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     Date: 20000519

     Dossier: T-1270-92


     DANS L'AFFAIRE de la Loi sur la taxe d'accise

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE, agissant pour le compte

     du Ministre du Revenu national;

     Demanderesse;

     - et -


     LES INDUSTRIES VOGUE LTÉE, corporation

     légalement constituée ayant son siège social au

     9031, rue Salley, Lasalle (Québec) H8R 2C8;

     Défenderesse.



     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE PINARD :

[1]      La présente action se veut un appel de novo logé en vertu de l'article 81.24 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, telle que modifiée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, article 38, (ci-après la "Loi") à l'encontre d'une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (ci-après le "tribunal") rendue le 7 février 1992.

[2]      La défenderesse oeuvre principalement dans le domaine de la fabrication de piscines hors-terre, notamment dans la fabrication des diverses composantes métalliques ainsi que de toiles en vinyle. En janvier 1979, le ministère du Revenu national, Douanes et Accise (Revenu Canada) a informé la défenderesse que les toiles en vinyle fabriquées en usine étaient assujetties à la taxe de vente sur leur prix de vente.

[3]      Le 13 juillet 1984, la défenderesse a présenté une première demande de remboursement au montant de 20 859,46 $ de taxes de vente prétendument payées en trop à l'égard de toiles de vinyle pour piscines hors-terre, vendues entre juin 1980 et août 1983. Le 9 juin 1986, elle a présenté une seconde demande de remboursement pour taxes prétendument payées en trop pour des gains similaires au montant de 352 038 $ pour la période allant de 1982 au 31 mai 1986. Deux avis de détermination ont été émis par Revenu Canada, en date du 20 mars 1987, refusant ces demandes de remboursement.

[4]      Le 16 juin 1987, la défenderesse déposa deux avis d'opposition à l'encontre de ces avis de détermination. Le 15 janvier 1988, Revenu Canada rejeta ces avis d'opposition au motif que les toiles de vinyle pour piscines hors-terre ne rencontrent pas les exigences pour être classifiées sous l'alinéa 26(4)b) de la Loi ou, à partir du 1er juillet 1985, sous l'article 32 de la Loi.

[5]      La défenderesse en appela de cette dernière décision de Revenu Canada devant le tribunal, lequel maintint l'appel par la décision du 7 février 1992 qui est à l'origine de la présente action.

     * * * * * * * * * * * *

[6]      Les dispositions législatives pertinentes se lisent comme suit :

a)      La Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, articles 81.24, 81.28 et 81.31, telle que modifiée par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 7, article 38 :

81.24 Any party to an appeal to the Tribunal under section 81.19, 81.21, 81.22 or 81.23 may, within one hundred and twenty days after the day on which the decision of the Tribunal is sent to that party, appeal the decision to the Federal Court - Trial Division.


81.28 (1) An appeal to the Federal Court - Trial Division under section 81.2, 81.22 or 81.24 shall be instituted,

     (a) in the case of an appeal by a person, other than the Minister, in the manner set out in section 48 of the Federal Court Act; and
     (b) in the case of an appeal by the Minister, in the manner provided by the rules made pursuant to the Federal Court Act for the commencement of an action.

[. . .]

(3) An appeal to the Federal Court - Trial Division under this Part shall be deemed to be an action in the Federal Court to which the Federal Court Act and the rules made pursuant thereto applicable to an ordinary action apply, except as varied by special rules made in respect of such appeals and except that

     [. . .]



81.31 (1) After hearing an appeal under this Part, the Federal Court - Trial Division may dispose of the appeal by making such order, judgment, finding or declaration as the nature of the matter may require including, without limiting the generality of the foregoing, an order

     (a) dismissing the appeal; or
     (b) allowing the appeal in whole or in part and vacating or varying the assessment or determination or referring it back to the Minister for reconsideration.

(2) Subject to subsection (3), on the disposition of an appeal, the Federal Court - Trial Division may order payment or repayment of any tax, penalty, interest, sum or costs.


