Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                                            Date : 20020704

                                                                                                                                         Dossier : T-573-02

                                                                                                               Référence neutre : 2002 CFPI 739

Entre :

                                                                 RICHARD NAULT

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

        La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision du président du Tribunal disciplinaire de l'Établissement Cowansville (le « président » ) rendue le 28 mars 2002 trouvant le demandeur coupable de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.R. (1992), ch. 20 (la « Loi » ).


        Le demandeur est détenu à l'Établissement de détention de Cowansville. Le 13 février 2002, il a reçu un « avis pour fournir un échantillon d'urine en établissement » aux termes du paragraphe 54a) de la Loi. Il a fourni un échantillon d'urine de 30 millilitres alors que l'agent lui demandait de fournir l'échantillon minimal requis de 40 millilitres. Il a refusé de fournir dix millilitres supplémentaires et de bénéficier de la période allouée de deux heures pour ce faire. Le demandeur a donc reçu un rapport d'infraction disciplinaire en vertu du paragraphe 40l) de la Loi pour avoir omis de fournir l'échantillon demandé. Le président l'a reconnu coupable de l'infraction reprochée. Le demandeur demande ici le contrôle judiciaire de cette décision.

        Les dispositions législatives et la directive du commissaire pertinentes se lisent ainsi :

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition :


40. An inmate commits a disciplinary offence who

[. . .]

(l) fails or refuses to provide a urine sample when demanded pursuant to section 54 or 55;


40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :

[. . .]

l) refuse ou omet de fournir l'échantillon d'urine qui peut être exigé au titre des articles 54 ou 55;



54. Subject to section 56 and subsection 57(1), a staff member may demand that an inmate submit to urinalysis

(a) where the staff member believes on reasonable grounds that the inmate has committed or is committing the disciplinary offence referred to in paragraph 40(k) and that a urine sample is necessary to provide evidence of the offence, and the staff member obtains the prior authorization of the institutional head;

(b) as part of a prescribed random selection urinalysis program, conducted without individualized grounds on a periodic basis and in accordance with any Commissioner's Directives that the regulations may provide for; or

(c) where urinalysis is a prescribed requirement for participation in

(i) a prescribed program or activity involving contact with the community, or

(ii) a prescribed substance abuse treatment program.


54. L'agent peut obliger un détenu à lui fournir un échantillon d'urine dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) il a obtenu l'autorisation du directeur et a des motifs raisonnables de croire que le détenu commet ou a commis l'infraction visée à l'alinéa 40k) et qu'un échantillon d'urine est nécessaire afin d'en prouver la perpétration;

b) il le fait dans le cadre d'un programme réglementaire de contrôle au hasard, effectué sans soupçon précis, périodiquement et, selon le cas, conformément aux directives réglementaires du commissaire;

c) l'analyse d'urine est une condition - imposée par règlement - de participation à un programme ou une activité réglementaire de désintoxication ou impliquant des contacts avec la collectivité.


55. Subject to section 56 and subsection 57(2), a staff member, or any other person so authorized by the Service, may demand that an offender submit to urinalysis

(a) at once, where the staff member or other authorized person has reasonable grounds to suspect that the offender has breached any condition of a temporary absence, work release, parole or statutory release that requires abstention from alcohol or drugs, in

55. L'agent ou toute autre personne autorisée par le Service peut obliger un délinquant à lui fournir un échantillon d'urine :

a) soit sur-le-champ lorsque la permission de sortir, le placement à l'extérieur ou la libération conditionnelle ou d'office sont assortis de conditions interdisant la consommation de drogues ou d'alcool et que l'agent ou la personne a des motifs raisonnables de



order to monitor the offender's compliance with that condition; or

(b) at regular intervals, in order to monitor the offender's compliance with any condition of a temporary absence, work release, parole or statutory release that requires abstention from alcohol or drugs.


soupçonner la contravention à une de ces conditions;

b) soit régulièrement lorsque la permission de sortir, le placement à l'extérieur ou la libération conditionnelle ou d'office sont assortis de conditions interdisant la consommation de drogues ou d'alcool.


