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     Date: 20000606

     Dossier: T-2986-92



Entre:

     RÉJEAN PLANTE

     Demandeur

     ET

     SA MAJESTÉ LA REINE

     et

     LA COMMISSION DE L'EMPLOI ET

     DE L'IMMIGRATION DU CANADA

     Défenderesses



     MOTIFS DU JUGEMENT


ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:



[1]          Il s'agit d'une action en jugement déclaratoire par laquelle le demandeur requiert cette Cour de déclarer illégale la saisie en main tierce exercée par la Commission de l'emploi et de l'immigration1 (la Commission) au motif que la somme due à Sa Majesté était prescrite au temps de la saisie. En corollaire, le demandeur requiert que la Cour ordonne le remboursement des sommes saisies par la Commission.



[2]          Par son action, le demandeur cherche également à obtenir des dommages-intérêts fondés sur le harcèlement qu'il aurait subi de la part des préposés de la Commission ainsi que des dommages-intérêts exemplaires fondés sur une violation de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, de même que sur le non-respect de la présomption d'innocence et de l'acquittement prononcé le ou vers le 21 janvier 1992 par l'honorable juge Cyrille Morand de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale.

Contexte


[3]          Il y a lieu de noter les faits ci-dessous afin d'apprécier l'analyse qui les suit.



[4]          Le 12 décembre 1985, le demandeur a formulé une demande initiale de prestations d'assurance-chômage, à la suite de quoi une période de prestations a été établie à son profit à compter du 15 décembre 1985 et des prestations lui ont dès lors été payées.



[5]          Au terme d'une enquête qu'elle avait débutée le 30 septembre 1986, et sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir, la Commission communiquait au demandeur le 21 janvier 1988 un avis de refus rendant le demandeur inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 12 janvier 1986, et ce, au motif que le demandeur n'avait pas prouvé être en chômage au sens des articles 19 et 21 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, ch. 48 (la Loi) puisque la Commission était d'avis que le demandeur exploitait à son compte l'entreprise « Service d'Entretien Ménager Multi Inc. » et était censé travailler une semaine entière selon le paragraphe 43(1) du Règlement sur l'assurance-chômage. Le demandeur a reçu vers la même date un avis de prestations d'assurance-chômage versées en trop au montant de 11 328 $.



[6]          L'obligation de remboursement du demandeur est donc née le 21 janvier 1988.



[7]          On doit également noter que c'est à cette époque (plus précisément les 12 et 13 janvier 1988) que la Commission a pris la décision qu'une poursuite en vertu de l'alinéa 121(1)a) de la Loi devait être engagée puisqu'elle en était venue à établir que c'est sciemment que le demandeur avait fait des déclarations fausses ou trompeuses au sens du paragraphe 47(1) de la Loi lorsqu'il avait indiqué sur ses cartes de déclarations qu'il n'avait pas travaillé pendant les périodes pour lesquelles il réclamait des prestations. La poursuite ne sera toutefois entreprise en tant que telle qu'en mai 1991.



[8]          Le 23 février 1988, le demandeur a interjeté appel au conseil arbitral à l'encontre des décisions de la Commission touchant son état de chômage et son état de disponibilité. Le 25 mars 1988, le conseil arbitral a rejeté l'appel du demandeur. Le 26 mai 1988, le demandeur a logé appel au juge-arbitre. Le 16 janvier 1991, le juge-arbitre a rejeté l'appel du demandeur.



[9]          Le ou vers le 14 mai 1991, la Commission a déposé une dénonciation de quatorze chefs d'accusation contre le demandeur en vertu de l'article 121 de la Loi. Le ou vers le 6 septembre 1991, le demandeur a plaidé non coupable aux quatorze chefs d'accusation portés contre lui.



[10]          Le ou vers le 15 novembre 1991, la Commission a fait parvenir une demande de saisie-arrêt en vertu du paragraphe 112(4) de la Loi. La Commission a saisi le salaire du demandeur à compter du 11 décembre 1991.