(3) Where the amount in dispute on an appeal by the Minister, other than by way of counter-claim or cross-demand, from a decision of the Tribunal does not exceed ten thousand dollars, the Minister, on disposition of the appeal, shall pay all reasonable and proper costs of the other party to the appeal in connection therewith.


(4) Where the Federal Court - Trial Division disposes of an appeal in respect of an assessment or where such an appeal to the Court is discontinued or dismissed without a hearing, the Court may, on application by the Minister and whether or not the Court awards costs, order the person instituting the appeal to pay to the Receiver General an amount not exceeding ten per cent of the amount that was in controversy, if the Court determines that there were no reasonable grounds for the appeal and that one of the main purposes for instituting or maintaining the appeal was to defer the payment of any tax, penalty, interest or other sum payable under this Act.

81.24 Toute partie à un appel entendu par le Tribunal en vertu de l'article 81.19, 81.21, 81.22 ou 81.23 peut, dans un délai de cent vingt jours suivant la date d'envoi de la décision du Tribunal, en appeler de cette décision à la Section de première instance de la Cour fédérale.


81.28 (1) Un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu des articles 81.2, 81.22 ou 81.24 doit être interjeté :

     a) dans le cas d'un appel interjeté par une personne, autre que le ministre, de la manière énoncée à l'article 48 de la Loi sur la Cour fédérale;
     b) dans le cas d'un appel interjeté par le ministre, de la manière prévue par les règles établies conformément à la Loi sur la Cour fédérale pour l'introduction d'une action.

[. . .]

(3) Un appel à la Section de première instance de la Cour fédérale en vertu de la présente partie est réputé être une action devant la Cour fédérale à laquelle la Loi sur la Cour fédérale et les règles établies conformément à cette loi s'appliquent comme pour une action ordinaire, sauf dans la mesure où l'appel est modifié par des règles spéciales établies à l'égard de tels appels, sauf que :

     [. . .]

81.31 (1) Après avoir entendu un appel prévu à la présente partie, la Section de première instance de la Cour fédérale peut statuer en rendant une ordonnance, un jugement, une décision ou une déclaration, selon la nature de l'affaire, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède, une ordonnance :

     a) soit rejetant l'appel;
     b) soit faisant droit à l'appel en totalité ou en partie et annulant ou modifiant la cotisation ou la détermination faisant l'objet de l'appel ou renvoyant l'affaire au ministre pour réexamen.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), en statuant sur un appel, la Section de première instance de la Cour fédérale peut ordonner le paiement ou le remboursement de taxes, pénalités, intérêts, sommes ou frais.

(3) Lorsque le montant en litige dans un appel d'une décision du Tribunal interjeté par le ministre, autrement que par voie de demande reconventionnelle, ne dépasse pas dix mille dollars, le ministre, une fois qu'il a été statué sur l'appel, doit payer à l'autre partie à l'appel tous les frais opportuns et raisonnables qui s'y rapportent.

(4) Lorsque la Section de première instance de la Cour fédérale statue sur un appel à l'égard d'une cotisation ou lorsqu'un tel appel à ce tribunal est abandonné ou rejeté sans audition, celui-ci peut, à la demande du ministre, qu'il alloue ou non des dépens, ordonner à la personne qui a interjeté l'appel de verser au receveur général un montant ne dépassant pas dix pour cent du montant en litige, s'il détermine qu'il n'existait aucun motif raisonnable pour interjeter l'appel et que l'une des principales raisons de l'introduction ou du maintien de l'appel consistait à retarder le paiement de taxes, pénalités, intérêts ou autres sommes payables en application de la présente loi.


b)      La Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, alinéas 26(4)a) et b). Le paragraphe 26(4) était en vigueur jusqu'au 1er juillet 1985, date à laquelle il a été abrogé par le paragraphe 15(3) de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. 1986, ch. 9 :

