Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980603

     Dossier : IMM-1799-97

ENTRE

     YAHYE MOHAMUD HUSSEIN,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 27 mars 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), a conclu que le demandeur à l'instance n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

Les faits

[2]          Le requérant est originaire de Somalie et citoyen de ce pays. Il a grandi à Mogadishu. Grâce à son père, il fait partie du sous-clan Abgal du clan Hawiye. Il craint d'être persécuté par le clan Habr Gidir s'il retourne en Somalie. Son père était un conseiller et un possible donateur financier de l'United Somali Congress (U.S.C.). En novembre 1991, il a été tué par le Habr Gidir quand il allait rendre visite à la famille du demandeur pour lui donner de l'argent en vue de l'achat de la nourriture. Deux semaines plus tard, la mère du demandeur s'est enfuie avec le demandeur et ses deux soeurs vers Kismayo. En 1992, ils se sont installés à Kismayo. En juillet 1993, la mère du demandeur avait décidé de fuir la Somalie pour s'installer dans un camp de réfugiés à Mombassa (Kenya). Ils y sont restés pendant deux ans. Ils ne pouvaient quitter le camp de peur d'être expulsés. La mère craignait que, en tant que fils unique, le demandeur serait tué s'il était expulsé vers la Somalie. Elle a décidé de l'envoyer au Canada avec un agent. Il est arrivé au Canada le 8 mai 1995. Au moment de l'audition devant la Commission en 1996, le demandeur avait 17 ans.

[3]          Le demandeur a témoigné qu'après son arrivée au Canada, sa mère a téléphoné à sa demi-soeur à partir de Mogadishu. Elle les a informés qu'elle avait quitté le camp de réfugiés avec les deux soeurs du demandeur. Depuis cet appel téléphonique, le demandeur et son témoin d'identité (sa demi-soeur) qui s'était établie au Canada après la mort de leur père, n'ont eu aucun autre contact avec la mère du demandeur et qu'ils n'ont eu aucune nouvelle d'elle.

Les motifs de la Commission

[4]          La Commission a conclu que si le demandeur devait retourner à son propre clan, avec des parents se portant garants de son identité, il serait probablement protégé, avec d'autres membres du clan, tant qu'il vit dans le territoire Abgal.

[5]          La Commission a également tiré des conclusions favorables à l'égard du demandeur et du témoin d'identité. La Commission a aussi reconnu qu'il existait une preuve abondante de la violence des clans en Somalie.

Les points litigieux

1.      La Commission a-t-elle tiré sa conclusion en l'absence de preuve à l'appui?
2.      La Commission a-t-elle méconnu la preuve pertinente dont elle était régulièrement saisie?

Analyse

1.      Absence de preuve à l'appui

[6]          La Commission a conclu que : [TRADUCTION] ...la mère et les soeurs du demandeur vivent actuellement dans leur maison dans le district d'Yaqshid de Mogadishu, après qu'elles eurent quitté le Kenya"1.

[7]          Dans sa conclusion, cette conclusion de fait est reformulée en ces termes : [TRADUCTION] "Le tribunal estime que, comme sa mère et ses soeurs vivent à Mogadishu dans leur ancienne maison et n'ont relevé aucun problème dans cette région, il n'y a pas de chances pour que le revendicateur ne soit pas en mesure de le faire"2.

[8]          Cette conclusion de fait n'est pas étayée par la preuve. Il y a seulement la preuve que la mère est retournée à Mogadishu avec ses filles.

2.      La Commission a-t-elle méconnu la preuve dont elle était régulièrement saisie?

[9]          Le demandeur soutient que bien qu'il ait déposé beaucoup d'éléments de preuve sur la situation de la Somalie et, en particulier, la preuve du déclenchement de la violence des clans, la Commission n'a pas tenu compte de ces éléments de preuve en tirant sa conclusion. Le demandeur fait particulièrement état d'un article dans le Toronto Globe and Mail, en date du 18 décembre 1996, qui disait : [TRADUCTION] "La bataille pour la capitale somalienne de Mogadishu s'est élargie hier avec une autre faction se joignant au combat, qui a fait 135 morts et 900 blessés en cinq jours...3.

[10]          La Commission a reconnu de façon générale l'aspect principal de la preuve documentaire. Elle a fait remarquer que beaucoup de citoyens de Mogadishu avaient été victimes du conflit dans cette ville4. Cependant, en concluant que le demandeur n'avait pas raison de craindre d'être persécuté, la Commission a conclu que le demandeur serait protégé par la force de son sous-clan, le sous-clan Abgal5.

[11]          Cette approche connaît une difficulté, savoir que, pour conclure ainsi, la Commission a dû méconnaître la preuve directe que des membres du sous-clan Abgal ont été attaqués. Elle a également dû méconnaître la preuve directe relative au siège de Mogadishu. La simple mention d'une telle preuve directe et concluante ne suffit pas6. Une telle circonstance équivaut clairement à une erreur susceptible de contrôle.

Conclusion

[12]          Pour les motifs ci-dessus, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision en date du 27 mars 1997 de la Commission annulée, et l'affaire renvoyée pour qu'un tribunal de composition différente procède à une nouvelle audition et à un réexamen.

Certification

[13]          Aucun des avocats n'a proposé que soit certifiée une question grave de portée générale en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je conviens qu'il n'y a pas lieu à certification en l'espèce.

                                     Darrel V. Heald                                          J.S.

Toronto (Ontario)

Le 3 juin 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-1799-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Yahye Mohamud Hussein

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 2 juin 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge suppléant Heald

EN DATE DU                      3 juin 1998

ONT COMPARU :

    Michael Korman                      pour le demandeur
    Jeremiah A. Eastman                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Otis & Korman
    Avocats
    326, rue Richmond ouest
    Toronto (Ontario)
    M5V 1X2                          pour le demandeur
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
   
__________________

     1      Dossier certifié, page 10.

     2      Dossier certifié, page 11.

     3      Dossier de demande du demandeur, à la p. 49.

     4      Dossier certifié, page 10.

     5      Dossier certifié, page 11.

     6      Comparer Thind c. Canada (Secrétaire d'État), 28 janvier 1994, IMM-2790-93 (C.F.1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.