[11]          Le ou vers le 21 janvier 1992, le juge Cyrille Morand, de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, a acquitté le demandeur des quatorze chefs d'accusation portés contre lui.



[12]          En février 1992, la Commission a accordé une mainlevée temporaire de la saisie-arrêt en main tierce. Le ou vers le 19 juin 1992, la Commission a avisé le demandeur qu'il devait toujours le montant de trop-payé. En juillet 1992, la Commission a, de nouveau, pratiqué une saisie-arrêt sur le salaire du demandeur. Une mainlevée de la demande à un tiers a été envoyée à l'employeur du demandeur le 12 novembre 1993, le solde du trop-payé ayant été entièrement recouvré.

Analyse


[13]          Il importe de reproduire ici les dispositions pertinentes de la Loi.

Art. 47. (1) Lorsque la Commission prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent qu'un prestataire ou une personne agissant pour le compte de celui-ci, a, relativement à une demande de prestations ou à l'occasion de renseignements exigés par la présente loi ou par les règlements, sciemment fait une déclaration ou une représentation fausse ou trompeuse, elle peut infliger au prestataire une pénalité dont le montant ne dépasse pas le triple de son taux de prestations hebdomadaires.

Art. 49. (1) Lorsqu'une personne a touché des prestations en vertu de la présente loi ou de l'ancienne loi au titre d'une période pour laquelle elle était exclue du bénéfice des prestations ou a touché des prestations auxquelles elle n'est pas admissible, elle est tenue de rembourser la somme versée par la Commission à cet égard.
     (2) Toutes les sommes payable en vertu du présent article ou des articles 47, 51 ou 52 sont des dettes envers Sa Majesté recouvrables à ce titre devant la Cour fédérale du Canada ou tout autre tribunal compétent ou de toute autre manière prévue par la présente loi.
     (3) Lorsqu'un prestataire acquiert le droit de percevoir des prestations, le montant de toute dette visée aux paragraphes (1) ou (2) peut, de la manière prescrite, être retenu sur les prestations qui lui sont payables.
     (4) Aucune somme due à Sa Majesté en vertu du présent article ne peut être recouvrée plus de trente-six mois après la date à laquelle l'obligation est née sauf si, de l'avis de la Commission, il a été commis à cet égard une infraction prévue par le paragraphe (1) de l'article 47, auquel cas une telle somme ne peut être recouvrée plus de soixante-douze mois après la date à laquelle l'obligation est née.

Art. 121. (1) Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité toute personne qui,
     a) à l'occasion d'une demande de prestations, fait sciemment une déclaration ou représentation fausse ou trompeuse.



[14]          Il m'appert que la première question en litige à résoudre est de déterminer si la Commission était justifiée d'estimer que le demandeur avait commis l'infraction prévue au paragraphe 47(1) de la Loi, portant ainsi, tel que le prévoit le paragraphe 49(4) de la Loi, le délai de prescription à soixante-douze mois.



[15]          Pour résoudre cette question centrale, il ressort qu'il y a lieu de s'en rapporter à la décision de cette Cour dans l'arrêt René Charest c. La Reine (décision non rapportée du 4 février 1999, juge Pinard, dossier T-1182-93) (l'affaire Charest) où, en page 9, paragraphe 6, la Cour édicte ce qui suit:

Dans une action semblable, le fardeau de la preuve applicable, soit le fardeau civil selon la prépondérance des probabilités, se déplace selon ce qui est établi par l'une ou l'autre des parties. Il incombe d'abord au prestataire demandeur de simplement prouver que la Commission défenderesse a entamé ses procédures de recouvrement du trop-perçu plus de 36 mois après la date où cette créance a pris naissance. Si cela est fait, il incombe alors à la Commission défenderesse (1) de prouver qu'elle a entamé ses procédures de recouvrement de la créance en question avant l'expiration du 72e mois suivant la date où celle-ci a pris naissance, (2) qu'elle a agi ainsi parce qu'elle était d'opinion que le prestataire demandeur avait commis une infraction au paragraphe 33(1) [anciennement 47(1)] de la Loi et (3) que cette opinion, à la lumière d'une preuve de novo, est justifiée. Quant à cette dernière justification, la seule preuve de l'existence de déclarations fausses ou incorrectes peut parfois suffire à déplacer le fardeau de la preuve et obliger le prestataire demandeur à expliquer pourquoi il a fait ces déclarations incorrectes.1
1 Voir Le Procureur général du Canada c. Katherine Gates (12 mai 1995), A-600-94 (C.F., Appel).



[16]          Ici, il est admis que la mesure de recouvrement a été entamée plus de trente-six mois après la date où la créance a pris naissance et qu'elle a été complétée avant l'expiration du 72e mois suivant ladite date. De fait, la créance est née le 21 janvier 1988, la saisie-arrêt date du 15 novembre 1991 et cette dernière fut complétée le ou vers le 12 novembre 1993.



[17]          Ceci nous amène à l'étape (2) du test de l'affaire Charest. Pour ce faire, il y a lieu de se demander si c'est de façon appropriée que la Commission a examiné la question de savoir si le prestataire savait subjectivement que les déclarations qu'il faisait, à savoir qu'il ne travaillait pas, étaient fausses ou trompeuses (voir l'arrêt Moretto c. P.G. du Canada (décision non rapportée de la Cour d'appel fédérale, 25 mars 1998, dossier A-667-96).



[18]          Pour répondre à cette interrogation et déterminer si cet examen est approprié, il y a lieu de s'en rapporter à l'arrêt Canada c. Gates, [1995] 3 C.F. 17, en page 21, où la Cour d'appel fédérale a établi que l'entité chargée d'apprécier les faits doit aller plus loin que simplement affirmer sa conclusion quant à la crédibilité ou non du prestataire. Cette entité, en l'espèce la Commission, doit évaluer la preuve et tirer des conclusions quant aux faits et à la crédibilité du prestataire.



[19]          Je considère que c'est ce qui a été fait par la Commission en 1988. En effet, la couronne a fait entendre en preuve M. Richard Lévesque qui était à l'époque à l'emploi de la Commission et qui fut chargé en septembre 1986 de procéder à une enquête quant à l'admissibilité du demandeur à des prestations. Ce dernier a procédé à une entrevue avec le prestataire et a par la suite entrepris diverses démarches pour évaluer les dires du demandeur. L'ensemble du dossier d'enquête fut déposé en preuve.



[20]          Après une revue de l'ensemble de ce dossier d'enquête et des explications fournies à l'audition par M. Lévesque et un de ses collègues, M. Yves Landry, relativement au contenu à l'époque du dossier d'enquête, je considère que M. Lévesque, donc la Commission, a évalué de façon appropriée la preuve au dossier et a tiré valablement les conclusions de faits et de crédibilité suivantes que l'on retrouve en pages 5 et 6 du rapport d'enquête:

     La crédibilité du prestataire est tout à fait contredite par ces nouveaux documents. La version du prestataire est peu crédible, et de ce fait (sic) a été beaucoup plus occupé que 15 heures par semaine comme il le prétendait.
     La principale intention et préoccupation était de promouvoir la cie, et les entrées comptables le prouvent, si on les analyse. Aucun document à l'effet qu'il payait M. Herrault avant juin car Herrault Robert était en chômage et l'enquête fut effectuée.
[...]
     En conclusion, le prestataire malgré ses dires forme une compagnie et y consacre le temps et l'énergie nécessaire pour en faire un succès, chose qu'il a réussi (sic) d'ailleurs. Il est donc évident que le prestataire n'avait pas d'autre intention que de se servir des prestations de l'assurance-chômage pour financer les premières semaines d'opération de son commerce et pour s'assurer un revenu. Il nous fait des déclarations qu'il ne peut prouver.
     Je recommande une poursuite judiciaire en vertu de l'article 121 1 a de la loi.
(le double souligné est à l'original)



[21]          On peut donc conclure que la Commission a examiné de façon appropriée la question de savoir si le prestataire savait subjectivement que les déclarations qu'il faisait, à savoir qu'il ne travaillait pas, étaient fausses ou trompeuses.