26. (4) Where a person

     (a) manufactures or produces a building or other structure otherwise than at the site of construction or erection thereof, in competition with persons who construct or erect similar buildings or structures not so manufactured or produced,
     (b) manufactures or produces otherwise than at the site of construction or erection of a building or other structure, structural building sections for incorporation into such building or structure, in competition with persons who construct or erect buildings or other structures that incorporate similar sections not so manufactured or produced,
     (c) manufactures or produces concrete or cinder building blocks, or
     (d) manufactures or produces from steel that has been purchased by or manufactured or produced by that person, and in respect of which any tax under this Part has become payable, fabricated structural steel for buildings,

he shall, for the purposes of this Part, be deemed not to be, in relation to any such building, structure, building sections, building blocks or fabricated steel so manufactured or produced by him, the manufacturer or producer thereof.


26. (4) Lorsqu'une personne

     a) fabrique ou produit un bâtiment ou une autre structure, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits,
     b) fabrique ou produit, ailleurs qu'à l'endroit de la construction ou du montage d'un bâtiment ou d'une autre structure, des éléments porteurs destinés à être incorporés à un bâtiment ou une structure semblable, en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou d'autres structures où sont incorporés des éléments de ce genre, non ainsi fabriqués ou produits,
     c) fabrique ou produit des parpaings en béton ou des agglomérés, ou
     d) fabrique ou produit, à partir de l'acier qu'elle a acheté, fabriqué ou produit et à l'égard duquel toute taxe prévue par la présente Partie est devenue payable, de l'acier de construction ouvré pour bâtiments,

elle est réputée, aux fins de la présente Partie, relativement à tous semblables bâtiments, structures, éléments, parpaings ou agglomérés ou acier de construction qu'elle a ainsi fabriqués ou produits, ne pas en être le fabricant ou le producteur.

c)      À partir du 1er juillet 1985, les articles pertinents sont les articles 31 et 32 de la Partie I de l'Annexe V de la Loi (L.C. 1986, ch. 9, article 52) :

31. Buildings or other structures manufactured or produced by a person otherwise than at the site of construction or erection thereof in competition with persons who construct or erect similar buildings or structures not so manufactured or produced.


32. Structural building sections, for incorporation into buildings or other structures manufactured or produced by a person otherwise than at the site of construction or erection of the building or other structure in competition with persons who construct or erect buildings or other structures that incorporate similar sections not so manufactured or produced.

31. Les bâtiments et autres structures fabriqués ou produits par une personne, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou érigent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits.


32. Les éléments porteurs destinés à être incorporés à des bâtiments ou autres structures, fabriqués ou produits par une personne, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou érigent des bâtiments ou d'autres structures qui incorporent des éléments analogues non ainsi fabriqués ou produits.


     * * * * * * * * * * * *

[7]      Le tribunal a conclu que les toiles de vinyle constituent des éléments porteurs (et ainsi bénéficient de l'application du paragraphe 26(4) et, à partir du 1er juillet 1985, de l'application de l'article 32 de la Loi) parce qu'en conjonction avec les composantes métalliques, elles supportent la pression causée par le contenu des piscines hors-terre. De plus, il a décidé que l'exigence de la concurrence posée par ces dispositions de la Loi était satisfaite en raison de la concurrence existant dans le marché entre la piscine hors-terre et la piscine de béton soufflé, ce qui n'est pas contesté dans la présente action.

[8]      Devant le tribunal, la demanderesse n'a fait entendre aucun témoin et n'a déposé aucun rapport d'expert. La preuve faite par la défenderesse lors de l'audience reposait sur les témoignages de messieurs Christian Monbourquette, ingénieur de formation et directeur de la production pour la défenderesse, Zoltan Ganyu, ingénieur en développement de produits pour la société Canadian General Tower, Richard Bonny, marchand détaillant de piscines, Jules Houde, ingénieur et professeur à l'École polytechnique, Campus de l'Université de Montréal et enfin, David Pounder, également ingénieur.

[9]      À l'audition devant moi, les parties ont déclaré s'être entendues sur toutes les questions relatives au quantum des remboursements de taxes de vente en cause, de sorte qu'il y a lieu d'ignorer l'argument spécifique de la prescription soulevée par la demanderesse dans son action.

