n'a pas non plus demandé la ré-ouverture de l'audition.

[42]      Quant à la crédibilité de la demanderesse, la défenderesse soumet que la Section du statut avait tout à fait le droit de considérer que la preuve présentée par la demanderesse et sa crédibilité était entachée par les nombreuses contradictions entre son témoignage verbal et son formulaire de renseignements personnels (FRP).

[43]      De plus, l'évaluation de la crédibilité et de la plausibilité des faits au soutien de la revendication du statut de réfugiée de la demanderesse est à l'intérieur de la compétence de la Section du statut.


QUESTIONS EN LITIGE

[44]      1.      Est-ce que la Section du statut a commis une erreur révisable en concluant que la conduite tant de la demanderesse que de son ex-mari était peu vraisemblable?
     2.      Est-ce que la Section du statut a commis une erreur révisable en basant sa décision sur une preuve déposée après l'audition sans le consentement explicite de la demanderesse?


ANALYSE

1.      Est-ce que la Section du statut a commis une erreur révisable en concluant que la conduite tant de la demanderesse que de son ex-mari était peu vraisemblable?

[45]      Dans la décision Aguebor c. M.E.I. (1993) 160 N.R. 315, la Cour d'appel fédérale a établi:

There is no longer any doubt that the Refugee Division, which is a specialized tribunal, has complete jurisdiction to determine the plausibility of testimony: who is in a better position than the Refugee Division to gauge the credibility of an account and to draw the necessary inferences? As long as the inferences drawn by the tribunal are not so unreasonable as to warrant our intervention, its findings are not open to judicial review. In Giron, the Court merely observed that in the area of plausibility, the unreasonableness of a decision may be more palpable, and so more easily identifiable, since the account appears on the face of the record. In our opinion, Giron in no way reduces the burden that rests on an appellant, of showing that the inferences drawn by the Refugee Division could not reasonably have been drawn.

[46]      Le juge en chef adjoint Jerome explique dans Boye c. Canada (M.E.I.) (1994), 83 F.T.R. 1 (C.F. 1ère ints.):

To begin with, questions of credibility and weight of evidence are within the jurisdiction of the Refugee Division as the trier of facts in respect of Convention refugee claims. When a tribunal's impugned finding relates to the credibility of a witness, the Court will be reluctant to interfere with that finding, given the tribunal's opportunity and ability to assess the witness, his demeanor, frankness, readiness to answer, coherence and consistency in oral testimony before it.

[47]      La demanderesse suggère que les conclusions de la Section du statut en regard de sa crédibilité sont manifestement déraisonnables considérant qu'elle était victime du syndrome des femmes battues.

[48]      Dans Griffith c. M.C.I., [1999] J.C.F. No. 1141 (C.F. 1ère inst.), le juge Campbell analyse le défaut par la Section du statut de prendre adéquatement en considération ses propres lignes directrices:

As stated, knowing how to decide whether to believe a refugee claimant who has suffered domestic violence is critical. Under the heading "D. Special Problems at Determination Hearings", the Gender Guidelines clearly point out that:
         Women refugee claimants who have suffered sexual violence may exhibit a pattern of symptoms referred to as Rape Trauma Syndrome, and may require extremely sensitive handling. Similarly, women who have been subjected to domestic violence may exhibit a pattern of symptoms referred to as Battered Woman Syndrome and may also be reluctant to testify.
         The "pattern of symptoms" to be expected of women who have been battered is described in the footnote to the quote just cited as follows:
         For a discussion of the battered woman syndrome see R. v.Lavallee, [1990] 1 S.C.R. 852. [S.C.C.] In Lavallee, Madame Justice Wilson addressed the mythology about domestic violence and phrased the myth as [e]ither she was not as badly beaten as she claims, or she would have left the man long ago. Or, if she was battered that severely, she must have stayed out of some masochistic enjoyment of it." The Court further indicated that a manifestation of the victimization of battered women is a "reluctance to disclose to others the fact or extent of the beatings". In Lavallee, the Court indicated that expert evidence can assist in dispelling these myths and be used to explain why a woman would remain in a battering relationship.
     Therefore, the Gender Guidelines suggest that to assess the actions of a women subjected to domestic violence, special knowledge is an essential tool to use in reaching a fair and correct judgment.
     [...]
     To know how to acquire the kind of special knowledge needed to properly judge a case involving domestic violence, Wilson J. in Lavallee at 873 gives the following guidance to decision makers:
         Expert testimony on the psychological effects of battering have been admitted in American courts in recent years. In State v. Kelly, 478 A.2d 364 (1984), at p. 378, the New Jersey Supreme Court commended the value of expert testimony in these terms:
         It is aimed at an area where the purported common knowledge of the jury may be very much mistaken, an area where jurors' logic, drawn from their own experience, may lead to a wholly incorrect conclusion, an area where expert knowledge would enable the jurors to disregard their prior conclusions as being common myths rather than common knowledge.
         The Court concludes at p. 379 that the battering relationship is "subject to a large group of myths and stereotypes." As such, it is "beyond the ken of the average juror and thus is suitable for explanation through expert testimony." I share that view.
     In Lavallee, the knowledge required to reach a just decision was introduced by expert testimony. As alluded to in the passage above quoted from the Gender Guidelines, such testimony might very well be required in some hearings conducted by the CRDD.
     While expert testimony might not be considered practicable or necessary in some cases, in my opinion it is, nevertheless, incumbent on panel members to exhibit the knowledge required, and to apply it in an understanding and sensitive manner when deciding domestic violence issues in order to provide a fair result and avoid the risk of reviewable error in reaching findings of fact, the most important being the finding respecting the claimant's credibility.
     If a claimant is not believed, reasons must be given. In the case of credibility findings with respect to women suffering domestic violence, in my opinion, the requirement for reasons becomes specific: the reasons must be responsive to what is known about women in this condition. The Gender Guidelines are, in fact, an effort to implement the professional education needed to accomplish this objective.
     In the present case, with respect to the CRDD's main credibility concern quoted above at paragraph 8, the CRDD made the following finding:
         The claimant did not provide a satisfactory explanation for the fact that she did not try to leave Saint Vincent at an earlier date, considering that the alleged abuse went on from 1971 to 1992, a period of twenty-one years. She had obtained a passport in 1987. The reasons she gave for not leaving the country at an earlier date were that her children were small and later that she was waiting for an opportunity to come to Canada. She came when she received a letter inviting her to visit a friend in Canada. The panel is not persuaded that she could not have left at an earlier date, with the help of her parents who continued to assist her and who looked after her children. She could have sought refuge in other Caribbean countries, which were easier to reach and did not require visas.
     The CRDD then goes on to state:
         A major delay occurred in Canada, where she waited more than five years to make her claim. Furthermore, she made a claim only after her application to stay on humanitarian and compassionate grounds was rejected. She testified that she remained illegally in Canada and that she did not inquire about regularising her position for a long time. Information about the possibility to claim refugee status is easily available to an English speaking person in Toronto and can be obtained from many sources. The panel finds that her behaviour contradicts the well-founded fear of persecution she claims. Her testimony that she did not move from the address where she resided even after she was informed that her husband was making attempts to have her deported from Canada as an illegal immigrant confirms the above finding of the panel.
    
     In my opinion, these statements of the CRDD do not disclose the degree of knowledge, understanding, and sensitivity required to avoid a finding that a reviewable error has been made in judging the applicant's statements and conduct.
     The pitfall exposed in the statements is that the panel members' interpretation of an "objective" standard is being used as the standard against which the actions of the applicant are being judged; that is, the objective standard of the "reasonable man" so commonly used in criminal and civil law. The issue is not whether men or women are decision makers, but rather whether a male norm is being unfairly applied. About this, Wilson J. in Lavallee at 874 says this:
         If it strains credulity to imagine what the "ordinary man" would do in the position of a battered spouse, it is probably because men do not typically find themselves in that situation. Some women do, however. The definition of what is reasonable must be adapted to circumstances which are, by and large, foreign to the world inhabited by the hypothetical "reasonable man".
     [Footnotes omitted]

[49]      Dans le présent cas, la demanderesse a soumis à la Section du statut une évaluation psychologique qui supporte son affirmation que sa réaction aux violences répétées subies par son mari était tout à fait compatible avec le syndrome de la femme battue.