[22]          Tel que stipulé dans l'affaire Charest, supra, on doit maintenant procéder à l'étape troisième du cheminement qui y est exposé et évaluer si cette opinion de la Commission demeure justifiée à la lumière de ce qui fut établi au procès. Tel que précédemment mentionné par le juge Pinard dans Charest:

Quant à cette dernière justification, la seule preuve de l'existence de déclarations fausses ou incorrectes peut parfois suffire à déplacer le fardeau de la preuve et obliger le prestataire demandeur à expliquer pourquoi il a fait ces déclarations incorrectes.



[23]          Sentant possiblement ce déplacement du fardeau de preuve dans son cas, le demandeur a témoigné à l'audition pour expliquer le contexte de ses déclarations (dont le statut faux est acquis objectivement en raison des décisions du conseil arbitral et du juge-arbitre dans le dossier).



[24]          Que le fardeau de preuve ait été déplacé ou non sur les épaules du demandeur, ce dernier par son témoignage a peu haussé sa crédibilité avec le résultat que par prépondérance de preuve, la Commission a à l'audition justifié de nouveau son opinion à l'effet que le demandeur avait sciemment fait les fausses déclarations en question.



[25]          Bien que je ne puisse conclure n'accorder aucune crédibilité au témoignage du demandeur, j'accorde néanmoins peu de crédibilité à ce dernier puisqu'il s'est avéré somme toute vague et parsemé de contradictions avec des déclarations passées.



[26]          À titre d'exemples de contradictions, je note que le fait que le nombre d'heures travaillées pour l'entreprise était dans l'esprit du demandeur lors de l'audition de 15 heures/mois tandis que par le passé il aurait été de 15 heures/semaine, voire nul. À l'audition le demandeur a indiqué avoir emprunté 5 000$ à son beau-père alors qu'à son examen au préalable il nia ce fait. Lors de son témoignage le demandeur a soutenu que la saisie en l'espèce l'avait contraint à rechercher et à obtenir un contrat d'entretien avec la ville de Boisbriand. Or, à l'étude, on doit constater que ce contrat vise une période antérieure à la date de la saisie. Il est donc difficile de prétendre que la saisie est la cause en partie du contrat.



[27]          Par contre, les témoignages offerts par la Commission à l'audition et les contre-interrogatoires qui ont suivi n'ont pas retranché à la force de l'opinion de la Commission formée en 1988.



[28]          Je ne saurais souscrire également à la prétention du demandeur à l'effet que la Commission a conclu à de fausses prétentions en raison du fait que le demandeur était devenu antipathique aux yeux de l'enquêteur Lévesque et que ce dernier s'était donné comme mission "de lui régler son compte". Les documents mis en preuve à cet égard démontrent simplement que le demandeur aurait été en cours d'enquête impoli avec ledit enquêteur. Hormis les affirmations générales du demandeur en témoignage à l'effet que l'enquêteur aurait été arrogant avec lui, rien dans la preuve ne permet de conclure que l'enquêteur avait un état d'esprit de vengeance. Lors de son contre-interrogatoire ce dernier ne fut pas confronté avec une telle prétention. De plus, lors de son interrogatoire et contre-interrogatoire rien de ses déclarations ne me porte à penser qu'un tel état d'esprit ait pu l'animer. Au contraire, ce dernier a affirmé à quelques reprises que lors d'une enquête telle celle entreprise, la chance est néanmoins donnée au prestataire de se justifier.