[10]      Le présent litige implique donc strictement les questions suivantes : Les toiles en vinyle pour piscines hors-terre fabriquées par la défenderesse sont-elles des "éléments porteurs" au sens de l'alinéa 26(4)b ) de la Loi et, à partir du 1er juillet 1985, de l'article 32 de la Loi? Sinon, est-ce qu'elles rencontrent les exigences de l'alinéa 26(4)a) de la Loi et, à partir du 1er juillet 1985, de l'article 31 de la Loi?

     * * * * * * * * * * * *

[11]      En plus de la preuve faite devant le tribunal qui, à l'exception des photographies cotées A-6 et A-7, a été déposée de consentement, j'ai en outre bénéficié notamment des rapports d'expertise écrits de deux experts pour le compte de la demanderesse, les ingénieurs David C. K. Tay et Andres Tork, des rapports d'expertise écrits de l'ingénieur J. David Pounder, pour le compte de la défenderesse, et des témoignages de deux de ces trois derniers experts, soit les ingénieurs Tay et Pounder.

[12]      Comme je l'ai indiqué au procès, les qualifications pertinentes et la crédibilité des experts des parties n'est pas en cause. Qu'il suffise de souligner, en ce qui concerne ceux qui ont témoigné devant moi, que dans le cas d'abord de l'ingénieur Tay, son dossier académique et professionnel en font un expert éminemment qualifié aux fins de la présente cause, et ce, bien qu'il n'ait pas eu l'occasion de participer lui-même à la conception d'une piscine hors-terre; dans le cas de l'ingénieur Pounder, son simple Baccalauréat en génie ne diminue pas l'importance de son opinion, vu son expérience particulière dans la conception des piscines hors-terre pour le compte d'une entreprise semblable à celle de la défenderesse. Le présent litige est donc décidé sans entendre porter ombrage aux qualifications pertinentes ou à la crédibilité de quelque expert que ce soit.

[13]      En l'espèce, le fardeau d'établir que les toiles de vinyle de la défenderesse ne constituent pas des éléments porteurs au sens de l'alinéa 26(4)b) et de l'article 32 de la Loi (ou qu'elles ne rencontrent pas les exigences de l'alinéa 26(4)a) et de l'article 31 de la Loi) repose sur la demanderesse qui en appelle de la décision d'un tribunal qui, effectivement, a annulé ou invalidé les avis de détermination émis par Revenu Canada. À mon avis, elle a réussi.

[14]      Christian Monbourquette, directeur de la production pour la défenderesse, a décrit les composantes métalliques et la toile de vinyle de la piscine hors-terre en question. Référant à une maquette typique de semblable piscine, il a d'abord référé à l'assemblage des composantes métalliques :

         Q.      . . . Vous avez ça ici, en premier lieu, cette composante-là, ici; qu'est-ce que c'est, ça?
         R.      Ce sont les poteaux, ce qu'on appelle les poteaux, les sections verticales.
         Q.      Ces poteaux-là viennent à tous les quels intervalles normalement?
         R.      Sur une piscine ronde elles viennent en général à tous les quatre pieds et demi.
         Q.      Les grosseurs principales ou les diamètres principaux pour des piscines rondes, c'est quoi, dans votre production?
         R.      Ça varie de 15 pieds à 27 pieds de diamètre.
         Q.      Et votre production principale se situe...
         R.      C'est la 24 pieds, qui est 40 pour cent du volume.
         Q.      D'accord. Ensuite de ça, le morceau ici?
         R.      Qui est la section horizontale; c'est ce qui fait le rebord de la piscine, qui permet de joindre aussi les poteaux à leur sommet par des plaques à rainures qu'on peut voir ici sur le côté, qui sont vissées à chaque extrémité du poteau, et la section horizontale qu'on voit ici est elle aussi vissée dans la plaque à rainures en haut.
         Q.      Au niveau du pied, le soutien se fait avec ces plaques-là ici?
         R.      Ces plaques-là, qu'on appelle les plaques à rainures.
         Q.      Et le petit rail...
         R.      Et la rainure, le rail en tant que tel, qui, lui, permet de guider le mur en haut et en bas et qui vient se joindre dans les plaques à rainures en bas.
         Q.      Ce que vous appelez le mur, peut-être que vous pourriez me le montrer en tournant...
         R.      Le mur, c'est la tôle qu'on voit ici, recto verso; c'est la tôle d'acier qui est gaufrée; c'est ce qui est considéré comme le mur d'acier de la piscine.
         Q.      C'est une feuille de tôle qui est de quelle largeur généralement?
         R.      Quarante-huit pouces de haut, qui fait la hauteur totale de la piscine.
         Q.      Ce sont des piscines de quatre pieds de haut généralement dont on parle?
         R.      Oui, qui est de l'acier de différentes épaisseurs, dépendant de l'approvisionnement et des besoins.
         Q.      Est-ce qu'il y a une épaisseur générale dont on peut parler?
         R.      Oui, seize millièmes d'acier.
         Q.      Seize millièmes. Quand vous dites "seize millièmes", c'est seize millièmes de pouce?
         R.      Oui.