[50]      La Section du statut a mentionné qu'elle avait considéré la ligne directrice mentionnée plus haut, mais avait considéré qu'elle ne s'appliquait pas dans les circonstances actuelles.

[51]      Je considère qu'une partie de la décision de la Section du statut peut être considérée comme n'ayant pas démontré le degré de connaissance, de compréhension et de sensibilité requises dans un dossier comme celui-ci, particulièrement quant à l'appréciation du témoignage de la demanderesse et de sa conduite.

[52]      Par exemple, la Section du statut a trouvé que la crédibilité de la demanderesse était entachée parce que même si elle mentionnait d'une part qu'elle avait été torturée et persécutée et que sa vie était en danger, elle avait accepté volontairement de voyager avec son mari à l'étranger, plutôt que de rester à la maison ou encore d'aller se réfugier auprès de sa famille pour obtenir de la sécurité et du support. Selon la Section du statut, la demanderesse aurait eu tout à fait la possibilité de demeurer éloignée de son mari et elle ne l'a pas fait. De plus, elle n'a pas réclamé le statut de réfugié à aucune des occasions où elle s'est rendue aux États-Unis. Finalement, la Section du statut n'a pas cru que la vie de la demanderesse était en danger comme elle le suggérait, considérant qu'elle avait voyagé avec son mari après avoir reçu plusieurs menaces, cela constituant une absence de crainte subjective.

[53]      Quant à la recherche d'aide, la Section du statut a considéré que sa crédibilité était entachée parce qu'elle ne connaissait aucun groupe de femmes et de plus, le fait qu'elle ait mentionné que les groupes de femmes ne pouvaient pas l'aider alors qu'elle n'avait jamais tenté d'entrer en contact avec l'un ou l'autre de ces groupes et qu'elle n'avait aucune information à leur sujet, entachait sa crédibilité.

[54]      Les citations de la décision de la Section du statut peuvent démontrer que la Section du statut n'a pas démontré le degré de connaissance et de compréhension et de sensibilité requises qui peut nous amener à conclure que la Section du statut aurait commis une erreur révisable en appréciant la déclaration et la conduite de la demanderesse.

[55]      Cependant, à la lumière de toutes les autres raisons données par la Section du statut pour en arriver à la conclusion que la demanderesse n'était pas crédible, je ne peux en arriver à la conclusion que cette erreur est suffisante pour justifier l'intervention de cette Cour.

[56]      Les conclusions de la Section du statut sur les autres questions ne sont pas en relation au syndrome de la femme battue et ne sont pas manifestement déraisonnables eu égard à la preuve déposée devant la Section du statut. Les conclusions sont en rapport avec les affirmations de la demanderesse en regard à la conduite de son mari, lesquelles sont considérées contradictoires et non crédibles par la Section du statut. La Section a aussi considéré ses explications quant à la tentative d'enlèvement manquant tout à fait de crédibilité.

[57]      Quant à ses explications quant au statut de son mariage, la demanderesse ne m'a pas convaincu que la Section du statut s'est trompée dans ses conclusions à l'effet qu'elle n'était pas en procédure de séparation d'avec son mari. Il était tout à fait plausible pour la Section du statut d'en conclure comme elle l'a fait, à savoir que la demanderesse n'était pas crédible sur cette question.

2.      Est-ce que la Section du statut a commis une erreur révisable en basant sa décision sur une preuve déposée après l'audition sans le consentement explicite de la demanderesse?

[58]      La demanderesse argumente que la Section du statut ne peut pas recevoir de preuve à l'extérieur de l'audience à moins qu'il y ait un consentement explicite de la part de la revendicatrice.

