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     Date: 19971125

     Dossier: IMM-4041-96

ENTRE :

     ROBERTO ARTURO RUBILAR UTILLANO

     LIDIA GLORIA ORTIZ PEREZ

     PAULA ANDREA RUBILAR ORTIZ

     GONZALO ANDRES RUBILAR ORTIZ

     CAMILA ABIGAL RUBILAR ORTIZ

     JOHANA FRANACIS RUBILAR ORTIZ

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 15 octobre 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que le requérant principal, Roberto Arturo Rubilar Utillano, son épouse Lidia Gloria Ortiz Perez et ses enfants, Paula Andrea, Gonzalo Andres, Camila Abigal et Johana Franacis Rubilar Ortiz, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention et concluant en outre à l'absence de minimum de fondement de leurs revendications. Les requérants sont tous citoyens chiliens et les revendications de l'épouse et des quatre enfants sont basées sur celle du requérant principal.

[2]      Tel qu'il appert de la décision visée par la présente demande, la Section du statut, après avoir résumé les faits, s'est exprimée comme suit:

             Nous avons confronté le revendicateur au fait que d'une part, on pourrait se poser des questions à savoir pourquoi on s'en prenait constamment à lui alors qu'au Chili, il y a eu depuis 1989, deux élections libres. Il y a une liberté de presse au Chili et les gens peuvent manifester et il le font d'ailleurs, leurs problèmes ou leur désaccord avec le gouvernement de façon presque quotidienne.                 
             De plus, concernant les relations syndicales au Chili, dans A-15, il est fait mention qu'il n'y a pas particulièrement de tension entre les carabiniers et les syndicalistes. Il y a des problèmes de négociations d'entente de travail mais ici on ne parle pas de persécution. De plus, nous l'avons confronté au fait que dans A-22 et dans A-28, s'il y a des abus, la question des abus commis par les carabiniers, ceux-ci peuvent être condamnés par les cours de justice.                 
             D'ailleurs, à cet effet, 249 carabiniers ont déjà été congédiés pour s'être conduits d'une façon inacceptable.                 
             Le tribunal ne croit pas la version du demandeur à l'effet qu'on s'acharnerait continuellement contre lui dû au fait qu'il aurait fait une déclaration à la radio sur les négociations qui se déroulaient à ce moment-là entre le syndicat et la partie patronale.                 

[3]      Il s'agit ici essentiellement d'une question de fait et de crédibilité. Or, à cet égard, la décision du tribunal m'apparaît fondée sur d'importants éléments de preuve au dossier, notamment les documents A-15, A-22 et A-28, formant partie de la preuve documentaire sur le Chili. Bien que l'ensemble de cette preuve documentaire, comme je l'ai déjà souligné dans d'autres cas semblables, ne révèle pas toujours une situation aussi favorable que celle ressortissant de la décision du tribunal, il n'en demeure pas moins que cette preuve comportait suffisamment d'éléments sérieux pouvant supporter sa décision. Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315, Monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a décrit le critère de retenue applicable en regard d'une conclusion de crédibilité par semblable tribunal, à la page 316:

             Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié à pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron , la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.                 

[4]      Dans Zhou c. M.E.I. (18 juillet 1994), A-492-91, Monsieur le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, a confirmé qu'il est loisible au tribunal d'accorder plus de poids à la preuve documentaire soumise qu'au témoignage du requérant:

             We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed.                 

[5]      Au même effet, Monsieur le juge Noël, de cette Cour, a rendu deux décisions, dans Victorov c. M.C.I. (14 juin 1995), IMM-5170-94, et Andrade et al. c. M.C.I. (5 mai 1997), IMM-2361-96, cette dernière décision étant toute récente. Dans Victorov, la Cour a noté ce qui suit:

             Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l'agent d'audition au début de l'audition et étaient énumérés dans l'index du cartable sur l'État d'Israël reçu par les requérants avant l'audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C'est ce qu'il a fait.                 

[6]      Dans Andrade, où les requérants sont tous deux citoyens du Chili, Monsieur le juge Noël a écrit:

             Les Requérants ne mettent pas en question les faits tels qu'ils furent relatés par le tribunal. Il lui reproche cependant d'avoir mis de côté leur revendication à la seule lumière de la preuve documentaire. Selon les Requérants, le tribunal se devait d'accepter le témoignage non-contredit du Requérant principal.                 
             Je ne suis pas de cet avis. La décision du tribunal n'est pas fonction exclusive de la preuve documentaire. Ce sont les événements relatés par le Requérant principal qui, lorsque considérés à la lumière de cette preuve documentaire, ont poussé le tribunal à conclure à l'invraisemblance de son histoire. Après avoir considéré le témoignage du Requérant principal, j'en conclus que le tribunal était en droit de tirer cette conclusion.                 
             Les Requérants reprochent aussi au tribunal d'avoir ignoré la preuve documentaire susceptible de confirmer les événements qu'ils disent avoir vécus. Je suis plutôt d'avis que le tribunal a répondu à l'invitation qui lui fut faite par l'agent chargé de la vérification d'évaluer la logique du récit du revendicateur principal à la lumière des conditions que laissent entrevoir la prépondérance de la preuve documentaire. Rien ne laisse croire que ce faisant, le tribunal n'a pas porté une oreille attentive à toute la preuve qui était devant lui.                 

[7]      En l'espèce, étant d'avis que les requérants ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut ne pouvaient pas raisonnablement l'être, les conclusions suivantes de ce tribunal ne peuvent qu'être maintenues:

             Après avoir analysé la preuve présentée, nous déterminons d'une part, que le revendicateur, monsieur Roberto Arturo RUBILAR UTILLANO, ne s'est pas déchargé de son fardeau de preuve que lui impose la Loi de nous démontrer qu'il a une crainte raisonnable d'être persécuté, advenant son retour au Chili. De plus, nous concluons qu'il y a absence de minimum de fondement à cette revendication.                 
             Dans ces conditions, nous ne pouvons lui reconnaître le statut de réfugié, tel que défini à l'article 2(1) de la Loi sur l'immigration, ni à sa femme, ni à ses enfants qui basent leurs revendications sur la sienne. Nous concluons également à l'absence de minimum de fondemenr (sic) de leurs revendications.                 

[8]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

                            

                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 novembre 1997



COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-4041-96

INTITULE : Roberto Arturo Rubilar Utillano et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE : Montreal (Quebec) DATE DE L'AUDIENCE : le 13 novembre 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD EN DATE DU 25 novembre 1997

COMPARUTIONS

Me Oscar Fernarndo Rodas POUR LA PARTIE REQUERANTE

Me Jocelyne Murphy POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. George Thomson POUR LA PARTIE INTIMEE Sous-procureur general du Canada

Me Rodas POUR LA PARTIE REQUERANTE Montreal (Quebec)

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