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Date : 20040202

Dossier : T-1713-02

Référence : 2004 CF 176

Ottawa (Ontario), le 2 février 2004

Présente : L'honorable juge Danièle Tremblay-Lamer

ENTRE :

                          MICHEL LAVIOLETTE

                                                                Demandeur

                                    et

             L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                    et

             M. YVAN MARCEAU, en sa qualitéde chef des

           Appels du Bureau des Services Fiscaux de Québec

                                                               Défendeurs

                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de l'agence des Douanes et du Revenu du Canada ( « l'agence » ), selon laquelle le demandeur doit assumer des frais, impôts et intérêts depuis le 13 septembre 1995 pour l'année d'imposition 1992, et depuis le 21 février 1996 pour l'année d'imposition 1993 en vertu de la Loi sur l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) c. I-1 ( « LIR » ).


[2]                 Le 13 septembre 1995, Revenu Canada émettait un avis de nouvelle cotisation pour le demandeur relativement à l'année d'imposition 1992 selon lequel il devait 4 832,28 $ pour l'imposition d'intérêts sur arriérés, sur acomptes provisionnels et sur remboursement. Le 21 février 1996, il a émis un avis de nouvelle cotisation pour le demandeur relativement à l'année d'imposition 1993 entraînant l'imposition d'intérêts sur arriérés, sur acomptes provisionnels et sur remboursement s'élevant à 5 335,75 $.

[3]                 Selon les nouveaux avis de cotisation, la perte déclarée d'une société dans laquelle le demandeur avait investi des sommes au titre de la recherche et du développement fut refusée puisque ladite société n'était pas considérée comme ayant exploité une entreprise avec expectative de profit.

[4]                 Le ou vers le 24 novembre 1995, le demandeur logea un avis d'opposition à ces nouvelles cotisations.


[5]                 À l'automne 1995, Revenu Canada faisait une offre à une grande partie des contribuables qui avaient investi dans des projets litigieux ( « premier groupe » ). Cette offre reconnaissait une partie de l'investissement des contribuables et annulait leurs intérêts. Le demandeur faisait partie du deuxième groupe d'investisseurs à qui cette offre ne fut pas présentée. Les dossiers des contribuables faisant partie du deuxième groupe devaient être traités à une date ultérieure, en raison des procédures judiciaires en cours. Selon Revenu Canada, les contribuables qui faisaient partie du deuxième groupe avaient investi, entre 1992 et 1994, dans des sociétés qui n'avaient pas demandé de numéro d'abri fiscal et dont les membres n'avaient pas demandé de crédit d'impôt à l'investissement.

[6]                 Le demandeur retire son avis d'opposition le 24 avril 2002 pour prendre avantage de la disposition relative à l'équité.

[7]                 Le 30 avril 2002, l'agence envoi une lettre au demandeur l'informant qu'elle avait accepté d'annuler une partie des intérêts sur arriérés pour tenir compte du délai couru entre la vérification des sociétés et l'émission des nouveaux avis de cotisation. Elle annule ainsi les intérêts pour la période entre le 5 juillet 1994 et le 13 septembre 1995 (date du premier avis de cotisation) pour l'année 1992, ce qui représentait un montant de 5 338,77 $. Elle annule également les intérêts pour la période entre le 5 juillet 1994 et le 21 février 1996 (date du deuxième avis de cotisation), pour l'année 1993, ce qui représentait la somme de 8 043,97 $.

[8]                 Le 28 mai 2002, le demandeur demande à l'agence de reconsidérer son dossier une autre fois.


[9]                 Le 16 septembre 2002, l'agence informe le demandeur qu'elle annulait une autre partie de ses intérêts sur arriérés, soit 2 857,22 $ pour la période entre le 1 mai 1993 et le 4 juillet 1994 relativement à l'année d'imposition 1992, et 339,10 $ pour la période entre le 1 mai 1994 et le 4 juillet 1994 relativement à l'année d'imposition 1993.

[10]            Le demandeur demande une révision de cette dernière décision de l'agence. Il prétend que Revenu Canada aurait dû annuler tous les intérêts en cause puisqu'il est responsable des délais dans cette affaire, même suite à l'émission des nouvelles cotisations, et qu'il avait créé une attente de règlement pour les membres du deuxième groupe.

[11]            La défenderesse soumet que la décision de l'agence a été prise conformément aux lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités publiées dans la circulaire d'information 1C-92-2 ainsi que de la politique « Application des dispositions d'équité aux intérêts et aux pénalités » , datée de mars 1996.

[12]            Tous les éléments pertinents et chacun des motifs au soutien de la demande ont été analysés et considérés. Le processus décisionnel s'est déroulé de façon juste et équitable, et elle a respecté l'équité procédurale.