[29]          On doit donc répondre par l'affirmative à la question formulée au paragraphe 14 ci-avant, à savoir si la Commission était justifiée d'estimer que le demandeur avait commis l'infraction prévue au paragraphe 47(1) de la Loi, portant ainsi, tel que le prévoit le paragraphe 49(4) de la Loi, le délai de prescription à soixante-douze mois.



[30]          La deuxième question en litige comporte deux volets et consiste à examiner dans un premier temps l'impact possible pour la Commission d'avoir institué sa poursuite judiciaire de nature pénale seulement en mai 1991. Par après, on devra se pencher sur l'effet à accorder au fait que le demandeur a obtenu un acquittement dans le cadre de cette poursuite.



[31]          À mon avis, le demandeur ne peut tirer avantage d'aucune de ces deux situations.



[32]          Quant à la première situation, le demandeur soutient que les défenderesses ont fait revivre les délais de recouvrement et de remboursement déjà prescrits en entreprenant la poursuite sous l'article 121 de la Loi.



[33]          Cet argument est non fondé en fait et en droit. C'est l'opinion valablement formée de la Commission à l'effet que le demandeur avait sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses qui a enclenché dès janvier 1988 l'application des 72 mois de prescription. Quant au fait que cette poursuite ne fut véritablement engagée qu'en mai 1991 alors qu'elle avait été envisagée dès janvier 1988, il fut établi en preuve que ce délai était essentiellement attribuable aux démarches d'appel entreprises par le demandeur dans l'intervalle relativement à son état de chômage. Même si au niveau pénal ce délai a pu avoir un impact, il m'apparaît qu'au plan civil et administratif, il soit acceptable.



[34]          Quant à la deuxième situation, le demandeur prétend qu'en raison du fait que le 21 janvier 1992 il fut acquitté des charges qui pesaient contre lui en vertu de l'article 121, cet acquittement devait avoir un effet sur l'opinion de la Commission, c'est à dire, si je comprends bien, que vu cet acquittement, la Commission devait corriger sa conclusion à l'effet que le demandeur avait sciemment fait de fausses déclarations.



[35]          Je ne partage pas ce point de vue. Il faut savoir premièrement que l'opinion de la Commission est arrivée dans le temps avant l'acquittement. Deuxièmement, cet acquittement n'est pas survenu au terme d'un débat sur le fond mais bien en tout début de procès en raison essentiellement du fait que le demandeur n'avait pas reçu de mise en garde dans le cadre de l'enquête administrative, qu'un délai de poursuite avait été encouru dans le dossier et, finalement, qu'il manquait un original au dossier. L'audition devant la Cour au pénal fut donc extrêmement courte. La Commission a pris le temps d'apprécier cet état de chose et c'est pourquoi elle maintint son opinion malgré cet acquittement au pénal qui relevait somme toute, selon elle, d'arguments techniques. Enfin, tel qu'il fut rappelé par la Cour dans l'affaire Charest, supra, en page 12, le civil ne saurait être lié par le criminel.



[36]          Partant, la Cour ne saurait conclure que la Commission a exercé de façon illégale une saisie-arrêt en main tierce et qu'elle doit en conséquence rembourser au demandeur les sommes saisies. Le jugement déclaratoire recherché par le demandeur lui sera donc refusé.



[37]          Reste toutefois à évaluer la réclamation pour dommages et dommages exemplaires formulée par le demandeur dans sa déclaration d'action.



[38]          À celle-ci, le demandeur indique:

CONDAMNER les défenderesses à verser au demandeur la somme de 5,000.00$ à titre de dommage-intérêts vu le harcèlement des défenderesses [...]
CONDAMNER les défenderesses à des dommages-intérêts exemplaires de 10,000.00$ en raison de la violation flagrante de l'article 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés et du mépris des défenderesses quant à la présomption d'innocence et à l'acquittement prononcé par l'honorable juge Cyrille Morand;



[39]          Le harcèlement pour lequel le demandeur réclame des dommages compensatoires serait survenu, aux dires du demandeur, dans les circonstances suivantes. Durant l'été de 1991, une employée de la Commission l'aurait appelé à répétition pour constamment lui demander de quelle manière il entendait rembourser le trop-payé. Ces appels lui auraient causé du stress et l'auraient amené à faire une dépression.