[15]      Monsieur Monbourquette, toujours dans son témoignage devant le tribunal, se servant en outre d'un exemple de toile de vinyle type, dont l'épaisseur est généralement de quelque dix-huit millièmes de pouce et demi, a décrit les deux opérations reliées à celle-ci :

             . . . Il y a deux opérations dans une toile de piscine: il y a le fond de la toile et le mur. Ce qu'on appelle le mur, c'est la partie verticale, et le fond est la partie horizontale.
             Pour la fabrication du fond, on prend du matériel de 72 pouces que l'on étend sur une table de coupe et que l'on coupe selon un patron déterminé, dépendant du diamètre de la piscine, un peu comme les gens qui font de la couture font avec le linge, c'est un peu le même principe; on étend plusieurs épaisseurs de vinyle, on trace le patron et, avec un couteau électrique on coupe les composantes de la toile, ce qui va faire le fond de la toile. Par exemple, si la piscine a 24 pieds de diamètre et que le matériel est six pieds, ça nous prend quatre lisières pour faire le fond, dont deux symétriques deux fois -- je ne sais pas si vous me comprenez -- deux demi-lunes qui vont être les deux extrémités et deux autres pièces qui vont être le centre avec les bouts arrondis.
             Ces morceaux de vinyle là sont ensuite assemblés par des soudeuses spéciales pour le vinyle pour faire le fond de la toile.
         [. . .]
         Q.      Est-ce qu'il y a d'autres produits que le vinyle qui entrent là-dedans ou simplement les deux vinyles?
         R.      Seulement les deux feuilles de vinyle qui sont soudées ensemble, et ensuite le mur de la toile, qu'on appelle, est assemblé alentour du fond. C'est là qu'on prend du matériel 52 pouces.
         [. . .]
         Q.      La portion en haut -- pour revenir là-dessus -- ici, la toile est tenue comment dans ce processus-là, qui est le processus principal?
         R.      On a trois façons différentes. Comme je disais, la méthode la plus utilisée, c'est l'overlap; c'est que la toile vient chevaucher le mur et, avec une petite extrusion de plastique, elle est clippée là. Il y a aussi ce système-là, qui est ce qu'on appelle un bead, qui est un morceau de vinyle extrudé qui est soudé après la toile qui, lui, vient s'accrocher directement sur le mur. Ou on a un autre système avec une autre extrusion que la toile vient rentrer dedans avec un autre morceau de bead soudé après.


