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Date : 20000824


Dossier : IMM-4265-99



ENTRE :

     ALEXANDR MIKHAILOV et

     LARISSA KLIMANOVA,

     demandeurs


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE DENAULT


[1]          Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, en date du 9 août 1999, que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]          Les demandeurs, M. Alexandr Mikhailov (le demandeur) et son épouse, sont citoyens de la Russie. Ils allèguent leur crainte bien fondée d'être persécutés dans leur pays en raison de leur nationalité juive. Le demandeur est né d'un père russe et d'une mère juive. En 1993, il a commencé à travailler pour un joaillier prestigieux, « L'art de la joaillerie russe » , où il s'est fait un nom et s'est attiré une vaste clientèle. En 1998, après que les Russes ont soit tué, soit évincé du commerce de la joaillerie de nombreux Juifs qui y travaillaient, le demandeur faisait partie des rares Juifs qui continuaient de travailler dans son entreprise. Il a vécu quelques incidents reliés à son travail.

[3]          En août 1998, un client a accusé le demandeur de vol et lui a fait plusieurs remarques antisémites. Le demandeur s'est rendu compte que cet incident avait été monté par son employeur, M. Ananov. Ce dernier a dit au demandeur qu'il subissait des pressions de la part de personnes influentes et lui a offert de l'aider à quitter le pays. Le 3 septembre 1998, le demandeur et son épouse ont été attaqués par trois hommes. Le lendemain, le demandeur et son épouse sont partis en vacances en Turquie.

[4]          Pendant leur absence, leur appartement a été vandalisé. Le demandeur a signalé l'incident à la police. Pendant sa rencontre avec un agent de police, le demandeur a été insulté. Frustré, le demandeur s'est adressé à l'agent en criant. Le demandeur a été maîtrisé par deux agents et envoyé dans une clinique psychiatrique pendant trois jours.

[5]          En novembre 1998, le demandeur a été de nouveau attaqué chez lui. Son épouse a appelé la police, mais cela n'a rien donné. Ils ont obtenu des visas américains, ont quitté leur pays le 14 décembre et son arrivés à New York le même jour. De New York, ils se sont rendus à Miami, où ils sont restés sept jours, puis ils sont retournés à New York trois autres jours. De là, ils ont pris l'autobus pour le Canada. Ils sont arrivés au Canada le 24 décembre 1998 et ils ont revendiqué le statut de réfugié à la frontière.

[6]          La Commission, dans sa décision, a conclu que les demandeurs n'étaient pas crédibles et que leur comportement n'était pas compatible avec celui de personnes qui craignent avec raison d'être persécutées.

[7]          Les demandeurs ont d'abord plaidé que la Commission avait fait preuve de partialité et commis une erreur en tenant compte de l'apparence physique du demandeur pour évaluer sa crédibilité. La Commission n'a notamment pas cru que les attaques commises contre le demandeur étaient de nature antisémite parce que [Traduction] « le demandeur ne porte pas un nom juif, n'est pas un Juif pratiquant et son apparence physique ne laisse pas croire qu'il est Juif » . (Non souligné dans l'original.)

[8]          Dans la mesure où la remarque de la Commission a été faite dans le contexte de la récapitulation des faits, le demandeur ayant témoigné qu'il portait un nom de famille russe (Dossier du tribunal (D.T.) p. 278), qu'il ne pratiquait pas le judaïsme (D.T. p. 263) et qu'il ne pouvait « ...pas dire [qu'il] ressemble à un Juif... » (D.T. p. 278), la Cour ne retient pas l'allégation de partialité de la part de la Commission.

[9]          Les demandeurs soutiennent en outre que la Commission n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve produits devant elle. Plus particulièrement, les demandeurs font valoir que la Commission n'a pas pris en compte la très grande visibilité du demandeur, le fait qu'il était bien connu comme joaillier juif, le contexte dans lequel la pièce A-8 (c.-à-d. la lettre de référence) (D.T. p. 220) a été rédigée, la création de l'organisation GUILD et le contexte d'antisémitisme qui laisse entendre qu'il existe une possibilité sérieuse que les Juifs deviennent, individuellement, la cible d'attaques antisémites.

[10]          Le critère à appliquer dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire consiste à déterminer si la Commission a commis une erreur de droit ou si sa décision est fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Commission disposait (al. 18.1(4)c) et d) de la Loi sur la Cour fédérale). L'appréciation de la preuve relève entièrement du pouvoir discrétionnaire de la Commission et, à moins qu'elle exerce ce pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable, la Cour ne peut intervenir. En l'espèce, la Commission a conclu [Traduction] « après avoir analysé la preuve offerte de vive voix et par écrit » (D.T. p. 5), et plus particulièrement la preuve concernant le travail du demandeur et les prétendues attaques qu'il aurait subies, que le demandeur avait fait preuve d'exagération dans sa revendication. Je ne suis pas convaincu que la Commission a tiré cette conclusion en se fondant sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[11]          Le même raisonnement peut être appliqué au dernier argument des demandeurs, portant que la Commission n'aurait pas dû mettre leur sincérité en doute en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles ils se sont rendus à Miami et que les raisons qu'ils ont invoquées pour expliquer pourquoi ils n'ont pas revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis étaient raisonnables. Compte tenu de la preuve, la Commission pouvait conclure que l'explication des demandeurs quant à la raison pour laquelle ils n'ont pas quitté l'aéroport lorsqu'ils sont arrivés à New York n'était pas convaincante. Le fait que les demandeurs n'aient pas revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis était pertinent pour évaluer le sérieux de leur crainte.

[12]          Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n'est pas nécessaire de certifier une question grave de portée générale.





     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                             «    Pierre Denault »                              Juge


Ottawa (Ontario)

24 août 2000

Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER :                  IMM-4265-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ALEXANDR MIKHAILOV et LARISSA KLIMANOVA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 15 août 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU :              24 août 2000


ONT COMPARU :

Me Styliani Markaki              POUR LE DEMANDEUR
Me Sébastien Dasylva          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Styliani Markaki              POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Me Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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