Directives du Commissaire, no 566-10, 2001-10-17, publiées en vertu de l'autorité de la commissaire du Service correctionnel du Canada :


8. Urine sample: a quantity of urine of at least 40 ml, supplied at one time, sufficient to permit analysis by an authorized laboratory.


8. Échantillon d'urine : un échantillon d'urine d'au moins 40 ml, fourni en une seule prise, suffisant pour en permettre l'analyse par un laboratoire autorisé.


        Le demandeur allègue premièrement que le président a erré en le condamnant alors qu'il n'avait pas reçu l'avis pour fournir un échantillon d'urine. Je suis d'avis que cette allégation est sans mérite. L'avis est en fait signé par le demandeur en date du 13 février 2002 et il indique : « Je, le(la) soussigné(e), déclare que j'ai été informé(e) des motifs pour lesquels un échantillon d'urine est requis et je comprends les conséquences du non-respect de cette demande. . . . » .

        Deuxièmement, le demandeur prétend que le président a erré en le condamnant sans qu'il n'ait eu l'occasion de formuler des motifs à l'encontre de l'ordre de fournir un échantillon d'urine.

        Or, la rubrique deux de l'avis porte sur les objections pouvant être soumises par le détenu avant de fournir l'échantillon :

Lorsque l'autorisation est donnée, le(la) détenu(e) doit être informé(e) qu'il(elle) a jusqu'à 2 heures pour présenter ses objections quant à la demande de fournir un échantillon d'urine, au directeur ou au coordonnateur du Programme d'analyse d'urine.


        Des espaces sont prévus pour indiquer si le demandeur entend formuler des objections ou non, et d'autres espaces sont prévus, dans le cas où des objections sont soumises, pour indiquer si on continue à ordonner de fournir l'échantillon ou si la demande de fournir est annulée. En l'espèce, aucun de ces espaces n'a été rempli.

        De plus, à la rubrique cinq de l'avis, il est porté à l'attention du détenu de « lire avant de signer » . La signature du demandeur, qui par le passé s'était déjà soumis à une quinzaine de tests similaires, apparaît au document.

        À la lumière de ces faits, je suis d'avis qu'il est raisonnable de croire que le demandeur n'a pas été empêché de soumettre des objections, puisqu'il a été informé de son droit d'en soumettre et qu'il ne s'en est tout simplement pas prévalu.

      Le demandeur allègue finalement que le président a erré en justifiant le caractère vague et imprécis des motifs au soutien de l'ordre de fournir un échantillon d'urine pour des raisons de sécurité.

      Contrairement à l'arrêt Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74 (C.A.), à la page 77, où aucune indication n'avait été fournie au demandeur sur la nature des motifs de croire qu'il avait introduit du cyanure dans la prison, l'avis pour fournir un échantillon d'urine en l'espèce (1) mentionnait clairement au demandeur que l'information venait d'une source; (2) donnait des circonstances de temps ( « le dernier week-end de janvier et le premier week-end de février » ) et (3) indiquait que le demandeur avait été vu à consommer.


      Lors de l'audition disciplinaire, monsieur Châteauneuf, l'agent désigné par le Service correctionnel, a témoigné à l'effet qu'il ne pouvait être transmis au demandeur plus d'informations sans risquer de mettre en danger la sécurité de l'informateur. Je suis d'opinion que l'avis présenté au demandeur, dans les circonstances, comportait plusieurs détails significatifs justifiant les motifs raisonnables qu'avaient les autorités carcérales de croire que le demandeur avait introduit dans son corps une substance intoxicante (voir Picard c. Procureur général du Canada (6 décembre 1995), T-1150-95).

      Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 juillet 2002


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           T-573-02

INTITULÉ :                                                          Richard Nault c. Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 Le 4 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :            L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                                                    4 juillet 2002                                           

ONT COMPARU :

Me Daniel Royer                                                   POUR LE DEMANDEUR

Me Éric Lafrenière                                               POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Labelle, Boudrault, Côté et Associés      POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.