[59]      Le juge Tremblay-Lamer a établi dans Sorogin c. M.C.I., [1999] F.C.J. No. 630 (C.F. 1ère inst.):

However, as counsel for the respondent submits, subsection 69.1(4) was repealed after Lawal, so in his opinion, it would now be acceptable to have a more informal procedure, whereby evidence may be filed outside a hearing where the parties consent to such a procedure and where the rules of natural justice are observed by allowing the claimant to comment on that evidence.
The repeal of subsection 69.1(4) certainly relaxed the rule established byLawal, since the panel is no longer required to hold a hearing in the claimant's presence. Parliament thus prefers a more flexible procedure. In my view, as long as the rules of procedural fairness are observed and the parties consent, the scheme of the Act allows for proceeding in this manner, since Parliament expressly provided that the Refugee Division is not bound by the formal rules of evidence.
While reopening the hearing is always the most appropriate procedure, the circumstances might be such that this procedure would be impracticable or would prevent the panel from acting expeditiously. I therefore accept a departure from this procedure provided that the applicant consents to it and is not prejudiced by it in any way. However, should the applicant object to it, the panel should reopen the hearing.

[60]      Par ailleurs, dans Yassine c. M.C.I., (1994) 172 N.R. 308 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a établi:

     It must also be noted that no objection was taken to the procedure that the Presiding Member adopted for receiving the additional information. That procedure consisted of a direction of November 20, 1990 that the Refugee Hearing Officer make copies of the material available to the appellant's legal counsel and of giving such counsel a period of two weeks within which to submit representations by way of "reply". That procedure was followed. No such reply was submitted. Nor did the appellant raise an objection of any kind as to this way of proceeding. That surely was the time to raise an objection and to ask the panel to reconvene the hearing, assuming that the information could not otherwise be received. The appellant was then in possession of all of the new information and was aware that the panel intended to take notice of it. Not only was no objection made at that time, which I would regard as the "earliest practicable opportunity" to do so (In re Human Rights Tribunal and Atomic Energy of Canada Limited, [1986] 1 F.C. 103 (C.A.), per MacGuigan J., at pages 113-14), the appellant remained silent until after the Refugee Division's decision was released on April 18, 1991. Thus, even if a breach of natural justice did occur, I view the appellant's conduct as an implied waiver of that breach.

[61]      Il semble que le document controversé (pièce P-11) a été discuté à l'audience par le président de la Section du statut et ce dernier s'est aperçu qu'il ne l'avait pas avec lui; il s'agissait d'un document d'information obtenu du Bangladesh relativement à la procédure de divorce. Ledit document a été expédié au procureur de la demanderesse après l'audition, soit le 22 décembre 1999. La demanderesse avait jusqu'au 4 janvier 2000 pour déposer des prétentions écrites. De la preuve supplémentaire fut déposée mais aucun commentaire relatif à la pièce P-11 ne fut reçue par la Section du statut.

[62]      La demanderesse ne s'est pas objecté au dépôt de cette pièce et n'a pas non plus demandé de ré-ouvrir l'enquête. Il semble évident que la demanderesse a eu la possibilité à la fois de répondre à ce document ou de demander de ré-ouvrir l'enquête et elle a choisi de ne pas le faire.

[63]      Je considère que la Section du statut n'a aucunement violé un principe de justice naturelle dans les circonstances.

[64]      En conséquence, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[65]      La demanderesse a soumis la question suivante pour certification:

     Est-ce que la Section du statut doit tenir compte du syndrome de la femme battue en évaluant le comportement des femmes revendicatrices du statut de réfugié qui se disent des femmes battues?

[66]      Me référant aux représentations écrites de la partie défenderesse et particulièrement à l'arrêt Bula c. M.E.I., A-794-92, du 16 juin 1994, où le juge Noël précise:

C'est à la section, en tant que tribunal spécialisé dans l'appréciation des revendications au statut de réfugié, que revient la tâche de décider du bien-fondé d'une demande. Alors qu'un témoignage d'expert peut être de grande utilité dans des domaines particuliers, il s'agit là d'une preuve comme toute autre et c'est au tribunal de déterminer le poids qui doit (lui) être accordé.

[67]      Je suis d'accord et avec le juge Noël et avec le procureur de la défenderesse, qu'il s'agit d'une question de fait spécifique à chaque dossier et qu'il ne s'agit pas d'une question de portée générale.

[68]      En conséquence, la question ne sera pas certifiée.





                         Pierre Blais

                         Juge


OTTAWA, ONTARIO

Le 13 février 2001

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