[13]            Le demandeur a choisi sciemment de ne pas payer le solde d'impôts dû suite aux nouvelles cotisations en attendant le résultat de son opposition, et c'est pour cette raison que les intérêts se sont accumulés. Il ne peut donc exiger aujourd'hui de l'agence qu'elle annule les intérêts courus entre le moment de la cotisation.


ANALYSE

[14]            Une décision fondée sur la disposition relative à l'équité est une décision de nature discrétionnaire (Fiducie familiale Orsini c. Canada (Revenu, Douane, Accise et Impôt) (1996), 112 F.T.R. 289 (C.F.)). La norme de contrôle applicable en l'instance est donc celle de l'erreur manifestement déraisonnable.

[15]            Le paragraphe 220(3.1) de la LIR (la disposition relative à l'équité) se lit :


220(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.


[16]            Le paragraphe 6 des lignes directrices énumère une liste non-exhaustive des cas dans lesquels il peut y avoir annulation des intérêts en raison des actions du Ministère :

L'annulation des intérêts ou des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent également être justifiées si ces intérêts ou pénalités découlent principalement d'actions attribuables au Ministère comme dans les cas suivants :

a)              des retards de traitement, ce qui a eu pour effet que le contribuable n'a pas été informé, dans un délai raisonnable, de l'existence d'une somme en souffrance;


b)              des erreurs dans la documentation mise à la disposition du public, ce qui a amené des contribuables à soumettre des déclarations ou à faire des paiements en se fondant sur des renseignements erronés;

c)              une réponse erronée qu'un contribuable ou un employeur a reçue concernant une demande de renseignements comme dans le cas où le Ministère a informé par erreur un contribuable qu'aucun acompte provisionnel n'est nécessaire pour l'année en cours;

d)              des erreurs de traitement;

e)              des renseignements fournis en retard comme dans le cas où un contribuable n'a pu faire les paiements voulus d'acomptes provisionnels ou d'arriérés parce qu'il n'avait pas les renseignements nécessaires.

[17]            Pour ce qui est de la question des délais il est difficile de les imputer à l'agence puisqu'il faut considérer que le demandeur avait déposé une opposition qui avait été mise de côté pendant une longue période de temps en attendant la résolution de certains litiges à la Cour du Québec et que c'est lui qui a choisi de retirer son opposition pour déposer une demande sous la disposition relative à l'équité.

[18]            Quant à l'argument du demandeur à l'effet que l'agence avait créé une attente de règlement, je le trouve également sans fondement. Dans une lettre datée du 29 novembre 2001, l'agence informait le demandeur que le deuxième groupe n'avait pas reçu d'offre de règlement semblable à celle offerte au premier groupe en raison des particularités des investissements qui diffèrent entre les deux groupes, soit qu'il avait investi dans une société qui n'avait pas demandé de numéro d'abri fiscal et dont les membres n'avaient pas demandé de crédit d'impôt à l'investissement.


[19]            Contrairement aux prétentions du demandeur, il n'existe aucune preuve de mauvaise foi de la part de l'agence, tous les intérêts qui pouvaient être annulés l'ont été, et le solde dû consiste uniquement en les intérêts courus depuis les cotisations. C'est par le fait même du demandeur qu'il est maintenant obligé de payer ces sommes.

[20]            De plus, je suis d'avis que le processus décisionnel s'est déroulé équitablement. Dans la lettre de l'agence datée du 29 novembre 2001, il est clairement expliqué que la décision serait prise selon les principes établis dans les lignes directrices concernant l'annulation d'intérêts. Le demandeur savait donc à l'avance quels seraient les critères applicables à sa demande en vertu du dossier équité.

[21]            Le demandeur avait déposé une opposition, et choisi de se désister pour pouvoir jouir de l'annulation des intérêts de façon immédiate plutôt que de devoir attendre jusqu'à ce que les procédures d'opposition soient terminées et qu'une décision soit rendue. S'il s'opposait vraiment aux nouvelles cotisations de l'agence, il n'aurait pas dû renoncer à ses droits d'opposition et d'appel à la Cour de l'impôt du Canada. En vertu du paragraphe 169(1) de la LIR c'est la Cour canadienne de l'impôt qui a compétence pour entendre les appels de cotisation.

[22]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                    « Danièle Tremblay-Lamer »

J.C.F.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1713-02

INTITULÉ :                                           Michel Laviolette c. Agence des Douanes et du Revenu Canada et M. YVAN MARCEAU, en sa qualité de chef des Appels du Bureau des Services Fiscaux de Québec

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 22 janvier 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE DE:                 L'honorable juge Danièle Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS:                         Le 2 février 2004

COMPARUTIONS:

Michel Laviolette                                                  pour le demandeur

Me Nadine Dupuis                                               pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Monsieur Michel Laviolette

1085, rue de Saint-Sébastien

Cap-Rouge (Québec)

G1Y 2S4                                                              pour le demandeur

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada        pour les défendeurs

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