[16]      Au procès devant moi, l'ingénieur Pounder a reconnu que la toile était assemblée de façon à pouvoir, sous la pression de l'eau de la piscine, être normalement appuyée en tout point sur une surface composée d'éléments plus durs, à savoir le plancher (le sol lui-même ou, à l'occasion, un plancher de bois ou de béton), la doucine (en anglais "the cove", substance, telle du sable compressé, servant de coussinet d'appui à la jonction de la toile du plancher et de celle du mur de la piscine) et le mur de métal. Bien que la toile soit ainsi coincée entre, d'une part, l'eau et, d'autre part, le plancher, la doucine et le mur ci-dessus décrit, monsieur Pounder a néanmoins soutenu que par la pression de l'eau, la toile se tendait du haut vers le bas, le long du mur de la piscine, et qu'ainsi tendue, elle redistribuait l'énergie générée par le poids, les mouvements et les activités normales des baigneurs. Soutenant en outre que la toile compense parfois pour les imperfections dans le terrain et, qu'en combinaison avec l'eau, elle est nécessaire pour permettre à la piscine de résister aux intempéries, l'expert de la défenderesse a conclu que la toile était un élément constitutif du système de partage de charges ou du corps de la piscine.

[17]      Pour leur part, les ingénieurs de la demanderesse ne nient pas que la toile doive normalement résister à certaines forces et subir un certain poids. Toutefois, en raison de la nature des autres matériaux utilisés à la construction d'une piscine hors-terre et de la façon dont celle-ci est normalement montée et installée, ils considèrent que la contribution de la toile au système de partage de charges ou du corps de la piscine normalement utilisé est insignifiant. Ils concluent donc que la toile n'est pas véritablement un "élément porteur", mais qu'elle joue simplement le rôle par ailleurs fort important de membrane assurant l'étanchéité de la piscine. En regard du droit applicable, ils ont raison.

[18]      Dans l'arrêt La Reine c. Monarch Steelcraft Limited, [1977] 2 C.F. 560, monsieur le juge Addy, de cette Cour, a bien énoncé, aux pages 561 et 562, le test applicable pour déterminer ce qui constitue un "élément porteur" au sens de l'alinéa 26(4)b ) de la Loi :

             Dans le contexte de l'alinéa b) précité, il est clair que le terme anglais "structural" employé dans l'expression "structural building sections" n'a aucun rapport avec le terme anglais "structure" que l'on retrouve dans l'expression "any ... building or structure" à l'intérieur du même alinéa. Il ne se rapporte pas simplement à un élément constitutif d'une structure ou d'un bâtiment, mais, de façon plus restrictive, à un des éléments constitutifs qui conjugués, permettent au bâtiment de résister à un poids ou qui, en d'autres termes, contribuent de façon importante à sa solidité et à sa résistance aux différentes forces humaines ou naturelles auxquelles il pourrait être assujetti. . . .
             Pour constituer un élément fabriqué dans le but d'être utilisé comme "élément porteur" dans un bâtiment ou dans une autre structure, non seulement les matériaux composant l'élément doivent-ils supporter un poids mais l'élément lui-même doit être conçu et fabriqué dans le but ultime de faire partie intégrante ou d'être un élément constitutif du système de partage de charges ou du corps du bâtiment, du montage ou de la structure. Dans ce contexte, l'élément doit nécessairement pouvoir supporter un poids de façon substantielle au point d'être communément utilisé à cette fin parce que toute matière, même gazeuse, possède une certaine résistance et peut recevoir des charges puisqu'elle peut résister à certaines pressions exercées sur elle.
                         (J'ai souligné.)


[19]      La Cour d'appel, dans Harris Steel Group Inc. v. The Minister of National Revenue, 85 DTC 5140, a endossé le raisonnement du juge Addy dans Monarch, supra, monsieur le juge MacGuigan précisant, à la page 5142 :

         . . . The point he makes is that the article in question must have as its principal object the characteristic of load-bearing, not that it must do so by itself. It is because the principal purpose of an ordinary wooden door frame is not to bear loads at all that it does not qualify under paragraph 26(4)(b), and he reaches the same conclusion with respect to the metal door frames in litigation in that case . . .


