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     Date: 19990708

     Dossier: IMM-3550-98

Ottawa (Ontario) le 8 juillet 1999

En présence du juge Pinard

Entre:

     Sikkandar JAKARIYA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié rendue le 17 juin 1998, dans laquelle elle a déterminé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

                                 Yvon Pinard

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

     Date: 19990708

     Dossier: IMM-3550-98

Entre:

     Sikkandar JAKARIYA,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]      La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 17 juin 1998, dans laquelle la Commission a déterminé que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

[2]      Le demandeur, citoyen du Sri Lanka, allègue qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion et de son appartenance à un groupe social - c'est-à-dire parce qu'il est un jeune musulman - et du fait des opinions politiques qu'on lui attribue parce qu'on le soupçonne d'appartenir aux Tigres de libération de l'Elam tamoul (TLET).

[3]      Dans sa décision, la Commission a statué ainsi :

     [TRADUCTION]
     DÉTERMINATION
         Après avoir examiné l'ensemble de la preuve, le tribunal conclut que le demandeur n'est pas un "réfugié au sens de la Convention" parce qu'il n'a pas établi qu'il craint avec raison d'être persécuté au Sri Lanka du fait de sa religion, de son appartenance à un groupe social et des opinions politiques qui lui sont imputées. En outre, le tribunal estime que le demandeur dispose d'une possibilité de refuge intérieur (PRI).         

[4]      Premièrement, je remarque, comme l'a signalé l'avocat du demandeur, que le mot "race" ne figure pas dans l'extrait précité de la décision. Le défendeur, toutefois, soutient qu'il ne faut pas examiner à la loupe les motifs de la Commission et invoque la décision Miranda c. M.E.I. (1993), 63 F.T.R. 81, dans laquelle, la Cour a jugé, aux p. 81 et 82 :

         Je suis toutefois d'avis qu'aux fins d'un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission doivent être prises dans leur ensemble. Certes, on peut les découper au bistouri, les regarder à la loupe ou encore, en disséquer certaines phrases pour en découvrir le sens. Mais je crois qu'en général, ces décisions doivent être analysées dans le contexte de la preuve elle-même. J'estime qu'il s'agit d'une manière efficace de déterminer si les conclusions tirées étaient raisonnables ou manifestement déraisonnables.         

Le juge Laskin (plus tard juge en chef) a également écrit, dans l'arrêt Boulis c. Le ministre de la Main d'oeuvre et de l'Immigration, [1974] R.C.S. 875, à la p. 885 :

     ...Il ne faut pas examiner ses motifs à la loupe, il suffit qu'ils laissent voir une compréhension des questions que l'art. 15(1)b) soulève et de la preuve qui porte sur ces questions sans mention détaillée ...         

[5]      En l'espèce, il ressort clairement de l'ensemble de la décision ainsi que du dossier1 que même si la Commission ne mentionne pas expressément le mot "race", elle en a quand même dûment tenu compte. Par exemple, la Commission indique ce qui suit, à la p. 1 de ses motifs : [TRADUCTION] "Le tribunal a évalué les caractéristiques ethniques et religieuses du demandeur - musulman de langue tamoule ...".

[6]      Relativement à l'existence d'une possibilité de refuge intérieur (PRI) dans une autre partie du pays, la Commission s'exprime ainsi :

     [TRADUCTION]         
         Dans ses observations écrites, Me Goldstein a soutenu que le demandeur n'avait pas eu la possibilité de préparer adéquatement sa réponse à la question de la PRI à Colombo. Il ajoute que la Commission a interrogé le demandeur sur la question de savoir s'il avait ou non des amis à Colombo et qu'elle ne lui a pas donné la possibilité de répondre de manière claire et précise.         
         Auparavant, lors de la première séance de l'audience, le demandeur s'était fait demander s'il pourrait vivre à Colombo. Il a répondu que non parce les gens du Nord n'y sont pas aimés et parce que les Cinghalais y sont en majorité. Plus tard, on lui a demandé encore s'il pourrait se prévaloir de la protection du gouvernement à Colombo et s'il pourrait vivre dans cette ville. Il a encore répondu que, ne connaissant personne parce la majorité de la population est cinghalaise et la ville lui étant inconnue, il ne pourrait y vivre. Bien qu'il ait reconnu être au courant qu'un grand nombre de Tamouls y vivaient, il n'a pu fournir d'explication raisonnable relativement à l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de s'y établir.         
         Le tribunal a donné au demandeur toute la latitude possible pour expliquer pourquoi il ne pouvait pas s'établir à Colombo; il rejette donc les arguments de Me Goldstein.         
         Si, comme le pense le demandeur, un jeune Tamoul musulman continuerait d'éprouver des difficultés dans le Nord, le tribunal estime que la PRI à Colombo constitue une option réaliste possible.         
         En outre, comme il appert du rapport du Social Affairs Reporting Unit/Haut-Commissariat canadien-Sri Lanka [renvois omis], Colombo et, même, d'autres régions du pays constituent des possibilités de refuge véritable pour ceux qui veulent s'éloigner des zones où surviennent des combats. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ainsi que M. Bruce Matthews de l'Acadia University, qui a étudié la question en profondeur, sont d'avis que Colombo peut être un site de relocalisation.         

[7]      Pour conclure à l'existence d'une PRI, la Commission doit être convaincue suivant la prépondérance des probabilités qu'il n'y a pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté à l'extérieur d'une région déterminée du pays et que, compte tenu de toutes les circonstances, y compris la situation du demandeur, les conditions à l'extérieur de cette région sont telles qu'il ne serait pas déraisonnable pour lui d'y chercher refuge. Le demandeur a le fardeau de démontrer qu'il n'existe pas de PRI (voir Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 et Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706). Toutefois, le ministre et la Commission sont tenus d'avertir le demandeur qu'ils vont aborder le sujet de la PRI.

[8]      En appliquant ces principes aux faits établis par la preuve en l'espèce, je conclus que les questions de la Commission relativement à la PRI, bien que sommaires, étaient suffisantes pour faire savoir au demandeur que la PRI était en cause. De plus, l'avocat du demandeur a soumis des observations supplémentaires au sujet de la PRI, après l'audience. J'estime également, vu les circonstances, que le demandeur ne s'est pas acquitté du fardeau de prouver que la Commission, laquelle est un tribunal spécialisé, ne pouvait raisonnablement tirer les conclusions qu'elle a formulées (voir Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315).

[9]      Compte tenu de la conclusion selon laquelle il existe une PRI, laquelle conclusion suffit pour rejeter la revendication de statut de réfugié, il ne sera pas nécessaire d'examiner d'autres points.

[10]      La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

                                 Yvon Pinard

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-3550-98
INTITULÉ :                  SIKKANDAR JAKARIYA c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDITION :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDITION :          LE 1er juin 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD

EN DATE DU                  8 juillet 1999

COMPARUTIONS :

MICHAEL GOLDSTEIN                  pour le demandeur

CHRISTINE BERNARD                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MICHAEL GOLDSTEIN                  pour le demandeur

CHRISTINE BERNARD

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      pour le défendeur

__________________

     1      Voir les pages de la transcription officielle intégrale versée au dossier de la Commission auxquelles l'intimé renvoie au paragraphe 8 de son exposé supplémentaire d'arguments.

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