[40]          La fonctionnaire chargée de percevoir le trop-perçu en l'espèce a témoigné à l'audition avec en main le registre de tous les appels logés ou reçus dans le dossier du demandeur. Il ressort de son témoignage - qui ne fut point affaibli en contre-interrogatoire - que la Commission n'a appelé le demandeur qu'une seule fois pour prendre un arrangement en vue du remboursement du trop-payé et qu'à cette occasion le demandeur s'est montré des plus catégorique à l'effet qu'il n'entendait rembourser en rien ce trop-payé; d'où la saisie-arrêt subséquente qui est une mesure de recouvrement prévue à la Loi.



[41]          Si d'autres appels ont été tenus entre le demandeur et la Commission relativement au remboursement du trop-payé, ce serait le demandeur lui-même qui aurait initié ces appels.



[42]          Vu les circonstances qui précèdent, la Cour ne saurait conclure que le seul appel de la Commission constitue du harcèlement ayant occasionné du stress, voire une dépression. Quant à ces conditions médicales, le demandeur n'a su introduire valablement quelque rapport médical soutenant cet état de fait. De plus, il transpire du témoignage du demandeur que si dépression il y a eu, certains problèmes de relations de travail à l'hôpital où il oeuvrait à l'époque auraient possiblement contribué à cette situation.



[43]          En conséquence, la réclamation du demandeur pour des dommages compensatoires doit être rejetée.



[44]          Il en va tout autant de sa réclamation pour dommages exemplaires.



[45]          À cet égard, pour les motifs indiqués plus avant, rien dans la preuve me permet de conclure que les défenderesses aient cherché à se moquer ou aient méprisé l'acquittement prononcé par le juge Cyrille Morand. C'est pour des motifs bien spécifiques - certains pourraient dire "techniques" - que l'acquittement fut prononcé. La Cour au pénal n'a pas tenu de débat de fond où le demandeur et d'autres témoins auraient été entendus et au terme duquel le demandeur aurait été acquitté. Dans ces circonstances, le maintien de l'opinion de la Commission aurait pu être vu sous un angle différent.



[46]          Quant au recours à l'alinéa 11 d) de la Charte, qu'il suffise pour rejeter cet argument d'énoncer que les protections que cet alinéa renferme s'adressent à un "inculpé" et que le demandeur à quelque moment que ce soit lors du processus civil de saisie ne pouvait être vu comme un inculpé.



[47]          Pour tous ces motifs, cette action du demandeur, tant dans sa conclusion en déclaration que dans ses conclusions en dommages, sera rejetée, le tout avec dépens.


Richard Morneau

     protonotaire


MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 6 juin 2000

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-2986-92

RÉJEAN PLANTE

     Demandeur

ET

SA MAJESTÉ LA REINE

et

LA COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

     Défenderesses



LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:les 23 et 24 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DU JUGEMENT:le 6 juin 2000



ONT COMPARU:


Me Claudine Barabé

Me William de Merchant

pour le demandeur

Me Carole Bureau

Me Paul Deschênes

pour les défenderesses

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Campeau, Ouellet & Associés

Montréal (Québec)

pour le demandeur

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour les défenderesses

__________________

1      La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada est désormais désignée comme la Commission de l'assurance-emploi du Canada en vertu de la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines , L.C. 1996, ch. 11 (TR-96-70). Voir à cet effet le paragraphe 41(2) de cette loi qui prévoit que cette nouvelle commission prend la suite de l'ancienne comme partie dans toutes les procédures judiciaires en cours à la date d'entrée en vigueur.

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