[20]      Dans le présent cas, la preuve révèle clairement que la toile n'a pas été conçue et fabriquée "dans le but ultime" (en anglais : "with the principal object") de faire partie intégrante ou d'être un élément constitutif du système de partage de charges ou du corps de la piscine hors-terre, mais bien plutôt "dans le but ultime" d'assurer l'étanchéité de celle-ci. Il est bien établi que la force et la rigidité ou dureté du mur de la piscine et du sol sur lequel elle est installée sont de beaucoup supérieures à celles de la mince toile de vinyle. Compte tenu en outre de la façon dont la piscine est assemblée et installée, la démonstration par les experts de la défenderesse que la toile peut supporter un poids, subir une pression ou même redistribuer des énergies n'établit certes pas pour autant que la toile est conçue et fabriquée dans le but ultime de faire partie intégrante ou d'être un élément constitutif du système de partage de charges ou du corps de la piscine hors-terre. N'est-ce-pas d'ailleurs Christian Monbourquette lui-même, le directeur de la production pour la compagnie défenderesse, qui l'a reconnu, appelé à décrire les différents rôles de la toile dans la piscine hors-terre :

         R.      Évidemment, son rôle premier est, comme vous l'avez dit, l'imperméabilité. . . .

Dans ce contexte, je souscris entièrement à la conclusion suivante énoncée par l'ingénieur Andres Tork, maintenant décédé, dans son rapport déposé en preuve du consentement des parties, rapport entièrement endossé par l'ingénieur David C. K. Tay :

         The floor, the walls and the cove resist the forces due to the intended use of the pool. They provide the required strength and stiffness for the pool. They also provide a continuous supporting surface for the pool liner.
         The purpose of the liner is to provide a waterproof membrane in order to make the pool water tight. The liner is made of relatively weak and soft unreinforced sheet vinyl, and is in no way relied upon for strength under intended service conditions.
         Thus the structural load bearing components are the earthen floor, the metal walls and the cove, while the liner provides the impermeability. All these components must be present for the pool to function as intended; if one is absent, the pool will not work properly.
         The designers of this type of pool have carefully provided full and continuous support to the liner. It is quite clear that the intent of the design is that the floor, walls and the cove meet the strength or "load bearing" function and the "impermeability" function is met by the liner. A fully supported liner has no structural function.
         To summarize, it is our opinion that the pool liner clearly serves no structural or "load bearing" function under the intended service conditions. Its sole intended purpose is to make the pool watertight.


[21]      Il ressort donc de la preuve que la toile de vinyle en cause ne rencontre pas le test ci-dessus défini par la jurisprudence pour être considérée un "élément porteur" au sens de l'alinéa 26(4)b ) et, à partir du 1er juillet 1985, de l'article 32 de la Loi.

[22]      Quant à savoir si la toile de vinyle rencontre les exigences de l'alinéa 26(4)a) et, à partir du 1er juillet 1985, de l'article 31 de la Loi, j'ai indiqué, au procès, que tel n'était pas le cas.

[23]      Dans M.N.R. et al. v. Plastibeton Inc., 86 DTC 6400, où se soulève la même question, le juge MacGuigan a élaboré les critères suivants pour déterminer l'existence d'une structure au sens de l'alinéa 26(4)a) : (1) elle doit être construite; (2) elle doit reposer sur ou dans le sol; (3) elle ne doit pas faire partie d'une autre structure. Dans ce contexte, il a déterminé que l'article en question, soit la bande médiane d'une route, fait partie de la route. Ainsi, elle n'était pas une "autre structure" par rapport à la route pour l'application de l'alinéa 26(4)a ). Dans le présent cas, il est clair que la toile de vinyle fait partie d'une autre structure, la piscine hors-terre.

[24]      Pour toutes ces raisons, l'action de la demanderesse est accueillie, la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur rendue le 7 février 1992 dans le dossier AP-2983 est infirmée, et les deux avis de décision du ministre du Revenu national en date du 15 janvier 1988, rejetant les demandes de remboursement de la défenderesse, sont confirmés. Le tout, avec dépens, comprenant les frais de l'expert David C. K. Tay, contre la défenderesse.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 19 mai 2000


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